Boulimie

La boulimie (ou boulimia nervosa) est un trouble des conduites alimentaires caractérisé par des ingestions excessives d'aliments en peu de temps, de façon répétitive et durable[1].

Pour le théâtre lausannois homonyme, voir théâtre Boulimie.

La crise de boulimie se caractérise par une augmentation pathologique du besoin de nourriture, sans nécessairement ressentir la faim. Elle est la plupart du temps suivie par un sentiment très fort de colère ou de dégoût de soi (notamment dans le cas d'une boulimie vomitive). L'individu boulimique peut avoir recours à certains actes en vue de stabiliser son poids, tels que la provocation du vomissement, l'utilisation inappropriée de laxatifs et/ou de diurétiques, la pratique excessive de sport et une restriction alimentaire très sévère. La boulimie est souvent associée à des vomissements, bien qu'ils ne soient pas systématiques. Ces actes ont pour principal objectif de réduire au maximum la quantité de calories ingérées lors de la crise de boulimie. Bien que la personne boulimique croie réussir à éliminer toutes ces calories, ce n'est bien souvent pas le cas et, en général, les crises s'accompagnent d'une prise de poids plus ou moins importante.

Epidémiologie

Sa prévalence estimée est comprise entre 1 et 1,5% de la population : 1,5% chez les femmes et 0,5% chez les hommes. La population touchée est plutôt urbaine, et âgée de 10 à 19 ans[1].

Ces chiffres pourraient être sous-estimés du fait de la difficulté à détecter la boulimie avec comportement compensatoire, qui ne créer pas d'obésité symptomatique[2].

Diagnostic

Repérage

Le repérage repose soit sur une évaluation clinique, avec des questions spécifiques, soit l'utilisation de questionnaires adaptés comme le SCOFF-F ou l'ESP. Il permet une prise en charge précoce et donc la réduction du risque de passage en forme chronique et les complications associées[3].

La population cible sont les jeunes adolescentes, aux antécédents familiaux de TCA, avec un IMC normal. Certaines activités professionnelles ou de loisirs sont à risque : mannequinat, courses hippiques, culturisme, natation synchronisée, danse, athlétisme, et gymnastique[3].

Critères DSM-5

Les critères diagnostics sont[1] :

  • Survenue d'épisodes récurrents d'hyperphagie incontrôlée : absorptions alimentaires largement supérieures à la moyenne en peu de temps avec une impression de perdre le contrôle des quantités ingérées ou de la possibilité d'arrêter l'épisode.
  • Recourt à des comportements compensatoires afin d'éviter la prise de poids : vomissements provoqués, prise de laxatifs ou diurétiques, jeûnes, exercice physique excessif.
  • Au moins 1 fois par semaine pendant au moins 3 mois.
  • Avec perturbation de l'estime de soi, de manière excessive, par la forme ou le poids du corps.
  • Ne survient pas exclusivement au cours d'une période d'anorexie mentale.

Un trouble durable ponctué de crises

La boulimie se manifeste par des comportements compulsifs de consommation de nourriture, en grande quantité. Visant à compenser un sentiment de mal-être, les aliments choisis sont assez stéréotypés : très caloriques, souvent sucrés (gâteaux, crèmes, glaces…) parfois salés (charcuterie, fromages…). Ce trouble se distingue de la gourmandise, le boulimique ne ressentant pas nécessairement la faim, sa fringale l'incitant à manger même ce qu'il n'aime pas[4].

L'état d'anxiété du boulimique se solde par des crises, dans lesquelles se cumulent une fixation de l'idée de manger, un sentiment de honte et une attitude vorace. La manducation vient combler un manque, de manière similaire à une addiction, et conduit à des actes aberrants ou incontrôlés. L'ingestion massive et brutale de nourriture s'arrête avec la sensation de saturation, parfois jusqu'à ce qu'apparaissent de violentes douleurs abdominales. Le sujet est alors souvent en proie à un malaise physique, associé à la souffrance psychologique, la culpabilité d'avoir cédé à la pulsion et la dévalorisation de son image[5].

Ces prises alimentaires sont souvent associées à un maintien du poids, en raison des tactiques de contrôle du poids plus ou moins dangereuses ou inefficaces : vomissements, exercice physique, crise d'anorexie, usage de laxatifs, de diurétiques, de lavements ou de médicaments coupe-faim. La boulimie peut être isolée en trouble du comportement mais se combine parfois avec d'autres : les syndromes dépressifs, les troubles anxieux, des conduites addictives (comorbidité).

30 à 60 % des individus souffrant de troubles alimentaires souffrent également d'un trouble de la personnalité de type borderline. La boulimie est alors un symptôme[6].

