Guerre de la troisième coalition
La guerre de la Troisième Coalition est la guerre en 1805 entre la France de Napoléon Ier et ses alliés d’une part, et la troisième coalition composée du Royaume-Uni, de l'Empire russe, de l'empire d'Autriche et de la Suède[1] d’autre part, afin de lutter contre les progrès de la domination française en Europe[2].
Date | 29 août-26 décembre 1805[1] |
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Lieu | Europe centrale, Italie et Espagne. |
Issue |
Victoire française décisive
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198 000 hommes. | 392 000 hommes. |
45 000 morts, blessés ou prisonniers. | 120 000 morts, 20 000 prisonniers. |
Batailles
Batailles navales
Campagne d'Allemagne (1805) : opérations en Bavière - Autriche - Moravie
Campagne d'Italie (1805) : Opérations en Italie du Nord
Avant la coalition : le conflit franco-britannique (1803-1805)
La France et le Royaume-Uni ont conclu le traité d'Amiens en 1802, mais la dimension économique n'a pas été prise en compte. Or, la France poursuit sa politique économique protectionniste. Elle bloque ainsi les débouchés industriels britanniques et empêche les importations, notamment de produits agricoles, nécessaires au Royaume-Uni, qui n'est pas auto-suffisant en la matière. De plus, la France profite de la paix pour partir à la conquête de nouveaux marchés au détriment du Royaume-Uni, ce qui favorise la reprise de son commerce extérieur.
La City, qui espérait que cette paix se transformerait en traité commercial lui permettant de reprendre son activité, déchante très vite. D’autre part, le Cabinet de Londres ne supporte pas la présence d’une puissance à l’embouchure de l’Escaut et du Rhin, juge le pouvoir de la France « exagéré », et considère cette paix comme une simple trêve imposée par les circonstances. En conséquence, Malte n’est pas évacuée, contrairement aux stipulations du traité d’Amiens.
Londres et les autres capitales européennes sont exaspérées par la politique annexionniste de la France en pleine période de paix. En effet, le , Bonaparte ampute la république helvétique du Valais qui est érigé en république indépendante. Le , le Piémont est officiellement annexé à la France. Le , profitant de la mort de Ferdinand de Bourbon-Parme, l'armée française envahit les duchés de Parme, Plaisance et Guastalla.
Bonaparte prend alors ses aises sur le continent, estimant que les Anglais ne se lanceront pas dans une guerre, qu’il serait d’ailleurs sûr de gagner. Il pense donc pouvoir faire coup double et intimider l’Angleterre : il réunit le Piémont à la France, offensant au passage le Tsar protecteur du roi de Sardaigne ; par le Recès de l’Empire (), il s’assure la majorité des dix Électeurs de la nouvelle Allemagne, tout en favorisant la Prusse au détriment de l’Autriche (la Prusse prenant soin de jouer double jeu avec une Russie inquiète) : l’Autriche est ainsi ulcérée de n’avoir aucune compensation à ses pertes en Italie. Les Suisses sollicitent en outre la médiation du Premier consul dans leurs affaires. La Hollande n’est toujours pas évacuée, contrairement à un engagement datant du traité de Campo-Formio ().
Bonaparte exige l’évacuation de Malte de plus en plus violemment ; les Anglais répondent en par l'ultimatum suivant : Malte restera sous occupation anglaise pendant 10 ans et les Français évacueront la Hollande. Le Premier consul estime alors la guerre inéluctable ; le manque d’argent et l'échec de l'expédition de Saint-Domingue le conduisent à vendre la Louisiane aux États-Unis, renonçant ainsi à son plan colonial. L’ultimatum anglais restant sans réponse, l’ambassadeur du Royaume-Uni quitte Paris ; Napoléon Bonaparte accepte alors in extremis les exigences britanniques relatives à Malte ()[3] en échange de l’occupation de Tarente et d’Otrante en Italie. Ce geste en faveur de la paix reste inefficace.
Guerre navale (mai 1803 - octobre 1805)
Assuré d’une neutralité bienveillante des puissances européennes, qui craignent plus l’impérialisme français que l’impérialisme britannique, et dans l’idée que la guerre sera mal acceptée par les milieux d’affaires français, le , sans déclaration de guerre, le gouvernement britannique fait saisir tous les navires français et hollandais à sa portée et confisque pour 200 millions de marchandises. La France répond par l'arrestation de tous les sujets britanniques se trouvant en France ou dans la République italienne. Le , le Royaume-Uni déclare officiellement la guerre à la France.
La marine française étant largement inférieure à la Royal Navy, c'est rapidement que les Britanniques occupent les colonies françaises de Sainte-Lucie, Tobago, Saint-Pierre-et-Miquelon et les comptoirs des Indes. Les escadres françaises sont bloquées dans les ports français par la marine britannique. Les troupes françaises occupent le royaume de Hanovre, propriété personnelle du roi Georges III, le . En bloquant les portes de la Weser et de l'Elbe, la France limite encore les exportations des marchandises britanniques en direction de l'Empire. Napoléon, conscient de l'infériorité maritime française, décide de se lancer dans la conquête des îles Britanniques. Il concentre son armée et une grande flotte de débarquement à Boulogne afin de réaliser son projet.
