Affaire Naomi Musenga
L’affaire Naomi Musenga concerne les circonstances du décès le de Naomi Musenga, qui résidait à Strasbourg (Bas-Rhin). Souffrant de violentes douleurs au ventre, elle compose le 15 afin de contacter le Samu[1]. Au téléphone, deux opératrices du Samu de Strasbourg ne prennent pas l'appel de la jeune femme au sérieux et la raillent tandis qu'elle agonise[2]. Elle meurt cinq heures après cet appel au CHU de Strasbourg, après avoir été finalement prise en charge par SOS médecins[3].
Affaire Naomi Musenga | |||
Emblème du Samu, mis en cause dans l'affaire | |||
Localisation | Strasbourg, France | ||
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Coordonnées | 48° 34′ 38″ nord, 7° 44′ 56″ est | ||
Date | |||
Bilan | |||
Morts | 1 | ||
Géolocalisation sur la carte : Strasbourg
Géolocalisation sur la carte : France
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À la suite d'une plainte déposée par la famille de Naomi Musenga, une information judiciaire est ouverte à l'été 2018 pour « non-assistance à personne en péril »[4].
Déroulement
Le , Naomi Musenga, une mère française de 22 ans, appelle Police Secours, qui la transfère au Centre d'appel des pompiers qui la transfère au Samu de Strasbourg ; elle se plaint de violentes douleurs au ventre[5].
Au cours d'un dialogue qui dure environ une minute, l'opératrice (après des familiarités et des plaisanteries[6] — hors présence de la victime — avec sa collègue du 18[7]) et d'un ton sec, conseille à Naomi Musenga d'appeler SOS Médecins[5]. Lorsque celle-ci dit d'une voix faible qu'elle est en train de mourir, l'opératrice lui répond que tout le monde va mourir un jour[5].
Emmenée à l'hôpital puis transférée en réanimation quelques heures plus tard, la jeune femme meurt par la suite d'une défaillance multiviscérale[8].
L’enregistrement de l'appel téléphonique a été rendu public par le mensuel alsacien Heb'di le [9].
Yolande Renzi, procureur de Strasbourg, annonce le mercredi , dans un communiqué, qu'elle procéderait dans les prochains jours à l'ouverture d'une information judiciaire du chef de non-assistance à personne en danger contre l'opératrice du centre des appels d'urgence et tous autres, ainsi que du chef d'homicide involontaire contre X[10].
Causes du décès
En , le procureur de Strasbourg annonce que Naomi Musenga serait morte d'une intoxication au paracétamol, absorbé pendant plusieurs jours par automédication[11]. Cette conclusion s'appuie sur un avis sur l'autopsie demandée par le procureur à un médecin des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Le conseil de l'ordre des médecins du Bas-Rhin signale l'existence d'un conflit d'intérêt dans cet avis[12].
La thèse de l'intoxication au paracétamol, qui écarterait la responsabilité de l'hôpital, est contestée par la famille de Naomi Musenga et par certains médecins, comme le Professeur Christian Marescaux. Selon lui, l'intoxication au paracétamol est incompatible avec plusieurs des résultats de l'autopsie, qui indiqueraient plutôt un infarctus mésentérique[13].
Le 20 mai 2019, la juge d'instruction nomme deux experts indépendants pour reprendre entièrement l'analyse médicale de l'affaire[12].
Selon une dernière contre-expertise privée, remise en octobre 2021 par trois médecins lillois, « la mort de Naomi Musenga est liée à (…) un état de choc abdominal ». Rare chez une personne de son âge, l'accident vasculaire abdominal se serait manifesté par une thrombose suivie d'une hémorragie particulièrement douloureuse[14].
Réactions
Dans la presse
À la suite de l'Heb'di, plusieurs journaux d'envergure nationale se font l'écho de l'affaire : Le Parisien[15], LCI[16], Libération[17], France 3[8], 97Land[18], Le Figaro[19] entre autres. Pendant plusieurs jours, quasiment tous les médias en France, et des médias en Belgique évoquent cette affaire[20].
Milieu médical
L'hôpital suspend l'opératrice[5],[21],[22]. Le Dr François Braun, président de Samu Urgences France, déclare : « Ce n'est pas la réponse attendue à la réception d'un appel au Samu »[23].
Répondant à l'hypothèse d'une surcharge de travail et de conditions de travail pénibles[24], l’hôpital précise que l'opératrice était à son deuxième jour après des vacances, n’effectuait pas de remplacement et que la charge de travail était celle de routine[25].
Société
L'existence du stéréotype appelé syndrome méditerranéen, consistant à moins bien considérer les plaintes émanant de personnes noires et arabes dans le milieu médical, est mise en lumière lors de cette affaire[26].
Suites
Le Samu reçoit de nombreux appels menaçants à la suite de la médiatisation de l'affaire. Des agents portent plainte[27]. L'opératrice se plaint d'un lynchage public sur 66 Minutes sur M6[28],[29]. Des mesures de sécurité sont mises en place. Des identités, coordonnées d'opérateurs sont divulguées sur les réseaux sociaux[30],[31] et font l'objet de harcèlement. L'une d'entre elles quitte la région et déscolarise ses enfants[32].
