Alhambra (Grenade)

L'Alhambra (de l'arabe Al-Hamrâ - الحَمْراء) de Grenade en Andalousie est un ensemble palatial constituant l'un des monuments majeurs de l'architecture islamique. Acropole médiévale la plus majestueuse du monde méditerranéen, située sur le plateau de la Sabika qui domine la ville, elle se compose essentiellement de quatre parties incluses dans son enceinte fortifiée : l'Alcazaba, les palais nasrides, le Généralife, ses jardins, et le palais de Charles Quint.

Pour les articles homonymes, voir Alhambra.

Alhambra, Generalife et Albaicin, Grenade *
Coordonnées 37° 10′ 37″ nord, 3° 35′ 24″ ouest
Pays Espagne
Subdivision Province de Grenade
Andalousie
Type Culturel
Critères (i) (iii) (iv)
Numéro
d’identification
314bis
Zone géographique Europe et Amérique du Nord **
Année d’inscription 1984 (8e session)
Année d’extension 1994 (18e session)

Plan du palais datant de 1889.
Géolocalisation sur la carte : Espagne
Géolocalisation sur la carte : Andalousie
* Descriptif officiel UNESCO
** Classification UNESCO

C'est avec la Grande mosquée de Cordoue le plus prestigieux témoin de la présence musulmane en Espagne du VIIIe au XVe siècle. Leurs caractères sont d'ailleurs opposés : à la sobriété du monument religieux représentatif de la première architecture islamique, s'oppose l'exubérance de la dernière manière hispano-mauresque : celle-ci s'exprime en effet dans les palais des derniers souverains nasrides, alors en pleine décadence, et qui disparaîtront bientôt lors des derniers assauts de la Reconquista.

Description générale

C'est un ensemble fortifié situé sur la colline de la Sabika, qui domine la plaine et la ville de Grenade, et qui fait face au quartier populaire et pittoresque de l'Albaicín. On y aperçoit au loin les sommets enneigés de la Sierra Nevada. Parmi ces bâtiments se trouvent notamment le palais mauresque qui fait la gloire de l'Alhambra ainsi que le palais de style renaissance de Charles Quint et une église édifiée à la place d'une mosquée.

Alhambra par Juan Laurent, c. 1874, Department of Image Collections, National Gallery of Art Library, Washington, DC

Le nom vient de l'arabe الْقَلْعَةُ ٱلْحَمْرَاءُ, ʾal-Qalʻatu al-Ḥamrāʼ(u), c'est-à-dire « le château rouge ». Il peut s'agir d'une référence à Mohammed ben Nazar, dit الأحمر, ʾal-aḥmar le rouge », à cause de sa barbe rousse), le fondateur de la dynastie des Nasrides, qui entra à Grenade en 1238 et fonda le site, mais le toponyme semble plus ancien[1]. Son fils Mohammed II le fortifia. Le style nasride atteint son apogée au XIVe siècle sous les rois Youssouf Ier et Mohammed V al-Ghanî, qui font édifier les parties les plus prestigieuses entre 1333 et 1354. Chaque souverain reprenait le palais de son prédécesseur et en édifiait de nouvelles parties, le modifiant à sa guise : on parle donc de palais Nasrides, au pluriel, pour cet ensemble.

Alors que presque partout dans le monde musulman les palais anciens ont disparu ou ne sont plus que des ruines, l’Alhambra possède encore deux groupes de palais du XIVe siècle. Les demeures bâties par les premiers souverains de la dynastie ont disparu et, au XVe siècle, les rois de Grenade n’ont pas eu les ressources nécessaires pour remplacer les palais subsistant aujourd’hui.

Éléments constitutifs de l'Alhambra

Plan de l'Alhambra.

L'Alcazaba

Son nom provient de l'arabe « Al Casbah » qui signifie une forteresse ou une citadelle.

C'est la citadelle primitive hébergeant les hommes de guerre, semblable à un alcazar, édifiée sur le fronton sud de la colline de l'Alhambra. Elle bénéficie d'une hauteur stratégiquement imparable : du haut de la plus haute tour, on peut observer toute la plaine de Grenade, la « Vega granadina ». Son architecture est destinée à la protection de forteresse en temps de siège. Disposant d'une médina intérieure, distincte de celle de l'enceinte de l'Alhambra, elle correspond au donjon intérieur d'un château fort, en termes d'architecture médiévale. La forteresse disposait également de hammams, qui sont aujourd'hui en restauration.

