Ramsès II
Ramsès II (en égyptien ancien Ousirmaâtrê Setepenrê, Ramessou Meryamon), né aux alentours de -1304 et mort à Pi-Ramsès vers -1213[4], est le troisième pharaon de la XIXe dynastie égyptienne. Il est aussi appelé Ramsès le Grand ou encore Ozymandias. Manéthon l'appelle Ramsès (ou Ramesses Miamoun, Rampses).
Pour la pièce de théâtre, voir Ramsès II (pièce de théâtre).
Ramsès II | |
Statue de Ramsès II assis, coiffé du khépresh. La reine Nefertari à sa droite, son fils à sa gauche. Diorite, H. 194 cm. Musée égyptologique de Turin[2] | |
Naissance | v. -1304 |
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Décès | v. -1213 (à 91 ans) |
Période | Nouvel Empire |
Dynastie | XIXe dynastie |
Fonction | Pharaon d'Égypte |
Prédécesseur | Séthi Ier |
Dates de fonction | v. -1279 à -1213[3] (66 ans) |
Successeur | Mérenptah |
Famille | |
Grand-père paternel | Ramsès Ier |
Grand-mère paternelle | Satrê |
Grand-père maternel | Raya |
Grand-mère maternelle | Thouia |
Père | Séthi Ier |
Mère | Mouttouya |
Conjoint | Néfertari (Grande épouse royale) |
Enfant(s) | ♂ Amonherkhépeshef (Amonherouenemef) ♂ Parêherouenemef (Rêherounemef) ♂ Méryrê ♂ Mériatoum (ou Méry-Atoum) ♂ Amonemouia (renommé Sethemouia) ♀ Hénouttaouy ♀ Mérytamon ♀ Néfertari II ♀ Nebettaouy ♀ Baketmout |
Deuxième conjoint | Isis-Néféret (Grande épouse royale) |
Enfants avec le 2e conjoint | ♂ Ramessou ♂ Khâemouaset ♂ Mérenptah ♀ Bentanat (ou Bint-Anath) ♀ Takhât ♂ Nebtaoui ♀ Iset-Nofret II |
Troisième conjoint | Hénoutmirê (Grande épouse royale) |
Quatrième conjoint | Maâthornéferourê (Grande épouse royale) |
Enfants avec le 4e conjoint | ♀ Néférourê |
Cinquième conjoint | Bentanat Ire (Grande épouse royale) |
Enfants avec le 5e conjoint | ♀ Bentanat II |
Sixième conjoint | Mérytamon (Grande épouse royale) |
Septième conjoint | Nebettaouy (Grande épouse royale) |
Huitième conjoint | nombreuses concubines |
Enfants avec le 8e conjoint | près de quatre-vingt dix enfants supplémentaires (avec les différentes épouses) (voir Enfants de Ramsès II) |
Fratrie | Tia Nebchasetnebet |
Sépulture | |
Type | Tombeau |
Emplacement | Vallée des Rois, tombe KV7 (Momie transférée dans KV17 puis dans la tombe de la reine Inhapy à Deir el-Bahari (TT 320), découverte en 1881) |
Date de découverte | 1737 |
Découvreur | Richard Pococke |
Fouilles | 1737/1738 : Richard Pococke 1825 : James Burton 1844/1845 : Karl Richard Lepsius 1913/1914 : Harry Burton 1938 : Charles Maystre 1993/2002 : Christian Leblanc |
Objets | Sculptures, Vaisselle |
Il règne de -1279 à -1213[3].
Son règne, d'une exceptionnelle durée pour l'époque, couvre à lui seul la moitié du nombre d'années que comprend la XIXe dynastie. En plus de nombreux monuments qu'il fait bâtir à travers tout le pays (d'où son surnom de « pharaon bâtisseur »), il fait sculpter de très nombreuses statues à son image et fait graver son nom sur presque tous les temples dont ceux d'autres pharaons, comme s'il les avait fait construire lui-même[5]. Cette quantité extraordinaire d'objets d'art et d'éléments architecturaux à son nom explique que l'on retrouve sa trace dans presque tous les musées du monde ayant un département d'antiquités égyptiennes.
À l'instar d'autres personnages historiques dont la gloire a traversé les siècles, il est réputé pour être un grand guerrier et conquérant, ce qui lui vaut en grande partie l'épithète de Grand dans les ouvrages historiques traitant de cette période de l'Antiquité égyptienne. Il lutte contre les Hittites et, assurant la domination de l'Égypte sur la Nubie et ses gisements aurifères, il y construit une série de temples dont les plus célèbres sont ceux d'Abou Simbel. Après la bataille de Qadesh en l'an IV de son règne contre l'armée de l'empereur des Hittites, Muwatalli II, la frontière sur l'Oronte est stabilisée.
Son action dans le royaume de Koush et surtout dans le couloir syro-canaanite dut marquer les esprits de l'époque car l'on racontait encore sous les Ptolémées la légende de l'extraordinaire voyage de « la princesse de Bakhtan » venue s'offrir en mariage au grand roi d'Égypte, écho lointain du fameux mariage avec la fille de Hattusili III qui avait alors succédé à Muwatalli II sur le trône du Hatti.
Ramsès II est souvent considéré comme le pharaon opposé à Moïse du Livre de l'Exode, du moins pour ceux qui considèrent que les événements figurant dans ce récit ont un fondement historique, bien qu'il n'existe aucune preuve pouvant l'attester et que son nom ne figure nulle part dans la Torah.
Biographie
Généalogie
- Ramsès représenté sous la forme d'un prince orné de l'uræus royal symbole de sa destinée - Musée du Louvre.
- Stèle représentant Séthi Ier suivi de son fils, le prince héritier Ramsès II - Institut oriental de Chicago.
Il est le fils de Séthi Ier et de la reine Mouttouya (ou Touy, ou Touya). Il a un frère qui se nomme Nebchasetnebet, qui meurt jeune, et une sœur aînée, Tia. Certains égyptologues citent aussi une autre sœur nommée Henoutmirê.
Son règne de soixante-six ans est exceptionnellement long et marque la dernière grande période de prospérité de l'Égypte antique. Il est marié à une douzaine d'épouses (presque toutes ayant le titre de « grandes épouses ») :
- Néfertari, la préférée, qu'il représente sur de nombreux bâtiments et pour laquelle il fait creuser un magnifique hypogée dans la vallée des Reines sur la rive occidentale de Thèbes et dont la construction d'Abou Simbel représente l'amour du couple royal. Avec Néfertari, il a cinq fils dont Mériatoum (ou Méry-Atoum), grand prêtre de Rê, et cinq filles dont Mérytamon ;
- Isis-Néféret (ou Iset-Nofret), mère de sept enfants dont Bentanat, Khâemouaset et Mérenptah qui sera le successeur de Ramsès ;
puis six de ses filles :
- Bentanat (ou Bint-Anath),
- Mérytamon (appelée aussi la reine blanche),
- Iset-Nofret II,
- Hénoutmirê,
- Hénouttaouy,
- Nebettaouy ;
ainsi qu'une princesse babylonienne, une princesse syrienne et deux princesses hittites, filles de l’empereur Hattousili III, dont Maâthornéferourê et sa sœur qu'il épouse en l'an 44, soit vers 1237. Ce dernier mariage est commémoré par deux stèles, l'une à Coptos et l'autre à Abydos, malheureusement le nom de la princesse ne figure pas sur les inscriptions.
