Amitābha

Amitābha, Amitāyus ou encore Amida[1], en japonais 阿弥陀, est un bouddha du bouddhisme mahayana et vajrayana. Il règne sur la « Terre pure Occidentale de la Béatitude » (sanskrit: Sukhāvatī, chinois: Xīfāng jílè shìjiè, ja.: saihō goraku sekai 西方極樂世界), un monde merveilleux, pur, parfait, libre de mal et de souffrance. Cette terre pure, lieu de refuge en dehors du cycle des transmigrations — équivalent du nirvāņa selon certaines conceptions — est au centre des croyances et pratiques des écoles de la Terre pure. Ce bouddha, qu'on appelle aussi le bouddha des bouddhas, est très populaire chez les mahāyānistes, en particulier dans le monde chinois, en Corée, au Japon, au Tibet, au Laos, au Cambodge et au Viêtnam.

Pour les articles homonymes, voir Amida et Amitabha (oiseau).

Amitābha
Bouddha du
bouddhisme mahāyāna et vajrayāna

Le Bouddha Amitābha dans sa Terre Pure de l'Ouest (Dunhuang, Chine, VIIIe siècle).
Caractéristiques
Autre(s) nom(s) Amitāyus, Amida
Nom sanskrit अमिताभ
Fonction principale Règne sur la « Terre pure Occidentale de la Béatitude »
Culte
Mantra OM AMI DEWA HRI
École bouddhique Bouddhisme mahāyāna, Bouddhisme tibétain, bouddhisme de la Terre pure, bouddhisme amidiste
Symboles
Couleur Rouge

Dans la statuaire, Amitābha est représenté comme le Bouddha Shakyamuni, mais avec les gestes (mudrā) de la méditation ou de la transmission de la loi.

Nom

Ce bouddha, de par la popularité de son culte est connu sous de nombreux noms.

En sanskrit, il possède deux noms en sanskrit : Amitābha (sanskrit : अमिताभ), littéralement « Lumière-Infinie »[2] et Amitāyus (sanskrit : अमितायुस्) « Vie-Infinie » (de amita: infini, non mesuré, indéterminé; et āyus: vie, longue vie).

En Chine, au Japon, en Corée et au Viêt Nam, il est connu sous les noms chinois provenant des sûtras qui le concernent. Le nom de Amida est une abréviation sino-japonaise de ses deux noms sanskrits[3],[Note 1]. La première partie de chacun de ses deux noms sanskrits y est phonétiquement transcrite, avec l'ajout du caractère signifiant Bouddha — soit « le Bouddha Amit » ou aussi Amida[Note 2],.

Origine

Amitābha, ainsi que la notion de sa terre de bouddha et ses sutrasGrand Sūtra de Vie-Infinie, ch. et le Sūtra d’Amida[Note 3] — furent introduits en Chine entre 150 et 200 par le moine parthe An Shigao et par d'autres comme Zhu Shuofo (竺朔佛). Le moine kouchanais Lokakshema les a traduits en chinois. Amitābha est inconnu dans le bouddhisme ancien, et l’on peut penser que son culte s’est développé dans les premiers temps de l’ère commune.

Datation

Le socle de statue dont l'inscription comprend la première mention d'Amitabha que l'on ait. Début du Ier siècle. Musée de Mathura (Inde).

On a trouvé en 1977 à Govind-Nagar, près de l'actuelle Mâthura (Inde), le socle d'une statue de bouddha qui portait une inscription dédiée au « Bienheureux Bouddha Amitâbha » et datée de la 26e année du règne de Huvishka (roi de l'Empire kouchan), ce que, selon les chercheurs, correspond à l'an 104 ap. J.-C. C'est là le premier document que nous possédions sur ce bouddha, et de surcroît, un des plus anciens — voire le plus ancien — témoignage daté du bouddhisme du Grand véhicule[4],[5],[6],[Note 4].

Son nom (Lumière-Infinie), son origine géographique et la notion de son paradis ont fait penser à une influence persane, mais sans aucune preuve.

