Affaire de la rue des Marmousets

L'affaire de la rue des Marmousets, également appelée affaire de la rue Chanoinesse, aussi connue comme la légende du barbier et du pâtissier sanguinaires, est un fait divers criminel qui aurait eu lieu à Paris au XVe siècle et dans lequel un pâtissier et un barbier[1] se seraient adonnés à un commerce de pâtés à base de chair humaine[2].

Légende

Au coin de la rue des Marmousets et de la rue des Deux-Hermites[3], la macabre affaire reposerait sur la froide collaboration de deux hommes : un barbier et un pâtissier. Le barbier se chargeait d’égorger, dépouiller et dépecer les victimes, souvent des étudiants du chapitre de Notre-Dame ; il envoyait ensuite la chair hachée par une trappe qui débouchait directement dans la cave de son voisin, le pâtissier, qui en faisait des pâtés. Selon certains auteurs, ces spécialités auraient eu un véritable succès auprès des Parisiens. On a dit même que le roi Charles VI lui-même en était très friand.

Le chien d’une des victimes[4], un étudiant allemand du nom de Alaric, alerta par ses aboiements la maréchaussée et les voisins de la boutique du pâtissier. On découvrit dans la cave pestilentielle les outils utilisés pour démembrer les corps. Les deux hommes avouèrent leurs crimes et furent brûlés vifs dans des cages de fer peu après en place de Grève le jour même de la sentence.

Conformément à l'usage, la maison où les crimes eurent lieu fut rasée et une petite pyramide expiatoire s'y élevait jusqu'en 1536[5].

Faits historiques

Cette affaire criminelle fut relayée par plusieurs historiens mais il n’existe pas de documents officiels relatifs à cette affaire, les historiens du XVIIIe siècle, comme Jean Baptiste Michel Renou de Chauvigné dit Jaillot (1710-1780), n'en ayant trouvé aucun.

Seule une chronique publiée en 1612 par un prieur de Saint-Germain-des-Prés, Jacques du Breul (1528-1614), rapporte la rumeur d’actes monstrueux qui seraient survenus dans cette rue vers 1430[6] : « C’est de temps immémorial, que le bruit a couru qu’il y avait en la Cité de Paris, rue des Marmousets, un pâtissier meurtrier, lequel ayant occis en sa maison un homme, aidé à ce par un sien voisin Barbier, feignant raser la barbe : de la chair d’icelui faisait des pâtés qui se trouvaient meilleurs que les autres, d’autant que la chair de l’homme est plus délicate, à cause de la nourriture, que celle des autres animaux. Et que cela ayant été découvert, la Cour de Parlement ordonna qu’outre la punition du Pâtissier, sa maison soit rasée, et outre ce une pyramide ou colonne érigée audit lieu, en mémoire ignominieuse de ce détestable fait : de laquelle reste encore part et portion en ladite rue des Marmousets. »

L’emplacement de la boutique du pâtissier se trouve sous l'actuel Hôtel-Dieu, dont la construction a fait disparaître en 1866 la rue des Deux-Ermites et la quasi-totalité de la rue des Marmousets (la section restante, entre la rue de la Colombe et la rue d’Arcole, a été rebaptisée Chanoinesse par arrêté préfectoral du ).

Une légende urbaine situe les lieux du crime à l'emplacement du garage de la compagnie motocycliste de la Direction de l’Ordre Public et de la Circulation, aux 18-20, rue Chanoinesse, où une grande pierre, dite pierre du chien[7], qui aurait dit-on servi de billot aux assassins, y est visible. Mais cette section de la rue Chanoinesse n'a jamais fait partie de la rue des Marmousets[réf. nécessaire]. Cette erreur a été largement diffusée par Lorànt Deutsch dans son livre Métronome.

Légendes similaires

La légende de Sweeney Todd, passée dans le folklore anglais, rappelle l'histoire de la rue de Marmousets. Sweeney Todd est un personnage de fiction inspiré de faits plus ou moins avérés. Barbier londonien du XIXe siècle, il commettait des meurtres froidement et faisait disparaître les corps avec la complicité de sa maîtresse qui préparait des friands à base de chair humaine.

