Agribashing
L'agribashing désigne, en France, la critique du mode de production agricole intensif, et renvoie, selon la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) notamment, à un présupposé dénigrement systématique du secteur agricole. Apparue en 2016 et rapidement populaire après 2018, la notion d'agribashing reste controversée.
Histoire
Le terme agribashing apparaît en 2016 sur le fil Twitter de l'animateur du blog polémiste Agriculture & Environnement. Il trouve un premier écho médiatique et politique en 2018, lors des discussions sur la loi agriculture et alimentation, et devient un mot d'ordre popularisé par la FNSEA en 2019[1], d'abord lors des élections aux chambres d'agriculture, puis lors de manifestations d'agriculteurs[2] contre les zones de non-traitement aux pesticides. La notion d'agribashing reçoit une reconnaissance institutionnelle avec la création de la cellule Déméter de la gendarmerie nationale en octobre 2019[3],[4], ainsi qu'avec le déploiement progressif « d'observatoires de l'agribashing » dans plusieurs préfectures[5].
Le vice-président de la FNSEA reconnaît en février 2020 que son syndicat est bien à l'origine de la création de la cellule Déméter[6].
Le terme d'« agriloving » est créé en 2019 par des professionnels de la communication au sein de l'entreprise InVivo, qui est le premier groupe agricole coopératif français[4].
Pertinence
L'idée d'agribashing fonctionne, selon Rémi Mer, comme un double leurre : elle cache d'une part l'image très positive des agriculteurs dans l'opinion publique française[7], et occulte la stratégie médiatique des ONG les plus virulentes envers l'agriculture intensive, en postulant à la place un dénigrement généralisé du monde agricole. Ainsi, si « le terme agribashing traduit le sentiment bien réel de dénigrement que vivent certains agriculteurs », il a cependant plus tendance à obscurcir qu'à rendre compte fidèlement des relations entre les agriculteurs et la société[8].
Le succès du terme proviendrait d'une boucle médiatique : si l'on parle tant de l'agribashing, c'est donc qu'il existe[9]. Sa pertinence est cependant faible, puisqu'il s'inscrit dans une stratégie de communication victimaire et corporatiste qui ne favorise pas le dialogue[10].
Ainsi, pour Yannick Sencébé, « l’agribashing n’est pas saisissable à travers la recension des fauteurs de trouble qui en seraient à l’origine mais dans les intentions de ceux qui le font exister par la constitution et l’instrumentalisation d’un narratif du dénigrement généralisé de l’agriculture et par des dispositifs d’enrôlement des pouvoirs publics et de mobilisation syndicale des producteurs »[11].
Eddy Fougier, politologue, définit l'agribashing comme le fait de dire du mal de l'agriculture et des agriculteurs. Selon lui, c'est davantage l'agriculture qui est visée que les agriculteurs[12][source insuffisante].
Critiques
La notion d'agribashing est critiquée au sein du monde paysan. Pour la Coordination rurale, « L'agribashing cache la forêt. La priorité reste d'augmenter les revenus des agriculteurs et de les tirer du bourbier administratif dans lequel ils sont plongés ». La Confédération paysanne estime que l'agribashing consiste à adopter une position victimaire afin d'éviter « d'aborder des sujets à propos desquels la société s'interroge légitimement, comme la place des pesticides ou la qualité de l'alimentation »[1].
Pour Stéphane Foucart[13] et Stéphane Horel, l'agribashing fonctionne comme le point Godwin de la critique du système agricole productiviste, et sert de « levier d’influence pour une partie du monde agricole »[4].
Une tribune d'associations promouvant l'agriculture paysanne et biologique[14], publiée en janvier 2020 par Reporterre dénonce l'agribashing comme « une invention des communicants de la FNSEA », un moyen de pression du lobby productiviste. Les associations rejettent la convention signée entre le Ministère de l'Intérieur et la FNSEA, et « l’intimidation accrue de tous les adversaires décidés de la FNSEA »[15]. Pour Gilles Luneau, la FNSEA manipulerait, par l'emploi du terme agribashing, les représentations d'un malaise agricole dans lequel le syndicat aurait joué un rôle fondateur[16].
La présidente de l'association végétarienne de France, Élodie Vieille Blanchard, a publié dans Libération une tribune accusant le gouvernement et la FNSEA de se servir du concept d'agribashing pour empêcher une transition vers une végétalisation de l'agriculture[17]. Pour Aurélien Barrau, Florence Burgat et Jean-Baptiste Del Amo, l'agribashing est « le nouveau mantra psalmodié par l’industrie de la viande et ses défenseurs »[18].
Notes et références
- Vincent Matalon, « "Ce n'est pas l''agribashing' qui pousse au suicide !" : des agriculteurs regrettent la mobilisation lancée par la FNSEA », sur Franceinfo, (consulté le )
- « Manifestation : Des tracteurs en ville contre l’agribashing », sur La France Agricole, (consulté le )
- « Présentation de « DEMETER », la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole », sur interieur.gouv.fr (consulté le )
- Stéphane Foucart et Stéphane Horel, « « Agribashing » : un levier d’influence pour une partie du monde agricole », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Yann Lastenet, « Agribashing : la préfecture de la Sarthe ouvre une cellule pour venir en aide aux agriculteurs », sur France Bleu, (consulté le )
- Stéphane Horel, « Vives critiques contre Déméter, la cellule de gendarmerie surveillant les « atteintes au monde agricole » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Pierre Carrey, « Les plaies des champs », sur Libération.fr, Libération, (consulté le )
- « Agribashing : un terme à proscrire pour comprendre la relation agriculture et société », sur chambres-agriculture.fr, (consulté le )
- Rémi Mer, « Agribashing, vraiment (I) ? Du blues au (bad) buzz… », sur SESAME INRA, (consulté le )
- Rémi Mer, « Agribashing, vraiment (II) ? Du buzz et des réseaux sociaux », sur SESAME INRA, (consulté le )
- Yannick Sencébé, « Agribashing. La (dis)qualification de la critique au temps de la transition agroécologique », sur vocabulairedestransitions.fr, (consulté le )
- « Connaitre l'agribashing pour mieux savoir y répondre », sur Wikiagri.fr, (consulté le )
- Stéphane Foucart, « « Greenbashing » et « agribashing » : pourquoi une telle asymétrie de traitement ? », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Elle regroupe notamment les Amis de la Terre, Biocoop, Générations futures, Le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest, la Confédération paysanne, Eau et rivières de Bretagne, Greenpeace France.
- Collectif, « Le gouvernement a créé une cellule militaire pour surveiller les opposants à l'agro-industrie », sur Reporterre, le quotidien de l'écologie, Reporterre, (consulté le )
- Gilles Luneau, « Agribashing : « Les paysans ont perdu la bataille culturelle contre la ville » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Élodie Vieille Blanchard, « Alimentation : il faut faire passer la santé avant les lobbys », sur Libération.fr, (consulté le )
- Collectif, « « Le gouvernement entend museler les lanceurs d’alerte sur la question animale » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
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