Aum Neko
Aum Neko (ネコ - Neko, signifie "chat" en japonais), pseudonyme de Sarun Chuichai (ศรัณย์ ฉุยฉาย), est une militante politique thaïlandaise. Transgenre (kathoey - กระเทย), elle milite pour les droits des LGBTIQ+ et pour l'abolition du crime de lèse-majesté en Thaïlande. Eugénie Mérieu, docteur de l'Inalco et chargée d'enseignement à Science Po Paris affirme et écrit dans son livre Les Thaïlandais : lignes de vie d'un peuple qu'"elle est à la fois une figure essentielle de la résistance au coup d’État et un pilier du mouvement féministe radical"[1]. Elle est réfugiée politique en France à partir de 2015, après avoir fui la persécution de la junte militaire.
Pour les articles homonymes, voir Neko.
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Biographie
Jeunesse, études et débuts du militantisme
Elle naît à Bangkok le sous le nom de Sarun Chuichai et de sexe masculin selon l'état-civil (assignée garçon). Elle grandit à Bangkok et fait des études d'anglais et d'allemand à la faculté de l'éducation à l'université Chulalongkorn pendant une année avant de partir pour celle de Thammasat : Chulalongkorn, réputée très conservatrice, impose le port de l'uniforme comme la plupart des universités en Thaïlande, obligeant les élèves à s'habiller en fonction de leur assignation sexuelle[2], et non leur genre[3] ; Thammasat, explique Aum Neko dans son entretien avec Eugénie Mérieu, "est réputée plus progressiste, et plus respectueuse de la dignité humaine" et c'est une des seules universités du pays où en théorie les uniformes ne sont pas obligatoires mais, en réalité, Thammasat impose également le port d'un uniforme pour passer les examens sous peine de sanctions pouvant aller jusqu'à l'exclusion - et oblige également à ce que les photos d'identité se fassent dans cette tenue[4]. Aum Neko lance en septembre 2013 une campagne provocante à l'encontre de cette obligation: des posters représentant des étudiants en uniforme, simulant des actes sexuels[2],[5]. Elle attire l'attention sans pour autant choquer[3], ni convaincre[4].
Ce n'est pas sa première action: elle avait déjà critiqué l'article 112 de la constitution en 2012[2], et en décembre de la même année, participé à remplacer le drapeau de l'université par un étendard noir, pour selon elle critiquer les positions politiques ultraroyalistes du recteur. Elle est suspendue durant deux ans de la faculté à l'issue de ladite action[3], tandis qu'une campagne est menée à l'intérieur de l'université pour obtenir son renvoi définitif[2].
Accusations de lèse-majesté, coup d'État, fuite et exil en France
Toujours en 2013, après avoir donné une interview à l'émission télévision Best of your life de la journaliste royaliste Fah Porntipa[réf. nécessaire], elle est accusée par l'animatrice de crime de lèse-majesté[4]: durant le tournage, elle critique l'opacité du système monarchique thaïlandais; l'émission ne sera finalement jamais diffusée. Elle continue ensuite son action militante, notamment en sexualisant la lutte politique[3].
En , lorsque la junte militaire prend le pouvoir, Aum Neko, directement menacée de mort et de torture[6], de prison[7], contacte l'ambassade d'Allemagne et l'ambassade de France, fuit et parvient à obtenir l'asile politique en France. Le 13 juin, un mandat d'arrêt est lancé contre elle. Elle est interceptée durant son transit à l'aéroport de Séoul, mais obtient des autorités coréennes l'autorisation de pouvoir continuer son voyage[2].
En 2015, le journal Bangkok Post confirme que Aum Neko ainsi que Somsak Jeamteerasakul et Jaran Ditapichai sont toujours poursuivis pour crime de lèse-majesté en Thaïlande[8],[9],[10],[11] et Aum Neko obtient le statut de réfugiée politique.
En 2016, la militante républicaine est à nouveau menacée de mort[12] par des royalistes pour s'être réjouie sur les réseaux sociaux de la mort du roi Rama IX[3].