À Dijon, il existe toujours au 15 rue Bossuet une maison médiévale en pierre de taille dite « maison sans toit ». La légende veut que le toit de celle-ci aurait été abattu en signe d'infâmie car son propriétaire Jehan Carquelin (ou Craquelin selon les sources), un pâtissier du Moyen Âge, aurait assassiné des enfants dans le but de confectionner des pâtés avec leur chair. Il aurait été exécuté pour ses crimes à quelques pas de sa maison, sur l'actuelle place Émile Zola[8].

Notes et références

  1. Amédée de Ponthieu, Légendes du vieux Paris, Paris, Bachelin-Deflorenne, (lire en ligne), p. 30-32. « À cette maison qui faisait le coin de la rue des Marmousets, et de celle des Deux-Hermites, pendait l’enseigne d’un barbier juif. Son voisin était un pâtissier. Parmi les pratiques qui entraient chez le barbier, plusieurs n’en sortaient pas. Lorsqu’il avait affaire à des clients d’un embonpoint respectable ou d’un âge encore tendre, au lieu de les raser, il faisait jouer une bascule qui les envoyait au fond d’une oubliette où ils étaient tués et livrés encore chauds au pâtissier voisin, son associé, qui vendait des pâtés, d’une délicatesse renommée à sa clientèle anthropophage sans le savoir. »
  2. Louis-Marie Prudhomme, Miroir historique, politique et critique de l'ancien et du nouveau Paris, et du département de la Seine, t. III, Paris, Prudhomme, (lire en ligne), p. 106.
  3. Antoine-Nicolas Béraud et Pierre-Joseph-Spiridion Dufey, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, J.-N. Barba, (lire en ligne), p. 385. « Une maison, dite des Marmousets, existait dans cette rue en 1206. Faut-il mettre au rang des contes populaires l'association d'un barbier et d'un pâtissier, dont l'un assassinait les gens qu'il livrait à l'autre pour en faire des pâtés qui eurent une vogue extraordinaire ? Le barbier et son complice auraient été condamnés à mort et exécutés, la maison où se commettaient leurs crimes, rasée, et une pyramide érigée sur son emplacement. Il est certain que, pendant plus de cent ans, il resta un terrain vacant dans cette rue. François Ier permit en 1536, à Pierre Belut, conseiller au parlement de Paris, de bâtir une maison sur ce terrain, nonobstant le prétendu arrêt qui défendait d'y faire aucune construction. » Voir la situation de la maison des Marmousets sur le plan de Berty.
  4. Le détail du chien est attribué à l'imagination de l’auteur Louis Marie Prudhomme (1752-1830). Voir une chronologie des évolutions narratives sur « Rue des Marmousets, 1865 », sur Vergue, (consulté le ).
  5. Pierre Thomas Nicolas Hurtaut et L de Magny, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, Moutard, (lire en ligne), p. 396. « Ces crimes horribles ayant été découverts le Barbier & le Pâtissier furent punis de mort, leurs maisons rasées & une pyramide érigée en leur place. On n'a point de preuves positives de tous ces faits ; mais il est constant que pendant plus de cent ans, il y a eu dans cette rue une place vide sur laquelle le Propriétaire ne croyoit pas qu il lui fût permis de bâtir. ».
  6. Jacques du Breul, Le Théâtre des antiquitez de Paris, Paris, Société des imprimeurs, (1re éd. 1612) (lire en ligne), p. 84-86.
  7. Antoine Le Roux de Lincy et Lazare-Maurice Tisserand, Paris et ses historiens aux XIVe et XVe siècles : Documents et écrits originaux recueillis et commentés, Paris, Imprimerie impériale, (lire en ligne), p. 164. « [La rue] devait son appellation à une maison importante désignée dans les anciens titres sous le nom de Domus Marmosetorum. C'est là que la tradition plaçait la demeure du pâtissier et du barbier qui faisaient commerce de chair humaine. La “pierre du chien”, qu'on regardait comme un témoignage de cette sanglante histoire, était engagée dans une maison formant l'angle de la rue des Deux-Ermites. »
  8. Jessica Brocca, « Dijon : La maison « sans toit » et les pâtés de chair humaine », sur jondi.fr, (consulté le ).

Bibliographie

  • Henri Gougaud, La Bible du hibou : Légendes, peurs bleues, fables et fantaisies du temps où les hivers étaient rudes, Points, , 384 p. (ISBN 275782712X)
  • Jacques Yonnet, Rue des maléfices : Chronique secrète d'une ville, Libretto, , 320 p. (ISBN 978-2-85940-980-7)
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