Abbaye Notre-Dame de Bon-Repos

L'abbaye Notre-Dame de Bon-Repos (en breton abati Itron-Varia a Verrepoz) est située sur la commune de Saint-Gelven dans le département des Côtes-d'Armor, en région Bretagne, en France. Elle se trouve le long du Blavet, également Canal de Nantes à Brest à cet endroit.

Pour les articles homonymes, voir Abbaye Notre-Dame.

Abbaye Notre-Dame de Bon-Repos

Le logis abbatial restauré.

Nom local Bona-Requies
Diocèse Saint-Brieuc
Patronage Notre-Dame
Numéro d'ordre (selon Janauschek) CCCCXX (420)[1]
Fondation 23 juin 1184
Cistercien depuis 1184
Dissolution 1790
Abbaye-mère Savigny
Lignée de Clairvaux
Abbayes-filles Aucune
Congrégation Ordre cistercien (1184-1790)
Période ou style
Protection  Inscrit MH (1940)[2]

Coordonnées 48° 12′ 41″ nord, 3° 07′ 36″ ouest[3]
Pays France
Province Duché de Bretagne
Région Bretagne
Département Côtes-d'Armor
Commune Bon Repos sur Blavet
Site http://www.bon-repos.com/
Géolocalisation sur la carte : Côtes-d'Armor
Géolocalisation sur la carte : Bretagne
Géolocalisation sur la carte : France

Cette abbaye fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [2].

Histoire

Fondation

L'abbaye cistercienne fut fondée le par le vicomte Alain III de Rohan et son épouse Constance de Penthièvre de Bretagne, en forêt de Quénécan sous le nom de "Sanctae Mariae de Bona Requie" en présence de Dom Pierre, abbé de Clairvaux, de Dom Simon abbé de Savigny et de Raoul II de Fougères. La première communauté l'occupant viendra d'ailleurs de l'abbaye de Savigny-le-Vieux. Le choix du site est judicieux car il dispose de ressources naturelles : bois et eau y sont abondants.

Selon Jean de Rostrenen[Note 1], le vicomte poursuivait un grand cerf en forêt de Quénécan et, fatigué, il s'endormit en un lieu où, pendant son sommeil, il aurait rêvé qu'il fondait une abbaye à cet endroit, ce qu'il décida à son réveil de faire, voulant qu'elle fut appelée l'abbaye de Bon-Repos car il s'y était bien reposé ; mais le vicomte ayant désigné ce couvent pour y recevoir sa sépulture, on peut penser que c'est plutôt une allusion à son repos éternel[4].

Alain III de Rohan fait don à l'abbaye de six villæ et de deux autres fermes, des droits de prendre du bois et de pacage en forêt de Quénécan, du droit de construire viviers, écluses et moulins sur le Blavet, de la colline de Corlay et de l'église de Foleborne avec ses dépendances dans l'évêché d'Ely en Angleterre.

Période médiévale

L'abbaye connaît un essor important entre le XIIIe siècle et le XVIe siècle grâce à de nombreuses donations, notamment de la famille de Rohan (par exemple celle faite en 1225 par le vicomte Olivier de Rohan avant son départ à la sixième croisade), et au travail des moines (les moines, trop peu nombreux, font appel à des frères convers, en ouvrant les premières granges en 1235 à Caurel.). Vers la fin du XIIIe siècle les possessions de l'abbaye s'étendent sur 27 paroisses et trèves. La création de domaines congéables entraîne la prospérité économique pour l'abbaye et une situation pour l'abbé et les moines de type domination féodale sur les paysans.

La crypte de l'église abbatiale servira entre 1196 et 1516 de sépulture à treize vicomtes de la grande famille de Rohan (dont par exemple Alain VII de Rohan, tué à la bataille de Mauron le et Jean II de Rohan en 1516, le dernier vicomte à y être enterré), ainsi qu'à plusieurs de leurs épouses.

Vers la fin du XIVe siècle l'abondance des biens temporels de l'abbaye entraîne un relâchement de la morale religieuse ; le supérieur général de l'ordre, Nicolas, abbé de Cîteaux, rappelle en 1387 leurs devoirs aux moines et procède à une réforme de l'abbaye qui est mise sous la tutelle de ses consœurs, l’abbaye de Boquen et l’abbaye de Coatmalouen.

Tout au long du XVe siècle siècle, la décadence se poursuit : les moines négligent l'entretien des bâtiments, font des « fêtes païennes » et négligent même le culte, ce qui oblige le pape Grégoire XII à rédiger une bulle leur rappelant leurs devoirs en 1415.

