Autoneige

L’autoneige est un « véhicule à cabine qui peut transporter plusieurs personnes, servant par exemple au transport d'équipes de travail sur des chantiers isolés » selon l'Office québécois de la langue française[1]. Les premières étaient des véhicules automobiles modifiés en remplaçant les roues par des chenilles à l'arrière et des skis à l'avant pour permettre la circulation sur la neige. La demande d'autoneiges plus efficaces a incité les fabricants à développer des véhicules conçus spécifiquement pour la circulation sur la neige, toujours mus par des chenilles mais parfois sans skis[2]. Certains sont pour le transport et d'autres sont des véhicules utilitaires (comme les dameuses). Il ne faut pas confondre avec la motoneige qui est un véhicule récréatif à un ou deux passagers sur une selle.

Ne doit pas être confondu avec Motoneige.

Autoneige
Prototype Bombardier 1935.
Type
Véhicule à chenille (d), Véhicule de service hivernal
Utilisation
Usage

Pionniers

Automobile 1916 Packard Twin-6 touring du tsar Nicolas II, équipée du système d'autochenille Kégresse (1917).

Les premiers véhicules motorisés conçus pour le déplacement sur la neige datent du début du XXe siècle. En Europe en 1910, à la demande du tsar de Russie, Adolphe Kégresse met au point des autochenilles originales (à partir de véhicules Packard, Mercedes-Benz et Delaunay-Belleville) capables de se déplacer facilement, particulièrement dans la neige. Il expérimente divers matériaux légers et souples comme des cordes, des courroies de cuir tressé et du caoutchouc armé. Il avait ainsi inventé le principe de l'autochenille. À la veille de la révolution russe, il retourne en France et travaille pour Citroën.

Ford Model-T avec "snowmobile attachment".

Aux États-Unis, Ray H. Muscott, de Waters au Michigan, fait breveter le «motor sleigh» le (brevet #1,188,981). D'autres constructeurs se lancèrent sur cette voie vers la même époque en modifiant des automobiles. Virgil D. White, un concessionnaire Ford, a transformé une automobile en autoneige dès 1913. Il a perfectionné son autoneige et obtient un brevet en 1917 pour une trousse de conversion de modèle Ford T en autoneige (attachment to convert in a snowmobile). En 1922, il met en marché une trousse complète incluant un pont à rapport 7 à 1 et arbre de transmission robustes (conçus pour le camion Ford TT, non requis pour convertir un Ford TT), un essieu libre, des roues robustes, les chenilles et les skis. Le tout était assez coûteux à 395 $ mais s'avérait très efficace et durable. En 1925, les droits de fabrication sont vendus à Farm Specialty Manufacturing Company du Wisconcin. Entre 1922 et 1929, environ 20 000 trousses ont été vendues.

À l'hiver 1919-1920, Joseph-A. Landry[3] met au point une autoneige qu'il fait breveter en 1923, au Canada et aux États-Unis après avoir effectué un voyage de 40 km entre Mont-Joli et Rimouski; sur une photo d'un journal de l'époque le nom «L'autoneige Landry» est peint sur la portière. De 1924 à 1948, une centaine de véhicules sont modifiés, principalement pour l'industrie forestière.

Ford modèle A équippée du Super Snow Bird.

De 1925 à 1940, B. F. Arps produit deux ensembles de chenilles pour transformer une automobile en autoneige à New Holstein aux États-Unis: le «Snow Bird» qui ajoute un essieu à roues libres comme celui de White et le «Super Snow Bird» à deux essieux additionnels. Les chenilles sont à patins articulés en fonte. L'ensemble inclut deux pneus arrière d'entraînement munis de crampons de caoutchouc et, à partir de 1937 pour le Super Snow Bird, deux moyeux à démultiplication planétaire pour l'essieu arrière moteur de l'automobile. Deux automobiles modifiées ont été utilisées par l'admiral Byrd lors de son expédition au pôle Sud en 1928 et à nouveau en 1933-35. En 1949, ARPS Corporation produit des ensembles semi-chenillés (halftrack) pour tracteur de ferme. En 1963, la compagnie est acquise par Chromally American Co. et en 1983, la division Arps est rachetée par un groupe d'investisseurs qui forment Amerequip Co.[4]

En 1934, l'explorateur américain Richard Byrd utilise trois autochenilles Citroën équipée du système Kégresse-Hinstin prêtées par André Citroën pour son expédition en Antarctique[5]. Elles résisteront tant bien que mal à des froids de −70 °C. Il s'agit là encore de l'adaptation d'un véhicule pour le transport sur la neige mais qui n'est pas adapté aux grands froids. Par contre, les autochenilles de Citroën ont eu beaucoup de succès dans les sables du désert ou les terrains boueux et le principe a été repris par les militaires (half-track).

Production en série

Voici quelques-unes des compagnies qui ont suivi et les innovations qu'elles ont introduites aux autoneiges.

Bombardier

Autoneige B-12 de Bombardier
Intérieur d'une B-12
Autoneige B-7

Joseph-Armand Bombardier[6], de Valcourt au Québec, a eu l'ambition de faire de l'hiver une saison où il est aussi facile de se déplacer que pendant les trois autres saisons. Après avoir construit un aéroglisseur, il opte pour l'autochenille. Il remplace les roues avant d'une auto par des skis et ajoute des chenilles métalliques à l'arrière. Il constate immédiatement les limitations d'une direction lourde et de chenilles d'acier. Il choisit d'installer le moteur et la transmission à l'arrière ; il invente une chenille à deux courroies de caoutchouc renforcé, reliées par des travers d'acier formés et qui est entrainée par un barbotin au centre des courroies (engrenage recouvert de caoutchouc), système qui est toujours utilisé de nos jours. En 1936, il réduit encore le poids en remplaçant le châssis et la carrosserie automobile par un châssis monocoque avec une carrosserie artisanale pour créer l'autoneige B7.

