Bekhlouf Talahite
Bekhlouf Talahite (en arabe : تلاحيت بخلوف)[N 1], né le 12 décembre 1927 à Mostaganem (Algérie) et mort à Montpellier (France) le 13 juin 1989, est un des fondateurs de l’enseignement secondaire et supérieur dans l’Algérie indépendante. Il a été proviseur du Lycée Ibn Badis à Oran, puis fondateur et directeur de l’École Normale Supérieure d’Enseignement Polytechnique (ENSEP) d’Oran (actuelle École Nationale Polytechnique d’Oran - Maurice Audin) ainsi que Recteur de l’Université d’Oran Es-Sénia (actuelle Université d'Oran 1 Ahmed Ben Bella).
Naissance | |
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Décès |
(à 61 ans) Montpellier |
Nom dans la langue maternelle |
تلاحيت بخلوف |
Nationalité |
Algerienne |
Domicile |
Oran, Algérie |
Activité |
Directeur de L’ENSEP (actuelle École Nationale Polytechnique d’Oran - Maurice Audin) - Recteur de l’Université d’Oran Es Sénia. |
A travaillé pour |
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Biographie et études
Bekhlouf Talahite est né dans le quartier historique de Tigditt à Mostaganem. Il a fait ses études au Lycée René Basset (actuel Lycée Zerrouki) de Mostaganem. Il intègre le mouvement des scouts musulmans algériens au côté de son frère aîné le Moudjahid Abdelkader Tahlaiti, se forgeant ainsi un solide esprit nationaliste[1]. Ce frère aîné, comprenant l’importance des études comme facteur de libération, l’envoie passer son baccalauréat à Marseille qu’il obtiendra en juin 1947 en section mathématiques. Il est admis dans une école d’ingénieur à Marseille qu’il quittera rapidement en raison de l’ambiance ségrégationniste qui y régnait. Il fait alors le choix de la faculté des sciences de Montpellier, ville qui regroupait à cette époque une des plus grandes communautés d’étudiants algériens pour y entreprendre des études en mathématiques. Il y rejoint l’homme politique Mohamed Khemisti ainsi que les étudiants en médecine, Hacène Lazreg, Zoheir Yakoubi, Messaoud Djennas, et Ali Benkoula, son cousin germain, ainsi que bien d’autres étudiants algériens nationalistes.
Engagement politique
Alors que la lutte pour l’indépendance de l’Algérie se précise à partir de novembre 1954, Bekhlouf Talahite milite avec les mineurs de la section FLN d’Alès[2]. Il contribue par ailleurs à la fondation de l’UGEMA (Union Générale des Étudiants Musulmans Algériens) de Montpellier[3],[4]. Le 26 juin 1955, il sera délégué de l’UGEMA avec Mohammed Hacheman et Mohammed Ferradi. Tous trois formeront le comité directeur qui représentera la section de Montpellier au Congrès constitutif de l’UGEMA en juillet 1955 à Paris. En mars 1956, il participe au deuxième Congrès de l’UGEMA en compagnie de Mohamed Khemisti, qui est alors secrétaire de la section de Montpellier[5]. Cette même année, il répond au mot d’ordre de grève illimitée des étudiants algériens du 19 mai qui l’amènera à interrompre ses études.
Carrière d’enseignant
Bekhlouf Talahite entame sa carrière professionnelle en France comme professeur de mathématiques dans divers établissements, notamment au Lycée Joffre de Montpellier. En parallèle à son service d’enseignant, il s’intéressera à la gestion de cet établissement scolaire afin d’acquérir des compétences administratives qui seront utiles à son pays une fois l’indépendance acquise. En 1960, il accepte un poste de professeur de mathématiques au Lycée Les Palmiers d’Oran. En 1961, il trouve son appartement saccagé par l’OAS (Organisation Armée Secrète) et reçoit des menaces de mort[6]. Il rejoint alors la maison familiale à Mostaganem, où son frère est toujours en proie au harcèlement des autorités coloniales.
