Bouto
Bouto[1] est une ville du delta du Nil, qui se situe dans le sixième nome de Basse-Égypte, le nome « Le taureau montagnard » (ou taureau du désert) (kA Dw), à environ 90 km à l'est d’Alexandrie.
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Bouto Ville d'Égypte antique | |
Ruines de bâtiments en brique crue sur la colline nord de Bouto-Dessouk. | |
Noms | |
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Nom grec | Βουτώ |
Nom arabe | بوتو |
Nom actuel | Tell el-Farâˁûn |
Administration | |
Pays | Égypte |
Région | Dessouk, Basse-Égypte |
Nome | 6e : Le Taureau de la montagne |
Géographie | |
Coordonnées | 31° 12′ nord, 30° 45′ est |
Localisation | |
La ville est identifiée pour la première fois à l'actuel site de Tell el-Farâˁûn (ou Tell el-Farain, litt. La colline des Pharaons) par Sir William Matthew Flinders Petrie en 1886. Bouto est un site important de la Basse-Égypte dont elle devient la capitale à la période pré et proto-dynastiques (IVe millénaire). À cette époque la ville est un des lieux saints les plus importants du delta.
Site mythologique
Ouadjet (ou Ouadjyt) était la déesse tutélaire protectrice de Bouto et de sa région. Cobra protecteur de la couronne rouge de Basse-Égypte, elle était un symbole très important de la souveraineté du pharaon sur les « Deux Terres » (le sud et le nord).
Dans la mythologie osirienne, c'est Ouadjet qui protégea le jeune enfant d'Isis et d'Osiris, Horus, contre la colère de Seth. Isis s'enfuit à Bouto afin d'y élever son fils et de le soustraire à la vengeance de son frère qui règne alors sur le monde. Elle le confie à Ouadjet qui cache l'enfant dans les marais de Chemnis, site marécageux se trouvant à proximité rendu impénétrable grâce aux fourrés de papyrus qui y poussent. Ouadjet est alors l'uræus divin qui protège le dieu destiné à la royauté et par extension assiste la renaissance chaque matin de la divinité solaire avec laquelle Horus se confond.
La déesse prend également la forme d'une lionne ou d'une divinité léontocéphale se confondant avec la déesse Sekhmet, protectrice du dieu Rê.
La ville était une étape symbolique importante dans les rites funéraires dont une représentation était déposée dans la tombe de Pharaon. La forme de son sanctuaire primitif symbolisa rapidement le temple type de Basse-Égypte et nous est restée tout comme celui de Haute-Égypte à Hiérakonpolis.
Des représentations du sanctuaire primitif dans lequel ces rites se déroulaient figurent dans les tombes des notables du pays. Elles permettent de connaître les éléments principaux du sanctuaire des âmes de Pé.
D'un côté du périmètre se trouvaient des chapelles aux toits arqués, adoptant la forme caractéristique du sanctuaire de Basse-Égypte que l'on retrouve dans d'autres sites de la région comme celui de Saïs par exemple. Elles sont représentées parfois ouvertes abritant une statue divine dont les dieux Amset et Douamoutef qui reçoivent un culte à Bouto. Ces chapelles font face à un temple à la façade identique et dont le plan figuré sur les représentations donne une succession de salles au plan complexe.
Entre ces deux ensembles s'étend une place ou une allée encadrée d'un côté d'un étang ou d'un lac sacré bordé de hauts palmiers et de l'autre d'une voie plantée de deux sycomores et de deux obélisques à l'approche du temple.
Site historique
La ville de Bouto, très ancienne, était constituée de deux villes, Pé et Dep qui se faisaient face, séparées par un des bras du delta du Nil. Ces deux villes jumelles étaient la demeure de Ouadjet, déesse tutélaire de la Basse-Égypte et protectrice de la couronne rouge et des âmes de Pé, sortes d'ancêtres divins qui avec les âmes de Nekhen (Hiérakonpolis) accompagnaient le roi et les dieux dans leurs processions.
La Bouto des origines est donnée pour être la principale cité de la Basse-Égypte avant l'unification du royaume et la Ire dynastie (culture de Maadi-Bouto). Capitale religieuse de la région elle abritait alors déjà le culte des ancêtres divins des rois de cette région et en gardera le souvenir à perpétuité à travers le sanctuaire des âmes de Pé, probablement situé dans la ville éponyme qui faisait face à la ville de Dep. Cette dernière abritait le sanctuaire dédié à la grande déesse Ouadjet.
Le sanctuaire principal dédié à Ouadjet est en ruine et présente aujourd'hui quelques vestiges, statues et éléments d'architecture, la plupart datant du Nouvel Empire.
Les fouilles menées par l'Institut allemand d'archéologie orientale ont mis au jour dans les années 2000 les vestiges de l'antique cité de Bouto, la ville des premiers temps. Ils ont notamment découvert quantité de poteries remontant à la période prédynastique permettant de valider l'hypothèse historique d'une absorption du royaume du nord par le royaume du sud.
En effet, sur une stratigraphie de plusieurs centaines d'années l'étude céramologique de ces vestiges a démontré que la production locale beaucoup moins élaborée que celle du sud du pays a laissé peu à peu place à cette dernière avec une brusque inversion de la tendance à dater des niveaux correspondant aux premières dynasties. Cela induit que la technique de production des céramique du sud y a été importée remplaçant définitivement l'antique et archaïque production du royaume de Basse-Égypte. Cette découverte outre le fait de valider les récits historiques permet pour la première fois d'étudier un changement historique à la suite d'une conquête d'un royaume sur un autre.
