Anhédonie
L’anhédonie est un symptôme médical retrouvé dans certaines maladies psychiatriques et parfois chez le sujet exempt de trouble. Il caractérise l'incapacité d'un sujet à ressentir des émotions positives lors de situations de vie pourtant considérées antérieurement comme plaisantes. Cette incapacité est fréquemment associée à un sentiment de désintérêt diffus (perte de l'élan vital). L'anhédonie, perte de la capacité à ressentir des émotions positives, est fréquemment observée au cours de la dépression et de la schizophrénie.
Histoire
Le mot est un néologisme proposé par Théodule Ribot en 1896 pour désigner l'insensibilité au plaisir. Traduit en anglais par anhedonia, ce terme a eu beaucoup de succès dans les pays anglo-saxons, aboutissant à de nombreuses recherches et publications.
Signification
Il existe différents modèles permettant de rendre compte de l'anhédonie : psychanalytique, phénoménologique, cognitif, biologique. Ce symptôme est fréquent au cours de trois troubles :
- l'anhédonie est classiquement retrouvée lors d'épisodes dépressifs caractérisés dont il est considéré comme un des critères diagnostiques par le DSM-IV ;
- ce symptôme est également présent au cours de la schizophrénie, symptôme qui peut être produit ou aggravé par les neuroleptiques[1] ;
- enfin, on retrouve ce symptôme au cours de certaines lésions cérébrales et maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, dégénerescences fronto-temporales et subcorticales) en raison de dégâts au niveau des circuits de la récompense
Il est possible de le retrouver chez les sujets exempts de tout trouble mental, comme l'anhédonie musicale qui toucherait de 2 à 5 % de la population[2].
Cause possible
De nombreuses régions du cerveau sont impliquées dans l'anhédonie, parmi lesquelles l'aire tegmentale ventrale ainsi que le cortex préfrontal (notamment orbitofrontal), le cortex cingulaire antérieur, les ganglions basaux, l'amygdale et l'hypothalamus[3],[4]. L'imagerie a également reporté, chez des patients anhédoniques, des anomalies de l'hippocampe. Ces anomalies coïncident, pour la plupart d'entre elles, avec les modèles animaux, sauf en ce qui concerne le cortex orbitofrontal[5]. Selon la théorie la plus simple, l'anhédonie serait le résultat d'une baisse d'activité du système de récompense cérébral, notamment dopaminergique.
L'anhédonie peut aussi être provoquée par des médicaments psychiatriques tels que les antipsychotiques. Cette cause possible est souvent niée par les psychiatres [réf. souhaitée].
La consommation de cocaïne ou de MDMA peut également provoquer le symptôme d'anhédonie, en raison d'une désensibilisation des cellules à la dopamine (down-regulation des protéines impliquées dans le signal dopaminergique), mais aussi (dans le cas de la méthamphétamine[6]) la neurotoxicité de ces produits qui peut tuer les cellules productrices de dopamine et ainsi induire une incapacité à ressentir de la satisfaction ou du plaisir.
Évaluation
L'anhédonie peut être évaluée sur le plan quantitatif grâce à des échelles psychométriques spécifiques, dont deux ont été traduites et validées en français :
- l’Échelle Révisée d'Anhédonie Sociale (SAS Social Anhedonia Scale)[7] ;
- Questionnaires d'anhédonie physique et sociale de Chapman[8].
- l'échelle de plaisir de Snaith-Hamilton (1995) questionnaire de 14 items destiné à mesurer la capacité à éprouver du plaisir au cours des derniers jours: e.g. Question 1: Mon émission préférée de télévision ou de radio me procure beaucoup de plaisir; Réponses: a/ fortement en désaccord b/ En désaccord c/ D'accord d/ Fortement d'accord.
- L'échelle d'anhédonie Fawcett J. en 36 items avec une échelle de 1 à 5.
- L'échelle de plaisir-déplaisir de Patrick Hardy en 82 items avec une échelle déplaisir-plaisir de 1 à 9.
- L'échelle de Zuckermann en 40 items[9].
Piste de traitement
Une étude publiée dans le journal Nature décrit les effets de la stimulation de certaines zones du cerveau chez les souris, engendrant une modification des comportements liés à l'utilisation des circuits de la récompense.
La plasticité entre le noyau accumbens et l'hippocampe, via leurs synapses, serait un mécanisme actif dans l'activation de la potentialisation à long terme (LTP). Tandis que le stress chronique induit une diminution de la neurotransmission dans les synapses, le traitement par anti dépresseurs inverserait ce mécanisme inhibiteur de la potentialisation à long terme.
Les chercheurs concluent à une corrélation entre les circuits de la récompense et la plasticité des synapses. L'intérêt de cette étude est de démontrer le rôle de la stimulation des synapses via des anti dépresseur dans la réduction de l'anhédonie.
[10]
Notes et références
- Bottéro, Alain. Un autre regard sur la schizophrénie. p. 260.
- (en) Ernest Mas-Herrero, Robert J. Zatorre, Antoni Rodriguez-Fornells, Josep Marco-Pallaré, « Dissociation between Musical and Monetary Reward Responses in Specific Musical Anhedonia », Current Biology, vol. 24, no 6, , p. 699-704 (DOI 10.1016/j.cub.2014.01.068)
- (en) Morten L. Kringelbach, Peter C. Whybrow et Kristine Rømer Thomsen, « Reconceptualizing anhedonia: novel perspectives on balancing the pleasure networks in the human brain », Frontiers in Behavioral Neuroscience, vol. 9, (ISSN 1662-5153, PMID 25814941, PMCID PMC4356228, DOI 10.3389/fnbeh.2015.00049, lire en ligne, consulté le )
- Andre Der-Avakian et Athina Markou, « The Neurobiology of Anhedonia and Other Reward-Related Deficits », Trends in Neurosciences, vol. 35, no 1, , p. 68–77 (ISSN 0166-2236, PMID 22177980, PMCID PMC3253139, DOI 10.1016/j.tins.2011.11.005, lire en ligne, consulté le )
- Bei Zhang, Pan Lin, Huqing Shi et Dost Öngür, « Mapping anhedonia-specific dysfunction in a transdiagnostic approach: an ALE meta-analysis », Brain Imaging and Behavior, vol. 10, no 3, , p. 920–939 (ISSN 1931-7557, PMID 26487590, PMCID PMC4838562, DOI 10.1007/s11682-015-9457-6, lire en ligne, consulté le )
- Sara Ares-Santos, Noelia Granado et al., « Methamphetamine Causes Degeneration of Dopamine Cell Bodies and Terminals of the Nigrostriatal Pathway Evidenced by Silver Staining », Neuropsychopharmacology, vol. 39, no 5, , p. 1066 (PMID 24169803, DOI 10.1038/npp.2013.307, lire en ligne, consulté le ).
- Kosmadakis et al. L'Encéphale 1995, vol. 21, no 6, p. 437-443.
- Assouly-Besse et al. L'Encéphale 1995, vol. 21, no 4, p. 323-330.
- M.L. Bourgeois dir. l'anhédonie Masson 1999 pp.185 à 199
- https://www.nature.com/articles/s41586-018-0740-8