Adrien Bonnefoy-Sibour
Adrien Bonnefoy-Sibour, est un haut fonctionnaire français né le 23 octobre 1881 à Pont-Saint-Esprit (Gard), mort le 15 août 1966 à Sauvigney-lès-Gray (Haute-Saône).
Biographie
Fils de Georges Bonnefoy-Sibour, petit-fils de Jacques (Adrien) Bonnefoy-Sibour, qui se sont succédé à la fois comme maires de Pont-Saint-Esprit et sénateurs du Gard[1], il n'exerça pas de fonctions électives comme ses ascendants, mais après des études de droit couronnées d'un doctorat[2], fit toute sa carrière dans la haute fonction publique de l'État, dont il a gravi progressivement tous les échelons.
Postes occupés
Le 16 février 1903, encore étudiant, il est recruté comme chef de cabinet du préfet de l'Hérault[3].
Trois ans plus tard, il devient secrétaire général de l'Aveyron [4], puis chef adjoint de cabinet du ministre des colonies[5]. Il intègre ensuite le corps préfectoral comme sous-préfet de Gray (Haute-Saône)[6].
En 1914, il est nommé sous-préfet de Béthune (Pas-de-Calais)[7], et occupe durant toute la guerre ce poste, dans une ville menacée et bombardée où il se distinguera par sa bravoure et son dévouement. Ainsi, le 24 janvier 1915, il est cité parmi les fonctionnaires qui se sont distingués par leur belle conduite depuis le début des hostilités avec pour motif: « n'a cessé, depuis que Béthune est bombardée, de remplir ses fonctions avec sang-froid et courage et par son zèle vigilant a pu, dans son arrondissement, souvent visité par l'ennemi, assurer la continuation des services publics »[8]. En avril 1915 sa femme donne naissance à la première de ses trois filles, Georgette, dans les caves de la sous-préfecture. Fait chevalier de la Légion d'honneur par décret du 14 octobre 1916[9], deux jours plus tard dans les ruines de Béthune, il est le premier sous-préfet décoré en temps de guerre par le président de la République Raymond Poincaré[10]. En 1918, après de nouvelles menaces de prise de la ville par les Allemands, il est à nouveau cité pour sa belle conduite[11]. Après l'Armistice, il assure d'abord l'intérim de la préfecture de l'Aisne[12], avant d'être nommé préfet de la Haute-Vienne[13], puis de retrouver l'Aisne comme préfet en titre[14].
Le 12 octobre 1922, il est nommé préfet de Seine-et-Oise[15], département dans lequel il exercera ses fonctions plus de treize ans, avec une brève parenthèse en 1934.
Le bref passage à la préfecture de police
Tranchant avec le reste de sa carrière, cet épisode d'un mois et demi sera très agité, puisqu'il coïncidera avec les événements dits du 6 février 1934, expérience s'avérant pour lui si fâcheuse que le décret du 17 mars 1934[16] le rétablira « sur sa demande » dans ses fonctions antérieures de préfet de Seine-et-Oise.
Le 3 février 1934, il a été nommé au pied levé préfet de police de Paris et du département de la Seine[17] en remplacement de Jean Chiappe, limogé dans des conditions suscitant une grave crise gouvernementale[18].
- Lors des émeutes du 6 février et des jours suivants, sans expérience du maintien de l'ordre en temps de paix, il est sur place pour commander les personnels de police, mais semble, comme eux, avoir été totalement dépassé par l'ampleur des troubles insurrectionnels orchestrés par les ligues d'extrême droite[19]. Dans un tract, le Mouvement franciste lui reprochera les dizaines de morts et de blessés provoqués par la répression en insistant sur son appartenance à la franc-maçonnerie[20].
- Afin d'éviter de nouveaux appels à l'émeute, il fera aussi saisir préventivement, avant leur mise en vente à Paris et dans le département de la Seine, tous les exemplaires du journal l'Action Française du 7 février 1934. Cette mesure sera à l'origine d'un contentieux resté célèbre par l'arrêt de principe du Tribunal des conflits auquel il donnera lieu en matière de protection des libertés fondamentales. En effet, le journal assignera personnellement devant le tribunal de Versailles le haut fonctionnaire pour violation de la liberté de la presse, en lui réclamant 3 000 francs de dommages-intérêts. Toutefois, celui-ci, entretemps redevenu préfet de la Seine-et-Oise, déclenchera en cette qualité la procédure de conflit positif, alors même qu'il est individuellement impliqué dans l'affaire en tant que préfet de police de Paris, suscitant de délicates questions éthiques et juridiques.
- Le tribunal judiciaire se déclarera compétent pour statuer sur l'affaire dans un jugement du 14 décembre 1934, au motif qu'Adrien Bonnefoy-Sibour, comme préfet de police, a commis une voie de fait en agissant « à son compte personnel et (...) doit répondre des conséquences dommageables de son initiative devant les tribunaux judiciaires », et comme préfet de Seine-et-Oise, a à tort élevé le conflit et doit être condamné aux dépens[21].
