Basmala
La basmala (بَسْمَلَة) est un mot arabe qui désigne tous les mots de la formule bi-smi-l-lāhi r-Raḥmāni r-Rahīmi (arabe : بِسْمِ ٱللَّٰهِ ٱلرَّحْمَٰنِ ٱلرَّحِيمِ)[1],[2] — « Au nom de Dieu clément et miséricordieux » —, notamment utilisée au commencement de chacune des sourates du Coran, à l'exception de la neuvième, at-Tawba[3]. Les premiers deux mots de cette phrase sont bi-smi-l-lah (بِسْمِ ٱللَّٰهِ), signifiant « Au nom de Dieu ».
« Bismillah » redirige ici. Pour les autres significations, voir Bismillah (homonymie).
La basmala est-elle un verset du Coran ?
La Basmala est donc la formule qui ouvre toutes les sourates, excepté la neuvième. Les avis ont divergé quant à son statut[4] : est-elle un verset dans chaque sourate qui commence par elle ? Est-elle un verset seulement de la sourate an-Naml ? Enfin, est-elle un verset de la première sourate du Coran, al-Fatiha ?
Le cas de la Fahtiha
La sourate al-Fatiha est la seule sourate dont la basmala a été considérée comme un verset, comme le montrent les éditions basées sur la version canonique du Caire (1923), si bien que la sourate en compte sept. À l'inverse, certains arabisants l'ont exclue, comme Richard Bell, et la sourate en a donc six. Le choix d'inclure la basmala comme verset permettrait de s'accorder avec Coran 15 : 87, dans lequel de nombreux oulémas voient une allusion à la Fatiha, et qui ceci : « Nous t'avons donné apporté les sept redoublements, le Coran sublime »[5] (arabe: وَلَقَدْ آتَيْنَاكَ سَبْعًا مِنَ الْمَثَانِي وَالْقُرْآنَ الْعَظِيمَ - Wa-laqad 'ataynā-ka sab`āan min al-mathānī wa-l-Qur'āna l-`aẓīma). Mais tant Jacques Berque que Régis Blachère relèvent qu'il est très difficile de savoir ce que sont exactement ces « sept redoublements » (sab`āan min al-mathānī) ou ces « sept répétées », et que l'exégèse de ce verset est délicate, si bien qu'elle ne fait pas l'unanimité. Blachère remarque en effet que « l'exégèse islamique estime qu'il s'agit des sept versets de la (...) sourate I. Mais d'autres données traditionnelles disent qu'il s'agit des Sept plus Longues Sourates (des divergences existent sur certaines de celles-ci)[6]. » Quant à Berque, il commente en disant que l'expression « sept redoublements » « [a] été interprétée comme désignant [la sourate I], les longues sourates, etc. Il est impossible de préciser[7]. »
Dans les premiers manuscrits, cette formule est parfois sur la même ligne que le premier verset, tandis qu'elle occupe ailleurs une ligne seule[4]. Ces variations tiennent, selon Éléonore Cellard, peut-être plus à un problème de mise en page[8].
Deux traditions existent quant au statut de la Basmala. Pour les récitateurs de Médine ou de Syrie, ainsi que pour l'école hanifite, la basmala est avant tout un marqueur de division du texte et non un verset. Ils ne la récitent donc pas pendant la prière. À l'inverse, ceux de La Mecque ou de l'école shaféite la récitent[4].
Sources et influences
La formule n'apparaît qu'une fois à l'intérieur même du texte coranique, au verset 30 de la sourate 27 (an-Naml) où elle est la formule d'ouverture d'une lettre envoyée par Salomon à la reine de Saba[9], ce qui, pour Blachère, est signe qu'à l'époque de Mahomet déjà, elle figurait nécessairement au début d'un écrit[10]. Selon des sources musulmanes, une telle formule, citant alors une autre divinité qu'Allah, existait chez les polythéistes de l'époque préislamique. Aucune source historique ne le confirme. Il a été proposé de voir dans une formule mazdéenne un antécédent mais celle-ci dérive déjà pour Kropp du monde sémitique, juif ou chrétien[4].
De nombreux chercheurs se sont penchés sur les rapports entre la basmala et des formules juives ou chrétiennes. Nöldeke et Schwally voyaient dans les formules « Au nom de YHWH » et « Au nom du Seigneur », provenant respectivement de l'Ancien et du Nouveau Testament, des antécédents. Si la première proposition présente une même particularité orthographique que la basmala, elle n'expliquerait pourtant pas la deuxième partie de la formule[4].
