Albert Thys
Albert Thys (1849-1915) est un homme d'affaires belge, associé proche de Léopold II lors de la colonisation de l'État indépendant du Congo. Promoteur de la principale ligne de chemin de fer du pays, construite par travaux forcés, et l'un des principaux artisans du développement économique de la colonie.
Pour les articles homonymes, voir Thys.
Naissance | |
---|---|
Décès |
(à 65 ans) Bruxelles |
Nationalité | |
Formation | |
Activités | |
Famille |
Henry Le Bœuf (gendre) |
Grade militaire |
---|
Biographie
Albert Thys naît à Dalhem le .
Après avoir obtenu les diplômes de l'École royale militaire et de l'École de guerre à l'âge de 27 ans, en 1876[1], il entre au service de Léopold II de Belgique pour assurer le secrétariat pour les affaires coloniales.
En , il épouse Julie Mottin, fille d'un ingénieur des chemins de fer, qui lui donne six enfants[2].
Implication au Congo belge
Au retour de Henry Morton Stanley, le roi envoie Thys en Angleterre pour lui proposer une nouvelle expédition en Afrique centrale pour le compte de l'Association internationale africaine. Il prend une part active à l'organisation des premières expéditions qui conduisent à la constitution de l'État indépendant du Congo.
En , le capitaine Albert Thys est nommé officier d'ordonnance du roi Léopold II, avec « l'autorisation spéciale d'approcher Sa Majesté à n'importe quel moment »[3]. En 1885, l'année de la création de l'Etat indépendant du Congo, Thys est chargé de mettre au point un emprunt de cent millions de francs belges permettant de financer les projets de Léopold II.
D'après l'historien belge Pierre Salmon[4] « à l'époque où un groupe anglais, le “Syndicat de Manchester” propose de construire le chemin de fer du Bas-Congo (Congo Railway Co) avec une clause selon laquelle l'E.I.C lui accorde un droit de police sur la voie ferrée et sur une bande de terrain de chaque côté de celle-ci, Thys se déclare hostile à cette concession et en fait part au Roi lui-même en toute franchise. Il lui propose de créer la “Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie” (C.C.C.I.) et d'aller sur place au Bas-Congo pour se forger une opinion personnelle et y installer des brigades d'ingénieurs chargés d'étudier le projet de chemin de fer. »
Arrivé au Congo en 1887, Thys est le promoteur[1] de la ligne de chemin de fer Matadi-Léopoldville, construite de 1890 à 1898. Il impose un itinéraire par le sud, s'écartant du fleuve Congo. Les conditions de vie pendant la construction de ce chemin de fer étaient absolument épouvantables. Les installations sanitaires et médicales étaient inférieures aux normes. En 1892, environ 2000 personnes travaillaient sur le chemin de fer, et une moyenne de 150 travailleurs par mois ont perdu la vie à cause de la variole, de la dysenterie, du beriberi et de l’épuisement. Vers la fin de 1892, 7000 travailleurs avaient déjà été recrutés, dont 3500 étaient morts ou avaient fui (par exemple dans les forêts voisines). Dans ces circonstances, il était plus difficile de recruter des travailleurs. Thys attira donc des gens de la Barbade et de Chine en septembre et novembre 1892. Les Barbadiens ont refusé de quitter les bateaux dans le port de Matadi jusqu’à ce qu’ils soient forcés par des armes à feu. Sept personnes laissèrent la vie dans cette action[5].
Thys est décrit comme l'un des principaux artisans de la mise en valeur et du développement économique de l'État indépendant du Congo et du Congo belge. Il créa notamment la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie () et de ses nombreuses filiales : le Chemin de fer du Congo, la Compagnie des Magasins généraux, la Société anonyme belge pour le Commerce du Haut-Congo, la Compagnie des Produits, la Compagnie du Katanga[6].
D'après l'historien belge René J. Cornet, Albert Thys était « l'initiateur de l'action privée au Congo et l'âme de l'effort financier belge dans les entreprises africaines. Il fut véritablement le créateur de la richesse coloniale belge.[7] »
Il meurt à Bruxelles le [1] à 66 ans.