Les relevés cartographique précisent les contours de la cité qui occupe alors une vaste étendue marquée aujourd'hui par les trois Kôms, ou tertre de monticules. Le Kôm A situé au nord jouxte le Kôm B qui abrite l'enceinte du temple d'Ouadjet dont les ruines sont principalement constituées d'éléments en granite que les pilleurs de pierre du Moyen Âge à nos jours n'ont pu exploiter. Statues, colosses, architraves, sphinx, débris de colonnes, stèles, autant de vestiges qui marquent l'emplacement d'un grand sanctuaire à l'instar d'autres sites du delta tels ceux de Tanis ou de Bubastis.
Le temple était orienté approximativement vers l'ouest et ouvrait par un grand portail qui perçait l'enceinte de briques protégeant le téménos sacré. Seules les fondations du temple ont laissé une empreinte en négatif de sa superficie. Il devait avoir au moins un grand pylône ouvrant sur une grande cour, dans laquelle la plupart de la statuaire a été découverte notamment, suivie d'un grand pronaos précédent la zone du sanctuaire. Le monument est trop ruiné actuellement pour en restituer un plan plus précis.
Dans le Kôm A, les archéologues ont également découvert un complexe administratif daté des Ire et IIe dynasties. De grande taille son plan rappelle des institutions royales bien connues sous le nom de shena qui étaient en quelque sorte des entrepôts d'ordinaire rattachés au palais. Ils représentaient la richesse de la ville ou encore du royaume lorsque la cité en était la capitale. Entre ces deux principaux monticules s'étend la cité qui a été habitée jusqu'à l'époque romaine.
Ces deux Kôms devaient former la cité de Dep. Elle était séparée de la cité de Pé, sa ville jumelle, par un canal qui aboutissait au temple de la déesse. Logiquement cette seconde ville doit se trouver au sud, recouverte par l'actuel Kôm C. Il doit encore abriter enfouis sous les strates des siècles d'occupation humaine le grand temple d'Horus de Pé dans lequel étaient honorées les âmes de Pé. Or des prospections géophysiques du site ont été pratiquées à grande échelle à Bouto. Celles concernant le Kôm C ont notamment révélé le tracé d'une grande enceinte rectangulaire invisible en surface. Cette structure bien que restant à fouiller pourrait correspondre au deuxième principal sanctuaire de la ville.
L'étude du site se poursuit toujours et déjà la moisson d'information est riche. Il apparaît que la cité florissante avant l'unification du royaume a continué à être une cité d'importance sous les deux premières dynasties comme l'attestent la production de céramique assez élevée et le grand complexe administratif découvert récemment. La cité décline à compter de la IIIe dynastie qui entame alors une nouvelle centralisation du pouvoir en réunissant à Memphis l'ensemble des fonctions d'état ainsi que la nécropole royale. Ce trait caractéristique ouvre la période de l'Ancien Empire.
Bouto garde alors probablement un rôle religieux que ne démentent pas les textes des pyramides mais n'est plus le centre du pouvoir ni le centre économique principal du royaume. Cet état semble se prolonger au Moyen Empire, avec la XVIIIe dynastie et surtout la XIXe dynastie. Les ruines du temple de la déesse Ouadjet datent d'ailleurs pour l'essentiel de cette période. C'est de Bouto que provient une grande stèle de Thoutmôsis III qui relate les victoires du roi et les richesses qu'il a rapportées de ses conquêtes dont il consacre une partie au sanctuaire de la déesse. Le roi est figuré dans le cintre de la stèle par deux fois à genoux offrant des vases nou devant deux représentations d'Ouadjet léontocéphale. La déesse est désignée comme la maîtresse des villes de Pé et de Dep.
Ramsès II laisse dans le temple des statues à son image dont une dyade le représentant coiffé d'un disque solaire assis à côté de la déesse une fois encore léontocéphale également coiffée d'un disque solaire. Nul doute qu'il y entreprit des travaux d'envergure.
La cité reprend alors de l'importance et se développera sans discontinuer jusqu'à l'époque romaine dont les niveaux d'habitation ont déjà été fouillé à l'époque de Petrie. Hérodote témoigne de la réputation de l'oracle du temple de la déesse et des grandes fêtes qui s'y célébraient[2]. En -311, Ptolémée Lagos qui n'était encore qu'officiellement satrape d'Égypte restitua au sanctuaire les territoires que lui avait attribué l'éphémère pharaon Khababash vers -337, apparaissant ainsi déjà agir comme un souverain légitime[3].
Des quartiers artisanaux, des bains ptolémaïques et romains attestent ainsi du rôle économique de la ville dans la région et font écho aux récits des auteurs classiques qui décrivent la cité comme l'une des plus importantes de cette partie du delta.
Elle sera peu à peu abandonnée à la fin de l'époque romaine qui ouvre sur l'époque chrétienne. Des carriers s'installent sur les vestiges de la cité antique et commencent à démanteler ses monuments afin de fournir en pierre la construction de nouvelles villes ou bien de produire de la chaux.
Notes et références
- ou Buto, Butus, Boutos ou Butosus ; en grec ancien : Βουτώ ou Βοũτος ; en égyptien Per-Ouadjet, pr Wȝḏy.t
- Hérodote, II, 147 et 152
- Luc Delvaux, « Les bronzes de Sais. Les dieux de Bouto et les rois des marais », dans W. Clarysse, A. Schoors et H. Willems, Egyptian Religion. The Last Thousand Years: Studies Dedicated to the Memory of Jan Quaegebeur, part I, Orientalia Lovaniensi analecta, Peeters, Louvain, 1998, p. 551-568
Liens externes
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