Pour Kropp, la double épithète est une « citation claire » du livre des Psaumes, formule utilisée à l'époque préislamique dans la liturgie en langue guèze, sous la forme « Au nom de Dieu, le Miséricordieux et Compatissant ». Cet usage liturgique se retrouve dans des textes syriaques, dont l'anaphore attribuée à Nestorius (Ve siècle) qui commence par : « O Seigneur ! Dieu miséricordieux, clément et compatissant »[4]. Ces parallèles permettent de mieux comprendre la basmala, tant sur le plan du lexique que sur celui de son « éventuel Sitz im Leben » [=circonstances de production] en tant qu'usage liturgique[4].
Historique
Les premières inscriptions officielles épigraphiques de la basmala remontent à la fin du VIIe siècle, au règne du calife Abd al-Malik, connu pour ses grandes réformes d'islamisation. Des monnaies plus anciennes contiennent des variantes ou des formes simplifiées. À partir d'Abd al-Malik, elle apparaît sur les monnaies, les papyrus, les inscriptions monumentales... Elle possède alors une fonction officielle « politico-religieuse »[4].
Néanmoins, la basmala existe déjà dans des inscriptions populaires. La plus ancienne, étudiée par Muhammad 'Ali al-Hajj, remonte à la fin du VIe siècle ou au début du VIIe et se trouve au sud du Yémen. Il s'agit de la plus ancienne attestation de la basmala, mais une attestation préislamique, en sud-arabique de type zaburi[Quoi ?]. « Selon al-Hajj, cette attestation préislamique en Arabie du Sud, d'un basmala équivalente à celle du Coran s'explique par la présence ancienne de Chrétiens employant une terminologie monothéiste ». D'autres inscriptions, celles-ci en arabe, plus récentes mais précédant tout de même la réforme d'Abd al-Malik, sont connues[4].
Frédéric Imbert remarque que les graffiti islamiques font l’objet de concurrences entre les formulaires, certaines formules excluant d’autres, comme la basmala du site de Bada[Où ?]. Cela illustre les phases d ‘évolution et de développement de ces formules[11].
Analyse
Composition et traductions
La basmala commence par la préposition Bi (« avec, par, au moyen de ») et le terme ism (« nom »). En arabe, nom est en principe composé des lettres alif, (ا) sin (س) et mim (م), ce qui donne finalement ism : اسم. Mais, dans les Corans imprimés, le alif tombe, et le mot ism se lie directement à la préposition bi, et on a donc bi-sm : بسم. C’est un cas unique en arabe et la présence du alif est variable selon les manuscrits. Cela pourrait provenir d’un héritage de la graphie hébraïque ou syriaque[4].
La seconde partie pose des difficultés syntaxiques et sémantiques. Ces deux termes[Lesquels ?] peuvent être compris comme des juxtapositions (usage préféré par les exégètes musulmans et le plus répandu dans les traductions)[4] :
- Trad Bell : « Au nom d’Allah, le Miséricordieux, le Compatissant »
- Trad Bell. « Au nom d’Allah, le Tout Miséricorde, le Miséricordieux »
Une seconde solution serait de les considérer comme des attributs[4] :
- Trad. Rudi Paret : « Au nom du Dieu miséricordieux et bon»
Enfin, il est aussi possible de considérer Rahman comme un nom divin apposé à Allah[4] :
- Trad. Régis Blachère : « Au nom d’Allah, le Bienfaiteur miséricordieux »
Considérant Rahman comme un nom propre, Robin[Qui ?] propose[4] :
- « Au nom du dieu al-Rahmàn le miséricordieux »
Al-Rahman, al-Rahim
Ces deux mots dérivent de la même racine R-H-M. Celle-ci a donné de nombreux mots équivalents dans différentes langues sémitiques (sud-arabique, syriaque, hébreu...)[4].
Certains lexicographes voyaient dans le premier un terme d’origine hébraïque. Les orientalistes le considèrent comme une dérivation sud-arabique, juive ou chrétienne. Ch. Robin a remarqué que le Dieu des Juifs est anonyme dans les inscriptions sud-arabiques jusqu’au Ve siècle et qu’il reçoit le nom de Rahmanan vers 450-460. Selon lui, le Rahman de la Basmala est un nom propre. Apparaissant à 57 reprises dans le Coran, il est toujours précédé de l’article défini al-. Ce terme est toujours utilisé, dans le Coran, pour désigner Dieu[4].