Son harem ne comptera pas moins de deux cents concubines. Toutes ces femmes lui donnent une grande quantité d'enfants, on en dénombre cent vingt six[6].
Titulature
Règne
Ramsès succède à son père Séthi Ier apparemment sans problèmes particuliers. Il pourrait avoir été associé au trône (régent ou corégent) vers l'âge de quatorze ans à la fin du règne de ce dernier, selon l'interprétation que l'on fait de l'inscription dédicatoire d'Abydos[7].
Lorsqu'il monte sur le trône, il hérite d'une situation intérieure et internationale bien plus enviable qu'aux débuts de la XIXe dynastie. Les actions de son grand-père Ramsès Ier et de son père, tous deux de brillants généraux et chefs d'armées, ont eu pour résultats de restaurer la puissance de l'Égypte et d'éloigner durablement toute menace du Double-Pays.
Cependant, cette politique de conquêtes et d'expansion se heurtait depuis plusieurs décennies à un adversaire de taille, l'empire Hittite qui contrôlait un vaste territoire depuis l'Anatolie jusqu'à l'Euphrate, assurant au passage une certaine domination sur les cités-États de la Syrie et du Liban.
Ces riches cités portuaires et commerciales étaient l'objet de toutes les convoitises et allaient se retrouver une fois de plus au milieu d'une guerre entre Égyptiens et Hittites dont elles représentaient le butin.
La lutte puis la paix avec les Hittites
Comme son père Séthi Ier, il veut protéger les intérêts de l'Égypte à l'Est contre les Hittites d'Asie. Il doit faire face à la menace dès le début de son règne.
Face à cette situation, Ramsès met sur pied une puissante armée, et établit son camp de base à Pi-Ramsès, qu'il transforme en capitale de son empire. De nouveaux arsenaux y sont construits ainsi que de grandes écuries pouvant accueillir les milliers de chevaux nécessaires au fer de lance de ses troupes : les chars de guerre. Les vestiges de ces écuries ont récemment été identifiés sur le site de Qantir par une équipe d'égyptologues autrichiens dirigée par Manfred Bietak.
Une fois les questions d'approvisionnement réglées, il manœuvre énergiquement en plusieurs campagnes pour s'assurer ses arrières en Canaan et poursuit son avance en attaquant la ville de Qadech lors de sa 5e année de règne, mais ne remporte qu'une semi victoire.
La bataille de Qadesh
Quittant l'Égypte par les Chemins d'Horus, voie jalonnée de forteresses protégeant la frontière orientale du pays, l'armée de Ramsès longe le Canaan faisant halte à Gaza, passe par Canaan puis pénètre au Liban, s'assurant au passage l'allégeance de ses vassaux dont Byblos restait toujours l'indéfectible allié. Puis Ramsès et ses troupes s'enfoncent dans les terres et prennent la direction de Damas afin de prendre le chemin menant à Qadech.
Les Hittites de leur côté avaient rassemblé une puissante armée de coalisés et s'étaient rassemblés dans la plaine de Qadech, y installant leur camp et attendant l'arrivée de l'ennemi. Ils envoyèrent des éclaireurs qui furent interceptés par les Égyptiens et ramenés au camp de Ramsès. Ils informèrent le roi que les troupes de Mouwatalli se trouvaient au nord et n'osaient s'avancer vers Qadesh par crainte d'une confrontation avec les troupes égyptiennes.
Conforté dans son avance et impatient de reprendre la citadelle autrefois conquise par son père, Ramsès saisit sa chance et ordonne à marche forcée que l'armée se dirige sans plus attendre vers la forteresse convoitée.
Certain que les assiégés ne pourraient tenir longtemps face à sa puissante armée, il prend le risque de se détacher du gros de ses troupes. Le long cortège de soldats répartis en quatre corps d'armée s'étire alors sur la route. En tête de ses troupes Ramsès avec la division d'Amon traverse l'Oronte et il est le premier à arriver sur le site.
La ruse hittite a fonctionné et l'armée de Ramsès offre dangereusement l'occasion que Mouwatalli et ses généraux attendaient d'anéantir à jamais les désirs de conquête des égyptiens. Une victoire écrasante et au mieux la capture de pharaon déstabiliserait toute la région à leur profit et la conquête de l'Égypte ainsi affaiblie serait à portée de main.
Les troupes égyptiennes sont coupées en deux par la charge de l'armée hittite et Ramsès se retrouve seul face au danger. La division de Rê qui franchissait le fleuve est taillée en pièces par les chars hittites qui se retournent vers la division d'Amon et le camp de Ramsès, à peine installés au pied de la citadelle, déjà attaqués de leur côté par les fantassins de Mouwatalli. Le camp royal est investi et les troupes de pharaon battent en retraite, voire s'enfuient. Ramsès et sa garde rapprochée se jettent dans la mêlée et il adresse aux divisions de Ptah et de Seth restées en arrière des messages urgents, leur intimant l'ordre d'entrer dans la bataille.
Grâce à l'intervention conjointe des réservistes, les « Néarins », et de la marche forcée des contingents restés plus en arrière, il parvient à repousser l'attaque et à chasser les troupes de Muwatalli II au-delà de l'Oronte causant de lourdes pertes aux Hittites. Cependant, au contraire de son père et de son illustre ancêtre Thoutmôsis III, Ramsès, dont les troupes sont affaiblies au lendemain de la bataille, ne s'empare pas de la citadelle et Qadech reste aux mains des Hittites.
Ce haut fait d'armes – dont nous possédons plusieurs versions en égyptien ancien, sur papyrus (le poème de Pentaour), mais surtout sur les grands tableaux historiés qu'il fait sculpter sur les murs des principaux temples du pays (Louxor, Karnak, Ramesséum, Abou Simbel...) – est considéré par le roi comme une grande victoire qu'il offre à Amon qui l'aurait alors secouru en plein désarroi et abandon au milieu d'un péril certain. Cette épopée de Ramsès II a servi à légitimer son règne, les premiers égyptologues ne remettant pas en cause sa victoire[9].
Les Hittites se déclarent eux aussi vainqueurs de leur côté, l'issue de la bataille ayant davantage l'aspect d'un statu quo que d'une débandade. Ramsès ne pousse d'ailleurs pas plus loin cet avantage annoncé, et préfère renforcer ses positions.
