Affaire Auguste Lemieux
L'affaire Auguste Lemieux est une affaire criminelle québécoise et un cas d'anthropophagie survenu au Lac-Saint-Jean en 1908[1].
Déroulement
L'expédition
Le 5 septembre 1907, Joseph Grasset, Gabriel Bernard et Auguste Lemieux entreprennent une expédition depuis le Lac-Saint-Jean vers les régions des lacs Chibougamau et Waswanipi. Ils quittent pour faire de la chasse et de la traite des fourrures. Grasset est un Français établi à Roberval et œuvrant dans le commerce des fourrures. Il engage pour son expédition: Bernard, un Belge, comme homme à tout faire, et Lemieux, un guide originaire de Mistassini. Leur retour est prévu à la fin du mois de décembre ou au début du mois de janvier 1908[2].
À la fin du mois de janvier 1908, Joseph Kurtness et son fils, Innus de Masteuiatsh, découvrent un campement abandonné dans les bois, ainsi qu'une note manuscrite, signée au nom de Bernard: «Pas trouvé la cache. Sommes sans provisions. Rejoignez-nous le plus vite possible, 28 décembre. Midi.»[3] Les Kurtness rapportent la nouvelle et dès le mois de mars, des journaux de la province annoncent la mort probable des trois hommes en forêt[3],[4],[5].
La découverte du corps d'Auguste Lemieux
Le 9 mai 1908, Joseph Kurtness et un employé de la Mackenzie Trading Co., découvrent les restes du corps d'Auguste Lemieux au Lac Ashuapmushuan. Une mort naturelle semble d'emblée exclue car sa dépouillée a été découpé en morceaux. Les hommes fabriquent alors un cercueil et inhument la victime le lendemain, près du poste de traite du Lac Ashuapmushuan[2].
L'enquête
Le coroner du district de Roberval ouvre une enquête. À sa demande, la dépouille d'Auguste Lemieux est exhumée, amenée à Roberval, identifiée par sa veuve et examinée par la coroner. Suite à l'examen, celui-ci conclut à un acte d'anthropophagie[2]. Le corps d'Auguste Lemieux est inhumée le 22 juin 1908 à Mistassini et un avis de recherche est lancé par le chef de la police locale, afin de retrouver Gabriel Bernard et Joseph Grasset, dont on est sans nouvelles depuis l'automne 1907[2],[6].
En décembre 1908, Joseph Grasset est localisé à Fort Albany, dans le Nord de l'Ontario, tandis que les recherches effectuées pour retrouver Gabriel Bernard demeurent infructueuses[2]. Le 8 avril 1909, Grasset comparaît à Roberval devant à l'enquête du coroner. Il y détaille sa version des faits. Selon lui, le voyage vers le nord des trois hommes se serait bien passée et ils se seraient installés à la jonction des rivières Chibougamau et Obatogamau. À la mi-décembre, Lemieux et Bernard seraient repartis pour le Lac-Saint-Jean afin d'y vendre leurs fourrures. Grasset déclare qu’il ne les a pas revus depuis[7]. Il affirme avoir quant à lui avoir beaucoup souffert du froid et de la faim, avant d'être secouru par un Cri de Waswanipi. Il aurait passé l’hiver dans cette communauté et affirme avoir quitté Waswanipi à la fonte des glaces, avec une brigade de canots de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Il rejoint alors Fort Albany pour y travailler au poste de traite de Revillon Frères[7].
Le corps de Gabriel Bernard est retrouvé dans les bois, à quelques kilomètres de la dépouille d'August Lemieux. Il sera impossible de déterminer la cause exacte de son décès[2].
L'enquête de l'affaire Auguste Lemieux demeure sans suite[2] et Joseph Grasset continue d'œuvrer dans les postes de traite de Revillon Frères de Fort Albany, Payne Bay et Wakeham Bay jusqu'en 1932[8].
Cannibalisme
Lors de la découverte de la dépouille d'Auguste Lemieux, la presse décrit en détail les mutilations du cadavre et le fait que certaines de ses parties sont manquantes[9]. L'hypothèse que Lemieux ait été victime de cannibalisme est présente dès cette époque et évoquée par le coroner[2],[7]. La découpe du corps n'est en effet pas compatible avec l'hypothèse selon laquelle des animaux aient pu se repaître de son cadavre après sa mort naturelle ou accidentelle.
Dans la culture populaire
L'affaire Lemieux est évoquée par Gladstone McKenzie dans le roman autobiographique L'Appel du Chibougamau, de Larry Wilson[10].
Cette affaire est probablement la source d'inspiration de l'écrivain Louis Hémon pour la disparition tragique de François Paradis dans le roman Maria Chapdelaine. Hémon a séjourné à Péribonka, village voisin de Mistassini, quelques années seulement après les faits[11].
Bibliographie
Notes et références
- Jean Tremblay, « Auguste Lemieux, victime de cannibalisme », sur Le Journal de Québec (consulté le )
- Myriam Gilbert, « L'affaire Auguste Lemieux », Saguenayensia, vol. 61, no 2, , p. 28-30.
- « Une série de malheurs », Le peuple : organe du district de Montmagny, , p. 4 (lire en ligne)
- « Drame des bois », L'action sociale, jeudi, 19 mars 1908, p. 1 (lire en ligne)
- « Drame des bois », L'Écho des Bois-Francs : journal industriel, politique, agricole et commercial, samedi, 21 mars 1908, p. 1 (lire en ligne)
- « Cannibales et détectives », La Presse, lundi, 15 juin 1908, p. 16 (lire en ligne).
- Société historique du Saguenay : P002, S1, D2305, P1. Enquête du coroner du district de Chicoutimi – Déposition de Joseph Grasset, 8 avril 1909.
- (en) Nunatsiaq News, « Lost but not forgotten », sur Nunatsiaq News, (consulté le ).
- Marie-Claude Duchesne, « Horreur sur l’Ashuapmushuan : l’affaire Auguste Lemieux », sur La Sentinelle, (consulté le ).
- Larry Wilson, L'Appel du Chibougamau, Montréal, (lire en ligne), p. 119-120
- David Bélanger et Thomas Carrier-Lafleur, « La mort de François Paradis. Enquête sur l’actualité d’un mythe canadien-français », Littérature suspecte, (lire en ligne)
- Alain Hébert, François Paradis--, ou, Le rêve d'Antonio : roman, Éditions Sans âge, (ISBN 2-921679-27-2 et 978-2-921679-27-5, OCLC 37981887, lire en ligne)
- Hubert Mansion, Chibougamau, dernière liberté : la saga du Nord, Michel Brûlé, (ISBN 978-2-89485-444-0 et 2-89485-444-7, OCLC 473695697, lire en ligne)
Articles connexes
- Maria Chapdelaine
- Réserve faunique Ashuapmushuan
- Poste de traite de l'Ashuapmushuan
- L'Appel du Chibougamau
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