Mathématiques tropicales
Les mathématiques tropicales, ou géométrie tropicale, sont une branche des mathématiques correspondant à l'étude d'un système modifié grâce à la redéfinition de l'addition et de la multiplication (et conséquemment d'autres opérations). Deux algèbres tropicales ont été définies : l'algèbre min-plus, définie avec le minimum pour addition et l'addition pour multiplication[1], et l'algèbre max-plus, définie avec le maximum pour addition et l'addition pour multiplication[2].
Les mathématiques tropicales sont dénommées ainsi en l'honneur de leur inventeur brésilien, Imre Simon. L'emploi de l'adjectif tropical est attribué par Jean-Éric Pin à Dominique Perrin[3], alors que Imre Simon lui-même l'attribue à Christian Choffrut [4],[5]. Le terme tropical n'a pas d'autre sens que de faire référence au Brésil.
Demi-corps max-plus
L'ensemble R des nombres réels, muni des opérations de maximum et d'addition, possède une structure de Demi-corps commutatif.
Opérateurs mathématiques
- On définit l'addition tropicale par :
- .
Le résultat de l'addition tropicale de deux nombres est donc le maximum de ceux-ci. Ainsi, .
- On définit la multiplication tropicale (ou produit tropical) (ou ) par :
- .
Le résultat de la multiplication tropicale de deux nombres est donc la somme usuelle de ceux-ci. Ainsi, .
Propriétés des opérateurs
L'addition tropicale est, comme l'addition usuelle, commutative et associative. Il n'y a pas d'élément neutre dans ; si on travaille dans , l'élément neutre est alors ; en effet, . Il n'y a pas d'élément opposé à un élément donné : pour que , il faut que .
La multiplication tropicale est, comme la multiplication usuelle, commutative et associative. Elle est distributive par rapport à l'addition tropicale . Le nombre 0 est l'élément neutre pour la multiplication tropicale. Pour disposer d'un élément absorbant, on travaille dans . L'élément absorbant est alors . En effet, . Tout élément possède un inverse pour la multiplication tropicale puisque en effet .
Il manque à la structure l'élément neutre pour la première loi et l'existence d'élément symétrique pour la première loi pour que la structure soit un corps. On parle alors du demi-corps .
Puissance tropicale
La puissance tropicale, notée , avec a un réel et n un entier naturel, correspond à la multiplication usuelle. En effet,
- .
Ainsi, le polynôme tropical en 2 variables
s'écrit, avec les notations plus usuelles,
Demi-corps min-plus
On définit une autre structure de demi-corps en prenant pour première loi le minimum au lieu du maximum.
Polynômes tropicaux
On se place dans le demi-corps min-plus. Un polynôme tropical est une fonction qui peut s'exprimer comme une somme tropicale d'un nombre fini de termes monomiaux. Chaque monôme est un produit tropical d'une constante et de variables prises dans un ensemble . Ainsi, un polynôme tropical est F est le minimum d'une famille finie de transformations linéaires affines dans lesquelles les variables ont des coefficients linéaires ; c'est une fonction concave, continue, et linéaire par morceaux[6] :
L'ensemble des points où un polynôme tropical F est non différentiable est appelé son hypersurface tropicale et noté (en analogie avec les variétés algébriques. De manière équivalente, est l'ensemble des points où le minimum des termes de F est atteint par au moins 2 termes.
Application : calcul des distances dans un graphe
On ajoute à R l'élément et on munit l'ensemble de la structure min-plus ; on peut utiliser la structure ainsi définie pour le calcul de plus courte distance dans un graphe.
On représente un graphe pondéré à n sommets par la matrice qui donne les distances entre chaque sommet: si le sommet i est lié avec le sommet j alors l'élément est égal au poids de l'arête (i,j), si les sommets i et j ne sont pas reliés alors correspond à l'infini (on a ).
Ainsi la distance entre i et j en passant par au plus un sommet est :
Ceci correspond au produit matriciel dans la structure min-plus. Ainsi pour calculer la longueur d'un plus court chemin d'un sommet à un autre, on a au plus n étapes, dans le graphe, il suffit de calculer la puissance n de A pour cette structure.
Références
- C'est la définition des mathématiques tropicales par leur inventeur Imre Simon, en ligne sur Scientific Commons.
- Ilia Itenberg, « Introduction à la géométrie tropicale », p. 2.
- Jean-Éric Pin, « Tropical Semirings », dans J. Gunawardena, Idempotency (Bristol, 1994), Cambridge, Cambridge University Press, , p. 50-69.
- Imre Simon, « Recognizable sets with multiplicities in the tropical semiring », dans Mathematical Foundations of Computer Science (Carlsbad, 1988), Springer, coll. « Lecture Notes in Computer Science » (no 324), (lire en ligne), p. 107–120.
- Mathoverflow, 2011, What's tropical about tropical algebra? sur Mathoverflow
- David Speyer et Bernd Sturmfels, « Tropical mathematics », Mathematics Magazine, vol. 82, no 3, , p. 163–173 (DOI 10.1080/0025570X.2009.11953615, lire en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
- Ilia Itenberg, « Droites tropicales », Images des mathématiques, CNRS, (lire en ligne)
- (en) Diane Maclagan et Bernd Sturmfels, Introduction to Tropical Geometry, Providence (R. I.), American Mathematical Society, coll. « Graduate Studies in Mathematics » (no 161), , 363 p. (ISBN 978-0-8218-5198-2, lire en ligne)
- Ilia Itenberg, Grigory Mikhalkin et Eugenii Shustin, Tropical algebraic geometry, Bâle, Birkhäuser, coll. « Oberwolfach Seminars » (no 35), (ISBN 978-3-0346-0047-7, OCLC 310400815)
- Dima Grigoriev, « Tropical differential equations », Advances in Applied Mathematics, vol. 82, , p. 120–128 (DOI 10.1016/j.aam.2016.08.002, arXiv 1502.08010.pdf)
- Dima Grigoriev, « Tropical recurrent sequences », Advances in Applied Mathematics, vol. 116, , article no 102012 (DOI 10.1016/j.aam.2020.102012, arXiv 1807.10714)
- Antoine Chambert-Loir, « Quand la géométrie devient tropicale », Pour la science, no 492, , p. 26-33
- (de) Hannah Markwig, « Tropische Geometrie », dans Katrin Wendland, Annette Werner (éd.), Facettenreiche Mathematik, Wiesbaden, Vieweg+Teubner Verlag, (ISBN 978-3-8348-1414-2)
Articles connexes
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