La conquête de Moab et d'Edom
À l'issue de la bataille de Qadesh, un statu quo s'installe entre l'empire hittite et l'Égypte et la diplomatie reprend entre les deux rivaux. Cependant la situation ne semble pas à l'avantage des Hittites qui ne cherchent pas à engager un nouveau conflit direct avec Ramsès.
Les Égyptiens de leur côté doivent faire face à de nouvelles difficultés au sein de leur possession de Canaan où les royaumes d'Édom et de Moab se soulèvent, probablement encouragés par l'affaiblissement momentané de l'emprise égyptienne. En effet, la bataille de Qadech avait momentanément porté un sérieux coup à la puissante armée égyptienne et en tout cas au crédit du pharaon sur la région.
Il est possible en outre que l'or hittite ait financé les désirs d'autonomie locale des deux royaumes. Ces troubles permettaient en tout cas d'éloigner les ambitions de Ramsès des terres hittites[10].
La réaction de Ramsès est aussi rapide que décisive à l'encontre des insurgés. La 7e année de son règne, il confie une partie de son armée à son fils aîné Amonherkhépeshef qui traversant le Néguev et contournant la mer Morte par le sud, se dirige droit contre Édom puis remonte sur Moab. Il met le siège devant la cité de Rabath Batora qu'il conquiert et y installe son camp de base.
De son côté Ramsès qui a quitté la capitale de Pi-Ramsès avec l'autre partie de son armée au même moment que son fils, longe la côte s'assurant le contrôle de Gaza et d'Askalon, puis bifurquant vers Jérusalem il marche contre Jéricho et contournant la mer Morte par le nord, pénètre en Moab. Il dépasse le mont Nébo, conquiert la cité de Dibon et fait alors la jonction avec l'armée de son fils restée à Rabath Batora.
Grâce à cette technique de la tenaille, la conquête est rapide et le pharaon écrase les troupes des princes locaux qui lui font allégeance. Ramsès laisse des garnisons dans les cités prises, chargées d'organiser le contrôle de la région et de surveiller les mouvements des nombreuses populations nomades qui sévissaient alors, parmi lesquelles on compte les bédouins Shasou, vassaux des Hittites, et les Apirou qui opéraient de fréquentes incursions dans les territoires contrôlés par les égyptiens.
Une fois assuré de ses arrières et de son ravitaillement Ramsès peut alors reprendre la route de la Syrie afin de reprendre les territoires perdus et abandonnés aux Hittites à la suite de la bataille de Qadesh. Pharaon, son fils et leur armée rassemblée remontent alors vers le mont Nébo et prennent Heshbon en Ammon. Enfin ils marchent sur Damas, l'antique Temesq, où le roi fonde une nouvelle cité à son nom Pi-Ramsès de la vallée des Cèdres[11].
Une fois le contrôle assuré de l'ensemble de cette partie de la Jordanie et de la Syrie actuelles, les troupes égyptiennes se dirigent à nouveau vers l'Oronte et atteignent la ville de Koumidi qui subit un siège et est capturée également.
Grâce à cette tactique de sièges successifs et de mise en coupe réglée des terres conquises, Ramsès a repris le contrôle de la situation au plus proche de ses frontières ainsi que sur toute la zone d'influence égyptienne en Orient. Il s'accorde ainsi un répit qui lui permet de se tourner à nouveau contre l'empire des Hittites.
Le siège de Dapour
À peine trois ans après le conflit qui faillit causer respectivement leur perte, les hostilités reprennent donc. Cette fois encore Ramsès cherche à pousser son avantage et à conquérir du terrain.
L'armée égyptienne reprend la route de la Syrie, contourne Qadech par l'ouest et met le siège devant Dapour une autre forteresse contrôlée par les Hittites.
Il semble que Mouwatalli n'ait pas eu la capacité de contrer cette avancée sur son territoire même si de nombreuses troupes avaient été mises en garnison dans et autour de la citadelle. La bataille s'engage dans la plaine devant la cité et les chars hittites font face aux chars égyptiens.
Rapidement débordés, les Hittites se réfugient dans la forteresse qui est aussitôt attaquée par les fantassins égyptiens parmi lesquels on compte plusieurs fils du roi qui mènent le siège.
Des représentations de cette nouvelle bataille ont été gravées en relief sur les murs des temples de Ramsès en Égypte dont celui de Louxor et celui du Ramesséum. Ces tableaux présentent en une unité de scène les différentes étapes de la bataille et du siège depuis la bataille dans la plaine jusqu'à la reddition du prince de Dapour qui tend un encensoir en signe d'armistice[12].
Dapour est conquise et Ramsès y fait ériger une statue à son effigie, y installant également une garnison à demeure.
Cette prise représente pour Ramsès une revanche sur la semi-défaite de Qadesh. En tenant cette position plus septentrionale il démontrait sa capacité à prendre aux Hittites un point stratégique d'importance séparant l'Amourrou de leur emprise.
L'année suivante, pour consolider ses positions il organise une nouvelle campagne qui voit les troupes égyptiennes défiler dans les principales cités de la région prenant au passage Acre.
Tyr, Sidon, Byblos renouvellent leur allégeance et l'armée égyptienne faisant halte à Dapour nouvellement conquise, pénètre encore plus avant en territoire hittite conquérant la cité de Tounip[13].
Les Hittites ne pouvaient en rester là et quelques années plus tard ils reprennent la forteresse de Dapour, obligeant Ramsès à opérer une nouvelle campagne dans la région lors de la 18e année de son règne. La citadelle est à nouveau assiégée et conquise, et à nouveau cette victoire sera légendée en relief sur les murs des temples égyptiens.
Le traité de paix égypto-hittite
Le conflit entre l'Égypte et le Hatti à défaut d'épuiser les belligérants, ne permet donc pas de dégager de nette victoire de l'un sur l'autre. On assiste au contraire à une succession de batailles qui permettent, soit à l'armée hittite, soit à l'armée égyptienne de grignoter du terrain, mais aucune grande bataille n'est engagée comme si la crainte d'une défaite et d'un affaiblissement décisif pour l'un ou l'autre des empires l'emportait sur les ambitions d'élargissement des possessions.
De plus, la situation intérieure de l'empire hittite se désagrège avec la mort de Mouwatalli dont la succession est rendue difficile avec l'usurpation du trône par Mursili III, fils de l'adversaire de Ramsès. La montée de la puissance assyrienne représente de plus une sérieuse menace pour le Hatti qui cherche alors à faire alliance avec ses anciens ennemis à commencer par Babylone.
