Affaire Johannes Rivoire

L'affaire Johannes Rivoire concerne le prêtre franco-canadien Johannes Rivoire (ou Joannes Rivoire) missionnaire des Oblats de Marie-Immaculée. À partir de 1991, il est accusé d'agressions sexuelles sur des mineurs de la communauté Inuit au Canada. L'évêque du diocèse de Churchill-Baie d'Hudson, Reynald Rouleau, ne prévient pas la justice. En 1993 Johannes Rivoire se réfugie en France, où il est accueilli par les Oblats, et échappe aux poursuites.

Affaire Johannes Rivoire
Fait reproché Pédophilie
Pays Territoire du Nunavut au Canada
Ville Arviat, Rankin Inlet, Naujaat
Date À partir de 1960
Jugement
Statut Pas de jugement car réfugié en France depuis 1993.

En mars 2022, le leader de l'Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed (en), demande au pape François d'intervenir personnellement auprès du prêtre pour que celui-ci accepte de revenir au Canada pour répondre à ces accusations. À la suite d’une nouvelle plainte, la justice canadienne émet un nouveau mandat d’arrêt à l'encontre de Johannes Rivoire, puis demande à la France de l’extrader.

Historique

Johannes Rivoire, alors âgé de 30 ans, s'installe en 1960, à Chesterfield Inlet[alpha 1],[1] au Nunavut au Canada : « À l’époque, nos études nous menaient soit en Afrique, soit dans le Grand Nord canadien, où j’ai préféré partir[2],[3]. »

À partir de 1991, une victime alléguée indique avoir subi des agressions sexuelles de la part de Johannes Rivoire. En 1992 de nouvelles victimes se signalent, pour des agressions dans les territoires d'Arviat, de Rankin Inlet et de Naujaat, auprès de Reynald Rouleau, membre des Oblats de Marie-Immaculée et évêque du diocèse de Churchill-Baie d'Hudson. L'évêque décide de ne pas prévenir la justice canadienne[4],[5]. Marius Tungilik, affirme avoir été agressé par Johannes Rivoire à l'âge de 12 ans en 1970, mais c'est uniquement en 1993 qu'il porte plainte[6]. Johannes Rivoire quitte le territoire canadien en 1993, sans avoir été interrogé par la police, pour, selon lui, rejoindre en France ses parents souffrants[7].

En 1998, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) émet un mandat d’arrêt pour des agressions sexuelles sur des mineurs de la communauté Inuit qui auraient été commises dans les années 1960 et 1970 au Nunavut[8],[9]. Les allégations d’agressions sexuelles concernent au moins deux jeunes filles[10]. Une victime alléguée du prêtre Rivoire témoigne : « La première fois, en 1974, j’avais 6 ans, il me caressait et se masturbait en même temps. Il me menaçait de l'enfer si je parlais[2]. »

Les accusations sont suspendues en 2017. En effet, les autorités canadiennes considèrent que la France n'extradera pas un de ses ressortissants qui est franco-canadien au moments des faits allégués[9], [11].

En 2017, Johannes Rivoire vit dans une maison de retraite d’une congrégation des Oblats à Strasbourg[12],[13].

En juillet 2021, la députée Mumilaaq Qaqqaq du Nouveau Parti démocratique demande la désignation d'un procureur spécial pour enquêter sur les crimes commis à l'encontre des peuples autochtones afin de connaître l'entière vérité sur ces agressions. Elle cite le cas du prêtre Johannes Rivoire, retraité en France sans avoir pu être jugé au Canada[14].

Pour sa part Aluki Kotierk (en) affirme que « le manque de respect continu du Canada envers les Inuits qui tentent depuis des décennies de demander justice dans cette affaire doit cesser[15]. »

En décembre 2021, lors d'un entretien avec une journaliste du Monde dans un Ehpad à Lyon[16] où il vit, Johannes Rivoire conteste ces allégations d'agressions sexuelles. Toutefois il reconnaît avoir eu des relations avec une femme majeure : « Un soir, elle est venue à la mission et a agité une poignée de préservatifs sous mon nez en me demandant si je savais à quoi ça servait, je lui ai montré que oui. » Quand on lui demande s'il n'a rien à se reprocher, il répond un sourire aux lèvres : « Qui n’a rien à se reprocher ? Nous sommes tous des pécheurs. Ma vie est bientôt finie, je me prépare à passer de l’autre côté. Je suis en paix avec Dieu qui, je l’espère, m’offrira le paradis[2]. »