En 1469, l’abbé Alain de Penguily est accusé de « maléfices, délits et mauvaise administration » et l'ordre des Cisterciens diligente une enquête.

À la fin du XVe siècle l'abbaye dispose des droits de basse, moyenne et haute justice (avec gibet et fourches patibulaires) et dispose d'un revenu élevé, mais les moines fréquentent les tavernes des environs et reçoivent des femmes à l'abbaye.

La famille de Rohan, s'étant convertie au protestantisme, cesse sa protection de l'abbaye, mais la relève est prise par la famille de Rohan-Guémené, seigneur de Corlay[4].

La commende

Prospère jusqu'au XVIe siècle, l'abbaye devient alors royale en 1491 à la suite du mariage d'Anne de Bretagne avec Charles VIII ; sur décision de François Ier, elle passe sous le régime de la commende en 1516 (les abbés sont nommés par le roi, mais ne résident pas sur place, se contentant d'en percevoir les revenus ; ils confient la gestion de l'abbaye à un prieur). Commence pour elle une période de déchéance.

L'essor du protestantisme dans la région, favorisé par les vicomtes de Rohan devenus protestants, entraîne une régression des revenus de l'abbaye, notamment en raison des difficultés rencontrées pour la perception des dîmes ; les moines se retrouvent presque sans ressources pendant les guerres de Religion, d'autant plus qu'un seigneur local, Troilus de Mesgouez, s'est emparé de l'abbaye dès 1589, n'en abandonnant la jouissance qu'à sa mort survenue en 1606.

Le déclin se poursuit tout au long du XVIIe siècle, des moines allant même jusqu'à se servir d'armes et commettre des actes de brigandage (par exemple à Caurel en 1674)[4].

Cette décadence s'achève au XVIIIe siècle par l'arrivée à la tête de l'abbaye en 1683 de l'abbé Philippe Alexandre Montault-Navaille de Saint-Geniès, qui reprend en main l'abbaye ruinée et la restaure (aristocrate mondain, « rêvant d’une vie de château, il décide de rebâtir « Bon-Repos », pour en faire son palais abbatial[5]), y faisant aussi construire de nouvelles dépendances en 1730 ; mais il meurt en 1734.

L'abbaye redevient alors assez prospère pendant une trentaine d'années. Plusieurs de ses abbés sont alors issus de la famille de Rougé et du Plessis-Bellière, une ancienne famille bretonne. Mais en 1768 il ne reste plus que huit moines dans l'abbaye.

Destructions

Façade du logis abbatial ruiné.

À la Révolution française de 1789, les 4 derniers moines de l'abbaye de Bon Repos fuient vers l'Angleterre et laissent l'abbaye à l’abandon. Cette date marque la fin de la vie monastique au sein de cette dernière. En 1791, un inventaire est réalisé dans l'abbaye par les révolutionnaires, puis elle est vendue comme bien national (son mobilier est dispersé), et achetée d'abord par Jean-Baptiste Turquetit, un architecte de Pontivy, qui la revend rapidement à un tisserand révolutionnaire, Julien Le Bris[Note 2], maître tisserand de Rostrenen, qui y installa une manufacture de textile. Ce n'est qu'en 1796 qu'elle sera pillée - et non brûlée - par les chouans qui l'occuperont à plusieurs reprises comme caserne (elle sert un moment de quartier général à l'état-major de la 8e légion de l'Armée catholique et royale de Bretagne) ou comme refuge exceptionnel, par exemple à Pierre Guillemot en mai 1800. Elle subit aussi un pillage de la part de soldats de la Révolution : « En janvier [1794] (...) quatre hommes de la division du Cheyla envahissent l'Abbaye de Bon-Repos, dont le propriétaire, pour son bonheur, est absent, démolissent son mobilier et emportent sur plusieurs charettes un butin de toiles et de linge »[6].

Entre 1806 et 1835, la fabrique de Saint-Mayeux se servit de pierres de l'abbaye pour reconstruire l'église paroissiale, qui s'était écroulée ; le clocher de l'église abbatiale est remonté quasi à l'identique à Saint-Mayeux.

Elle servit ensuite d'abri aux constructeurs du canal de Nantes à Brest, puis tomba pour de longues années à l'abandon.

En 1847, Cayot-Délandre[Note 3]. écrit que l'abbaye est en « complète dévastation ». En 1857 le comte Henri de Janzé[Note 4] acquiert les ruines de l'abbaye[4].