Faits, éléments de l'enquête et procès
Dans la soirée du , Aum Neko a été violemment agressée à Paris, en compagnie du musicien Nithiwat Wannasiri du groupe ไฟเย็น[13] (Fai Yen[14] / litt. feu froid[15]) lui aussi agressé en voulant s'interposer. Ce dernier est aussi un opposant thaïlandais en exil en France[16]. Il ressort des éléments de l'enquête conduite par les autorités françaises que l'agression semblait préméditée. Les agresseurs ont agi gantés et cagoulés et des photographies d'Aum Neko, de Nithiwat Wannasiri et de Jaran Ditapichai ont été découvertes dans les téléphones portables des deux personnes qui ont pu être écrouées[17]. Ces derniers, les agresseurs, avaient été interpellés dans la foulée des événements par un équipage de la brigade anti-criminalité (BAC 75 N) alors qu'ils tentaient de voler un scooter dans leur fuite. Ils ont fait l'objet d'un mandat de dépôt à l'issue de leur garde à vue, et ont été placés en détention provisoire pendant une période d'environ deux ans dans l'attente de leur procès[18]. Il s'est avéré que les deux individus étaient amis, de nationalité tchèque, exerçant la profession d'agents de sécurité en discothèque à Prague et pratiquants de Mixed Martial Arts (MMA)[17]. Daniel Vokal, 28 ans, et Jakub Ozek, 26 ans, ont affirmé aux enquêteurs que le jour de l'agression, ils se trouvaient à Paris pour participer à une manifestation du groupuscule d'extrême-droite Génération Identitaire avant de se rétracter.
Les agresseurs auraient agi sous les ordres d'un commanditaire identifié : Petr Donatek. Les éléments de l'enquête montrent que Donatek a payé les billets d'avion ainsi que l'hébergement à l'hôtel des deux agresseurs. Quelques instants avant les faits, Donatek est vu à une terrasse de café, en face du bar où se trouvaient les victimes, à régler les consommations des deux agresseurs. Il aurait même été vu en train de filmer l'agression[17]. Donatek parvint à quitter le territoire français et à retourner en République tchèque sans être interpellé[17]. Il a fait l'objet d'un mandat d'arrêt Europol, puis a été interpellé en République tchèque mais a finalement été remis en liberté. Donatek, à deux reprises et certificats médicaux à l'appui, a prétexté ne pas pouvoir se rendre aux convocations des deux audiences du procès du fait des effets secondaires des vaccins contre le Covid 19 qu'il se serait fait administrer (la première audience du avait été ajournée pour lui donner l'occasion de livrer sa version).
Le verdict en première instance a été rendu pour les deux agresseurs le . Ceux-ci sont respectivement condamnés à vingt-six et trente mois de prison ferme[19],[18].
Suspicions sur l'identité du ou des commanditaires
Les agresseurs directs ont affirmé aux enquêteurs qu'ils se trouvaient à Paris pour participer à une manifestation du groupuscule d'extrême-droite Génération identitaire avant de se rétracter. Petr Donatek, commanditaire présumé et identifié, est connu pour être un maître d'arts martiaux japonais et président de la fédération tchèque de Toyama-ryū[20]. La presse française a fait état de liens sur les réseaux sociaux qu'entretiendrait Donatek avec une personnalité d'origines tchéco-nippones et politicien d'extrême-droite tchèque : Tomio Okamura[17],[18]. Ce dernier a été fondateur et ex-président de l'ex-parti politique Aube - Coalition nationale (Úsvit – Národní koalice) et est président depuis 2015 du parti Liberté et démocratie directe (Svoboda a přímá demokracie - SPD).
Le journal Libération cite dans son article "De Prague à Paris, la répression thaïlandaise a le bras long"[17], une déclaration de Pavin Chachavalpongpun, qui avait été victime d'une agression à son domicile à Kyoto le qui fait le lien avec l'agression à Paris : "J'ai souffert de brûlures durant trois jours. L'objectif était de me faire taire. Depuis, j'ai peur, j'ai des caméras partout. Ma vie ne sera plus jamais la même, explique le chercheur, lui aussi réfugié politique. Durant l'enquête, la police japonaise m'a demandé si je connaissais quelqu'un en République tchèque, suggérant que mon agresseur était lié à quelqu'un originaire de là-bas.".
Cependant, il est déjà arrivé à Pavin Chachavalpongpun de dénaturer les déclarations de la police japonaise dans le cadre de l'enquête relative à son agression[21]. Ainsi le média Al Jazeera rapporte ceci dans un article publié sur son site internet en date du : "He said the police “understand the context” of his case, and claimed an international terrorism unit was also investigating. Pavin also wrote on social media that a Japanese diplomat had confirmed the attack. Kyoto police confirmed to Al Jazeera that an investigation is under way, but declined to comment in detail, citing the “confidential” nature of the case. They previously told the Financial Times it is not being treated as a “terrorist incident”."[22].