L’école de la Terre pure fait remonter son existence en Chine au début du Ve siècle, avec la constitution par le moine Huiyuan en 402 sur le mont Lushan de la première communauté, dont les adeptes adoptent la visualisation d'Amitābha parmi leurs pratiques de méditation et aspirent à renaître dans la terre pure du bouddha afin de poursuivre leur perfectionnement spirituel à l'abri des troubles du monde. Le mouvement prit son essor avec Tánluán (476-542), puis Dàochuò (562-645) et Shàndǎo (613-681), qui systématisèrent la doctrine. À la fin du XIIe siècle, fut créée au Japon l'école Jodo Shu école de la Terre pure ») par le moine Hōnen (1133-1212), et l'école Jōdo-Shinshū véritable école de la Terre pure »), par son disciple Shinran (1173-1262).

Amitābha dans le vajrayāna

Le Bouddha Amitābha dans le bouddhisme tibétain, peinture traditionnelle sur Thangka.

Au Tibet

Les instructions sur la pratique du bouddha Amitābha furent introduites au Tibet au VIIIe siècle par le maître indien Padmasambhava. Cette pratique est redécouverte par Mingyour Dorje (1645-1667), un des vingt-et-un principaux tertöns.

Le vajrayana en fait l'une des composantes de la nature du bouddha, soit en complément du seul bouddha Akshobhya, soit associé à quatre autres bouddhas de sagesse ou bouddhas de cinq directions (ch. Wǔfāngfó 五方佛) : Vairocana au centre, Akshobhya à l'est, Ratnasambhava au sud et Amoghasiddhi au nord.

Parmi les mantras tibétains qui lui sont associés, il en existe un long Om Ama Rani Dzi Ouèn Ti Yé Soha[7] et un court Om ami dhewa hri[8].

Tsepamé (tibétain : ཚེ་དཔག་མེད, Wylie : tshe dpag med) est considéré comme la forme Sambhogakāya d’Amitabha. Il est représenté avec la couleur rouge et en position de méditation, tenant entre ses mains un vase contenant de l’amrita, le nectar d’immortalité qui confère la longévité, et un arbre ashoka (antalgique) pousse du vase[9].

Maņdala-Amitābha est en bas opposé à Ratnaketu, remplacé ultérieurement par Akshobhya

Le vajrayana l'a incorporé dans l’élaboration ésotérique des cinq bouddhas de sagesse, (bouddhas de dhyani ou jinas), avec Vairocana, Akşobhya, Ratnasambhava, et Amoghasiddhi. On peut le voir sur les mandalas dits « de la Terre de diamant » les représentant à l’opposé d’Akşobhya (parfois Ratnaketu). Il est associé à l’Ouest et sa couleur est en général le rouge, couleur du soleil couchant, de la compassion, de l’amour bienveillant et de la puissance émotionnelle. C'est le bouddha le plus accessible.

Une autre élaboration se concentre sur le couple Amitābha / Akshobhya, représentant respectivement la compassion et l'impassibilité, deux éléments complémentaires. Akşobhya règne sur le paradis oriental (Abhirati) de la Terre de diamant.

On trouve souvent Amitābha sous sa forme parée, Amitāyus, ou en union avec sa parèdre Pandara, ainsi qu'en compagnie d'Avalokiteśvara. Son effigie se retrouve très souvent dans la coiffe de ce dernier, considéré comme le chef de la lignée.

On l’appelle également Lokanātha (« seigneur du monde ») ou Padmapaņi (« qui a un lotus à la main ») [réf. souhaitée].

Le panchen-lama, l’un des maîtres principaux, après le dalaï-lama, de l’école des Gelugpa du bouddhisme tibétain, est considéré comme étant une des émanations d’Amitābha.

Au Japon

Au Japon, on le retrouve dans le bouddhisme ésotérique shingon où il appartient au cycle des treize bouddhas et à ce titre est invoqué par sa dharani ou son mantra court Om amrita teja hara hum deux ans après un décès. Mantra en japonais : Om Amirita teisei kara un (sanskrit : oṃ amṛta teje hara hūṃ. Amrita = immortel, teje = lumière, hara = apporter. En tibétain : ཨོཾ་ཨ་མྲྀ་ཏ་ཏེ་ཛེ་ཧ་ར་ཧཱུྃ།.