Il semble que ce soit les Hittites qui prennent l'initiative de soumettre à l'Égypte une véritable proposition d'alliance et de paix[14]. Hittites et Égyptiens s'engagent à ne plus se faire la guerre, à s'aider mutuellement en cas de catastrophe ou bien d'invasion. Il s'agit sans doute du premier traité de paix connu au monde. Le traité définitif n’aurait été conclu qu’à la 34e année du règne de Ramsès, quand l’empire adversaire avait déjà changé de maître : Hattusil III, frère de Mouwatalli, qui s’empara du trône, expulsant le fils de l’ancien souverain. Une fois les clauses du traité réglées, elles sont inscrites sur de grandes tablettes en argent massif scellées par Hattusil et remises par l'ambassadeur du Hatti à Ramsès dans sa capitale du delta du Nil. En échange, Pharaon fait parvenir au roi hittite la version égyptienne marquée du sceau de Ramsès.
Chacune des deux tablettes sera déposée aux pieds des principales divinités des deux empires : Teshub pour le Hatti et Rê pour l'Égypte. La version égyptienne de ce traité est reproduite sur les murs de Karnak et la version hittite retrouvée à Hattousa, la capitale du royaume hittite (dans l'actuelle Anatolie en Turquie), est écrite en langue akkadienne sur une tablette d'argile conservée au musée archéologique d'Istanbul[15].
Les négociations conduisent les deux souverains à s'envoyer un volumineux courrier ainsi que des cadeaux en grand nombre. À ce ballet épistolaire participent non seulement les souverains mais aussi les reines et les ministres, tel le vizir Paser. C'est alors qu'est évoqué un possible mariage entre Ramsès II et une fille du roi Hattusili III, acte diplomatique venant sceller définitivement la nouvelle alliance des deux anciens ennemis. Cette pratique est courante et Ramsès a déjà épousé une princesse babylonienne.
Cependant, la négociation du mariage est difficile en raison des garanties exigées par la femme d'Hattousili, Puduhepa, qui a, semble-t-il, une influence déterminante sur son époux. En particulier, elle exige que ses messagers puissent joindre la princesse sans entrave.
Ce problème réglé, des envoyés égyptiens viennent à Hattousa, la capitale hittite pour procéder à l'onction de la princesse, acte qui officialise l'union.
La princesse prend alors la route de l'Égypte avec sa dot[16]. Elle rencontre Ramsès II à Pi-Ramsès et semble-t-il plaît à son mari. Elle est renommée d'un nom égyptien, Maât-Hor-Néférou-Rê. Nous ignorons si elle eut la moindre influence sur la politique conduite par son mari ; cependant Ramsès fait construire pour elle un palais à Pi-Ramsès. Une fille, Néférourê, naît de cette union, fille dont nous perdons rapidement la trace.
Dans une lettre envoyée par Hattousili à Ramsès, le roi hittite regrette que sa fille n'ait pas conçu un garçon. La princesse termine probablement sa vie dans le harem du roi à Gourob dans le Fayoum[17]. Sa tombe n'a jamais été retrouvée.
Ramsès II épouse une seconde princesse hittite des années plus tard mais nous ignorons pratiquement tout du contexte qui préside à cette nouvelle union. Cependant ce fait est révélateur de la normalisation pacifique des rapports entre les deux États.
L'exploitation de la Nubie et la construction des temples d'Abou Simbel
Originaire d'une famille du delta du Nil, Ramsès II installe son palais et le centre administratif de l'Égypte à Pi-Ramsès, mais il a aussi besoin de continuer, comme son père, d'exploiter les ressources de la Nubie (plus au Sud) : l'or pour enrichir les temples, mais aussi pour acheter des alliances en Asie (l'empire hittite est ébranlé par la montée de la jeune Assyrie) ; du bois, dont le cèdre du Liban, mais aussi du cuir, du bétail et surtout des hommes pour l'armée.
Dès les premières années de son règne, —d'aucuns pensent à une corégence avec Séthi Ier—, il intervient en pays de Ouaouat et de Koush, réduisant les désirs traditionnels de révolte des tribus soudanaises. L'exploit est relaté dans l'avant-cour du petit temple de Beit el-Ouali qu'il fit édifier en Basse-Nubie non loin d'Assouan.
Des carrières de la région, qu'il ré-exploite à grande échelle, il tire les grands obélisques et statues qui ornent ses monuments de Haute et Basse-Égypte, mais ne délaisse pas la ville d'Éléphantine et sa région.
Il organise alors un véritable programme architectural pour la région immédiatement au sud de la première cataracte qui est la frontière historique de l'Égypte avec son voisin méridional.
Il restaure bien sûr les forteresses entretenues depuis le Moyen Empire, à Bouhen, Semna et Kouma, mais fonde également une série de sanctuaires, que l'on nomme hémi-spéos, car pour partie creusés dans la roche et pour l'autre construits en maçonnerie, dédiés aux dieux dynastiques et étroitement liés au rôle de l'inondation, notamment :
- le temple d'Amon de Ouadi es-Seboua ;
- le temple de Ptah de Gerf Hussein ;
- le temple de Rê de Derr ;
- les deux temples d'Abou Simbel : l'un est consacré à sa reine favorite Néfertari, l'autre, le plus grand aux dieux protecteurs de l'Empire, Amon, Ptah et Rê mais aussi à Ramsès II lui-même, qui s'y fait représenter sous forme d'un dieu à tête de faucon.
Ramsès et les dieux
Ramsès II fut aussi un grand théologien, reprenant à son compte l'initiative solaire amorcée par Akhenaton, mais en préservant les cultes traditionnels. Voulant lui aussi développer au travers de sa propre personne une religion transfrontalière permettant de rassembler tous les peuples mis sous sa coupe, il favorisa au contraire les temples des grands dieux de l'Empire : Amon, Rê, Ptah, Osiris.
En effet, plutôt que d'effacer leur culte comme le fit à son péril Akhenaton, il les affirma dans leur rôle central dans la vie économique et spirituelle du pays, et instaura le sien propre, de son vivant, s'associant ainsi encore davantage que ses ancêtres aux dieux dynastiques et tout particulièrement au dieu Rê. L'exemple des temples de Nubie est parlant à ce sujet.
Partout il reprit l'initiative en redonnant aux temples et aux cultes des dieux un faste inégalé. Les innombrables fondations à son nom l'attestent et ses successeurs n'eurent qu'à parachever l'entreprise de leur prestigieux aïeul.
Enfin, conscient de l'emprise du dieu Amon-Rê de Thèbes et de son clergé sur le pays, emprise qui menaçait quelque peu le pouvoir royal, raison qui sans nul doute participa au choix de « l'hérétique » Akhenaton en son temps, il usa de stratégie en favorisant autant que faire se peut les temples de Ptah à Memphis et de Rê à Héliopolis. En retour, il donna des gages de sa bonne foi aux prêtres de Karnak en effaçant le souvenir de celui qui voulut leur perte, ainsi que de sa descendance.
