Bonneteau
Le bonneteau est un jeu d'argent, un jeu de dupes de l'ordre de l'escroquerie, proposé à la sauvette dans les marchés et dans les lieux publics. Il est pratiqué au moins depuis le XIVe siècle en France[1], et encore dans de nombreux pays.
Appellations
Il est dénommé Kümmelblättchen en allemand, Find the Lady en anglais britannique, Gioco delle tre carte en italien et Three Card Monte en anglais des États-Unis, avec son calque lituanien trijų kortų monte, Komar en arabe maghrébin, טריק שלושת הקלפים en hébreu moderne et bul karayı al parayı en turc.
Moyens et matériel
Le maître du jeu, ou bonneteur[2], est un charlatan professionnel assisté de complices parfois appelés barons. Ceux-ci sont chargés de rabattre les clients, de faire le guet, voire de jouer les gros bras pour calmer les perdants revanchards ou récupérer les gains de joueurs ayant eu vent de l'astuce. En partie à cause de cette organisation malhonnête, le bonneteau relève de l'escroquerie et est ainsi illégal dans de nombreux pays. En France il est interdit en ce qu'il s'agit d'un jeu de hasard sur la voie publique dont l'enjeu est l'argent (article L. 324-1 du Code de la sécurité intérieure). Il peut être également poursuivi sur l'infraction d'escroquerie (article L. 313-1 du Code pénal français). Le bonneteau (three-card monte), mentionné spécifiquement sous ce nom, est interdit en vertu de l'article 206(1) du Code criminel du Canada.
Le bonneteau nécessite :
- plusieurs acteurs :
- un manipulateur,
- plusieurs larrons (complices),
- des badauds naïfs et joueurs ;
- du matériel :
- trois cartes — deux rois noirs et la dame de cœur,
- une tablette ou un gros carton pouvant servir de table.
Il se pratique généralement dans la rue. Pour rythmer la partie, le manipulateur répète en général à plusieurs reprises : « Elle est où la reine ? Elle est où la reine ? ».
Principe
Le jeu se fait traditionnellement avec deux cartes noires et une carte rouge, généralement les rois de trèfle et de pique et la dame de cœur (d'où le nom anglais du jeu « Find the Lady », soit « Trouvez la dame »). Le maître du jeu manipule les trois cartes et demande au joueur de miser et de découvrir la carte rouge. Si ce dernier y parvient, il reçoit le double de sa mise ; dans le cas contraire, il l'abandonne.
En pratique, le maître du jeu procède d'abord à plusieurs tours où la carte recherchée est facilement suivie, et au cours desquels les complices misent et gagnent, afin de mettre le badaud en confiance. Dès lors que ce dernier entre en jeu, le maître du jeu modifie la manipulation des cartes.
Le manipulateur tient deux cartes dans l'une de ses mains et montre où elles sont placées. Deux cartes (la carte rouge et l'une des deux cartes noires) sont tenues entre le pouce, l'index et le majeur d'une main, et la troisième dans l'autre main. La carte rouge est placée de sorte qu'elle soit logiquement déposée en premier. La troisième carte ne sert qu'à distraire l'attention. Le manipulateur fait plusieurs déposes des cartes, et la dame est immédiatement identifiée au centre. Le manipulateur peut bouger les cartes pour donner l'impression d'une manipulation faussement excessive et maladroite.
Lorsque le badaud mise son argent, le manipulateur ne laisse plus la carte de la dame rouge (qui est en dessous) s'échapper en premier, mais celle du dessus, ce que la victime peut difficilement percevoir.
Le maître du jeu peut commencer par offrir quelques gains faciles à la victime afin de la mettre en confiance et l'amener à parier plus gros. Dans le cas où le parieur connaîtrait le tour, des larrons sont à proximité, et interviennent pour récupérer la mise.
Historique
Dans son livre Les Tricheries des Grecs dévoilées, l'art de gagner à tous les jeux[3], Jean-Eugène Robert-Houdin fait une description de cette tromperie, sans toutefois lui donner de nom[4]. Il indique que ce jeu est interdit sur la place publique, et mentionne un jeu de dés (thimble game) de même type, pratiqué en Angleterre par des parieurs (gamblers).
Variantes
Sur le même principe, mais avec des techniques de manipulation un peu différentes, on rencontre parfois des « jeux » consistant à trouver une balle sous trois gobelets ou une fève sous trois coquilles. Cette forme, qui apparaît déjà dans le tableau de Jérôme Bosch l'Escamoteur, a été reprise par la prestidigitation. Les escamoteurs du Moyen Âge employaient pour cela une petite boule de liège appelée muscade, d'où l'expression « passez, muscade ».