La Terre pure de l'Ouest

La triade de la Terre Pure dans un temple taïwanais ; de gauche à droite: Avalokiteśvara, Amitābha, Mahāsthāmaprāpta

Amitābha est considéré comme le créateur de la Terre pure occidentale de la Béatitude (Sukhāvatī) décrite dans le Sūtra des contemplations de Vie-Infinie; les deux grands bodhisattvas Avalokiteśvara et Mahasthamaprapta (Mahāsthāmaprāpta) sont ses deux assistants (le second est remplacé par Vajrapani dans certaines traditions telles que le bouddhisme tibétain) : ils l'aident à accueillir dans sa Terre pure tous ceux de toutes les directions qui ont rempli les conditions d'y parvenir. C'est la raison pour laquelle ils sont appelés « les trois Saints de l'Ouest » (chinois: Xīfāng sānshèng 西方三聖). Dans les monastères de la Terre pure ou sur les effigies, ils sont présentés ensemble avec Amitābha au milieu et Avalokiteśvara à sa droite (c'est-à-dire à notre gauche) et Mahāsthāmaprāpta (ou Vajrapani) à sa gauche (c'est-à-dire à notre droite).

Dans le bouddhisme populaire et la religion chinoise, Amitābha (Amituofo) et Avalokiteśvara (Guanyin) ont souvent la même fonction : ils ont tous deux promis de ne pas entrer dans le nirvana tant que tous les êtres n’y seraient pas. Avoir foi en cela, le vouloir et réciter constamment le nom de ces bouddhas sont les trois conditions nécessaires pour entrer dans ce domaine du bonheur infini.

Légende du bouddha Amitābha

Dans le mahāyāna Sukhāvatīvyūhasūtra ou sûtra de la Vie-Infinie, le bouddha Shakyamuni relate l'histoire du bouddha Amitābha: Un roi se rendit auprès du bouddha Lokeśvararāja pour prendre vœu de bodhisattva. Il résolut de devenir un bouddha régnant sur une terre pure où pourraient entrer tous ceux qui l'invoqueraient. Il prononça 48 vœux (四十八願).

Invocation au Bouddha Amitabha

Bouddha Amida de Kamakura au Japon

La récitation du nom d'Amitābha (ch: niànfó 念佛; jp: nenbutsu) (littéralement : remémoration du Bouddha) est une pratique fondamentale des écoles de la Terre Pure, dont ce bouddha est le vénéré principal. Certaines branches considèrent même que cet exercice seul suffit à donner accès à la Terre pure d'Amitābha.

Cette invocation est :

sk: Nāmo Amitabueddhāya,

ch: Námó Ēmítuó fó, 南無阿弥陀佛 ;

jp: Namu Amida butsu 南無阿弥陀仏 ;

ko: namu Amita-bul 나무아미타불

vi: Nam mô A Di Đà Phật 阿彌陀佛;

En dehors même de la pratique de la Terre Pure, ces invocations sont gratifiées d'un pouvoir spirituel et protecteur. Ainsi, les formes simplifiées chinoise (Amituofo) et vietnamienne (A Di Đà Phật), servent de formule de salutation aux moines ou aux fidèles pieux lorsqu'ils se rencontrent, notamment à la pagode les jours de cérémonies; de même, elle est parfois utilisée par les masses populaires orientales pour exprimer un choc ou une forte émotion (de la même façon que les chrétiens s'exclament « Mon dieu ! »)[réf. nécessaire].

Mantra de renaissance

Afin de renaître dans la Terre pure Occidentale de la Béatitude, à part l'invocation à Amitābha, on récite souvent le mantra de ce bouddha que voici: Namo Amitābhāya Tathāgatāya. Tadyathā, om, amritodbhave, amrita siddham bhave, amrita vikrānte, amrita vikrānta, gamini gagana kīrti-karī svāhā[réf. nécessaire].

