Somsak Jeamteerasakul

Somsak Jeamteerasakul (thaï : สมศักดิ์ เจียมธีรสกุล; rtgs : Somsak Chiamthirasakun) est un universitaire et historien thaïlandais, né le . Ancien professeur à la Faculté des arts libéraux de l'Université Thammasat, son domaine académique est la politique contemporaine. Il s'intéresse particulièrement à l'histoire thaïlandaise récente, à partir de 1930. Il est notamment connu pour son engagement politique en opposition à la monarchie thaïlandaise et son combat contre le crime de lèse-majesté. Il vit en France en tant que réfugié politique depuis 2015.

Somsak Jeamteerasakul
Biographie
Naissance
Nationalité
Thaïlandais
Domicile
Formation
Activité

Biographie

Études

Somsak Jeamteerasakul est né le . Il est diplômé du lycée Suankularb Wittayalai et de l'Université Thammasat. Docteur en histoire, sa thèse Le mouvement communiste en Thaïlande a été publiée en 1991[1].

Mouvement étudiant

Son engagement politique remonte à ses années passées à l’Université de Thammasat où il était l’un des leaders des instances représentatives étudiantes. À la suite du massacre du 6 octobre 1976[2] (46 morts, 167 blessés) perpétré par les forces gouvernementales contre des manifestants, la plupart des étudiants de l’Université Thammasat[3], Somsak Jeamteerasakul a été incarcéré pendant 2 ans pour son rôle en tant que leader de l’opposition étudiante[4].

Engagement politique

Au cours des années 1990 et au début des années 2000, Somsak Jeamteerasakul s’est notamment intéressé au rôle de la monarchie dans la politique thaïlandaise. Sa critique s’est portée essentiellement sur les rois Rama VII et Rama IX, et leur rôle pour empêcher le développement de la démocratie en Thaïlande[4]. À cette époque, les groupes ultra-royalistes et royalistes l'ont accusé de vouloir renverser la monarchie. Somsak Jeamteerasakul a nié l'accusation dans un communiqué de presse dans lequel il déclare explicitement :« Tout mon travail et mes prises de paroles publiques vont dans le sens de la continuation de la monarchie »[5].


En 2010, Somsak Jeamteerasakul a publié huit propositions pour modifier la monarchie thaïlandaise. Parmi elles, une suggestion proposait de supprimer un article de la Constitution Thaïlandaise qui parle du roi comme « intronisé dans une position de culte vénéré ». Une autre proposition appelle à l'abolition des « relations publiques unilatérales et des activités éducatives liées à la monarchie ». Somsak Jeamteerasakul préconise l'abolition du Conseil privé de Thaïlande et l'abolition du Bureau de la propriété de la Couronne[6]. Selon les estimations, ce dernier détient environ 37 milliards de dollars US qui, selon la loi thaïlandaise, peuvent être dépensés « au bon plaisir du roi ». Somsak Jeamteerasakul préconise également l'abolition de l'article 112, dit « loi de lèse-majesté », du code pénal thaïlandais. Il qualifie ce dernier de « contraire aux principes démocratiques et même au bon sens. »[6].

En , Somsak Jeamteerasakul est le premier a révéler l'information que, pendant la pandémie de Covid-19, le roi Rama X décide de se confiner dans un hôtel de luxe à Garmisch-Partenkirchen en Allemagne[7] avec un harem de 20 femmes[8],[9]. Le hashtag "Why do we need a King?" (Pourquoi avons-nous besoin d'un roi[10] ? ) a été vu 1,2 million de fois en 24 heures sur Twitter[11].

Réfugié politique

Coup d'État militaire et exil en France

Depuis le coup d'État militaire du 22 mai 2014, Somsak Jeamteerasakul est réfugié politique et vit en exil en France. Il s’est enfui après ne pas s’être présenté à la convocation du Conseil national pour la paix et le maintien de l'ordre, mis en place après le coup d’État par la junte militaire[12], pour « attaques violentes » et « crime de lèse-majesté ». Le gouvernement français lui accorde le statut de réfugié politique en 2015[13], à l’image d’autres acteurs tels l’homme d’affaires Nopporn Suppipat.

Après le coup d'État et la mise en place par la junte militaire du Conseil national de la paix et du maintien de l'ordre en 2014, Somsak Jeamteerasakul a été l'un des premiers universitaires à avoir été convoqués pour recevoir ce que l'armée appelait un « ajustement d'attitude »[14]. Après avoir refusé de se conformer à la convocation, la junte militaire a délivré un mandat d'arrêt à l’encontre de Somsak Jeamteerasakul et a révoqué son passeport[14]. Au cours de cette période, il s'est caché et a confirmé qu'il n'avait pas habité chez lui depuis l'attentat et la tentative d’assassinat à son encontre en [14],[15]. Il réapparaît sur les réseaux sociaux à nouveau en . Dans cette période, il déclare avoir séjourné dans divers lieux[12]. Plus tard Somsak Jeamteerasakul confirmera qu’il s’était réfugié en France[14].

Somsak Jeamteerasakul déclare dans un long entretien :

"Une fois en France, j'étais confronté à un nouveau dilemme : écrire ou me taire. Beaucoup d'exilé ont fait le choix de se taire ; moi j'ai choisi d'écrire"[16].

Il déclare aussi :

«Dans la situation où des individus, qui ont violé sévèrement la loi pour s’installer en tant que dirigeants du pays, visent à nuire à ma vie, à mon corps et à ma liberté, je considère que les droits et les devoirs d'un citoyen et d'un membre de la communauté Thammasat est de désobéir, de s'opposer et de rejeter leurs efforts pour me mettre en prison et me faire du mal » [14].