Cette tendance avait déjà été amorcée par son père Séthi qui se fait représenter dans son temple d'Abydos en compagnie de son fils héritier devant une liste de rois représentant leurs ancêtres sur le trône d'Horus, liste de laquelle sont absents les rois d'Amarna, jusqu'à Horemheb, mais aussi Hatchepsout.
C'est de son temps également que les cultes des grandes villes du delta retrouvèrent leur importance, en instituant également de nouveaux, comme ceux des dieux orientaux tels que Baal, qui sera associé par syncrétisme à Seth, ou encore Astarté, Anta, Reshep, etc.
Ces cultes se retrouveront à cette époque dans toute l'Égypte, de Memphis à Thèbes (Deir el-Médineh), prouvant ainsi un brassage des cultures propre à une période de paix assurée.
Le bâtisseur
Ramsès II est un grand bâtisseur qui fait de Pi-Ramsès la « capitale » à l'est du delta du Nil, en la dotant de temples grandioses, d'un grand palais, d'un port et d'arsenaux, s'assurant ainsi un poste avancé pour préparer ses expéditions dans le levant, et régner sur un immense empire s'étendant de la quatrième cataracte en pays de Kouch jusqu'aux frontières du Hatti et du Mittani sur l'Oronte.
Il achève ainsi de restaurer la grandeur de l'Égypte des Thoutmôsis perdue à la suite de l'aventure amarnienne. Grâce à une politique défensive efficace (il construit une série de forts à l'ouest du delta dont on a retrouvé les traces récemment), il offre une période de paix au pays favorisant ainsi le développement des arts et des métiers.
Il achève la grande salle hypostyle du temple d'Amon-Rê à Karnak, ajoute une grande cour à portique au temple d'Amon-Min à Louxor, ainsi qu'un grand pylône précédé de deux obélisques.
Il construit son temple funéraire, le Ramesséum, en face de Louxor, qui comprend deux pylônes précédant deux cours à portiques et une grande salle hypostyle. Diodore de Sicile nous donne une description fidèle de ce monument qu'il nomme alors le tombeau d'Ozymandias, forme grécisée du nom de couronnement de Ramsès : Ouser-Maât-Rê.
Il fait également édifier un temple cénotaphe à Abydos non loin de celui de son père qu'il achève de décorer. Puisant dans les ruines de l'ancienne capitale d'Amarna, il rebâtit le temple de Thot d'Hermopolis, l'antique Khemenou, en réutilisant notamment les temples et bâtiments du site voisin.
Il construit également à Memphis, agrandissant le grand temple de Ptah avec l'adjonction sur son axe ouest d'une grande salle hypostyle précédée d'un pylône devant lequel il dresse des colosses, mais en édifiant aussi une série de temples et chapelles sur le parvis du sud de l'enceinte où il élève au moins un grand colosse à son effigie qui gît actuellement sur le dos (photo ci-dessous).
De même, il restaure également à Bubastis, où il refait ou décore la salle hypostyle du temple de Bastet. On y a retrouvé récemment un colosse à l'image d'une de ses épouses royales, qui aujourd'hui a été redressé et est visible dans le champ de ruine de la cité antique.
En revanche, il est établi aujourd'hui qu'il fait également enlever ou plutôt remplacer le nom de certains de ses prédécesseurs pour mettre le sien à la place quand il restaure leurs monuments. Ce trait particulier lui donne une réputation d'usurpateur tant nous possédons d'exemples de statues et monuments réinscrits à son nom. Si cette activité est quelque peu abusive, il convient de rappeler que de nombreux monuments et sanctuaires ont souffert dans les années qui précédent l'avènement de la XIXe dynastie et de ce fait nécessitent une restauration voire une reconstruction complète.
On peut voir ce type de « réaménagement » au temple de Louxor, où dans la cour qu'il fait édifier en l'honneur d'Amon-Min, il intercale des colosses entre les colonnes des portiques qui la bordent, certains sculptés sous son règne, d'autres « usurpés » d'Amenhotep III.
Remplissant son rôle de garant de l'équilibre entre les hommes et les dieux, Ramsès se doit de rétablir les cultes et de les doter de biens permettant de les assurer dans tout le pays.
L'un de ses fils, Khâemouaset, grand prêtre de Ptah à Memphis et un temps héritier en titre de la Double Couronne, est chargé de cette mission, parcourant les sites délabrés et inscrivant des stèles commémoratives de cet exploit (voir par exemple la restauration entreprise sur la pyramide d'Ounas de la Ve dynastie qui comporte sur son revêtement sud encore visible un texte du prince en l'honneur de son père et de son illustre prédécesseur).
C'est lui qui est chargé également de l'organisation des grandes fêtes jubilaires de Ramsès II, les fêtes-Sed, jusqu'à ce qu'il soit remplacé dans cette fonction par son frère Mérenptah. C'est pour l'occasion de ces jubilés qu'il fit bâtir un grand parvis à Pi-Ramsès qui comportait au moins six obélisques de grande taille.
Les « colosses » de Ramsès II
Ramsès II fit ériger des colosses à son effigie dans les grands temples construits ou restaurés.
Les plus célèbres sont ceux en façade des temples d'Abou Simbel, ceux qui encadrent l'entrée du pylône du temple de Louxor, le colosse couché à Memphis, ainsi que celui qui trônait depuis quelques décennies en plein centre du Caire, sur la place qui porte son nom devant la gare centrale et qui provient également du grand temple de Ptah.
Attaqué par la pollution, ce dernier a été transféré le vers Gizeh afin d'être installé au cœur du Grand Musée égyptien actuellement en cours de construction.
La fin du règne et la légende
Ramsès II eut une fin de règne endeuillée par la disparition successive de ses héritiers et de sa grande épouse royale Néfertari. Il meurt après un règne de soixante-six ans, qui correspond à plus de la moitié de la XIXe dynastie, à plus de 92 ans.
Il est inhumé dans la tombe KV7 dans la vallée des Rois qui n'est plus visitable actuellement tant elle est dégradée (car creusée dans une couche marneuse de la vallée, qui ne résista pas bien aux sporadiques mais dévastatrices inondations de l'oued asséché dans lequel fut choisi l'emplacement de la nécropole royale).
Des fouilles et une campagne de restauration sont actuellement en cours pour parfaire notre connaissance de la tombe royale. Le trésor funéraire de Ramsès II a disparu depuis longtemps certainement à l'occasion de pillages qui eurent lieu à la fin du Nouvel Empire. Ainsi un braséro au nom de Ramsès II a été retrouvé dans le trésor funéraire de Psousennès Ier de la XXIe dynastie à Tanis, et les musées possèdent des ouchebtis à son nom, preuve caractéristique d'un pillage ancien.
