Australopithecus sediba
Australopithecus sediba est une espèce du genre Australopithecus proposée en 2010 par une équipe dirigée par Lee R. Berger à la suite de la découverte de deux nouveaux fossiles en Afrique du Sud. Lors du congrès international d'anthropologie qui s'est tenu en avril 2011 à Minneapolis, Lee R. Berger et ses collègues ont développé leur théorie : Australopithecus sediba, l'espèce définie à partir d'un fossile découvert dans une grotte de Malapa, pourrait représenter un descendant d'Australopithèque d'Afrique du Sud, dont la lignée est parallèle à celle du genre Homo déjà présent en Afrique orientale à 2,8 MA, à Ledi-Geraru (LD 350-1)
Règne | Animalia |
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Embranchement | Chordata |
Sous-embr. | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Ordre | Primates |
Famille | Hominidae |
Sous-famille | Homininae |
Genre | † Australopithecus |
Description
Australopithecus sediba vivait il y a environ de 1,95 à 1,78 million d'années, au Pléistocène, dans ce qui est maintenant l'Afrique du Sud[1].
L'espèce a été décrite pour la première fois de façon scientifique en 2010 par une équipe de paléoanthropologues et de paléontologues dirigée par Lee R. Berger[2]. Dans la première description, les auteurs estiment que Australopithecus sediba dérive probablement d'Australopithecus africanus et que, par ses restes crânio-dentaires et postcrâniens, il partage plus de caractères dérivés avec les premiers représentants du genre Homo que toutes les autres espèces d'australopithèques décrites précédemment. Selon eux, Australopithecus sediba peut donc être interprété comme un ancêtre du genre Homo. Une explication possible serait celle d'une espèce ayant subsisté sur une très longue période.
Sur le plan anatomique, Australopithecus sediba montre un mélange de traits primitifs et très modernes selon le concept d'évolution en mosaïque[3]. Australopithecus sediba possède un cerveau à volume réduit (420 cm3), propre aux australopithèques, malgré quelques traits étonnamment modernes : un scan à haute résolution du crâne montre un cerveau avec un pôle frontal et un lobe olfactif élargis, une asymétrie caractéristique de la latéralité et la dextérité ; des épaules proches de celles des singes et des bras permettant de grimper aux arbres, quoique dotés d'une main au pouce opposable, apte à façonner des outils ; un large bassin (remettant en cause la théorie selon laquelle l'élargissement du bassin est une adaptation pour faciliter l’accouchement de bébés à gros cerveau) ; la cheville de la femelle est aussi d'une modernité (au sens d' "homme moderne" qui n'existe pas encore) évidente, mais l'os du talon plus primitif que celui d'Australopithecus afarensis, antérieur d'au moins un million d'années.
Outre la longueur de ses membres supérieurs, son petit cerveau et son os du talon primitif, son corps de taille réduite, les formes des cuspides de ses molaires et de ses pommettes renvoient aux premiers australopithèques - Australopithecus africanus notamment, qui vivait en Afrique du Sud il y a environ 2,5 à 3,5 millions d'années. Certains spécialistes, tel Tim White de l'université de Californie, voient plutôt en Australopithecus sediba une forme tardive d'Australopithecus africanus[4].
En février 2010 les os du premier individu découvert en 2008 sont scannés 24 heures sur 24 pendant treize jours à l'European Synchrotron Radiation Facility, permettant une reconstitution tridimensionnel du crâne et la détermination de l'âge du spécimen à sa mort[5].
Étymologie
Le genre Australopithecus (du latin australis, « du sud », et du grec ancien πίθηκος, píthēkos, « singe ») a été défini par Raymond Dart lors de la découverte d'Australopithecus africanus en 1924[6].
Le nom de l'espèce, sediba, signifie « puits » ou « source » et, au sens figuré, « origine » en seSotho, une langue bantoue[7].
