Abbaye royale de Longchamp
L'abbaye royale de Longchamp, également appelée couvent ou abbaye de l'Humilité Notre-Dame, est un ancien monastère français fondé en 1255 par Isabelle de France, sœur de saint Louis, dans la paroisse d'Auteuil aux limites nord de Longchamp, le champ communal du hameau des Menus lès Saint-Cloud qui s'étire alors entre la rive droite de la Seine et la forêt du Rouvray.
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Abbaye royale de Longchamp | ||||
L'abbaye de Longchamp au XVIIe siècle, d'apres la gravure d'Israël Silvestre. En arrière-plan, le calvaire du mont Valérien. | ||||
Présentation | ||||
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Culte | Catholique romain | |||
Géographie | ||||
Pays | France | |||
Région | Île-de-France | |||
Département | Paris | |||
Ville | Paris | |||
Coordonnées | 48° 51′ 30″ nord, 2° 14′ 02″ est | |||
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Île-de-France
Géolocalisation sur la carte : Paris
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Symbole du dérèglement des couvents devenus mondains et de l'enfermement des filles rebelles à leurs pères, elle est détruite à la Révolution. Son site est occupé de nos jours par l'hippodrome de Longchamp et le château de Longchamp.
Histoire
Fondation royale
Isabelle de France, fille du roi de France Louis le Lion et de Blanche de Castille, entreprend en 1255 la construction d’une abbaye dans la forêt de Rouvray, actuel bois de Boulogne. Proche de Paris, le terrain, qui relève de la censive de l'abbaye royale de Saint Denis, a été concédé par son frère, le roi Louis IX. Le futur Saint Louis, très attaché à sa sœur, l'a autorisée à consacrer une somme de trente mille livres, soit la somme qu’elle aurait eue comme dot, pour la construction du monastère. La première pierre est posée le par le roi en personne[1].
Le monastère de Longchamp est achevé en 1259. Il accueille les premières clarisses (de l’obédience de Saint-Damien), venues de l'abbaye des Filles-de-Saint-Damien-d'Assise de Reims, le . En s’inspirant de la règle écrite par sainte Claire, Isabelle a composé elle-même une règle, un peu moins sévère, approuvée par Alexandre IV le . Saint Bonaventure, ministre général des Franciscains et d’autres frères l'ont conseillée ; il prêche plusieurs fois à Longchamp et rédige un traité de vie spirituelle dédié à Isabelle : De Perfectione vitae ad sorores (La vie parfaite, pour les sœurs). Le monastère est consacré à « l’humilité de la Bienheureuse Vierge Marie ».
À partir de 1260, Isabelle vient s’installer dans une petite maison, construite pour elle dans l’enclos du monastère, pour partager la vie et la prière des sœurs, mais elle ne fait jamais profession religieuse. En 1263, elle obtient du pape Urbain IV un remaniement de la règle. Cette dernière rédaction est adoptée par plusieurs monastères en France et en Italie (clarisses urbanistes).
Isabelle meurt le . Elle est enterrée dans l’église du monastère. Après la mort de Saint Louis à Tunis la même année, Charles d’Anjou, frère du roi et d’Isabelle, demande à une dame de compagnie d’Isabelle d’écrire sa vie, en vue de sa canonisation. Agnès d'Harcourt publie ce récit hagiographique, vers 1280, mais Isabelle n'est béatifiée qu’en 1521 par le pape Léon X (bulle Piis omnium).
En , le roi Philippe V le Long, dont la sœur a reçu le prénom d'Isabelle, pose la première pierre de l'église voisine de Notre Dame de Boulogne. Il meurt à Longchamp le , sept ans avant l'inauguration du pèlerinage de Boulogne sur Seyne qu'il avait appelé de ses vœux et qui restera étroitement associé à l'abbaye. Sa fille Blanche est religieuse à Longchamp de 1317 à sa mort 1358.
En 1360, les Anglais pillent le couvent et les religieuses se réfugient à Paris[2].
En , par ses lettres patentes, Louis XI renouvelle la protection royale octroyée par ses prédécesseurs[3].
Les fêtes de l'abbaye
Au XVIe siècle, cette communauté connaît des dérèglements. Le Roux de Lincy[4] signale que l'expression « être de l'abbaye de Longchamp » se disait « à Paris d'un homme qui aime les femmes ».
En 1585, l'abbaye, qui détient depuis la guerre de Cent Ans et le pillage de l'abbaye, le fief dit de Longchamp à Chaillot, acquiert le fief de la Bretonnerie, également appelé fief de la Petite Bretonnerie.