Le second, selon le papyrus bilingue Heidelberg 21, a le sens de « bon », « bienveillant » et les auteurs musulmans le voient comme un mot d’origine arabe. Ce terme est le plus souvent sans article défini et peut être appliqué à un homme[4].
Basmala et tradition populaire
Selon la tradition populaire des musulmans, la basmala aurait un effet protecteur contre les Jinns[12].
La basmala a toujours été la formule favorite des calligraphes arabes[réf. souhaitée]. On peut apprécier les jeux formels sur la basmala dans le livre de Hassan Massoudy[13]. La phrase est si courante en arabe que le système Unicode a prévu un caractère unique (ligature) pour la représenter : ﷽ (U+FDFD).
La Basmala chez les chrétiens
Chez les Arabes chrétiens, le terme « basmala » peut désigner l'expression biblique « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (باسم الآب والابن والروح القدس, bismi-l-’ābi wa-l-ibni wa-r-rūḥi l-qudusi), qui se trouve dans l'Évangile (Matthieu 28.19). Cette formule est parfois complétée de « Un seul Dieu », pour marquer le caractère monothéiste du christianisme (باسم الآب والابن والروح القدس، الإله الواحد, bismi-l-’ābi wa-l-ibni wa-r-rūḥi l-qudusi, al-ilâh al-wâhid) .
Toutefois, la formule coranique a aussi été employée par les chrétiens, qui lui donnent alors un sens spécifiquement chrétien[14].
Notes et références
- Richard Shelquist, « Bismillah al rahman al rahim », Living from the Heart, Wahiduddin, (consulté le )
- Malek Chebel, Dictionnaire des symboles musulmans : rites, mystique et civilisation, Albin Michel, coll. « Spiritualités vivantes », , 500 p. (ISBN 978-2-226-07550-5)
- Le Coran, « L’Immunité ou le Repentir », IX, (ar) التوبة (voir par exemple la note 1 dans la traduction de Kazimirski)
- Paul Neuenkirchen, « Al-Fatiha », Le Coran des Historiens, t. 2a, Cerf, 2019, p. 17 et suiv.
- Jacques Berque, Le Coran. Essai de traduction, Albin Michel, 1995, (ISBN 978-2-226-07739-4), p. 277. Régis Blachère traduit, lui, : « Nous t'avons donné Sept des Répétées et la Prédication solennelle » (Le Coran, Maisonneuve et Larose, 1999 (ISBN 978-2706-81571-3) p. 290.
- Jacques Berque, Le Coran. Essai de traduction, Albin Michel, 1995, p. 277, n. 87.
- Régis Blachère, Le Coran, Maisonneuve et Larose, 1999. p. 290, n. 87.
- Éléonore Cellard, « Les manuscrits coraniques anciens », Le Coran des historiens, t. 1, Cerf, 2019, p. 696.
- François Déroche, « Basmala », dans Mohammad Ali Amir-Moezzi (Dir.), Dictionnaire du Coran, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , xxi+981 (ISBN 978-2-221-09956-8), p. 119-120
- Régis Blachère, Introduction au Coran, Paris, Maisonneuve et Larose, 1977 (2e éd. partiellement refondue), 310 p. (ISBN 2-706-80636-2), p. 143
- Frédéric Imbert, « Le Coran des pierres », Le Coran des historiens, t.1, Cerf, 2019, p. 719.
- Benjamin Kilborne, Interprétations du rêve au Maroc, vol. 2, La Pensée sauvage, coll. « Bibliothèque d'ethnopsychiatrie », , 242 p. (ISBN 978-2-85919-010-1), p. 181
- Hassan Massoudy, Calligraphie arabe vivante, Paris, Flammarion, , 159 p. (ISBN 978-2-08-012519-4)
- Albo Cicade, « La "Basmala" coranique comme formule chrétienne : un usage méconnu », sur Academia.edu.
Bibliographie
- Ridha Atlagh, « Le point et la ligne: Explication de la Basmala par la science des lettres chez ‘Abd al-Karīm al-Ğīlī », Bulletin d'études orientales, vol. 44 « Sciences occultes et islam », , p. 161-190 (lire en ligne)
Annexes
Articles connexes
Liens externes
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