Durant l'hiver 1936-1937[7],[6], il vend ses premières autoneiges B7 (B pour Bombardier et 7 pour sept passagers). Le B7 utilise son brevet du barbotin-chenille (, brevet canadien no 367104[8]). C'est ce système de traction à chenilles légères et portance élevée qui rend instantanément les véhicules de Bombardier beaucoup plus efficaces sur neige que tous les autres véhicules à chenilles de métal utilisées à l'époque. Le B7 est un succès et le B12 lui succède rapidement en 1942.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il produit une série d'autoneiges B-1 pour les militaires[9] dérivées du B-12 avec des chenilles plus larges et une voie élargie. Après la guerre, le modèle militaire est doté d'une carrosserie plus large et devient le C-18 qui servira comme ambulance, autobus scolaire et transport local en hiver en zone rurale[10]. À partir de 1949, le gouvernement du Québec généralise le déneigement des routes dans tout le Québec[11]. Le créneau de vente d'autoneiges est coupé drastiquement et Bombardier se diversifie en produisant des chenillettes pour l'exploration pétrolière et le travail en forêt.

Muskeg

De tous ces véhicules, le tracteur Muskeg[12], marécage en amérindien, est la plus grande réussite de ces années-là. Ce tracteur se démarque par ses chenilles larges à double roue et faible pression au sol qui lui donne accès aux terrains marécageux; cette chenille double a été développée vers 1942 pour la chenillette de reconnaissance Mark I commandée par l'armée canadienne[13]. En 1950, la chenille large à double roue est modifiée pour une série de camions semi-chenillé Bombardier TD qui sont expédiés en Alberta pour l'exploration pétrolière. Le Muskeg est produit à Valcourt en 1953 et remporte un grand succès commercial, répondant à de multiples besoins de travaux et de transport en terrains difficiles. On l’utilisera autant dans les Alpes pour le transport de skieurs, que dans le Sahara pour le dégagement des routes. En versions modifiées, le tracteur Muskeg se vend encore aujourd’hui dans tous les coins du monde.

En 1958, Bombardier invente la motoneige moderne qui devient rapidement un produit récréatif très populaire, de sorte qu'en 1970, plus de cent fabricants se disputent le marché; depuis, aux États-Unis, le mot «snowmobile» désigne les motoneiges. En 1961, Bombardier invente le Snow Packer qui sert à damer les pistes de ski et produit de petits chasse-neiges de trottoir comme le tracteur SW [12]. La division des véhicules industriels (autres que les motoneiges) est vendue en août 2004 à la compagnie Camoplast[14] de Sherbrooke au Québec (une ancienne filiale de Bombardier).

Sno-Cat de Tucker

Un Tucker de 1949 avec 2 skis + 2 chenilles
Modèle restauré de Tucker 342 de 1967 avec chenille en acier
Tucker utilisé en antarctique.

En 1938, Emmitt M. Tucker fabrique un premier prototype d'autoneige et dans les années 1940 il fabrique des autoneiges et leurs remorques pour toutes conditions de neige[15]. En 1948, il invente une chenillette à 4 chenilles et servo-direction articulée qui fera la renommée des SNO-CAT. Elles ont été utilisées, entre autres, lors d’expéditions dans l’Arctique et l’Antarctique, comme dameuse et pour le transport. Malgré le coût élevé d'entretien des roulements à billes des chenilles, le Sno-Cat est demeuré populaire grâce à sa mécanique 4 roues motrices très fiable, sa grande efficacité en neige profonde avec sa servo-direction qui faisait pivoter les deux essieux rigides en directions opposées, sa haute garde au sol avec ses chenilles d'acier roulant sur des pontons pivotants , sa bonne stabilité grâce à l'écartement des chenilles et sa grande capacité de remorquage.

Voir aussi

Notes

  1. « Autoneige », Le Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le )
  2. Noms en français de « Autoneige », sur TERMIUM Plus®, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada, (consulté le ).
  3. (fr) « Qui a inventé la motoneige », Les archives de Radio-Canada, Société Radio-Canada (consulté le )
  4. (en) « 100 Years of Amerequip History », sur Amerequip (consulté le )
  5. (fr) Georges Gadioux, « Richard BYRD, en 1934, utilise du matériel français en Antarctique », Transpolair, (consulté le )
  6. (fr) « La motoneige de Bombardier », Les archives de Radio-Canada, Société Radio-Canada (consulté le )
  7. (fr) « De 1926 à 1938 : Premiers succès », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  8. (fr) « Liste de brevets de J. Armand Bombardier », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  9. (fr) « De 1939 à 1945 : Les années de guerre », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  10. (fr) « De 1946 à 1948 : Essor d'après guerre », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  11. Michel Bédard, Les routes du Québec, Québec, Québec (Province). Service technique de la circulation Éditeur : Québec :Ministère de la voirie, Service technique de la circulation., (lire en ligne)
  12. (fr) « De 1949 à 1958 : Les véhicules industriels », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  13. (en) « T16 Universal Carrier », sur /www.mapleleafup.nl, (consulté le ).
  14. (fr) « Marchés et Produits », Camoplast (consulté le )
  15. (en) Bill Siuru, « Tucker Sno-cat », This Old Truck (consulté le )

Articles connexes

Liens externes

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