Parcours au service de l’enseignement secondaire en Algérie
L’indépendance de l’Algérie en 1962 marque le début de la carrière administrative de Bekhlouf Talahite. Il se met alors au service de l’enseignement secondaire à Oran où se constituent autour de Mohamed Hirèche, nouvellement inspecteur d’académie, des équipes d’enseignants qui commenceront par organiser les examens qui n’avaient pas eu lieu en juin 1962. C’est au Lycée Ibn Badis (anciennement Ardaillon) qu’il assure la première rentrée scolaire de l’indépendance en octobre 1962[7]. Il y sera d’abord censeur pendant un an, puis proviseur. Durant la période où il est proviseur, cet établissement acquiert une réputation d’excellence fondée en grande partie sur un fonctionnement qui sera qualifié de «remarquable» et le rôle «innovateur»de M. Talahite[8].
Parcours au service de l’enseignement supérieur
En 1971, Bekhlouf Talahite prend la direction du projet d’École Normale Supérieure d’Enseignement Polytechnique (ENSEP) d’Oran (actuelle École Nationale Polytechnique d’Oran- Maurice Audin)[9] créée avec le soutien du PNUD (Programme des Nations Unis pour le Développement) et de l’UNESCO sur une requête du gouvernement algérien datant du 28 août 1969[10],[11]. Bekhlouf Talahite en supervisera la conception et la construction. Les premières années de fonctionnement de l’école se feront avec l’aide de l’UNESCO. L’école est ouverte sur la ville de sorte que tous les établissements scolaires et l’Université d’Oran Es-Sénia (actuelle Université d'Oran 1 Ahmed Ben Bella). puissent bénéficier des moyens dont elle dispose, tels que son équipement technique et son département de pédagogie. Bekhlouf Talahite met en place des structures pour la publication et la diffusion de la recherche scientifique. Il encourage les étudiants se destinant à la recherche à se diriger vers des domaines d’utilité nationale (énergie solaire, utilisation industrielle de l’alfa).
En 1975, Bekhlouf Talahite est nommé recteur de l’Université d’Oran Es-Sénia (actuelle Université d'Oran 1 Ahmed Ben Bella) tout en conservant la direction de l’ENSEP. Il procédera à la création de cursus de post-graduation dans chaque institut et à la formation continue des enseignants. En créant le Centre de Documentation des Sciences Humaines en 1979 (CDSH – aujourd’hui CRIDISH), il dote l’université d’une structure qui va permettre l’organisation de séminaires et colloques régionaux, nationaux et internationaux et la publication et la diffusion de travaux universitaires, qui auront la double fonction d’ouverture et de rayonnement de l’université sur la ville d’Oran ainsi qu’à l’échelle internationale[12]. Bekhlouf Talahite se consacrera uniquement à l’ENSEP (devenue depuis ENPO) de 1985 à 1989. Son travail est interrompu par sa maladie et son décès le 13 juin 1989.
Famille
Bekhlouf Talahite épouse Suzanne Claude Talahite (née Gonfond), militante pour l’indépendance de l’Algérie rencontrée à Montpellier pendant ses études. Elle contribuera elle aussi à l’édification du système éducatif algérien, tout particulièrement à la mise en place de l’Institut des Langues Vivantes Étrangères (ILVE) de l’Université d’Oran Es Senia. Ils auront cinq enfants: Nadir, Fatiha, Nedjma, Anissa et Mehdi.
Hommages
La bibliothèque de l’École Normale Polytechnique d’Oran – Maurice Audin (ENPO) [13]et une salle de conférence de l'Université d'Oran 1 Ahmed Ben Bella portent le nom de Bekhlouf Talahite. Une Médaille du Mérite lui a été discernée à titre posthume en 2003. En 2007, sa veuve et ses enfants mettent en place et financent le prix Talahite Bekhlouf récompensant le Major des Majors de l’ENSET[14]. Le 20 décembre 2017, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fondation de l’Université d’Oran, un autre prix à titre posthume lui est consacré en remerciement et appréciation pour son travail au service de l’université, tout particulièrement pour avoir créé les conditions appropriées nécessaires pour stimuler la recherche scientifique, ainsi que pour services rendus à la nation algérienne. En 2021, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’École Normale Polytechnique d’Oran – Maurice Audin (ENPO) un mémorial lui est consacré à l’entrée de la bibliothèque portant son nom[15].