Durant la Reconquista au XVe siècle, les princes Nazari observaient du haut de la tour de l'Alcazaba les mouvements de troupes militaires dans la plaine de Grenade. Symboliquement, les Rois Catholiques, leurs adversaires, avaient installé à Santa Fe un camp fortifié militaire en pleine terre ennemie, pour affirmer leur prégnance sur le terrain.

Les Palais Nasrides

Plan des palais nasrides. En jaune : le Mexuar ; en rouge : le palais de Comares ; en vert : le palais des Lions ; en bleu : les logis de l'empereur.

Le plan d'ensemble des Palais nasrides s'organise en de multiples salles rectangulaires, partiellement intégrées à l'enceinte reliées entre elles par des vestibules et réparties en trois ensembles : Mexuar, Palais de Comares (Palacio de Comares) et Palais des Lions (Palacio de los leones).

L'ensemble est disposé autour des deux joyaux de l'Alhambra de Grenade :

  • La Cour des Myrtes (Patio de los Arrayanes), au pied de la Tour de Comares et du Salon des Ambassadeurs.
  • La Cour des Lions (Patio de los Leones).

On peut autant parler d'un décor que d'une architecture. L'extérieur est très sobre, la décoration intérieure est foisonnante, à base des trois composantes des arts de l'Islam : la calligraphie, la décoration florale stylisée, les arabesques et motifs géométriques. Le blason du royaume nasride de Grenade est régulièrement sculpté.

La Cour des Lions est une cour rectangulaire de 35 m de long sur 20 m de large, entourée d'une galerie couverte délimitée par 124 colonnes de marbre blanc avec arcs outrepassés et riche ornementation de filigrane. Un pavillon fait saillie dans la cour à chaque extrémité, couvert d'un toit pyramidal et avec une décoration en continuité de celle de la galerie couverte. Le sol a un pavement coloré et les murs portent jusqu'à la hauteur de 1,5 m une décoration d'azulejos bleus et jaunes. Les colonnes supportant les toits et la couverture de la galerie sont espacées de manière irrégulière. Elles sont ornées de motifs végétaux variés. Au-dessus de chaque arche et au-dessus de chaque colonne sont délimités des panneaux rectangulaires décorés d'arabesques et de filigranes sculptés. Au centre de la cour se trouve la Fontaine des Lions, bassin d'albâtre supporté par douze statues de lions en marbre blanc assez grossièrement figurés mais symbolisant la puissance et le courage.

Les Jardins du Partal

Le Portique de la Tour des Dames, dans les Jardins du Partal.

Ces jardins sont situés dans l'enceinte de l'Alhambra, ils ont les vues les plus précieuses et les plus raffinées sur le quartier de l'Albaicín. Les jardins sont en étages successifs, séparés d'escaliers et de pergolas.

Ils sont accessibles en sortie des palais Nazaris. On peut également les visiter sans passer par les palais, en passant à droite des murs du palais de Charles Quint, par un chemin s'opposant à son entrée principale. La vue sur l'Albaicin avec en avant plan le bassin réfléchissant le portique des Dames et ses colonnades, ainsi que les palmiers le bordant, est d'une pureté passée.

La Tour des Dames (Torre de las Damas) constitue l'une des plus célèbres parties des Jardins du Partal. Son portique de colonnades se réfléchissant sur un bassin, expressément placé pour la vue, est particulièrement photogénique.

On pourra voir dans les jardins les restes de plusieurs palais, car cette zone fut habitée par la noblesse musulmane. Le plus important d’eux fut le Palais de Yusuf III, qui ressemblait au Palais de Comares (Palacio de Comares). Il fut détruit au XVIIIe siècle, mais selon les récits il s’agissait du plus beau des palais de l’Alhambra.

Yusuf Ier venait prendre ombrage dans le Palais-terrasse de Yusuf alors que le Généralife était en construction sur l'autre versant de la colline de la Sabika.

Le Généralife

Vue intérieure des jardins du Généralife.

C'était le palais d'été des princes Nasrides. Ils venaient s'y rafraîchir dans les ombrages, près des bassins d'eau. Le Généralife est situé hors des murs d'enceinte, sur l'autre versant du plateau principal. Ce palais est très connu en Espagne et plusieurs poèmes ont été écrits sur ce sujet. Le nom est un dérivé de l'arabe « Jannat al-Arif » signifiant « paradis » ou « jardins de l'architecte ».