Crime de lèse-majesté

En 2014, la junte militaire thaïlandaise aurait déposé une autre plainte lèse-majesté contre Somsak. En réponse aux accusations de lèse-majesté de la junte militaire, Somsak a déclaré :

« Il est clair que je n'aurais jamais la possibilité d'être traité équitablement conformément aux lois. Par conséquent, j'ai le droit légitime de préserver ma vie, mon corps et ma liberté en refusant de permettre à la junte militaire, qui a commis l'acte de trahison de saisir le pouvoir, de m'arrêter et de me nuire sous l'excuse de lèse-majesté.»[17].

En , la junte militaire thaïlandaise a fait une demande d'extradition pour Somsak Jeamteerasakul, ainsi que pour d’autres suspects accusés de crime de lèse-majesté vivant en France[18],[19] dont Aum Neko et Jaran Dipatichai[20]. C’est à cette date que le gouvernement Français a accordé le régime de réfugié politique à Somsak Jeamteerasakul et aux autres[13].

Par ailleurs, les soutiens de Somsak Jeamteerasakul sur les réseaux sociaux ont été convoqués et interrogés par la junte militaire. La Division thaïlandaise de la suppression de la criminalité technologique les a informés que le partage ou le fait d’« aimer » le contenu de Somsak Jeamteerasakul peut constituer un crime de lèse-majesté.

En , la junte militaire a interdit, via les réseaux sociaux, toute communication avec 3 dissidents dont Somsak Jeamteerasakul. « Les autorités thaï ont plongé encore plus bas dans la limitation de la liberté d'expression », a estimé Josef Benedict, directeur adjoint d'Amnesty pour l'Asie du Sud-Est[21].

Notes et références

  1. (en) Somsak Jeamteerasakul, « The communist movement in Thailand », Thèse de doctorat, (lire en ligne, consulté le )
  2. (en-US) Pravit Rojanaphruk, « The Will to Remember: Survivors Recount 1976 Thammasat Massacre 40 Years Later », Khaosod English, (lire en ligne, consulté le )
  3. Adrien Le Gal, « Thaïlande : Thammasat, le massacre oublié », sur lemonde.fr, Le Monde, 06 octobre 2016 (mis à jour le 18 octobre 2017)
  4. (en) Axel Schneider et Daniel Woolf, The Oxford History of Historical Writing : Volume 5: Historical Writing Since 1945, OUP Oxford, , 744 p. (ISBN 978-0-19-103677-4, lire en ligne)
  5. (en) Somsak Jeamteerasakul, « Somsak's press statement | Prachatai English », sur prachatai.com, (consulté le )
  6. (en-US) Thomas Fuller, « Fallout for Chiding Thailand’s Royal Family », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  7. Wassila Belhacine, « Les Thaïlandais en colère contre le roi Rama X », sur la-croix.com, La Croix,
  8. (en) Kate Ng, « Coronavirus : Thai King self-isolates in Alpine hotel with harem of 20 women amid pandemic », sur independent.co.uk, The Independent,
  9. Benoît Collet, « Coronavirus en Thaïlande : le roi se confine avec un harem de 20 femmes dans un hôtel de luxe », sur rtl.fr,
  10. Poonam Singh Auja, « Le roi de Thaïlande se confine dans un hôtel avec son harem », sur huffingtonpost.fr, The Huffington Post,
  11. (en) Oliver Moody, « Thais protest as king takes holiday amid coronavirus crisis », sur thetimes.co.uk, The Times,
  12. (en) « Embattled academic Somsak Jeam back on Facebook, hints at self-exile | Prachatai English », sur prachatai.com, (consulté le )
  13. (en) « France grants refugee status to Thai political exiles | Prachatai English », sur prachatai.com, (consulté le )
  14. (en-US) « Thammasat University Expels Monarchy Critic Living in Exile », Khaosod English, (lire en ligne, consulté le )
  15. (en-US) « Laws Academics Condemn Attack At Historian's House », Khaosod English, (lire en ligne, consulté le )
  16. Eugénie Mérieau, Les Thaïlandais : lignes de vie d'un peuple, Paris, HD ateliers henry dougier, , 160 p. (ISBN 979-10-312-0445-1), Chapitre 6 : Être un thaïlandais en exil à Paris / L'exil, la prison ou la mort ? L'Histoire, toute l'Histoire, rien que l'Histoire ! : Entretien avec Somsak Jeamteerasakul, historien pages 126 à 134
  17. (en-US) « Junta Accuses Exiled Historian of 'Distorting Facts' About Lese Majeste », Khaosod English, (lire en ligne, consulté le )
  18. (en-US) « Thammasat Dismissed Somsak Jeam Unfairly, Judge Agrees », Khaosod English, (lire en ligne, consulté le )
  19. (en-US) « Thai Minister Asks French Diplomat to Extradite Lese Majeste Suspects », Khaosod English, (lire en ligne, consulté le )
  20. (en) King-oua Laohong, « Paiboon asks France to deport fugitives », sur bangkokpost.com, Bangkok Post,
  21. Pornchai Kittiwongsakul, « Thaïlande: Amnesty dénonce une nouvelle atteinte à la liberté d'expression », leparisien.fr, 2017-04-13cest10:41:29+02:00 (lire en ligne, consulté le )
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