Temples de la Terre pure

  • Temple d'Amitābha au Népal.
  • Namsa dabisda amitabha[Quoi ?] en Inde
  • Temple d'Amitabha de la Terre pure (à proximité de Limoges)

Notes et références

Notes

  1. On trouve également son nom traduit littéralement du sanskrit : ainsi Amitābha devient ch. trad. : 無量光佛 ; ch. simp. : 无量光佛 ; py : wúliàngguāng fó ; jap. : 無量光仏 (muryōkō-butsu) ; litt. « Bouddha de Lumière Infinie ») et Amitāyus devient ch. trad. : 無量壽佛 ; ch. simp. : 无量寿佛 ; py : wúliàngshòu fó ; jap. : 無量寿仏 (muryōju-butsu) ; litt. « Bouddha Longévité-Infinie ».
  2. ch. trad. : 阿彌陀佛 ; ch. simp. : 阿弥陀佛 ; py : āmítuófó ; jap. : 阿弥陀仏 (Amida-butsu) ; ko. : 아미타불 (Amitabul) ; viet. : A di đà Phật (阿彌陀佛)
  3. Pour le premier soutra : ch. Dàchéng wúliàngshòu jīng, jp Daijō muryōju kyō《大乘無量壽經》. Pour le second: ch. Fóshuō Ēmítuójīng, jp. bussetsu Amida kyō《佛說阿彌陀經》.
  4. Le socle se trouve aujourd'hui au musée de Mathura. Voici la traduction de l'inscription: « La 26e année du Grand Roi Huveska, le 2e mois, le 26e jour. En ce jour par Nagaraksita, le (père) du commerçant (Sax-caka), le petit-fils du marchand Balakatta, le (fils de Buddhapila), une image du Bienheureux Bouddha Amitabha fut érigée pour la vénération de tous les bouddhas. Grâce à cette racine de mérite, puissent tous les êtres vivants (obtenir) la connaissance inexprimée d'un bouddha. » (Schopen, 1987, p. 110-111.

Références

  1. Paul Demiéville, « Amida » in Sylvain Lévi et al., Hôbôgirin: Dictionnaire encyclopédique de bouddhisme d'après les sources chinoises et japonaises, Paris, Maisonneuve, vol. I, 1929, p. 24a-30a. [lire en ligne (page consultée le 14 juin 2022)]
  2. Voir amitā, suivi de Amitābha
  3. Jérôme Ducor, « Glossaire », Henri de Lubac, Aspects du bouddhisme, Paris, Cerf, 2011, p. 549.
  4. (en) Gregory Schopen, « The Inscription on the Kuṣān Image of Amitabha and the Character of the Early Mahayana in India », The Journal of the International Association of Buddhist Studies, vol. 10, no 2, , p. 99-138 (v. p. 99) (lire en ligne)
  5. Gérard Fussman, « Un Buddha inscrit des débuts de notre ère », Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient, vol. 74, , p. 43-45 (lire en ligne)
  6. Ducor 2008, p. 29.
  7. Amitayus Sutra and Mantra, Lama Zopa Rinpoché
  8. Mantra du Bouddha Amitayus Tsepagmé en tibétain, site de Dagpo Rimpotché
  9. Amitayus, Site de Khandro Rinpoché

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Textes

  • Trois soûtras et un Traité sur la Terre pure. Aux sources du bouddhisme mahâyâna (trad. et introduction par Jean Eracle), Paris, Seuil, coll. « Points Sagesses », (1re éd. 1984), 224 p. (ISBN 978-2-757-80765-1). 

Études

  • Paul Demiéville, « Amida », dans Sylvain Lévi et al., Hôbôgirin. Dictionnaire encyclopédique de bouddhisme d'après les sources chinoises et japonaises, vol. I, Paris, Maisonneuve, (réimpr. 1981) (lire en ligne), p. 24b-30a
  • Louis Frédéric, Les Dieux du bouddhisme. Guide iconographique, Paris, Flammarion, , 390 p. (ISBN 978-2-080-10654-4), p. 114-127
  • Jérôme Ducor, Shinran, Un réformateur bouddhiste dans le Japon médiéval , Gollion (CH), Infolio, coll. « Le maître et le disciple », , 206 p. (ISBN 978-2-88474-926-8). 
  • Dennis Gira, « Un autre visage du bouddhisme », Topique, no 85, , p. 191-201 (lire en ligne)
  • Henri de Lubac (Sous la direction de Paul Magnin et Dennis Gira, avec la collaboration de Jérôme Ducor), Aspects du bouddhisme. 1. Christ et Bouddha - 2. Amida, Paris, Cerf, (1re éd. 1955), L - 602 p. (ISBN 978-2-204-07819-1), p. 165-524. 

Liens Externes

Articles connexes

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