L'abondance de l'eau dans cette Andalousie dominée par les sommets enneigés de la Sierra Nevada fut pour tous ces princes issus du désert une véritable révélation. L'Alhambra et les jardins du Généralife sont les symboles les plus forts de cette domestication de l'eau qui rafraîchissait chaque cour et jardin.

Le palais de Charles Quint

Palais de Charles Quint
Vue du patio circulaire intérieur.

Le palais de Charles Quint est un ajout des vainqueurs castillans postérieur à l'édification des palais mauresques sur la colline de la Sabika. Il est adossé aux palais nasrides - à tel point qu'une série de travaux en cours consiste à désolidariser un escalier monumental qui partage ses dalles avec les parois du palais de Comares.

Sa fonction symbolique est directement de signifier la mainmise du pouvoir de l'Empereur sur ces terres conquises lors de la génération des rois catholiques qui l'ont précédé.

C'est un bâtiment de style renaissance situé sur la colline de l'Alhambra. Il s'agit d'une commande de l'Empereur qui voulait y établir sa résidence grenadine. Déjà les rois catholiques y avaient réalisé quelques salles, mais les intentions de Charles Quint était d'y avoir une résidence permanente à la mesure de son rang.

Le projet fut délégué à Pedro Machuca, dans une Espagne où le style dominant était le plateresque, et qui ne s'était pas encore complètement libérée de l'art gothique, Machuca construisit un palais que l'on peut qualifier de maniériste, un style qui faisait alors son apparition en Italie.

La base du palais est un carré de 63 mètres de côté avec un patio circulaire inscrit en son sein. Cette disposition, le principal signe maniériste du palais, est sans précédent dans l'architecture de la Renaissance, et place le bâtiment dans l'avant-garde artistique de son époque. L'édifice compte deux niveaux. Celui du bas d'ordre toscan est constitué de pilastres sur lesquels reposent des anneaux de bronze décorés. L'étage supérieur est d'ordre ionique et entre deux pilastres se trouve une baie surmontée d'un fronton. Les deux façades principales arborent un placage en pierre provenant de la sierra Elvira. Le patio circulaire lui aussi comporte deux étages. L'étage inférieur est formé d'une colonnade dorique en pierre avec un entablement très classique, formé de triglyphes et de métopes ornés de couronnes et de têtes de bœufs. L'étage supérieur quant à lui est formé d'une colonnade de style ionique plus légère, avec un entablement lisse. La structure générale du patio illustre une très grande connaissance de l'architecture impériale romaine et s'insérerait parfaitement dans le style Renaissance sans la présence de ce patio circulaire qui provoque la surprise une fois que le visiteur traverse les façades principales, et subordonne les espaces intérieurs et les circulations verticales à l'idée génératrice. De telles techniques de composition seront développées par Michel-Ange et Palladio sous l'étiquette du maniérisme.

Le bâtiment est situé au cœur de l'Alhambra nazare, à l'extrémité du patio de los Arrayanes, et lors de sa construction, on a dû déplacer un pavillon opposé à la tour de Comares. Ce détail, objet de critique et de polémique, doit être replacé dans le contexte de l'époque. Le palais de Charles Quint ne signifie pas tant la destruction d'une partie de l'Alhambra que la garantie de la survie du reste. En des temps où la pratique courante était la destruction totale des temples et palais des peuples conquis, la sensibilité des rois chrétiens face à la beauté incontestable de l'Alhambra imposa la nécessité de la conserver.

Cette œuvre n'a rien à voir avec les autres œuvres espagnoles de l'époque, la plupart fondées sur des conceptions locales. Son influence fut limitée parce qu'incomprise : il fallut attendre longtemps jusqu'à ce que Jean-Baptiste de Tolède et Jean de Herral maîtrisent aussi bien le style classique lors de la réalisation du monastère de l'Escurial.

Mise en chantier par Pedro Machuca en 1527, la construction de l'ostentatoire palais neuf fut laborieuse. La construction des cours dites de Lindaraja et de la Grille résulte de ces travaux, achevés en 1537.

Murailles de l'Alhambra.

La Médina

La Médina est la première zone accessible une fois passé le pont-levis arrière. Elle correspond à une zone habitée. L'Alhambra, outre la vie palatine des princes, était une véritable cité sur la colline, peuplée par les fidèles des Nasrides, à l'écart des tumultes de la ville basse.

La médina était le lieu de vie pour tous ces gens. Il ne reste aujourd'hui que les fondations des maisons.

Les tours d'enceinte

La Tour de Comares est, avec la tour principale de la forteresse de l'Alcazaba, la plus imposante des tours d'enceinte.

