Brit Milah
La brit milah (hébreu : בְרִית מִילָה [bə'rīt mī'lā] ou [bə'rīs mī'lā] selon la prononciation ashkénaze, « alliance [par la] circoncision ») est un rite de passage du judaïsme réalisé par un péritomiste (mohel) qui excise définitivement le prépuce du pénis[1], et découvre donc perpétuellement le gland. Il peut parfois aussi enlever tout ou partie du frein du pénis[2]. Ce rite important est traditionnellement pratiqué au huitième jour de vie d’un nouveau-né mâle ou lors de la conversion d’un individu au judaïsme. La brit milah est suivie par un festin de célébration (seoudat mitzva). Ce rite est controversé car plusieurs estiment qu'il viole le droit à l'intégrité physique du bébé.
Brit Milah | |
Une brit mila en cours. | |
Sources halakhiques | |
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Textes dans la Loi juive relatifs à cet article | |
Bible | Genèse 17:1-4 ; Lévitique 12:3 |
Talmud de Babylone | Mishna (Nachim) |
La brit milah dans la Bible
La première référence biblique se trouve dans le récit d'Abraham (Genèse 17, 11) auquel Dieu prescrit de se circoncire (avec Ismaël et toute sa maison) [3] en signe d'Alliance, alors qu'il est âgé de 99 ans.
Son fils Isaac fut le premier circoncis à huit jours, alors que son frère aîné, Ismaël avait déjà atteint l'adolescence lorsqu'il fut circoncis avec Abraham (Genèse XVII, 23-26)[3].
L'obligation de la circoncision est mentionnée dans la Torah :
- Dans le livre de la Genèse (versets 17:9-14), comme le signe de l'Alliance entre Dieu et la descendance d'Abraham. « Toi et tes descendants, de génération en génération, vous devrez respecter mon alliance. Voici l'obligation que je vous impose et à laquelle vous vous soumettrez, toi et tes descendants : Quiconque est parmi vous de sexe masculin devra être circoncis. Votre circoncision sera le signe de l'alliance établie entre vous et moi. De génération en génération, tous vos garçons seront circoncis quand ils auront huit jours. De même pour les esclaves nés chez toi ou pour les esclaves étrangers que tu as achetés et qui ne sont donc pas membres de ton clan. Ainsi l'esclave né chez toi et celui que tu auras acheté seront circoncis, afin que mon alliance soit inscrite dans votre chair comme une alliance perpétuelle. Quant à l'homme non circoncis, il sera exclu du peuple pour n'avoir pas respecté les obligations de mon alliance ».
- Dans le Lévitique, il est rappelé qu'après l'accouchement d'une femme, « Le huitième jour, on circoncit l'enfant ».
- Dans le Talmud de Babylone (Yebamoth 64b), il est précisé que l'enfant est exempté de circoncision si 2 ou 3 de ses frères ou 2 ou 3 de ses cousins (nés de sœurs différentes) sont morts de leur circoncision[4],[5].
Déroulement de la Brit Milah
La circoncision est un rituel obligatoire pour les Juifs. Fidèles à la tradition millénaire de leurs ancêtres, les garçons juifs sont circoncis au huitième jour à partir du jour de la naissance inclus, avant le crépuscule.
La Brit milah peut se passer pendant les jours de fêtes, et le Shabbat qui doit être transgressé pour respecter cette Mitzvah (Commandement) du 8e jour[6].
D'un point de vue médical, il a été découvert qu'il faut justement sept jours en moyenne pour que les saignements du nouveau-né liés à la carence en vitamine K (nécessaire à la coagulation du sang) cessent[7],[8].
En cas de suspicion médicale (poids faible, maladie, ictère ou autre), la brit milah peut être repoussée jusqu'à une date ultérieure. « Les sources juives classiques sont conscientes de certains risques et précisent qu’en cas de mort d’un enfant aîné, le petit frère ne doit pas être circoncis »[9]. De nos jours, des tests de coagulation de sang sont pratiqués systématiquement les jours précédents la circoncision pour éviter tout risque lié à l'hémophilie[9].
C'est au père qu'il incombe de circoncire son fils, le plus tôt, le matin. Toutefois, il peut déléguer l'exécution de la circoncision à un mohel, soit un circonciseur rituel, qui n’est pas forcément rabbin ni médecin (bien qu'il puisse l'être) mais doit au minimum être un Juif pieux formé pour cela[9].
L'enfant repose sur les genoux du sandaq (du grec syndic) qui aide le mohel en exposant la zone opératoire en maintenant les membres inférieurs de l'enfant.
Le sandaq est préférentiellement le grand-père paternel, puis le grand-père maternel puis tout autre personne respectable, de préférence une personne sage (Talmid Hakham).
Lors des circoncisions cérémonielles dans la synagogue, on utilise souvent un banc ou siège de circoncision. Certains bancs ont deux sièges ; le sandaq est assis à gauche avec le bébé, pendant que le siège de droite reste vide pour le prophète Elia[10].