Dans la culture populaire
Cinéma
- Fric-Frac. Réalisateur : Maurice Lehmann, Claude Autant-Lara (1939). Bonneteau aux cartes exécuté par Michel Simon.
- Le Miraculé. Film français réalisé par Jean-Pierre Mocky, sorti en 1987.
- Les Ripoux. Le personnage principal, policier corrompu, rackette un bonneteur de son quartier en jouant une fois par jour. Le bonneteur, le sachant policier, le laisse gagner, par entente tacite, pour qu'on le laisse continuer son arnaque.
- Le Gentleman d'Epsom. Réalisateur : Gilles Grangier. Jean Gabin joue le rôle du « baron » afin de gagner l'argent nécessaire pour payer son entrée à l'hippodrome. La victime est incarnée par l'acteur Paul Mercey.
- La Vérité si je mens !. C'est à la suite d'une partie de bonneteau qui tourne mal que Richard Anconina rencontre Richard Bohringer.
- Mauvais Sang de Leos Carax, 1986. Alex, interprété par Denis Lavant, est un jeune prestidigitateur qui gagne sa vie grâce à de petits larcins et les gains du bonneteau. Son habileté manuelle est d'ailleurs au cœur du récit et du gros coup que lui propose Hans et Marc : voler les cultures du virus STBO.
- Les Rois Mages. Gaspard (Didier Bourdon) et Balthazar (Pascal Légitimus) se baladent dans Paris et assistent à une partie de bonneteau. Comme ils sont mages, ils flairent le truc et empochent la mise, avant d'utiliser leur magie pour duper le bonneteur et les gens.
- La Bataille d'Alger. Ali la Pointe était bonneteur avant de rejoindre le FLN.
Télévision
- Dans le jeu télévisé Fort Boyard, une épreuve se nomme bonneteau : le candidat doit découvrir sous quel gobelet se trouve une petite clé après manipulation par le personnage du Magicien ; trois petites clés sont nécessaires pour ouvrir les cadenas et récupérer la véritable clé. Il arrive parfois que la petite clé change de gobelet comme par magie pendant le mélange, ce qui rend difficile la progression du jeu ;
- Dans l'épisode Baraka de la série Kaamelott (livre III), un escamoteur (joué par Laurent Gamelon) propose à Karadoc de retrouver une boule de liège sous des gobelets, inventant des concepts farfelus (« l’œil de taupe ») et lui offrant des coups faciles pour l'inciter à dépenser tout son argent. Il essaie ensuite de plumer Perceval, cependant le chevalier se révèle très doué pour ce jeu : non seulement il rachète la mise de Karadoc, mais il amasse en plus des gains considérables, au grand dam de l'escamoteur qui finit par s'énerver. Avec les jeux gallois compliqués (Perceval chante Sloubi, Perceval et le contre-sirop...) l'arithmétique (Sept cent quarante quatre) et la philosophie (L'inspiration), ce jeu fait partie des talents insoupçonnés du chevalier qui d'habitude est complètement idiot et ne comprend jamais rien.
- Dans l'épisode 13 de la saison 9 de X-Files, Improbable (X-Files), où le personnage de Burt Reynolds joue au bonneteau avec un tueur en série.
- Dans l'épisode 14 de la saison 3 de Caméra Café, Cartes sur table.
- Dans l'épisode 55 de la saison 5 de Un gars, une fille, À Hong-Kong.
- Dans l'épisode 4 de la saison 1 des Lapins Crétins : Invasion, un groupe de trois lapins observe une partie de bonneteau entre trois personnes, dont un des braqueurs.
- Dans l'épisode 5 de la saison 2 de The Punisher, Frank Castle (joué par Jon Bernthal) joue avec Amy Bendix (joué par Giorgia Whigham) à ce jeu.
- Dans l'épisode 11 de la saison 3 de Tout le monde déteste Chris, où le personnage de Chris découvre le jeu à ses dépens.
Notes et références
- « Les cahiers de Hjalmar », Arcane.
- https://nypost.com/2014/12/26/three-card-monte-scam-artists-return-to-midtown/ New York Post, « Three-card monte scam artists return to midtown, Is this Christmas 2014 — or 1974? », New York
- Paris, 1861, p. 47 à 51.
- Jean-Eugène Robert-Houdin, Comment on devient sorcier, une vie d'artiste, L'art de gagner à tous les jeux, Magie de physique amusante, Le Prieuré, éditions Omnibus, 2006, p. 693-695.
Bibliographie
- Whit Haydn, Chef Anton, Notes on Three-Card Monte. The School for Scoundrels, 2001.
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