- Cette décision sera dans sa partie la plus essentielle confirmée par le Tribunal des Conflits dans un arrêt du 8 avril 1935, qui qualifie de voie de fait les saisies préventives de journaux ordonnées en tant que préfet de police, mais, subsidiairement, annule la condamnation aux dépens en tant que préfet de Seine-et-Oise, en considérant qu'en élevant le conflit, il a « agi non comme partie en cause mais comme représentant de la puissance publique », et ne peut donc être personnellement responsable[22].
Fin de carrière comme diplomate
Après son retour en Seine-et-Oise, il y reste encore un an et demi, jusqu'à son entrée dans la carrière diplomatique par le décret du 17 décembre 1935[23], qui le nomme ministre plénipotentiaire à Helsinki, poste qu'il rejoindra le 5 mars 1936[24]. Il est ensuite muté au Danemark[25] comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République à Copenhague, où il sera promu ministre plénipotentiaire de 1ère classe[26].
Il meurt à 85 ans le 13 août 1966 à Sauvigney-lès-Gray où il s'était retiré, et ses obsèques sont célébrées le 14 août[27].
Vie familiale
Fiancé[28], puis marié à Jeanne Caille, de Sauvigney-les-Gray (Haute-Saône), avec laquelle il a eu trois filles: Georgette, Marcelle et Madeleine[29].
Distinctions
Ordre de la Légion d'honneur[30] :
- Chevalier par décret du 14 octobre 1916, comme sous-préfet de Béthune;
- Officier par décret du 26 juillet 1924, comme préfet de Seine-et-Oise;
- Commandeur par décret du 31 janvier 1937, en qualité de ministre plénipotentiaire à Copenhague.
Titulaire de la croix de guerre, de la médaille de la reconnaissance française. Une citation militaire et deux citations à l'ordre de la nation. Lieutenant de réserve honoraire[31].
Références
- Accessoirement, il est aussi le petit-neveu (par alliance) de Marie Dominique Auguste Sibour, ancien archevêque de Paris (Les Nouvelles de Versailles).
- Obtenu en 1908 à Montpellier (voir la notice de personne de la BNF).
- Le Midi du 18 février 1903, p. 3.
- Par décret du 15 février 1906, JOLD du 16 février 1906, p. 1026.
- Par arrêté du 30 novembre 1906, JOLD du 1er décembre 1906, p. 7966.
- Par décret du 27 septembre 1907, JOLD du 28 septembre 1907, p. 6805.
- Par décret du 12 janvier 1914, JOLD du 13 janvier 1914, p. 370.
- JO du 24 janvier 1915
- JOLD du 18 octobre 1916, p. 9097
- Le Petit Journal du 18 octobre 1916, p. 2.
- Avec ce motif : « a donné depuis le début des hostilités, les plus beaux exemple de courage, d'entrain et de mépris du danger. S'est, à nouveau particulièrement signalé au cours des événements récents en se rendant dans les endroits les plus exposés, soumis aux bombardements les plus vifs et à l'action des gaz asphyxiants : a organisé les secours, sous la chute ininterrompue des projectiles avec un admirable sang-froid. M. Bonnefoy-Sibour est un des fonctionnaires qui auront le plus honoré l'administration préfectorale au cours de cette guerre » (JO du 14 juillet 1918).
- Décret du 19 novembre 1918, JOLD du 20 novembre 1918, p. 10008.
- Décret du 15 janvier 1920, JOLD du 17 janvier 1920, p. 894.
- Décret du 10 février 1921, JOLD du 11 février 1921, p. 1856.
- Décret du 12 octobre 1922, JOLD du 13 octobre 1922, p. 10 183.
- JOLD du 18 mars 1934, p. 2790.
- Par décret du 3 février 1934,JOLD du 4 février 1934, p. 1139.
- Voir par exemple Le Petit Parisien du 4 février 1934, p. 1.
- Voir ses déclarations rapportées dans L'Action française du 14 février 1934.
- « C’est sur l’ordre de deux larbins du pouvoir occulte juif et maçonnique, le frère Frot, ministre de l’Intérieur et le frère Bonnefoy-Sibour, préfet de Police, que les gardes mobiles et la police ont tiré sur le peuple. Que le sang des Français ainsi sacrifiés au Grand Architecte de l’Univers ou à Jéhovah retombe sur la judéo-maçonnerie toute entière » (Rapporté dans les Chroniques d’Histoire Maçonnique n° 63, 2009, pp.4-15).
- Rec. Sirey 1935, II, p. 68
- L'Action française c. sieur Bonnefoy-Sibour, Rec. Lebon p. 1227, conclusions Josse.
- JOLD du 19 décembre 1935, p. 13 264.
- La Revue diplomatique du 31 mars 1936, pp. 1-2.
- décret du 9 novembre 1936, JOLD du 9 novembre 1936, p. 11 702.
- décret du 17 mars 1939, JOLD du 18 mars 1939, p. 3518.
- Paris-Presse du 18 août 1966.
- Voir La vie Montpelliéraine du 12 juillet 1914, p. 5.
- L'Oeuvre du 7 août 1935 et généalogie.
- Voir : son dossier aux Archives Nationales.
- Décision du 11 octobre 1938, JOLD du 20 octobre 1938, p. 12 129.
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