Des appels à la mobilisation sont prévus le mercredi [33]. Une grande marche blanche à Strasbourg est organisée par le collectif baptisé "Justice pour Naomi Musenga[34]", une autre à Valence[35] et un rassemblement organisé par le militant anti-raciste Thierry-Paul Valette à Paris[36], place de l’Opéra, envoi une délégation de 22 personnes déposer 22 roses blanches devant le ministère de la Justice ainsi qu'une lettre à l'attention de la ministre Nicole Belloubet [27].
La famille porte plainte[37] pour non-assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d'autrui[38] et appelle au calme[39] même s'ils estiment avoir été « baladés » par les services de l'hôpital[38].
Références
- « Ce que l'on sait de l'histoire de Naomi Musenga, morte après avoir été raillée par une opératrice du Samu », sur Franceinfo, (consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : le Samu de Strasbourg sévèrement épinglé, son directeur démissionne », sur LCI (consulté le )
- Véronique Julia, « Quelles leçons un an après l'affaire Naomi Musenga ? », sur France Inter, (consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : le parquet va ouvrir une information judiciaire », sur Paris Match (consulté le )
- « Naomi Musenga morte après avoir appelé le Samu : 6 questions sur un scandale », sur L'Obs,
- « Au SAMU, l’onde de choc du drame de Strasbourg », sur Le Monde (consulté le )
- « Affaire Naomi Musenga : le rapport du Sénat qui alertait déjà sur le Samu », Capital, (lire en ligne, consulté le )
- « Rétrospective 2018 : l'affaire Naomi Musenga », sur France 3 Grand Est
- « Naomi, et maintenant ? », sur Hebdi, (consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : la jeune femme est morte d'une intoxication au paracétamol », sur CNews, (consulté le )
- « Naomi Musenga est morte d'une intoxication au paracétamol », sur Le Parisien, (consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : deux nouveaux experts indépendants nommés par la justice », sur France 3 Grand Est (consulté le )
- « Affaire Naomi Musenga : les failles de la thèse d’une intoxication au paracétamol », sur Rue89 Strasbourg, (consulté le )
- Jean-François Gérard, « Affaire Naomi Musenga : le paracétamol hors de cause selon une contre-expertise », sur Rue89 Strasbourg, (consulté le ).
- (en) « Strasbourg : une jeune femme meurt quelques heures après son appel au Samu », sur Le Parisien (consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga, 22 ans, moquée par le Samu : "Personne ne devrait mourir dans ces conditions", s'indigne sa sœur », LCI (consulté le ).
- « Une jeune femme est-elle décédée suite à une négligence du Samu de Strasbourg ? », sur Libération (consulté le )
- « Naomi, morte par l’indifférence du SAMU de Strasbourg ? », sur 97land, (consulté le )
- « Décès de Naomi Musenga : des marches blanches organisées à Strasbourg, Paris et Valence », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
- « La famille de Naomi Musenga refuse de faire de l'opératrice du Samu un bouc émissaire », sur DHnet (consulté le )
- Marie Julien et François D'Astier, « Décès de Naomi Musenga: la justice enquête, l'opératrice du Samu est suspendue », L'Union, (lire en ligne, consulté le )
- « VIDEO. Mort de Naomi Musenga: une enquête préliminaire pour non-assistance à personne en péril », L'Union, (lire en ligne, consulté le )
- « Des questions après la mort de Naomi, décédée peu après un appel au Samu », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
- « Décès de Naomi Musenga: l’opératrice du Samu dénonce «des conditions de travail pénibles» », Le Soir, (consulté le )
- Yves Calvi, « L'opératrice du Samu qui avait eu Naomi Musenga au téléphone sort du silence », RTL, (lire en ligne, consulté le )
- « Naomi Musenge et le syndrome méditerranéen », sur RTBF Info, (consulté le )
- « Des agents du SAMU portent plainte, menacés à la suite de la mort de Naomi Musenga », sur Le Monde, (consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : l’opératrice du Samu parle, "je suis lynchée sur la place publique" », SudOuest, (lire en ligne, consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : "Je suis lynchée sur la place publique", l’opératrice du Samu sort du silence », LCI, (lire en ligne, consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : accusées à tort sur Twitter, trois opératrices du Samu racontent leur calvaire », La Dépêche, (lire en ligne, consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga, le calvaire des trois opératrices accusées à tort », sur Le Monde, (consulté le )
- « Affaire Naomi Musenga : trois opératrices du SAMU mises en cause à tort victimes de harcèlement », sur Le Monde, (consulté le )
- « Des marches blanches réclament "justice et vérité" pour Naomi Musenga en France », VOA, (lire en ligne, consulté le )
- Par Florence Mereo Le 9 mai 2018 à 21h26, « Bientôt une marche blanche pour Naomi Musenga », sur leparisien.fr, (consulté le )
- « Mort de Naomi Musenga : trois marches blanches sont organisées mercredi », sur MSN (consulté le )
- « Strasbourg : un rassemblement en musique en mémoire de Naomi Musenga », sur ici, par France Bleu et France 3, (consulté le )
- « Les parents de Naomi Musenga veulent que « justice soit faite » pour leur fille « aimée de tous » », sur BFMTV (consulté le )
- « Naomi, la famille Musenga marche pour la justice et la paix », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
- « Dècès de Naomi Musenga: appel au calme de la famille après le harcèlement d'agents du SAMU », RTBF Info, (lire en ligne, consulté le ).
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