Les exemplaires type
L'holotype d’Australopithecus sediba est le squelette, partiellement conservé, Malapa Hominin 1 (MH1), découvert dans la grotte de Malapa, à 40 km à l'ouest de Johannesburg et à 15 km au nord-nord-est des sites célèbres d'hominidés fossiles de Sterkfontein, Swartkrans et Kromdraai. La grotte de Malapa est située dans la zone du Cradle of Humankind (berceau de l'humanité), site inscrit à la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Le 15 août 2008, Matthew Berger, le fils de Lee Berger âgé de neuf ans, a découvert le premier fossile d'Australopithecus sediba, une clavicule droite enregistrée sous le numéro d'archive UW88[8].
MH1 est un jeune individu dont les molaires définitives avaient déjà poussé et se trouvaient en occlusion dentaire. Les comparaisons avec les singes anthropoïdes et les hommes modernes ont permis de conclure que le crâne de MH1 possédait déjà environ 95 % du volume d'un crâne adulte. En comparant aux enfants actuels, on pourrait parler d'un âge de 12 ans à 13 ans, mais le développement des australopithèques avait lieu plus rapidement et par conséquent l'enfant est probablement mort plus jeune. Son développement peut être comparé à celui des fossiles OH7, l'holotype d'Homo habilis découvert dans les gorges d'Olduvai, et KNM-WT 15000, connu sous le surnom de garçon de Turkana.
De MH1 ont été conservés, entre autres, les os du visage, y compris de nombreuses dents relativement petites appartenant à la mâchoire supérieure, une partie de la mâchoire inférieure, elle aussi avec des dents, un os de l'humérus, un péroné et divers fragments de la zone de la colonne vertébrale, des côtes et du bassin. Le volume correspondant à l'intérieur du crâne, tel qu'il a été reconstitué, n'est que de 420 cm3.
Le paratype MH2 est un squelette partiel d'un individu adulte, découvert à moins de 50 cm de MH1. Le premier élément fossile de MH2 mis au jour est un humérus (UW 88-57), trouvé par Lee Berger le 4 septembre 2008. On a pu attribuer entre autres à MH2 une dent unique de la mâchoire supérieure, des fragments de la mâchoire inférieure et un bras droit en grande partie intact, y compris les os de l'épaule et les doigts presque entièrement conservés. Les os du bras de MH2 ont été découverts dans une disposition anatomiquement correcte, tandis que les os de MH1 étaient dispersés sur une surface d'environ deux mètres carrés[9]. Comme semblent l'indiquer le pubis et d'autres fragments de l'os iliaque qui ont été conservés, MH2 était probablement de sexe féminin. La comparaison de la longueur des os qui ont été conservés pour les bras et pour les jambes, où les insertions musculaires sont encore nettement reconnaissables, montre clairement une proximité simiesque[10] avec d'autres espèces d'australopithèques et les éloigne de l'espèce Homo. Le poids du corps correspondant aux durées de vie est estimé à environ 30 kg[11].
Au mois de juin 2012, le squelette « le plus complet jamais découvert d'un ancêtre de l'homme », appartenant à l'espèce Australopithecus sediba vieux de deux millions d'années, a été exhumé près de Johannesburg par l'équipe de Lee Berger, professeur à l'université du Witwatersrand (Wits), sur un site riche en fossiles, dans une pierre extraite en 2009. En effet, un technicien du laboratoire de Wits a remarqué une protubérance qui semblait surgir de la pierre, et que Lee Berger a prise pour une dent d'hominidé. La découverte s'est avérée être de multiples ossements qui seront prochainement extraits de cette pierre. Selon Bonita De Klerk, chef de laboratoire à Wits, ces squelettes sont presque complets, mais la place de Sediba dans l'arbre généalogique de l'espèce humaine n'est cependant pas encore totalement définie ; il pourrait être un descendant d'Australopithecus africanus, lui-même issu d'Australopithecus afarensis, la famille de la célèbre "Lucy" vieille de trois millions d'années. Le jeune individu, qui a été nommé "Karabo", avait entre 9 et 12 ans au moment de sa mort[12],[13].