Chaque mohel a sa technique selon sa formation initiale et son expérience. Toute milah doit être pratiquée ou supervisée par un mohel expérimenté qui connaît la Halakha et maîtrise toutes les phases de la milah et de ses complications éventuelles.[11]
Les grands principes sont :
- la Milah proprement dite : section du prépuce tout en protégeant le gland ;
- la Perya ou déchirure : ablation de la muqueuse interne du prépuce accolé au gland ;
- la metsitsa[12] ou succion post Perya ; dans la pratique ultra-orthodoxe, le mohel suce le sang en appliquant sa bouche sur le pénis du bébé afin de « nettoyer » la plaie[13],[14].
- la Havisha ou pansement antihémorragique qui suit une hémostase parfaite ;
- la Bakara Rishona ou visite de contrôle le soir de la Milah ;
- la Bakara Chenia ou retrait final du pansement, de 24 heures à 72 heures après selon la décision du mohel.
Si une hémorragie même légère persiste 15 minutes après le pansement, il faut sans délai consulter un médecin.
Après l'opération, il est procédé à une bénédiction durant laquelle l’enfant reçoit son prénom hébraïque, en lui souhaitant de grandir en juif et de transmettre un jour à son tour, sa foi[9]. Ainsi, le juif est engagé dans l'Alliance, mais aussi sa descendance dans les générations futures[15].
Ensuite, l’enfant est rendu à sa mère.
Évolution de la pratique
Le Consistoire de Paris a interdit la pratique de la metsitsa en 1843[16],[17].
En France, le Consistoire de Paris publie depuis 2014 une liste de mohalim accrédités[18]. En Israël, les mohalim sont certifiés par un comité dépendant du ministère de la Santé, de celui des Affaires religieuses et du Grand rabbinat[19].
Motifs
Le rite obligatoire de la Brit Milah est si important dans le judaïsme que le Talmud (TB Nedarim 31b) affirme même que ce Commandement vaut tous les autres[9].
La Brit Milah est à mettre en parallèle avec la « circoncision du cœur » évoquée dans le Deutéronome (10:16-17 et 30, 6), chez Ezéchiel (44:7) et Jérémie (4,4…) qui représente la dimension morale et symbolique de l'Alliance[9].
Pour le théologien Maïmonide, l’une des plus éminentes autorités rabbiniques du Moyen Âge, l'un des motifs de la circoncision est d'infliger une douleur corporelle à l'organe sexuel, de l'affaiblir et de réduire ainsi la concupiscence et parfois la volupté[20].
Controverse
Des détracteurs estiment que la circoncision dont la Brit milah viole l'intégrité physique de l'enfant[21],[22],[23]. Des Juifs libéraux américains ont créé un mouvement qui s’oppose à la circoncision : Jews against circumcision[24]. Il préconise l’abandon de cette pratique et le remplacement de la Brit Milah par une nouvelle cérémonie, la Brit Shalom. En Israël, le mouvement intactiviste luttant contre les circoncisions sans consentement progresse[25].
Le rabbin Yeshaya Dalsace considère que « d’un point de vue juif, la circoncision est absolument nécessaire pour la future construction psychique et identitaire de l’enfant juif. De ce point de vue, omettre la circoncision d’un tel enfant serait lui causer un préjudice moral et psychologique sans doute plus grave que tous les inconvénients avancés »[9]. En Israël, avec un taux de circoncision très élevée, le taux de cancer du pénis est le plus faible au monde[26].
