Bandes de Hartmann-Lüders
Les bandes de Hartmann-Lüders ou lignes de glissement sont la conséquence ultime de la localisation des déformations plastiques dans les aciers à bas carbone soumis à de la traction ou du cisaillement[1]. Leur existence a été signalée dès le XIXe siècle par l'officier du génie Guillaume Piobert[2] et l'universitaire allemand W. Lüders[3]. Le commandant Hartmann[4], directeur des ateliers de l'artillerie à Puteaux, est parvenu à les mettre en évidence. La formation de telles bandes est favorisée par l’effet Portevin-Le Chatelier, c'est-à-dire la localisation des dislocations par des atomes interstitiels (dans les aciers, typiquement du carbone et de l'azote), autour desquels se condensent naturellement des « atmosphères » ou « zones. »
Comme les concentrations de contrainte se forment dans les angles vifs des éprouvettes de traction, c'est en ces points que les bandes de glissement apparaissent d'abord ; mais leur formation dépend essentiellement de la taille de grain microscopique (c'est-à-dire de la microstructure) et de la géométrie de l'éprouvette. Par exemple, une éprouvette à section carrée tend à développer davantage de plans de glissement qu'une barre de section circulaire faite du même métal[5].
La formation d'une bande de Hartmann-Lüders est précédée par une plastification et une chute de la contrainte : elle matérialise la frontière entre la zone plastique et la zone encore élastique du métal. Les bandes de Lüders s'amorcent généralement à une extrémité de l'échantillon et se propagent vers un bord opposé[6]. En se propageant, elle forme un angle caractéristique d'environ 50–55° avec l'axe de traction de l'échantillon[7]. Dans cette phase de propagation, la courbe contrainte-déformation nominale présente un plateau[6]. Une fois qu'elle débouche à l'autre extrémité de l'échantillon, la déformation reprend un accroissement monotone avec écrouissage. Parfois, en changeant la température ou le taux de déformation, les bandes de Hartmann-Lüders provoquent un effet Portevin–Le Chatelier ce qui implique que les deux phénomènes sont liés[6].
Bibliographie
- Richard W. Hertzberg, Deformation and Fracture Mechanics of Engineering Materials (réimpr. 4) (ISBN 978-0-471-01214-6 et 0-471-01214-9), p. 29–30nbsp
- W. Mason, « The Lüders' Lines on Mild Steel », Proceedings of the Physical Society of London, vol. 23, , p. 305-333 (lire en ligne)
Notes
- Cf. R. Hutanua, L. Claphama et R.B. Rogge, « Intergranular strain and texture in steel Luders bands », Acta Materialia, vol. 53, no 12, , p. 3517-3524
- Cf. G. Piobert, I. Didion et A. Morin, « Expérience sur la pénétration des projectiles dans le fer forgé. », Mémoire de l’Artillerie, , p. 501–537.
- Cf. W. Lüders, « Über die Äusserung der Elasticität an stahlartigen Eisenstäben und Stahlstäben, und über eine beim Biegen solcher Stäbe beobachtete Molecularbewegung. », Dinglers Polytech, jahrgang 5, , p. 18–22.
- Louis Hartmann sera témoin à Rennes lors des expertises pour le procès d'Alfred Dreyfus.
- Cf. V.S. Ananthan†, and E.O. Hall, « Macroscopic aspects of Lüders band deformation in mild steel », Acta Metallurgica et Materialia, vol. 39, no 12, , p. 3153-3160.
- Cf. Sinisa Mesarovic, « Dynamic Strain Aging and Plastic Instabilities. », Mech. Phys. Solids, no 43, , p. 671-700
- Cf. G. Ananthakrishna, « Current theoretical approaches to the collective behaviour of dislocations », Physics Reports, no 440, , p. 113-259.
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