Réactions
La position exacte d'Australopithecus sediba dans l'arbre généalogique des Hominini a rapidement suscité des débats[4].
Selon Yves Coppens, il pourrait s'agir d'un « para-Homo », fruit d'une évolution parallèle à l'ancêtre de l'Homme, descendant d'Homo erectus, lui-même descendant d'Homo habilis[14].
Faire d'Australopithecus sediba le lien entre Australopithecus et Homo provoquera bien des débats. Les paléontologues ne contestent pas toutefois l'intérêt exceptionnel des fossiles de Malapa. « C'est stupéfiant !, s'exclame le paléoanthropologue Carol Ward, qui étudie l'évolution des grands singes et les premiers homininés à l'université du Missouri. Hormis celle des néandertaliens, qui remonte à un peu plus de 100 000 ans, nous n'avons aucune collection de squelettes fossiles aussi complète[15] ».
L'existence de traits modernes et primitifs est en tout cas révélatrice de l'évolution en mosaïque pouvant être issue d'une convergence évolutive entre cette espèce et le genre Homo[16].
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- (en) Référence Paleobiology Database : Australopithecus sediba Berger et al. 2010
- Un australopithèque si humain Pour la Science, 21 avril 2010.
Notes et références
- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Australopithecus sediba » (voir la liste des auteurs).
- (en) Paul H. G. M. Dirks, Job M. Kibii, Brian F. Kuhn, Christine Steininger, Steven E. Churchill, Jan D. Kramers, Robyn Pickering, Daniel L. Farber, Anne-Sophie Mériaux, Andy I. R. Herries, Geoffrey C. P. King et Lee R. Berger, « Geological setting and age of Australopithecus sediba from Southern Africa », Science, vol. 328, no 5975, , p. 205-208 (DOI 10.1126/science.1184950).
- L. R. Berger, D. J. de Ruiter, S. E. Churchill, P. Schmid, K. J. Carlson, P. H. G. M. Dirks, J. M. Kibii, « Australopithecus sediba: A New Species of Homo-Like Australopith from South Africa », Science, vol. 328, no 5975, p. 195-204.
- (en) L. R. Berger, « The Mosaic Nature of Australopithecus sediba », Science, vol. 340, no 6129, , p. 163-165 (DOI 10.1126/science.340.6129.163)
- (en) Michael Cherry, « Claim over 'human ancestor' sparks furore. Researchers dispute that hominin fossil is a new species. », sur Nature, (DOI 10.1038/news.2010.171).
- www.lefigaro.fr du 4 mai 2010, Le nouvel australopithèque au crible du synchrotron.
- Dart, R. A. (1925) « Australopithecus africanus : the Man-Ape of South Africa », Nature, n° 2884, vol. 115, pp. 195-199.
- A. Mabille, H. Dieterlen, Sesuto-English Dictionary, Morija Sesuto Book Depot, Morija 1985, sans ISBN.
- Conformément aux règlements de l'Université du Witwatersrand (UW), toutes les découvertes de la grotte de Malapa ont été enregistrées sous le numéro d’archives UW88.
- sciencemag.org du 9 avril 2010 : Supporting Online Material de « Australopithecus sediba: A New Species of Homo-like Australopith from South Africa. Text S1 ».
- sciencemag.org du 9 avril 2010 : transcription d'une interview avec Lee Berger pour un Podcast de la revue Science.
- wits.ac.za du 8 avril 2010 : « Wits scientists reveal new species of hominid », Communiqué de presse de l'Université de Witwatersrand au sujet des déclarations de Lee Berger.
- www.7sur7.be
- vidéo de http://www.bluewin.ch
- « Le nouvel australopithèque découvert est un para-Homo »
- National Geographic N° d'août 2011 p. 6
- F. Belnet, Australopithecus sediba, l’évolution en mosaïque sur Hominidés.com
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