En mars 2022, le leader de l'Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed (en), a été reçu par le pape François. Il a sollicité son intervention afin que le prêtre français Johannes Rivoire soit enfin jugé. L'évêque canadien William Terrence McGrattan a abondé dans ce sens en indiquant que « l’Église doit prendre ses responsabilités pour toute situation d’abus sexuel[17]. » De même, Natan Obed s'est entretenu avec Louis Lougen, supérieur général des missionnaires Oblats de Marie-Immaculée. Ce dernier lui a indiqué qu'il avait personnellement contacté Johannes Rivoire afin de lui ordonner de retourner au Canada. Le prêtre a refusé de quitter la France. Néanmoins Louis Lougen s'est engagé de travailler de concert avec la communauté inuit afin de faire juger Johannes Rivoire[5].

Par ailleurs, le 29 mars, la justice canadienne a émis un autre mandat d’arrêt à l'encontre de Johannes Rivoire à la suite d'une nouvelle plainte d’agression sexuelle en septembre 2021, pour des faits survenus il y a environ 47 ans[18],[7]. En août, le Canada demande à la France son extradition[11].

Notes et références

Notes

  1. En 1954, des missionnaires créent l'école et le pensionnat St. Mary's à Chesterfield Inlet ; il est rebaptisé Turquetil Hall en 1961. La structure est fermée en 1969. En 1995, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest publie un rapport concluant que de nombreux élèves ont été agressés physiquement et sexuellement à l'école et au pensionnat.

Références

  1. (en) « Chesterfield Inlet (Turquetil Hall) Chesterfield Inlet, NU 1954-1969 », sur Centre national pour la vérité et la réconciliation, (consulté le ).
  2. « Le Grand Nord canadien encore hanté par le père Rivoire, accusé d’agressions sexuelles sur de jeunes Inuits », sur Le Monde, (consulté le ).
  3. « Baie d’Hudson (Canada) », sur Missionnaires Oblats de Marie Immaculée (OMI), (consulté le ).
  4. Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse.2017, p. 373.
  5. « Un chef inuit a rencontré à Rome un supérieur oblat au sujet d’un prêtre accusé », sur L'Actualité, (consulté le ).
  6. « Au nom du ciel, extradez-le », sur La Presse, (consulté le ).
  7. « Le Grand Nord canadien encore hanté par le père Rivoire, accusé d’agressions sexuelles sur de jeunes Inuits », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  8. « Abus sexuels : le Canada appelé à extrader le père Rivoire », sur Le Journal de Montréal, (consulté le ).
  9. (en) « Retraumatized: Inuit leaders say sex charges stay for priest hurts victims », sur Larongenow.com, (consulté le ).
  10. « Mandat d'arrêt pancanadien contre un curé », sur Le Journal de Montréal, (consulté le ).
  11. « Le Canada demande l’extradition d’un prêtre français accusé d’agressions sexuelles », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  12. Zone Justice et faits divers ICI.Radio-Canada.ca, « Accusations d’agressions sexuelles contre un prêtre suspendues : "C'est répugnant", dit la famille des victimes », sur Radio-Canada.ca, (consulté le ).
  13. Antton Rouget, « Le Canada demande l’extradition du père Rivoire, caché en France depuis 1993 », sur Mediapart (consulté le )
  14. « Crimes contre les Autochtones. La députée du Nunavut demande la nomination d'un procureur spécial », sur La Presse, (consulté le ).
  15. (en) « NTI presses Ottawa to take action against former Nunavut priest », sur NTI Presse Ottawa, (consulté le ).
  16. « Notre enquête. Un prêtre français accusé d'abus sexuels au Canada, les Inuits pressent le pape d'agir », sur bienpublic.com (consulté le ).
  17. « "C’est le moment d’agir", dit le leader inuk Natan Obed au pape François », sur Radio Canada, (consulté le ).
  18. « Canada : Un prêtre français de nouveau visé par un mandat d’arrêt pour des agressions sexuelles sur des enfants », sur 20 minutes, (consulté le ).

À voir

Bibliographie

  • Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière et Mathieu Périsse, Église, la mécanique du silence, Lattès, , 374 p. (ISBN 978-2-7096-5938-3)

Articles connexes

  • Portail du Nunavut
  • Portail du droit
  • Portail de la criminologie
  • Portail du catholicisme
  • Portail de l'enfance
  • Portail de la sexualité et de la sexologie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.