C'est sur la base du témoignage de Pavin Chachavalpongpun et de ses supputations que des soupçons sont dirigés vers le Palais royal de Thaïlande. Le principal argument étant la proximité géographique entre la ville de Prague et la Bavière où le Roi Vajiralongkorn (Rama X) a l'habitude de séjourner. "C'est une théorie, mais le roi de Thaïlande, qui vit en Bavière, a pu demander à ses hommes en Allemagne de trouver quelqu'un pour nous agresser. Ces hommes auraient pu recruter un gang de la République tchèque voisine pour attaquer Aum Neko à Paris, avance Pavin Chachavalpongpun. Grâce à ce réseau tchèque, ils auraient pu aussi trouver un gang au Japon pour venir m'attaquer. C'est peut être le lien entre la République tchèque, la France et le Japon."[17].
Yan Marchal, un expatrié français célèbre sur les réseaux sociaux en Thaïlande[23], réputé proche du groupe Faiyen et Aum Neko et avec qui il s'est affiché ostensiblement sur les réseaux sociaux, a déclaré ce qui suit sur sa page Facebook personnelle ( à 20 h 1) : "Thai activists are quick to point fingers at you-know-who, and the journalist barely refrains from jumping to the same conclusion. But evidence of that has yet to exist.".
Notes et références
Réfugié politique en France, Aum Neko décide de suivre des études en sociologie en licence puis en master et elle prend le temps de lire en particulier des textes de Michel Foucaut, Judith Butler, Simone de Beauvoir et Hélène Cixous[24].
Elle se rapproche de La France insoumise[Comment ?], dont elle déplore toutefois ce qu'elle qualifie de « culte de la personnalité » de Jean-Luc Mélenchon[Quand ?][Où ?], tout comme la position abolitionniste du parti concernant la prostitution[réf. nécessaire].
- Eugénie Mérieau, Les Thaïlandais : lignes de vie d'un peuple, Paris, HD ateliers henry dougier, , 160 p. (ISBN 979-10-312-0445-1), Chapitre 6 : Être un thaïlandais en exil à Paris / La lutte comme raison d'être : Entretien avec Aum Neko, activiste pour les droits des transgenres pages 134 à 139
- (en) Thaweeporn Kummetha, « Life for a Thai in exile: Aum Neko in France », Prachatai (en), (lire en ligne )
- Adrien Le Gal, « Aum Neko, réfugiée libérée », Le Monde, (lire en ligne )
- (en-GB) News from Elsewhere, « Thailand: Student uniform protest 'ends in court' », BBC, (lire en ligne , consulté le )
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- Dorian Malovic, « En Thaïlande, une révolution en profondeur est en marche » (Entretien de Aum Neko), sur la-croix.com, La Croix,
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- Brice Pedroletti, « L’exil français des musiciens dissidents thaïlandais » , sur lemonde.fr, Le Monde, 26 août 2019 (mis à jour le 29 août 2019)
- (en) Pitcha Dangprasith, « "Thai dissident musicians celebrate getting French haven" », Yahoo ! News, (lire en ligne )
- Laurence Defranoux (photogr. Cyril Zannettacci), « De Prague à Paris, la répression thaïlandaise a le bras long » , sur liberation.fr,
- Brice Pedroletti et Adrien Le Gal, « A Paris, la militante thaïlandaise, les gros bras tchèques et l’opération coups de poing » , sur lemonde.fr, Le Monde,
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- (cs) « Page d'accueil du site officiel de la Fédération tchèque de Jiu Jitsu » (consulté le )
- (en) John Reed et Kana Inagaki, « Japanese police probe attack on Thai dissident » , sur Financial Times en ligne, (consulté le )
- (en) « Thai critic Pavin cries harassment after chemical attack in Japan », Al Jazeera, (lire en ligne , consulté le )
- Brice Pedroletti, « Yan Marchal, satiriste français amateur, persona non grata en Thaïlande » , sur lemonde.fr, (consulté le )
- Adrien Le Gal, « Aum Neko, réfugiée libérée », Le Monde.fr, (lire en ligne , consulté le )
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