De même, sa momie fut déplacée par les prêtres, d'abord dans la tombe de son père, puis à nouveau dans la tombe de la cachette (TT320) retrouvée à la fin du XIXe siècle à la suite d'une enquête rocambolesque du tout jeune service des antiquités égyptiennes conduite par Mariette. En effet, dans les années 1870 à Paris et au Caire, apparaissent des antiquités égyptiennes portant les titulatures royales ; les égyptologues concluent que des trafiquants avaient secrètement découvert une nouvelle tombe. Mariette puis Gaston Maspero et ses collaborateurs remontent la filière des trafiquants jusqu’à deux frères, Ahmed et Mohamed Abd el-Rassul, bédouins sédentarisés probablement en cheville avec Mustapha Aga Ayat, agent consulaire de Grande-Bretagne, de Belgique et de Russie, pour faire passer à Paris les pièces qu'ils avaient pillé. Mohamed Abd el-Rassul accepte de coopérer[18] et révèle la cachette à Deir el-Bahari. Brugsch, conservateur-adjoint du musée de Boulaq et collaborateur de Maspero, découvre cette caverne le : le tombeau contenait 5 000 objets dont 36 sarcophages de divers pharaons du Nouvel Empire (parmi lesquels Séthi Ier, Ahmôsis Ier et Thoutmôsis II), 3 000 statuettes funéraires, des meubles et de la vaisselle funéraire... Les pièces furent envoyés au Musée de Boulaq le [19].
Ramsès II est retrouvé enveloppé dans des bandelettes posées par les prêtres de la XXIe dynastie, et réinstallé dans un sarcophage en bois de cèdre qui avait appartenu à Ramsès Ier, son grand-père. Cela illustre combien la vallée des Rois fut l'emprise de convoitises lorsque s'effondra l'Empire des Ramsès. Le Pacha d’Égypte ordonne le déshabillage de la momie de Ramsès II le au Musée de Boulaq : lors de son débandelettage par Maspero, et le dégagement de ses bras, une tension post-mortem rejette l'un de ses bras soudainement dans un dernier geste, créant l'effroi et la fuite de l'assistance (notamment les ministres du pacha) venue admirer le spectacle, ce qui sera une des origines du mythe de la malédiction des momies égyptiennes. En 1907, Pierre Loti visite de nuit le Musée de Boulaq et constate la dégradation de la momie de Ramsès II laquelle subit sa première radiographie en 1912[20].
La dépouille (momifiée) de Ramsès II est transférée au Musée égyptien du Caire puis « soignée » dans les années 1970 car des champignons s'y étaient développés au contact de l'air moderne. L'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt propose son sauvetage grâce à un laboratoire créé pour la momie lors de son exposition à Paris en 1976[21].
L'étude de cette dépouille au Musée de l'Homme à Paris[22] en 1976-77 a révélé que Ramsès était de haute stature, il mesure 1,75 m, roux et « leucoderme, de type méditerranéen proche de celui des Amazighes africains[23],[24] ».
Ramsès II est-il le pharaon de l'Exode ?
Ramsès II est également connu du grand public pour une toute autre raison : les traducteurs de la Bible et longtemps les historiens après eux, l'indiquent comme ayant été le pharaon régnant au moment de l'Exode, la fuite des Hébreux, qui a été évoquée aussi dans de nombreux films, comme Les Dix commandements. Cette problématique est du reste concernée depuis les années 1980 par la remise en question de l'historicité de l'Exode en lui-même, qui serait un récit folklorique au mieux construit à partir de personnages et faits qui n'auraient qu'une vague similitude avec le contenu du texte biblique, rédigé plusieurs siècles après l'époque du règne de Ramsès II (au plus tôt au VIIIe siècle av. J.-C., certes peut-être à partir de sources plus anciennes[25]), ce qui rendrait alors caduc tout questionnement relatif au Pharaon qui aurait régné à ce moment[26].
L'hypothèse s'appuyait sur l'argument suivant : la stèle de la Victoire de son successeur Mérenptah[27] mentionne un peuple installé en Canaan. De plus, il est attesté selon les sources égyptiennes l'existence d'un haut fonctionnaire, Ben Azèn, de langue sémitique, qui serait intervenu dans un conflit opposant un groupe de nomades à des officiers royaux égyptiens[28]. La Torah explique que c'est Joseph, le fils de Jacob qui occupait un haut poste au sein de la Cour de Ramses[réf. nécessaire].
Par ailleurs, la Bible mentionne que les Hébreux sont astreints à des corvées et construisent les villes de Pithôm et Pi-Ramsès[29]. Cette dernière ville apparaît ensuite comme le point de départ de l'Exode[30]. Or, Ramsès II est un grand bâtisseur et il entreprend au cours de son règne la construction d'une nouvelle capitale : Pi-Ramsès, non loin d'Avaris, l'ancienne capitale des Hyksôs, peuple de langue sémitique venu du Nord ayant pris le pouvoir et donnés plusieurs pharaons. Par conséquent, le règne de Ramsès semble fournir le cadre adéquat correspondant au récit de la Bible sur la sortie des Hébreux d'Égypte.
Cependant, l'identification de Ramsès II au pharaon de l'Exode se révèle moins évidente lorsqu'on y regarde de plus près. Aucun document provenant de ce règne ne peut être mis en rapport avec l'expulsion, la sortie, d'un peuple de langue sémitique du pays. Enfin, le fameux Ben Azèn non seulement n'a jamais quitté l'Égypte mais a fidèlement servi les successeurs du roi jusqu'au règne de Ramsès III. Toutefois, l'absence de trace de noyade sur la momie de Ramsès, mort nonagénaire, n'est pas un argument contredisant les versets bibliques. Le texte implique uniquement « l'armée de Pharaon » dans la noyade (Exode ch14, v28).
Concernant les localités mentionnées par le récit de la sortie d'Égypte, force est de constater que pour la plupart d'entre elles, rien ne permet une identification spécifique à l'époque de Ramsès II. L'itinéraire donné par le livre de l'Exode entre le point de départ, la ville de Ramsès, et l'engloutissement de l'armée égyptienne donne les villes suivantes : Sukkoth, Etam, Pi-Hahiroth, Mig-dol et Baal-Cefôn[31]. Des sites comme Etam et Pi-Hahiroth sont inconnus (Etam est peut-être une déformation de Pithom) et Migdol est introuvable dans les textes égyptiens. Mais ce dernier est cité par Ézéchiel et Jérémie, ainsi que l'historien grec Hérodote[32], comme d'une ville située dans le delta du Nil où séjournent de nombreux juifs après la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor II en -587. Le nom de Baal-Cefôn (Baal du Nord) est une divinité populaire dans la partie orientale de la mer Méditerranée vers la fin du Ier millénaire y compris en Égypte[33]. Il est plausible que le chapitre quatorze de l'Exode fasse allusion au temple de Tahpanès où selon Jérémie vit une importante communauté juive au Ve siècle. On le voit, la plupart des noms mentionnés s'expliquent dans le contexte plus récent des époques assyrienne, babylonienne et perse, globalement du VIIe au IVe siècle av. J.-C., période où les récits de la sortie d'Égypte sont mis par écrit.