Au XVIIIe siècle, l'abbaye de Longchamp est un lieu de promenade très prisé : « Sous l'ancien prétexte d'aller entendre l'office à Long-Champ, tout le monde sort de la ville ; c'est à qui étalera la plus magnifique voiture, les chevaux les plus fringans, la livrée la plus belle »[5]. Les intrigues amoureuses des nonnes, qui disposent parfois de fortunes personnelles considérables et jouissent de nombreux appuis extérieurs, donnent lieu à toutes sortes de rumeurs plaisantes[6]. Cette condition des femmes, enfermées contre leur gré, est dénoncée par Denis Diderot dans son roman La Religieuse, qui s'inspire explicitement du cas de Longchamp.
Destruction de l'abbaye pendant la Révolution
Le , les religieuses reçoivent un arrêté d'expulsion ; le les objets précieux et les ornements sacrés de la chapelle sont enlevées, et le 10- les religieuses quittent le monastère. L'abbaye est mise en vente en 1794 puis, n'ayant pas trouvé d'acquéreur, est démolie[7]. Une partie des ruines servent à la construction de l'escalier dit des cent marches, pour accéder au calvaire du mont Valérien (cf. « Histoire de Suresnes »). Dans les années 1850 est créé l'actuel bois de Boulogne, qui annexe en 1856 le domaine de Longchamp. L'année suivante, les bâtiments de ferme de l'ancienne abbaye et les restes du mur d'enceinte sont démolis.
De l'abbaye ne subsistent finalement qu'un moulin, situé au nord de l'hippodrome de Longchamp, l'ancien pigeonnier, intégré au domaine du château de Longchamp, et une petite tour en ruine, cachée dans le sous-bois, près de la route des Moulins[8],[9],[10],[11].
En 1902 a lieu au niveau du moulin le départ d'une course automobile donnée devant le shah de Perse Mozaffareddine Chah[12].
À proximité du site historique de l'abbaye, le nom du chemin de l'Abbaye rappelle son souvenir.
- Le moulin.
- La tour en ruine.
- L'ancien pigeonnier, profondément remanié en fabrique de jardin/belvédère.
Liste des abbesses
- Agnès I d'Anneri 1259-1262[13]
- Mathilde de Guyencourt 1262-1263
- Bienheureuse Isabelle I de France 1263-1264
- Agnès II d’Harcourt 1264-1275 (1)[14],
- Julienne de Toyes 1275-1279
- Agnès II d’Harcourt 1279-1287 (2)
- Jeanne I de Nevers 1288-1294[13]
- Jeanne II de Grèce 1294-1303
- Jeanne III de Vitry 1303-1312
- Jeanne IV d’Harcourt 1312-13??, sœur cadette d'Agnès d'Harcourt
- Jeanne V de Gueux 13??-1328
- Marie I de Lions 1328-1347
- Jeanne VI de Boucheville 1347-1349
- Agnès III du Liège 1349-1357
- Marie II de Gueux 1357-1369
- Agnès IV La Chevrel 1369-1375
- Jeanne VII de La Neuville 1375-1390
- Laurence Jacob 1390-13??
- Jeanne VIII de La Godicharde 13??-1402
- Agnès V d'Issy 1402-1418
- Jeanne IX des Essarts 1418-1437
- Marie III de La Poterne 1437-1451
- Marguerite I Gentianne 1451-1467
- Jeanne X La Porchère 1467-1484
- Jeanne XI Gerente 1484-1500
- Jacqueline de Mailly 1500-1514
- Jeanne XII de Hacqueville 1514-1532
- Catherine I Picard 1532-15??
- Jeanne XIII de Mailly 15??-1540
- Georgette Cœur 1540-1550
- Louise de Cerasme 1550-1559
- Marie IV Lottin 1559-15??
- Charlotte de La Chambre 15??-1567[13]
- Anne I de Fontaines 1567-1580
- Jeanne XIV de Mailly 1580-1604
- Françoise Potier 1604-1606[15]
- Bonne d'Amours 1606-1608[16]
- Catherine II Brûlart de Sillery 1608-1629
- Claudine I Isabelle de Mailly 1629-1634 (1)
- Isabelle II Mortier 1634-16??