Complications

La boulimie peut être à l'origine d'un syndrome pseudo-occlusif, d'une prise de poids, d'une dénutrition, d'une hypertrophie des glandes salivaires, d'érosions dentaires, d'une œsophagite peptique, d'un syndrome de Mallory-Weiss, d'une insuffisance rénale fonctionnelle, d'une ostéoporose, et de troubles hydroélectrolytiques (hypokaliémie, hypocalcémie et hyponatrémie)[1].

Etiopathogénie

Les causes de la boulimie sont complexes et multiples, issues d’une combinaison de facteurs émotionnels, comportementaux, psychologiques et sociaux. Ces facteurs sont paradoxalement très proches de ceux de l'anorexie mentale, les deux maladies étant fréquemment liées. Un même patient peut souffrir d'une combinaison des deux maladies, ou d'une alternance d'anorexie et de boulimie.

La boulimie est généralement associée de l'anxiété, du stress, de la dépression et à des troubles de règles (aménorrhée et dysménorrhée). Selon une étude, une protéine bactérienne pourrait même être en cause dans l'apparition de ce TCA[7].

Facteurs psychologiques et sociaux

Des émotions diverses et contradictoires expliquent l'apparition d'un comportement boulimique : l'excès d'ennui et l’envie d'exister, le besoin de calmer sa nervosité ou d'extérioriser son agressivité, une identification à une image de force, la recherche d'un réconfort ou encore une réaction face à une frustration, un sentiment d'injustice ou d'abandon[8].

Violence sexuelle

40 % des femmes boulimiques ayant subi une violence sexuelle dans leur enfance ont des comportements de vomissement et/ou des crises de fringale plus importants que les autres, surtout si l’abus sexuel était intrafamilial, violent et précoce (avant 14 ans)[9]. Dans ces cas, une dévoration compulsive, frénétique et autodestructrice est observée.

Une corrélation est notée entre trouble du comportement alimentaire (boulimie et anorexie) et trouble de la sexualité. Une proportion anormalement élevée de cas d'abus sexuel lors de l'enfance et de l'adolescence a été soulignée par plusieurs études épidémiologiques[10],[11].

Une interprétation psychiatrique voit la boulimie comme une réaction de défense contre la séduction et l'acte sexuel par la déformation du corps (obésité notamment) ; à l'instar de l'anorexie qui viserait les mêmes objectifs en ramenant le corps à l'état pré-pubère (aménorrhée notamment).

Traitement

Les aides psychologiques les mieux évaluées sont les psychothérapies cognitivo-comportementales. Les résultats sont controversés, mais elles semblent plus efficaces que des traitements médicamenteux tels que la fluoxétine.[réf. nécessaire]

Les thérapies utilisant l'hypnose ericksonienne sont également très efficaces[12] car elles permettent de modifier des croyances profondes qu'a la personne boulimique sur elle-même. De plus, c'est une thérapie qui dure beaucoup moins longtemps que la plupart des autres prises en charge.

D'autres psychothérapies sont utilisées, mais leurs évaluations comparatives sont encore plus pauvres : psychothérapie psychanalytique ou d'inspiration psychanalytique, thérapies systémiques familiales, psychothérapie interpersonnelle.

Une thérapie nutritionnelle y est associée, mais très souvent les résultats obtenus par celle-ci ne durent pas, ce qui prouve que la boulimie est un symptôme. Une thérapie qui vise plus particulièrement le trouble de la personnalité sous-jacent à la boulimie donnera plus de résultat. Elle peut se faire individuellement, mais (comme dans le cas des personnalités alcooliques ou toxicomanes) elle est plus performante lorsqu'il s'agit d'une thérapie de groupe. Il existe également des groupes de soutien, sur le modèle des Alcooliques anonymes : les Outremangeurs Anonymes. La prise en charge doit aussi favoriser l'insertion sociale, familiale, scolaire.

Rarement, des antidépresseurs seront prescrits, pour surmonter un cap particulièrement pénible.

La nutrition entérale exclusive est un troisième traitement possible. Il se fait par la pose d'une sonde naso-gastrique au domicile du sujet. Celui-ci pendant une durée de quelques semaines sera alimenté exclusivement par poche, en n'ayant droit de boire que de l'eau. La personne réapprendra à manger au fur et à mesure par la suite. Ce type de cure permet 50 à 60 % de guérison[réf. nécessaire]. En cas de récidive, le traitement peut être repris avec une baisse de l'efficacité. Un suivi psychologique est demandé en parallèle du traitement.