Le pharaon de l'Exode ne porte pas de nom. Si les rédacteurs du texte biblique avaient considéré Ramsès II ou un autre pharaon comme celui régnant rien ne s'opposait à ce qu'ils utilisent son nom, ce qui est le cas pour plusieurs autres souverains d'Égypte cités par la Bible. Il semblerait donc qu'ils aient considéré que l'indication de la construction d'une ville nommée Ramsès par une population d'esclaves juifs était suffisamment riche d'information. Il est impossible de s'appuyer uniquement sur les textes bibliques pour faire de Ramsès II le pharaon de l'Exode[34]. Quant à Manéthon, historien égyptien à l'époque ptolémaïque, il situe le bannissement des Hébreux sous le règne d'un certain Aménophis difficilement rattachable à un souverain particulier (peut-être Amenhotep III).
Sépulture
La tombe de Ramsès II se trouve dans la vallée des Rois, dans la tombe KV7. Sa momie a été transférée dans la tombe KV17 puis dans la tombe de la reine Inhapy à Deir el-Bahari (TT320), découverte en 1881.
La tombe de Ramsès II a été découverte en 1737 par Richard Pococke. Par la suite, elle été fouillée en 1825 par James Burton, en 1844/1845 par Karl Richard Lepsius, en 1913/1914 par Harry Burton, en 1938 par Charles Maystre et en 1993/2002 par Christian Leblanc.
La tombe de Ramsès II a été ravagée par le temps. Outre les violations qu'elle a eu à subir dès la fin du Nouvel Empire, elle a été périodiquement inondée à la suite de violents orages qui se produisent régulièrement dans la région. Des pluies soudaines font alors se déverser dans l'ouest de la vallée des Rois de véritables torrents d'eaux mélangées à de la terre, du sable et de la roche formant une boue qui en s'introduisant dans l'hypogée ont peu à peu détruit toute la décoration du tombeau.
Depuis 1993 la Mission Archéologique française de Thèbes-Ouest, dirigée par Christian Leblanc, procède à des fouilles et à la restauration de la tombe du roi, la dégageant de sa gangue de boue solidifiée et restituant des pans entiers de sa décoration retrouvés parmi les débris. De rares objets (fragments de son sarcophage en calcite orné du Livres des Portes, éléments de mobilier funéraire) ont pu aussi être retrouvés démontrant que la tombe avait été vidée de son contenu bien avant sa dégradation par les éléments naturels.
En face de la tombe de Ramsès II, une grande tombe collective a été retrouvée dans la vallée des rois, la KV5, qui comprend de multiples chapelles et tombeaux des enfants royaux. Son exploration n'est toujours pas achevée.
Causes de la mort de Ramsès II
La momie fut examinée en 1886 par Gaston Maspero et le docteur Fouquet, première investigation approfondie de la momie, ces investigations furent menées avec les moyens de l'époque : observation détaillée du corps, mensurations diverses.
En 1974, pour connaître les causes de la mort de Ramsès II et d'autres momies, dont celle de Mérenptah, des recherches furent entreprises sous la direction de Maurice Bucaille avec des collaborateurs égyptiens puis une dizaine d'autres collaborateurs français de disciplines médicales diverses. Les résultats furent communiqués entre autres à l'académie de médecine et à la Société française de médecine légale. Son livre Les Momies des Pharaons et la médecine[35] présente les résultats définitifs de ses recherches.
De nombreuses techniques modernes furent utilisées, explorations radiologiques et endoscopiques, investigations dans le domaine dentaire, recherches microscopiques, médico-légales, etc. Une trouvaille de grande importance grâce à l'utilisation de films radiologiques de très haute sensibilité permit de mettre en évidence l'existence d'une très grave lésion de la mâchoire de Ramsès II, une ostéite étendue de la mandibule. Maurice Bucaille en conclut que ces lésions ont probablement été mortelles à condition que le roi n'eût pas d'autres maladies graves non décelées (à cause de l'impossibilité d'examiner les organes du thorax liée à la momification). La cause de sa mort serait donc une infection d'origine dentaire[36].
Maurice Bucaille a été par la suite sévèrement critiqué par la communauté scientifique car il partait d'un postulat pour arriver aux faits plutôt que de partir des faits pour in fine aboutir à une théorie. En effet celui-ci cherchait avant tout à prouver que Ramsès II était le pharaon de l'époque de Moïse.
Des études plus récentes ont montré que Ramsès II serait mort à plus de 90 ans et souffrait avant sa mort d'athérosclérose, d'arthrose et d'une maladie rhumatologique, la spondylarthrite ankylosante. Il est aussi probable qu'il soit mort de vieillesse, vu son grand âge[34].
La déformation du cou lié à sa maladie aurait obligé les embaumeurs à fracturer volontairement ses vertèbres cervicales afin de mettre sa tête en position horizontale.
Culture populaire
La vie de Ramsès II a inspiré de nombreux auteurs de fictions, dont Christian Jacq et sa série en cinq volumes Ramsès ou Anne Rice dans The Mummy. Dans Les Cigares du pharaon, quatrième album des Aventures de Tintin par Hergé, l'égyptologue Philémon Siclone se prend pour Ramsès II ou se réfère plusieurs fois à lui après avoir été empoisonné au radjaïdjah, le « poison-qui-rend-fou ». La série de bande dessinée Sur les terres d'Horus se déroule sous son règne.
Le poète britannique Percy Bysshe Shelley lui dédiera le sonnet Ozymandias qui paraphrase notamment l'inscription retrouvée sur le socle d'une statue attribuée à Ramsès II : « King of Kings am I, Osymandias. If anyone would know how great I am and where I lie, let him surpass one of my works ».
Dans le film Les Dix Commandements (1956), le personnage de Ramsès fut interprété par Yul Brynner. Ramsès II apparaît aussi dans le dessin animé Le Prince d'Égypte (1998) qui traite également de la vie de Moïse. Dans le film Exodus de Ridley Scott, sorti en 2014, il est interprété par Joel Edgerton. Dans la telenovela brésilienne Os Dez Mandamentos (2015-2016), il est incarné par Sérgio Marone.
Dans la comédie musicale Les Dix Commandements (2000), Ahmed Mouici tient le rôle de Ramsès.
Dans le contenu additionnel du jeu vidéo Assassin's Creed Origins (2018) intitulé The Curse of the Pharaohs, Ramsès II est l'un des quatre pharaons dont l'esprit a été ramené à la vie. Il peut être combattu par le joueur en tant que boss. Dans le jeu vidéo Civilization V, Ramsès II est le dirigeant de l'Égypte. Il apparaît en tant que « Servant » dans le jeu mobile Fate/Grand Order, sorti en 2015 au Japon.