À l'époque de sa splendeur, l'Alhambra alignait trente tours de défense. Lors de la prise du monument par les troupes françaises de Napoléon Ier, les tours les plus stratégiques furent détruites pour rendre l'ensemble inoffensif. Napoléon entreprit également la réfection d'autres zones de l'Alhambra, information aujourd'hui sujette à caution par l'historiographie espagnole.

Palais perdus, ou en cours de restauration

Postérité

Après le règne des Nasrides de l'ombre, malgré le désir des Rois Catholiques d'effacer les traces de l'Islam des territoires entièrement reconquis par les chrétiens après la chute de Grenade en 1492, le palais mauresque était tellement superbe qu'il fut épargné et servit de résidence royale lorsque la cour passait à Grenade. Les souverains y proclament le Décret de l'Alhambra.

L'ensemble tomba ensuite en désuétude, ne faisant l'objet de restaurations qu'à l'occasion de séjours royaux.

L'Alhambra étant dès lors un des grands événements historiques, les pillards y firent leur apparition, ce que décrit Washington Irving dans ses contes (voir bibliographie en fin d'article).

Une action d'éclat[Laquelle ?] sauva l'Alcazaba[Comment ?] de la destruction pendant la guerre civile espagnole[réf. nécessaire].

Les jardins sont à présent entretenus grâce au Patronato de La Alhambra, qui gère l'ensemble du monument et permet la visite à 7 000 personnes par jour.

La gazelle est le symbole de l'Alhambra, elle est assimilable à un emblème héraldique depuis l'exploitation touristique du site. Cette image correspond à la version stylisée d'un vase décoratif retrouvé parmi les objets de l'Alhambra ; l'original se trouve dans le musée du palais de Charles Quint[Où ?].

Vue nocturne de l'Alhambra depuis l'Albaicín
L'Alhambra, vue depuis le Mirador de San Nicolas, en haut du quartier de l'Albaicín

L'Alhambra dans les arts

Littérature

Le poète français Victor Hugo, dans l'Orientale XXXI du Livre III, datées des 3-, en donne la description suivante :

L'Alhambra ! l'Alhambra ! Palais que les génies
Ont doré comme un rêve et rempli d'harmonies.
Forteresse aux créneaux festonnés et croulants
Où l'on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,
Sème les murs de trèfles blancs.

 Victor Hugo, Extrait des « Orientales » XXXI (Grenade) du Livre III

Musique

L'Alhambra a été la source d'inspiration de Francisco Tàrrega quand il a composé Recuerdos de la Alhambra en 1896, morceau qui est considéré comme une des œuvres majeures du romantisme espagnol en guitare classique.

Œuvres musicales :

Galerie générale

Remarque : les articles connexes peuvent contenir des galeries supplémentaires qui s'y rattachent.

Voir aussi

Bibliographie

Littérature :

  • Les Contes de l'Alhambra : récit d'un voyageur américain aisé du XIXe siècle, Washington Irving, raconte l'Espagne et ses habitants à l'époque ainsi que les légendes orales qu'ils transmettent à propos de la Alhambra. On trouve ce livre, traduit dans de nombreuses langues, en visitant le monument.
  • Les Aventures du dernier Abencerage, François-René de Chateaubriand, 1821
  • Mémoires écarlates : journal, probablement autobiographique, de la vie de Boabdil, dernier sultan de Grenade (Mémoires écarlates, Antonio Gala, J.-C. Lattès, 1996, (ISBN 978-2-7096-1716-1))

Guides et ouvrages d'art :

  • Henri Stierlin et Anne Stierlin, Alhambra, Arles, Actes Sud, coll. « Imprimerie Nationale », (1re éd. 1992, 2001), 222 p. (ISBN 978-2-7427-9802-5 et 978-2-74279802-5, présentation en ligne).
  • Aurelio Cid Acedo (photogr. M. Román et J. Agustín Núñez), L'Alhambra et Grenade vus de près, Edilux, , 256 p. (ISBN 978-84-95856-16-6 et 978-8495856166).

Notes et références

  1. Jerrilynn Denise Dodds, Al-Andalus: The Art of Islamic Spain, Metropolitan Museum of Art (New York, N.Y.), (ISBN 9780870996368), page 128

Bibliographie

  • Marcus du Sautoy (trad. de l'anglais), La symétrie ou les maths au clair de lune Symmetry: A Journey into the Patterns of Nature »], Points Sciences, (1re éd. 2009) (ISBN 978-2-7578-3080-2)

Articles connexes

Liens externes


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