L'abbaye au XXe siècle

L'abbaye de Bon-Repos en ruines (cartes postales du début du XXe siècle)

Hervé du Halgouët écrit en 1924 que « tout ce qui pouvait indiquer le caractère architectonique [architectural] de Bon-Repos aux XIIe siècle et XIIIe siècle a disparu, si ce n'est une partie d'un bas-côté de l'église, avec un pilier. L'édifice du XVIIIe siècle subsiste, encore imposant »[7].

En 1940 Auguste Dupouy témoigne que « la classique façade disparaît à demi sous le lierre, l'intérieur est devenu la proie des ronces et des arbres (...). Seuls les communs sont occupés »[8].

Restaurations

L'abbaye n'était plus qu'à l'état de ruines quand en 1986, l'association des Compagnons de l'abbaye de Bon-Repos a entrepris un long travail qui a porté ses fruits avec la rénovation totale de l'angle sud-est de l'abbaye qui est désormais ouverte au public. Ces travaux sont financés localement dans un premier temps par des dons, et par la suite, par le Fonds européen de développement économique et régional (FEDER) à hauteur de 75%, l’État français, le Conseil Régional, le Conseil Général et les collectivités territoriales.

L'abbaye de Bon-Repos est désormais inscrite à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Aujourd'hui

Ruines du pigeonnier et à l’arrière-plan, gradins accueillant les spectateurs lors des spectacles.

Spectacles

Chaque été, depuis 1987, elle est le théâtre d'un spectacle de son et lumière. Une fresque historique qui, deux heures durant, occupe une scène de deux hectares avec, en toile de fond, la façade de l'Abbaye. Pour ses trente ans, le spectacle a fait peau neuve en 2017.

"Alors vous, en habit du passé. Vous, hommes et femmes de maintenant. Et vous, gens de bonne volonté. Debout. Debout pierres qui ce soir ont compté. Comme le Phénix renaissant de ses cendres, voici Bon-Repos !" (extrait du spectacle).

Sport

L'abbaye de Bon Repos est le site de départ et d'arrivée du trail de Guerlédan depuis 1998.

L'abbaye de Bon Repos lors du trail de Guerlédan

Gestion

Aujourd'hui, l'abbaye est une propriété du conseil départemental, l'abbaye étant toujours gérée par l'association des compagnons.

Filiation et dépendances

Notre-Dame de Bon-Repos est fille de l'abbaye de Savigny

Abbés de Notre-Dame de Bon-Repos

Entre sa fondation en 1184 et 1790, l'Abbaye Notre-Dame de Bon-Repos eut à sa tête 38 abbés dont 18 commendataires.

Abbés réguliers

  • 1. Lucas (décédé entre 1184 et 1195)
  • 2. Gauthier (décédé avant 1207)
  • 3. Guillaume Ier (1210)
  • 4. Richard (mort vers 1212/1213)
  • 5. Geoffroi (1221-1231)
  • 6. Valtus (1238)
  • 7. Guillaume II (1246)
  • 8. Riwallon Ier (1248-1288)
  • 9. Auffroi (1323-1330)
  • 10. Riwallon II (1330-1356)
  • 11. Henri Ier David (1356-1362)
  • 12. Guillaume III de Quemper (1362-1381)
  • 13. Yves Ier de Quemper (1392-1410)
  • 14. Yves II Malescot (1424-1443)
  • 15. Henri II le Barbu (cité 1451, résigne 1464)
  • 16. Alain de Penguily (31 mai 1465, résigne 1483)
  • 17. Henri III de Boisberthelot (1484, mort en 1502)
  • 18. Yves III Loret (1501)
  • 19. Guillaume IV Le Feuvre (1505-1507)
  • 20. Hervé de Lannion (1524, mort en 1534)