Galerie
- Circoncision par un mohel, 1682
- Couverture de circoncision en velours brodé de soie et de fil métallique
- Circoncision en Allemagne, 1718-1724
- Cérémonie de circoncision juive portugaise, 1722
- Carte postale représentant une circoncision, v. 1910
Notes et références
- Éditions Larousse, « Définitions : circoncision - Dictionnaire de français Larousse », sur www.larousse.fr (consulté le )
- (en) « Circumcision: A guide for parents », sur http://www.mohel-bris.com/, The Gilgal Society, (consulté le )
- Didier Luciani, « La circoncision, parcours biblique », dans La circoncision rituelle : Enjeux de droit, enjeux de vérité, Presses universitaires de Strasbourg, coll. « Société, droit et religion », (ISBN 979-10-344-0417-9, lire en ligne), p. 41–54
- « Yevamot 64b:9 », sur www.sefaria.org (consulté le )
- (en) Julius Preuss, Biblical and Talmudic Medicine, Jason Aronson, Incorporated, (ISBN 978-1-4616-2760-9, lire en ligne)
- « Can a brit take place on Yom Kippur? - holidays general information holiday information life cycle circumcision the brit », sur www.askmoses.com (consulté le )
- (en) « Vitamin K Deficiency Bleeding in the Newborn », sur University of Rochester Medical Center (consulté le )
- (he) « Circumcision - The Day When Blood Coagulation Begins », sur www.hidabroot.com (consulté le )
- Yeshaya Dalsace, « La circoncision dans le judaïsme », dans La circoncision rituelle : Enjeux de droit, enjeux de vérité, Presses universitaires de Strasbourg, coll. « Société, droit et religion », (ISBN 979-10-344-0417-9, lire en ligne), p. 19–24
- Battegay, Caspar, 1978- et Jüdisches Museum der Schweiz, Jüdische Schweiz : 50 Objekte erzählen Geschichte = Jewish Switzerland : 50 objects tell their stories (ISBN 978-3-85616-847-6 et 3-85616-847-8, OCLC 1030337455, lire en ligne)
- (de + en) Birth Culture. Jewish Testimonies from Rural Switzerland and Environs, Bale, Naomi Lubrich, (ISBN 978-3796546075)
- La metsitsa est décrite dans la Mishna (Shabbat 19,2). Elle n’est pas obligatoire d’après le Talmud (TB Shabbat 137b). Le circonciseur devait sucer le gland ensanglanté (en crachant le sang ensuite) afin, d’après les connaissances de l’époque, de favoriser la coagulation et désinfecter la plaie. Le Talmud (TB Shabbat 133b) affirme que celui qui ne la pratique pas ne doit pas être pris comme circonciseur à cause du danger à ne pas le faire. À nos yeux modernes, cela est absurde et au contraire une source d’infection.
- « Un rituel juif de circoncision à l’origine de la mort de deux bébés aux Etats-Unis », Le Progrès, (lire en ligne, consulté le ) :
« Alors qu’ils avaient huit jours, les jumeaux ont été circoncis par un "mohel", qui a ensuite procédé à une succion orogénitale. »
- (en) Elon Gilad, « What Is Oral Suction Circumcision and Where Does It Come From? », Haaretz, (lire en ligne, consulté le ) :
« After the mohel cuts off the foreskin, he uses his mouth – oral suction, rather than say a sponge - to effectively clear the wound on the baby's penis of blood, lest it clot and decay. »
- « Circoncire votre enfant : quelles origines de la circoncision ? », sur PARENTS.fr, (consulté le )
- (de) Emanuel Rosenbaum, Meziza : ist sie religiös geboten? Wirkt sie heilend oder schädlich?, Francfort-sur-le-Main, Sänger & Friedberg, , 47 p.
- Georgette Elgey et Françoise Job, Michel Lévy, médecin-général. (Strasbourg, 28 septembre 1809 – Paris, 19 mars 1872) dans Archives Juives, 2004/1 (Vol. 37), Les Belles lettres, , 144 p. (ISBN 978-2-251-69416-0, lire en ligne), p. 123-127
- « L'association française des Mohalim », sur le site du Consistoire de Paris
- (en) « Certified and Non-Certified Mohels »
- Moïse Maïmonide, Le guide des égarés, Verdier, p. 606
« Je crois […] que l’un des motifs de la circoncision, c’est de diminuer la cohabitation et d’affaiblir l’organe sexuel, afin d’en restreindre l’action et de le laisser en repos le plus possible […]. Le véritable but, c’est la douleur corporelle à infliger à ce membre et qui ne dérange en rien les fonctions nécessaires pour la conservation de l’individu, ni ne détruit la procréation, mais qui diminue la passion et la trop grande concupiscence. Que la circoncision affaiblisse la concupiscence et diminue quelquefois la volupté, c’est une chose dont on ne peut douter; car, si dès la naissance on fait saigner ce membre en lui ôtant sa couverture, il sera indubitablement affaibli. »
- (en) Marilyn Fayre Milos, « Circumcision: A medical or a human rights issue? », Journal of Nurse-Midwifery, vol. 37, no 2 S1, , S87–S96 (PMID 1573462, DOI 10.1016/0091-2182(92)90012-R, lire en ligne, consulté le ).
- maximeg, « Circoncision : Jean-Pierre Rosenczveig, le président du tribunal pour enfants de Bobigny parle de « mutilation sexuelle sur enfant » », sur Vos Nouvelles de Paris, (consulté le )
- « La circoncision n'est plus à la fête », sur Courrier international, (consulté le )
- (en) Site web du mouvement.
- (en-US) « Intactivist Jews Increasingly Vocal in Israel - Jewish Business News », Jewish Business News, (lire en ligne, consulté le )
- « Risk Factors and Prevalence of Penile Cancer », The West Indian Medical Journal, vol. 63, no 6, , p. 559–560 (ISSN 0043-3144, PMID 26225809, PMCID 4663967, DOI 10.7727/wimj.2015.381, lire en ligne, consulté le )
Articles connexes
Liens externes
- Yeshaya Dalsace, « La circoncision dans le judaïsme » In : La circoncision rituelle : Enjeux de droit, enjeux de vérité en ligne. Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2016
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