Notes
- A l'origine, le nom de la famille était “Tahlaiti” (تحلايتى) mais l'administration coloniale de l'état-civil, qui a généré du désordre dans les généalogies, l'a transformé en “Talahite”. Après l'indépendance, des contraintes administratives ont fait que seule une partie de la famille a pu faire rectifier le nom. Sur la politique de l'état-civil dans l'Algérie coloniale, voir Farid Benramdane,"Qui es-tu? J’ai été dit. De la destruction de la filiation dans l’état civil d’Algérie ou éléments d’un onomacide sémantique." Insaniyat / إنسانيات. Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociales 10 (2000) : 79- 87. https://journals.openedition.org/insaniyat/8054
Références
- Dr Louazani, « Le Moudjahid Abdelkader Tahlaiti : le fils de Tigditt qui a effrayé la France » , sur Réflexion : Quotidien National d’Information,
- Bernard Deschamps, Le fichier Z. Essai d’histoire du FLN algérien dans le Gard, 1954-1962, Montreuil, Le temps des cerises,
- Djennas, Messaoud, Vivre C’est Croire. Mémoires (1925-1991), Alger, Casbah Edition, (lire en ligne), p. 205 -206
- Djennas, Messaoud, Moments d’histoire des Étudiants algériens de Montpellier (1948-2014), Alger, Casbah Éditions,
- Moore, Clement Henri, Combat et Solidarité estudiantins : L’UGEMA (1955-1962) Témoignages, Alger , Casbah Éditions, (lire en ligne), p. 53 & 65
- « Opposée à l'indépendance de l'Algérie, l'OAS adopte le terrorisme à grande échelle », APS, (lire en ligne )
- Claude Talahite, Instituteurs et enseignants en Algérie (1945-1975) : histoire et mémoires (ouvrage collectif), Paris, Karthala, (ISBN 978-2-8111-0968-4), chap. 1 - (partie 3) (« 1962: La rentrée scolaire à Oran »), p. 301-307
- Evangelos Laskaris, La coopération culturelle franco-algérienne.Les coopérants français en Algérie indépendante.Enseignants des écoles (instituteurs et professeurs) et universitaires (1962-1980), Université Paris-Est, (lire en ligne)
- « Le ministre de l’Enseignement supérieur : Le changement économique passe par la valorisation des énergies des jeunes chercheurs » , sur Seybouse,
- « Décret portant nomination », Journal officiel Algérien, , p. 1052 (lire en ligne [PDF])
- « Résultats et recommandations du projet. Rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (Unesco). », Organisation des Nations Unies pour l'éducation,la science et la culture, (unesdoc.unesco.org/in/rest/annotationSVC/DownloadWatermarkedAttachment/attach_import_65c0a1cd-035d-4ae0-b173-078e5ade5a53?_=025359freb.pdf&to=46&from=1 [PDF])
- « Centre de recherche et d'information documentaire en sciences sociales et humaines. Oran, Algérie », sur data.bnf.fr (consulté le )
- Ecole Nationale Polytechnique d'Oran Maurice Audin, « Bibliothèque Talahite Bekhlouf » , sur Portail Bibliothèque Talahite Bekhlouf
- Sofiane M., « L’ENSET à l’heure des récompenses » , sur https://www.vitaminedz.com (consulté le )
- Meriem Maram Houali, « École polytechnique d’Oran Maurice Audin (ex ENSET) : Un demi-siècle au service du savoir » , sur lapatrienews.dz,
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