Evolution

  • Disparition avec le temps mal expliquée[13][réf. nécessaire], le plus souvent, mais non sans souffrance qui doit justifier une consultation spécialisée.
  • Passage à la chronicité : la boulimie perdure[14][réf. nécessaire], avec des rechutes fréquentes, et des risques sérieux pour la santé[15]. Cela pourrait montrer la fixation du sujet sur un ou des évènements non résolus dans sa vie.
  • Apparition d'une dépression, de conduites addictives (drogues, alcool) : déplacement du symptôme de la boulimie vers d'autres modes d'expression de la souffrance.
  • Porte d'entrée vers l'anorexie : retournement de la pulsion sur la personne propre et renversement dans le contraire[16].
  • Invalidité scolaire, affective, sociale : déplacement du vide ressenti dans d'autres domaines.
  • Durée de vie réduite.

Notes et références

  1. Collège national des universitaires en psychiatrie, Association pour l’enseignement de la sémiologie psychiatrique, Collège universitaire national des enseignants en addictologie, Référentiel de psychiatrie et addictologie, 2ème édition (ISBN 978-2-86906-419-5)
  2. « Chiffres clés de la boulimie », sur carenity.com (consulté le )
  3. Haute Autorité de Santé, Fédération Française Anorexie Boulimie, « Boulimie et hyperphagie boulimique : Repérage et éléments généraux de prise en charge, Méthode Recommandations pour la pratique clinique », Recommandation de bonne pratique, (lire en ligne)
  4. Castilla et Bastin 1988, p. 15
  5. Castilla et Bastin 1988, p. 50-52
  6. Boulimie et trouble de la personnalité AAPEL. BOULIMIE.US. Boulimie, troubles alimentaires. Borderline état limite, hyperphagie
  7. « Anorexie et boulimie : définition, symptômes, traitements », Sciences et Avenir, (lire en ligne, consulté le )
  8. Castilla et Bastin 1988, p. 173-186
  9. (en) Waller « Sexual abuse and the severity of bulimic symptoms » Brit. J. Psychiatry 1992;161:90-93. PMID 1638336
  10. (en) Everill JT, Waller G, « Reported sexual abuse and eating psychopathology : a review of the evidence for a causal link », Int J Eat Disord., vol. 18, no 1, , p. 1-11 (PMID 7670438)
  11. (en) Allison KC, Grilo CM, Masheb RM, Stunkard AJ, « High self-reported rates of neglect and emotional abuse, by persons with binge eating disorder and night eating syndrome », Behav Res Ther., vol. 45, no 12, , p. 2874-83 (PMID 17659255, PMCID PMC2134835, lire en ligne)
  12. « La méthode aide à soigner les troubles alimentaires », La République du Centre, , p. 18 (lire en ligne )
  13. 50 % des patients n'ont plus de symptômes après 5 à 10 ans.
  14. 20 % des patients présentent encore de la boulimie après 5 à 10 ans de suivi.
  15. Voir Carence alimentaire en sélénium
  16. Pulsions et destin des pulsions, Métapsychologie, Freud, 1915.

Voir aussi

Articles connexes

Récits, romans

  • Anne Colmerauer puis sous le nom d'Anne Calife, Meurs la faim, Gallimard, 1999 (ISBN 978-2070527496), rééditions The Menthol House, 2010
    Meurs la faim, à interpréter dans le sens "quelle meurs la faim !" a été le premier récit d'autofiction sur la boulimie, publiée par la Collection Frontières, éditions Gallimard. Cette autofiction montre l'organisation familiale défaillante, sans repère et très ambigue ainsi que la mise en place de la boulimie dans la petite enfance, jusqu'à l'adolescence.
  • Camille de Peretti, Thornytorinx, Paris, Belfond, 2005 (ISBN 2714441424)
    cette autofiction aborde le sujet de la boulimie et anorexie montrant aussi la stratégie du vomissement.

Ouvrages de vulgarisation

  • Karin Bernfeld, Déjouer les troubles alimentaires, Librio-Flammarion, 2007
  • Denise de Castillan et Christiane Bastin (préf. Albert-François Creff), La boulimie : mieux se connaître pour en guérir, Robert Laffont, coll. « Réponses », , 202 p. (ISBN 978-2-221-05436-9)
  • Catherine Hervais, Les toxicos de la bouffe, éditions Payot Poche, 2007
  • Annick Loupias, La tortue sur le dos,  éd. de L'Homme, 2001
  • François Nef, La boulimie : des théories aux thérapies, Sprimont (Belgique), Mardaga, coll. « Pratiques psychologiques », , 174 p. (ISBN 978-2-87009-930-8, présentation en ligne)
  • Franck Senninger, La boulimie, édition Jouvence, 2004

Témoignage

  • Vittoria Pazalle, Anorexie et boulimie : journal intime d'une reconstruction, Éditions Dangles 2007

Revue

  • « Fluoxétine, Boulimie : pas de progrès » et « Boulimie : les traitements symptomatiques sont peu efficaces » in La revue Prescrire no 275, p. 568 et 602 à 607, septembre 2006

Liens externes

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