Notes et références
- Christiane Ziegler et Jean-Luc Bovot, L'Égypte ancienne : Art et archéologie, Paris, La Documentation française, École du Louvre, Réunion des musées nationaux-Grand Palais, coll. « Petits manuels de l'École du Louvre », (1re éd. 2001), 511 p., 20,5 cm (ISBN 978-2-11-004264-4, 2-7118-4281-9 et 978-2-7118-5906-1), p. 228-229
- Christiane Ziegler et Jean-Luc Bovot, L'Égypte ancienne : Art et archéologie, Paris, La Documentation française, École du Louvre, Réunion des musées nationaux-Grand Palais, coll. « Petits manuels de l'École du Louvre », (1re éd. 2001), 511 p., 20,5 cm (ISBN 978-2-11-004264-4, 2-7118-4281-9 et 978-2-7118-5906-1), p. 228-229
- Selon le British Museum, A. Dodson, W. Helck, N. Grimal, K. Kitchen, J. Kinnaer, E. Krauss, J. Málek, I. Shaw, J. von Beckerath.
Autres avis de spécialistes : -1304 à -1237 (D.B. Redford) ; -1294 à -1227 (A. Gardiner) ; -1290 à -1224 (D. Arnold, E. Hornung) ; -1290 à -1223 (Parker). - Selon Christiane Desroches Noblecourt, Ramsès II serait mort le 19 juillet -1213.
- C.W. Ceram, Des dieux, des tombeaux, des savants.
- Ramsès II sur GeneaNet
- Henri Gauthier, La grande inscription dédicatoire d'Abydos, Institut français d'archéologie orientale, , 148 p. (lire en ligne)
- Sylvie Guichard, « Bague aux chevaux », sur http://www.louvre.fr, Département des Antiquités égyptiennes (consulté le )
- Gerald Messadié, 4 000 ans de mystifications historiques, L’Archipel, 2011, 432 p.
- Cf. J. Pirenne, dans Histoire de la civilisation égyptienne, ch. XII.3 « L'apogée de la XIXe dynastie sous Ramsès II (1298-1235) », p. 353.
- Cf. Ch. Desroches Noblecourt, dans Ramsès II. La Véritable Histoire, ch. XI « L'après Qadesh - Moab et Edom »
- Cf. N. Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne, « Ramsès II et l'affrontement égypto-hittite »
- Cf. N. Grimal, Ibidem
- Dominique Lefèvre, « Une princesse hittite à la cour de Ramsès », Le Monde de la Bible, no hors-série, , p. 35-39.
- Pour une version complète du traité et de ses dix-huit clauses on consultera J. Pirenne op. cit., p. 355-359.
- Sa dot est composée d'un grand nombre d'animaux (bœufs, moutons, chevaux) mais aussi de prisonniers de guerre.
- Un fragment de papyrus en provenance de ce site mentionne : l'épouse royale Maât-Hor-Néférou-Rê, vivante soit-elle, la fille du grand chef du Hatti
- En récompense, il recevra cinq-cents livres sterling et sera nommé inspecteur des fouilles.
- Elisabeth David, Gaston Maspero, 1846-1916. Le gentleman égyptologue, Pygmalion, 1999, p. 96
- Robert Solé, La vie éternelle de Ramsès II, Seuil, (ISBN 978-2-0209-6338-1), 192 p.
- Ramsès II, chronologie d’un règne
- Lors de l'arrivée en avion militaire de la momie de Ramsès II en France, un détachement de la Garde républicaine, rendit les hommages dus selon le protocole à un chef d'État, au passage de la caisse contenant la dépouille du souverain, le convoi fit un détour par la place de la Concorde pour passer devant l'obélisque.
- Christiane Desroches Noblecourt, Ramsès II [détail des éditions], p. 50
- La momie a été analysée en France par 110 techniciens, radiologues, chimistes et des experts du Musée de l’Homme (« Ramsès II - Reconstitution 3D », Terra Nova, (consulté le ))
- Thomas Römer, Jean-Daniel Macchi et Christophe Nihan (éd.), Introduction à l'Ancien Testament, Genève/Paris, Labor et Fides, (1re éd. 2004), 902 p. (ISBN 978-2-8309-1368-2, lire en ligne), p. 261-264
- (en) Lester L. Grabbe, Ancient Israel : What Do We Know and How Do We Know It?, Londres et New York, T&T Clark, , 306 p. (ISBN 978-0-567-03254-6, lire en ligne), p. 84-88
- Cette stèle commémore la victoire de Mérenptah sur les Libyens et les Peuples de la mer. Cette stèle se trouve au Musée du Caire
- Thomas Römer, « La construction d'un mythe : Ramsès II est-il le pharaon de l'Exode », Le Monde de la Bible, no Hors-série, , p. 43-45
- Exode, 1, 11.
- Exode, 12, 37.
- Exode, 13, 20 ; Exode, 14,2.
- Hérodote II, 159.
- On connaît au moins trois temples dédiés à cette divinité en Égypte
- Claude Obsomer, Ramsès II, Pygmalion, , 560 p.
- Maurice Bucaille, Les Momies des pharaons et la médecine, Séguier, 1987. Il reçut le prix Diane-Potier-Boès en 1988.
- Françoise Dunand, Bilan de santé de Ramsès II, Sophia Publications, (lire en ligne)
Bibliographie
- Hérodote, L'Enquête, vol. II [détail des éditions] ;
- Jacques Pirenne, Histoire de la civilisation de l'Égypte ancienne, vol. 2, Neuchâtel, Éd. de la Baconnière, ;
- L. Balout et C. Roubet (s/s dir.), La Momie de Ramsès II, contribution scientifique à l'égyptologie, Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations, ;
- Nicolas Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne [détail des éditions] ;
- Bernadette Menu, Ramsès II, souverain des souverains, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Histoire » (no 344), , 159 p. (ISBN 2-07-053442-1) ;
- Christian Leblanc, Nefertari, l'aimée de Mout. Épouses, fils et filles de Ramsès II. Ed. Le Rocher, Monaco, 1999.
- Christian Leblanc et Christophe Barbotin, Les monuments d'éternité de Ramsès II. Nouvelles fouilles thébaines. Éd. de la Réunion des Musées Nationaux. Coll. "Les Dossiers du musée du Louvre". Paris, 1999. (ISBN 978-2711838318).
- Christian Leblanc, Ramsès II et le Ramesseum. De la splendeur au déclin d'un temple de millions d'années, L'Harmattan, Paris, 2019.
- Bernadette Menu, Ramsès II. Le pharaon triomphant, sa vie et son époque, Editions du Rocher, ;
- Christiane Desroches Noblecourt, Ramsès II : La véritable histoire [détail des éditions] ;
- Thomas Garnet Henry James (trad. de l'anglais), Ramsès II, Paris, Gründ, , 319 p. (ISBN 2-7000-2157-6) ;
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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