- Madeleine Placain 16??-1653
- Catherine III de Bellièvre 1658-1668
- Claudine II de Bellièvre 1668-1670
- Claudine I Isabelle de Mailly 1670-1673 (2)
- Catherine III Marie Dorat 1673-1676 (1)
- Catherine-Elisabeth I de Gournay 1676-1679
- Marguerite II Isabelle de Flecelles, 1679-1683
- Catherine III Marie Dorat 1683-1685 (2)[13]
- Marie-Anne I Dorat 1685-1688 (1)
- Anne-Marie de Bragelongne 1688-1691
- Catherine III Marie Dorat 1691-1694 (3)
- Marie-Anne I Dorat 1694-1697 (2)
- Catherine III Marie Dorat 1697-1700 (4)
- Marie-Anne I Dorat 1700-1700 (3)
- Elisabeth-Henriette Guignard 1700-1703 (1)
- Catherine III Marie Dorat 1703-1706 (5)
- Marguerite III Agnès Nolet 1706-1709 (1)
- Elisabeth-Henriette Guignard 1709-1712 (2)[13]
- Marguerite III Agnès Nolet 1712-1715 (2)
- Catherine-Elisabeth II Le Cosquino 1715-1718 (1)
- Marguerite III Agnès Nolet 1718-17?? (3)
- Catherine-Elisabeth II Le Cosquino 17??-1721 (2)
- Marie-Anne II Le Jau 1721-1724 (1)
- Catherine-Elisabeth II Le Cosquino 1724-1730 (3)
- Marie-Anne II Le Jau 1730-1733 (2)
- Catherine-Elisabeth II Le Cosquino 1733-1737 (4)
- Catherine IV Thérèse de Tourmont 1737-1740[13]
- Anne II Louise de Tourmont 1740-17??
- Marie V Jeanne Jouy 17??-1790
Religieuses et personnalités célèbres
- Jeanne d'Harcourt (après 1214-1280), fille de Richard d'Harcourt et de Mathilde Tesson, tante des abbesses Agnès et Jeanne d'Harcourt[17].
- Jeanne de Navarre, fille aînée des souverains Philippe III et Jeanne II de Navarre, religieuse de à sa mort à l'abbaye le .
- Catherine de Verdun, maîtresse du roi Henri IV, de à fin , le roi lui promit de lui donner le titre d'abbesse de Saint-Louis de Vernon en Normandie, pour la consoler et lui offrir un avenir un peu plus glorieux.
- Catherine-Nicole Le Maure (1704-1786), cantatrice, s'y retira un temps.
Iconographie
- Attribué à S. J. Misbach, Vue de l'abbaye de Longchamp prise du pied du jardin de M. Lagarde, fonds Destailleur, coll. Province, t. I, 208, Cabinet des estampes de la BNF, Paris, ca. 1795.
Bibliographie
- Gaston Duchesne, Histoire de l'abbaye royale de Longchamp, 1905.
- Gerturd Młynarczyk, Ein Franziskanerinnenkloster im XV. Jahrhundert, : Edition und Analyse von Besitzinventaren aus der Abtei Longchamp, Bonn, L. Röhrscheid, 1987, préface de Henri Dubois, Pariser historische Studien, ISSN 0479-5997 ; 23.
Sources
- Henri Corbel, Petite Histoire du Bois de Boulogne, Albin Michel, 1931, p. 37.
- Henri Corbel, Petite Histoire du Bois de Boulogne, Albin Michel, 1931, p. 38.
- Lettres patentes de Louis XI, Tours, novembre 1461. (lire en ligne).
- Antoine Le Roux de Lincy, Le Livre des proverbes français, 1859.
- Louis-Sébastien Mercier, Le Tableau de Paris, chapitre CXXII.
- Désiré Lacroix, « Notes secrètes sur l'abbaïe de Longchamp en 1768 », coll. Bibliothèque galante, Frédéric Henry, Paris, 1870, 32 p.
- Henri Corbel, Petite Histoire du Bois de Boulogne, Albin Michel, 1931, p. 42.
- « Ruines de l'abbaye de Longchamp - Le dénouement », sur paris-bise-art (consulté le )
- « Procès-verbaux / Commission municipale du Vieux Paris Séance du 27 octobre 1923 : 8. Communication de M. Victor Perrot sur le château de Longchamp », sur Gallica (consulté le )
- Visible aux coordonnées suivantes : 48° 52′ 00″ N, 2° 14′ 20″ E
- Jules-Adolphe Chauvet, « Dessin des ruines de l'abbaye de Longchamp conservé au musée Carnavalet », sur Paris Musées (consulté le )
- « Le Chah de Perse au Bois de Boulogne », cent.ans.free.fr, consulté le 25 octobre 2019.
- Honoré Fisquet, La France pontificale, 1864, t. 2, p. 575(a), 576(b), 577(c), 578(d),579(e), 580(f).
- fille de Jean Ier d'Harcourt dit Prudhomme et d'Alix de Beaumont. Etienne Pattou, généalogie de la famille d'Harcourt, 2004
- Anselme de Sainte-Marie, Ange de Sainte-Rosalie, Histoire de la maison royale de France, et des grands officiers de la Couronne, 1726, p. 764.
- Antoine Martial Le Fevre, Calendrier historique et chronologique de l'Église de Paris, 1747, p. 588.
- Etienne Pattou, 2004, généalogie de la famille d'Harcourt.
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