Cénotaphe du général de Lamoricière

Le cénotaphe du général de La Moricière (1806-1865) est un ouvrage funéraire installé et inauguré en 1879 à Nantes, dans la cathédrale saint-Pierre et saint-Paul. Cette œuvre monumentale est dressée sous l'action de l'évêque Alexandre Jaquemet, avec le soutien du pape Pie IX, en témoignage de gratitude pour des services rendus à la papauté. En effet le général avait, au terme de sa vie, participé à la défense du Saint-Siège, menacé par les troubles politiques italiens des années 1860. Sa tombe est située à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, d'où sa famille était originaire.

Cénotaphe du général de Lamoricière
Le cénotaphe dans le transept nord de la cathédrale de Nantes.
Présentation
Type
Architecte
Sculpteur
Matériau
Construction
1878-1879
Patrimonialité
Objet classé monument historique (d) ()
Localisation
Pays
Département
Commune
Coordonnées
47° 13′ 07″ N, 1° 33′ 01″ O
Localisation sur la carte de France
Localisation sur la carte de Nantes

L'ouvrage est classé au titre des Monuments Historiques[1].

Le Monument

Le cénotaphe est de marbre blanc, rehaussé par les quatre statues de bronze d'un noir brillant qui l'encadrent. La Moricière est représenté en gisant sur un autel recouvert d'un dais imposant, soutenu par des colonnes et des pilastres alternant le noir et le blanc, et qui donne à l'ensemble un aspect architectural complexe et imposant. C'est l'architecte Louis Boitte qui en conçut le plan, l'exécution en fut confiée à Moisseron d'Angers[2].

Détail du gisant

Le corps du général est couvert d'un linceul aux plis lourds et travaillés, qui laisse toutefois une impression de simplicité, de dépouillement dans la mort. Le visage est plus convenu ; on y voit un jeune homme vigoureux et aux traits délicats. Le crucifix qu'il tient de la main droite, l'épée à son côté gauche sont deux attributs destinés à représenter la vie qu'il vécut. Le gisant tient fermement la croix, tandis que son autre main touche son arme sans plus la tenir véritablement : la religion est présentée comme un recours devant l'éternité, au contraire de la force des armes. On peut aussi y voir une métaphore de la vie du général.

Plusieurs inscriptions latines ornent les faces du cénotaphe, visant à rappeler qui fut le défunt, ainsi que les vertus qui lui sont prêtées : ainsi des cartouches affichent-ils « Fides », « Fortitudo » et « Consilium » d'un côté, et « Caritas », « Justitia », « Virtus » de l'autre. Sur chaque extrémité du baldaquin, on peut lire « Optimo viro et clarissimo duci Juchault De La Moricière amici sodales commilitones que hoc monumentum posuere », et au pied de la dalle apparaît un texte plus long qui présente les hauts faits de la vie de La Moricière, d'abord en Afrique où il s'illustra pendant sa carrière militaire, mais aussi pendant les événements de 1848 puis lors de sa défense du Saint-Siège, et enfin dans ses douleurs personnelles (la mort de deux de ses enfants) pour conclure sur sa mort en 1865:

« IN AFRICA, PATRIAE FINES MANV AC CONSILIO AMPLIFICAVIT

FIRMAVIT QVE. GALLIA MŒRENTE, NEFARIOS IN LEGEM REBELLES

STRENVE DIMICAVIT. SANCTA SEDI DERELICTAE VLTIMVM

ATTVLIT PRAESIDIVM. FORTVNAE HAVD IMPAR FORTIOR

IN ADVERSIS. INGENIO INCLYTVS CORDE EXCELSIOR

CRVCIS IN AMPLEXV OBIIT. ANNO. DOM. MDCCCLXV[N 1] »

Au sommet du dais, là encore à chaque extrémité, des acrotères arborent les armes des Juchault de la Moricière (au pied) et de Pie IX (au chevet)[3].

Les Vertus

Aux quatre coins du monument, les quatre statues de bronze renvoient elles aussi à des vertus essentielles, que l'on souhaite voir attachées à la mémoire du défunt. Ce sont des œuvres dues cette fois non à Moisseron mais au sculpteur Paul Dubois[2]. Elles sont insérées dans l'ensemble au moyen de ressauts pratiqués à chaque angle. Lors de leur présentation au public, ces statues suscitent l'admiration de tous[4].