Citations
« La création de l'État du Congo est, comme je le disais plus haut une conception coloniale absolument nouvelle et, à proprement parler, ce n'est pas une colonie, celle-ci dépossédant l'indigène de son sol et considérant l'indigène comme la race conquise. En fait, ici, les indigènes ce sont les citoyens du nouvel État et les blancs envoyés au Congo par le gouvernement seront des tuteurs provisoires à la population noire qui ne sera appelée à la gestion des affaires publiques que quand son éducation sera suffisamment faite. Fatalement jusqu'ici toute occupation coloniale a abouti, non seulement à l'asservissement de la race aborigène, mais encore, et presque fatalement, à la suppression de cette race et à son remplacement par la race conquérante. C'est notamment ce qui s'est passé dans les Amériques et même plus ou moins dans les Indes anglaises et néerlandaises. Ici, il ne peut pas un seul instant être question d'agir ainsi. Le Nègre est le citoyen de l'État Indépendant du Congo ; nous devons, non l'asservir, mais l'éduquer et l'élever, socialement parlant, jusqu'à ce qu'il puisse se gouverner lui-même, quitte à être même flanqué à la porte par les Nègres de l'avenir. »
« Jamais notre action coloniale ne fut plus belle qu'au moment de la campagne arabe. Vous souvenez-vous du mouvement d'indignation qui secoua le monde civilisé quand Livingstone et Stanley dépeignirent les horreurs de la traite, dans le centre africain ? Comme une nuée de sauterelles qui dévastent en une nuit, une région entière, des bandes d'Arabes pillards tombaient sur les villages, massacraient sans pitié tous les malheureux qui ne représentaient pas une valeur marchande et se retiraient ensuite, poussant à coup de bâton vers la côte un lamentable troupeau de bétail humain, dont un dixième à peine arrivait au but. »[8]
Postérité
Monuments
- Des monuments ont été érigés à Dalhem et Bruxelles.
- On a donné le nom de Thysville à la station de Sona Qongo, actuelle Mbanza-Ngungu dans le Bas-Congo ; le même nom a été donné à un paquebot de la Compagnie maritime belge, le MS Thysville.
Descendants
Première génération
- Frans Thys (1881-1944), avocat
- Robert (1884-1964), administrateur de la Société des Ciments du Congo et premier administrateur-délégué de la Sabena[10]
- William Thys (1886-1935), vice-président et administrateur-délégué de la Banque de Bruxelles et de la Brufina
- Louise Thys, mariée à Henry Le Bœuf (1874-1935)
Deuxième génération
- Odilon-Jean Perier (1901-1928), poète
- Gilbert Perier (1902-1968), président de la Sabena (1947) et de l'IATA (1948-1949)
- Albert Thys (1912-1981), président d'Electrabel et d'Intercom
Troisième génération
- Christine Le Bœuf, épouse de l'éditeur Hubert Nyssen
Bibliographie
- Jean Dusart, Albert Thys : créateur de la ligne de Chemin de fer Matadi-Léopoldville, Bibliothèque de l'Étoile, 1948, 55 pages.
- Georges Defauwes[11] (conservateur du Musée communal Albert Thys de Dalhem), Albert Thys : de Dalhem au Congo, [s.d.] (1995), 72 pages, Collection « Comté de Dalhem - Choses, gens et sites de chez nous », préface de Paul Bolland, gouverneur honoraire de la Province de Liège. Lire en ligne sur le site www.dalhem.be
Notes et références
- Site archives.lesoir.be, Liégeois évanoui dans le temps : Albert Thys : Le Congo par le Rail, article de Marie-Pierre Fonsny du samedi 13 juillet 1991. lire (consulté le 9 juin 2011).
- Georges Defauwes, Albert Thys de Dalhem au Congo, p.10
- Georges Defauwes, Albert Thys de Dalhem au Congo, p.11
- Pierre Salmon, Malamou - Lettres d'Albert Thys à son épouse, 1887-1888, introduction
- Verbeeck, M., 2019. Masterproef: Dwangarbeid in de Belgische rechtsgeschiedenis (1885-1945). Université de Gand https://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/002/790/223/RUG01-002790223_2019_0001_AC.pdf
- « (…) en récompense de ses expéditions vers le sud du Congo dans les années 1891-1892, le roi avait attribué un tiers du sol katangais en propriété à Albert Thys », E.D Morel contre Léopold II par Jules Marchal (1996), collection « Zaïre - Histoire & Société », L'Harmattan, vol. 1 p. 62.
- René J. Cornet, Katanga, Ed. L. Cuypers, 1944, p. 86.
- Lettre à son épouse écrite lors de son premier voyage au Congo le 6 décembre 1887. Conférence sur L'expansion coloniale belge donnée à Liège le 3 novembre 1905. Fonds Thys, Dalhem. Vol. VII p. 35 et 36.
- Rue Général Thys
- Jacques Gorteman et Marc Vandermeir, La SABENA (1923-2001) et l'Aviation en Belgique, , 630 p. (lire en ligne)
- Information sur Georges Defauwes dans les archives du AfricaMuseum (Tervuren)
Voir aussi
Articles connexes
Lien externe
- Portail de la Belgique
- Portail du monde colonial
- Portail de la république démocratique du Congo
- Portail du chemin de fer