Abbés commendataires

  • 21. Renaud Bouchetel (1534-1536)
    • Guillaume de Cacé élu par les religieux, mais non nommé
  • 22. Guillaume V Lateranus de La Cosse (1537, mort en 1562)
    • Jean du Quellenec élu par les religieux, mais non nommé
  • 23. Jean Ier Rousselet (1563, mort 1579)
  • 24. François Ier Le Ny (1579, résigne en 1606)
  • 25. Antoine de Morri de La Vallière (1606)
  • 26. Guillaume VI de Peyrat (1609)
  • 27. Michel Ier Le Roy nommé ne prend pas possession.
  • 28. Claude Ier de Guillier (1620-1628)
  • 29. Claude II de Guillier (1625, mort en 1646)
  • 30. Michel II Mazarin (1646, mort en 1648)
  • 31. Olivier Ier Luzenac (1653)
  • 32. Olivier II Le Barbu (1656-1669)
  • 33. Henri-François Ier de Rougé du Plessis-Bellière (1669) (voir Famille de Rougé)
  • 34. Charles Nicolas de Rougé du Plessis-Bellière
  • 35. Philippe-Alexandre de Montault de Beynac de Navailles de Saint-Geniès (1685, mort en 1734)
  • 36. Jacques David du Menou (1734, mort le )
  • 37. François II Allaire (1761, mort en 1776)
  • 38. Jean II Alain Colin de La Biochaye (1776, dépouillé en 1790) émigre à Jersey où il meurt en 1796. Il était auparavant abbé de l'Abbaye Notre-Dame du Tronchet sous le nom de Jean-Hyacinthe Collin de la Biochaye, fils de François Collin, Sg de la Biochaye, Président au Parlement de Bretagne. Il fut Chanoine et archidiacre de Dol et Portion et également Chantre et Vicaire général de Dol, chanoine de Saint-Malo. Il résigna le Tronchet en 1776.

Bibliographie

  • Charles Floquet, Au cœur de l'Arcoat. La Bretagne intérieure : L'abbaye de Bon-Repos, France-Empire, (ISBN 978-2-7048-0034-6).
  • Charles Floquet et Gilles Gilles, Abbaye de Bon Repos, Naissance et Renaissance, Éditions des montagnes noires (ISBN 978-2-913953-20-8).
  • Patrick Huchet, L'Abbaye de Bon Repos Éditions Ouest-France 2009 (ISBN 978-2-7373-4799-3)
  • François Moal, Bon repos : une Abbaye pour la paix Éditions Keltia Graphic (1994) (ISBN 978-2-906992-26-9)
  • Gérard Danet, Châteaux et abbayes du Moyen Âge en Côtes d'Armor Éditions Ouest-France (ISBN 978-2-7373-4756-6)
  • Marc Déceneux, La route des abbayes en Bretagne Éditions Ouest-France (ISBN 978-2-7373-3222-7)
  • Biennale des Abbayes Bretonnes, Les Abbayes Bretonnes Le Sarment Éditeur Fayard Paris (1983) (ISBN 978-2-213-01313-8) pages 417 à 427.
  • Abbé Tresvaux, L'Église de Bretagne depuis les commencements jusqu'à nos jours Éditions Méquignon Junior (1839)

« La flèche de l’abbaye de Bon-Repos » un roman policier de Yves Dewulf, aux éditions des Montagnes Noires

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Jean II du Pont-l'Abbé (1422-1478), aussi appelé Jean II de Rostrenen, en raison de son mariage avec Marguerite de Rostrenen.
  2. Julien Le Bris, surnommé "Le Toileux", né le à Lanrivault en Saint-Connec, décédé le à Rostrenen.
  3. François Marie Cayot-Délandre, secrétaire de la "Société polymathique du département du Morbihan", « Le Morbihan, son histoire et ses monuments », 1847.
  4. Henri de Janzé, comte, conseiller d'état, né le à Brest, décédé le à Paris.

Références

  1. (la) Leopold Janauschek, Originum Cisterciensium : in quo, praemissis congregationum domiciliis adjectisque tabulis chronologico-genealogicis, veterum abbatiarum a monachis habitatarum fundationes ad fidem antiquissimorum fontium primus descripsit, t. I, Vienne, , 491 p. (lire en ligne), p. 164 & 165.
  2. Notice no PA00089615, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. « Bonrepos », sur http://www.cistercensi.info, Ordre cistercien (consulté le ).
  4. Floquet 1982, p. 71-99.
  5. « Abbaye de Bon-Repos. L'histoire », sur Abbaye de Bon-Repos (consulté le ).
  6. Hervé Pommeret, L'esprit public dans le département des Côtes-du-Nord pendant la Révolution (1789-1799) : essai d'histoire politique d'un département breton, Saint-Brieuc, Impr. libr. René Prud'homme, (lire en ligne), page 341.
  7. Contribution à l'étude du régime seigneurial dans l'ancienne France. II. Le Duché de Rohan et ses seigneurs accompagné d'une carte et de notices sur les principales seigneuries du fief, Saint-Brieuc, René Prud'homme, Paris, Édouard Champion, éditeur, 1925, 308 p.
  8. Auguste Dupouy, La Basse-Bretagne, éditions B.Arthaud, Grenoble 1940.
  • Portail de l’architecture chrétienne
  • Portail du monachisme
  • Portail des monuments historiques français
  • Portail des Côtes-d’Armor
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.