À la tête du cénotaphe, une femme allaitant ses enfants figure la Charité, et un vieil homme plongé dans la méditation de l'étude figure la Sagesse. À l'autre extrémité, la Foi est incarnée par une jeune fille aux mains jointes, à-demi dressée dans un mouvement de ferveur extatique; à sa gauche, un guerrier en armes représente le Courage Militaire[N 2]. On pense en les voyant à la statuaire italienne, aux maîtres florentins[5], voire à Michel-Ange[6]. Dubois a d'ailleurs été considéré en son temps comme l'un des membres du groupe des sculpteurs « Néo-Florentins » du XIXe siècle[7].

Comparaisons

La comparaison s'impose également avec le tombeau de François II de l'autre côté du transept de la cathédrale ; toutefois, en-dehors de toute considération esthétique, la structure d'ensemble doit bien davantage à l'école de la Renaissance italienne[2]. On le verra par exemple en pensant au tombeau d'Anne de Bretagne et Louis XII qui se trouve dans la basilique Saint-Denis, la nécropole des rois de France : l'organisation en mausolée, les statues assises aux angles, tous ces éléments-clés sont communs aux deux monuments. Le tombeau en question est d'ailleurs dû aux mains italiennes des frères Juste.

Le cénotaphe de La Moricière ne bénéficie pas de ce rapprochement avec le chef-d'œuvre qu'est le tombeau de François II. Toutefois, cela ne doit pas faire oublier la grande qualité du travail de Paul Dubois, car ses statues parviennent parfois individuellement à exprimer une intensité et une douceur très touchantes, dans une approche plus individualisée et moralisée que pour l'ouvrage médiéval[6].

Photographies

Notes et références

Notes

  1. Traduction du latin: En Afrique, son habileté lui permit d'élargir et de renforcer de son bras les frontières de la patrie. Alors que la France souffrait, au nom du droit il combattit énergiquement les rebelles criminels. Il protégea jusqu'au bout le Saint-Siège, quand tous l'avaient abandonné. Quand le malheur le frappa, il ne fut pas moins courageux. Illustre par son talent, d'une grande noblesse de cœur, il mourut dans l'amour de la croix en l'an de grâce 1865.
  2. Le terme de Force Guerrière est également parfois employé.

Références

  1. Notice no PM44000599, base Palissy, ministère français de la Culture. La date de classement, qui est celle de la cathédrale tout entière, est antérieure à celle de la réalisation du cénotaphe.
  2. Russon et Duret 1933, p. 117.
  3. Russon et Duret 1933, p. 118.
  4. Antoinette Le Normand-Romain 2013, p. 249.
  5. Russon et Duret 1933, p. 119.
  6. Leniaud et alii 1991, p. 62.
  7. Bernard Dorival (dir.), Histoire de l'Art : Encyclopédie de la Pléiade, vol. IV, NRF - Gallimard, , 1706 p., p. 102

Voir aussi

Bibliographie

  • Marcel Launay, « Lamoricière », dans Dominique Amouroux, Alain Croix, Thierry Guidet, Didier Guivarc'h (dir.) et al., Dictionnaire de Nantes, Nantes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-2821-5), p. 577.
  • Antoinette Le Normand-Romain, « Le Monument au général de Lamoricière », dans Jean Bouteiller, Hervé Chouinard, Marcel Launay et Michel Leroy (dir.) et al., Nantes, La Nuée Bleue/DNA, coll. « La Grâce d'une Cathédrale », , 393 p. (ISBN 978-2-8099-1073-5, présentation en ligne), p. 247 à 249.
  • Jean-Michel Leniaud, Gilles Bienvenu, Pierre Curie, Véronique Daboust, Dominique Eraud, Catherine Gros, François-Charles James, Odette Riffet et al. (photogr. Patrice Giraud, Denis Pillet), Nantes, la cathédrale - Loire-Atlantique, Nantes, Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France ; commission régionale Pays de la Loire, coll. « Images du patrimoine » (no 100), , 64 p. (ISBN 2-906344-36-2, ISSN 0299-1020, BNF 35489491), p. 62-63.
  • Jean-Baptiste Russon et Donatien Duret, La Cathédrale de Nantes, Savenay, Roumegoux, , 145 p..

Liens externes

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