Napoléon resserre la pression sur la République batave qui aimerait rompre l'alliance offensive et défensive contre le Royaume-Uni. Une nouvelle convention est signée en selon laquelle la République doit entretenir 18 000 soldats français et armer 16 000 Hollandais sous commandement français. La flotte hollandaise aurait un rôle à jouer dans les plans d'invasion du Royaume-Uni. Les troupes françaises occupent le Brabant hollandais ainsi que le port de Cuxhaven, dépendant de Hambourg. Les ports napolitains, évacués un an plus tôt, sont également réoccupés. Pourtant, les produits coloniaux et les toiles de coton anglais continuent d'arriver en Europe par le Holstein danois, la Frise prussienne et les ports allemands de la Baltique.
La France recherche également l'alliance espagnole afin de pouvoir disposer de sa flotte. En , l'Espagne affirme sa neutralité mais s'engage à verser 6 millions de livres par mois à la France. Finalement le , le roi d'Espagne déclare la guerre au Royaume-Uni[4]. Une convention est signée entre la France et l'Espagne en selon laquelle la flotte espagnole se met à la disposition de Napoléon. La flotte franco-espagnole doit faire diversion dans les Antilles afin de dégager la Manche. En janvier 1805, l'amiral Missiessy quitte Rochefort pour les Antilles où il doit attendre l'arrivée de Villeneuve, qui doit quitter Toulon. Ce dernier doit attirer le plus de navires britanniques, retourner en Espagne rejoindre la flotte espagnole et venir débloquer Ganteaume à Brest pour se présenter devant Boulogne. Les opérations prennent du retard et se terminent par un échec mais l'armée du camp de Boulogne est mobilisée à d'autres desseins du fait de la formation de la troisième coalition contre la France.
Tandis que l'armée de terre est engagée dans la campagne d'Allemagne, la flotte franco-espagnole va au désastre. Villeneuve devait rompre le blocus de Brest mais il se dirige vers Cadix. Il se fait surprendre au large de Trafalgar par la flotte de l'amiral Nelson le . Ce dernier rompt avec la tactique traditionnelle et attaque la longue ligne de navires français et espagnols avec deux colonnes de navires. La flotte franco-espagnole perd 22 navires sur 33 et les Britanniques, malgré la mort de Nelson, restent maîtres des mers. Villeneuve se suicide quelques mois plus tard.
Constitution de la coalition (avril - octobre 1805)
Entre-temps, le Royaume-Uni tente de reconstituer une coalition contre la France pour empêcher le débarquement des troupes françaises. Le est signé le traité de Saint-Pétersbourg par lequel Alexandre Ier de Russie s'allie avec le Royaume-Uni. L'objectif des deux puissances est la libération du Hanovre, l'indépendance de la Hollande et du canton de Neuchâtel qui sera un état de la confédération suisse, le rétablissement du roi de Sardaigne sur le Piémont, l'entière évacuation de la péninsule Italienne par les troupes françaises et l'encerclement de la France par une série d'États puissants. Le Royaume-Uni paierait 1,25 million de livres par an par manche de 100 000 soldats russes.
Le Royaume-Uni cherche également à obtenir l'adhésion de l'Empire d'Autriche, sans quoi l'alliance russe devient peu utile. Mais l'Autriche est réticente dans un premier temps. Elle reconnaît même l'Empire français. Ce qui provoque son revirement est la création du royaume d'Italie, satellite de l'Empire français, et l'annexion de la République ligurienne. Le , l'Autriche rejoint la coalition, moyennant d'importants subsides britanniques. La Suède de Gustave IV les rejoint également le .
La Prusse devient alors l'enjeu d'une âpre lutte diplomatique entre la France et la Russie. La France cherche depuis 1802 à faire entrer la Prusse dans son système d'alliance. Elle lui propose même la cession du Hanovre en . Mais la Russie ne reste pas inactive et trouve l'appui de la reine Louise. Finalement, la Prusse affirme sa neutralité. Napoléon Bonaparte, lui, peut compter sur l'alliance de la Bavière signée le . En septembre, le Bade et le Wurtemberg, dont les États sont déjà traversés par la Grande Armée, entrent également dans l'alliance française.
Campagne d'Allemagne (août - décembre 1805)
Le but de Pitt est d'éloigner la menace que Napoléon fait planer sur l'Angleterre depuis le camp de Boulogne. Il y réussit par le financement de la coalition et prévoit la jonction des troupes autrichiennes et russes en Bavière. Napoléon devance les projets de ses adversaires. Dès le , l'armée des Côtes de l'Océan devenue la Grande Armée, constituée de 183 000 hommes, s'achemine à marche forcée vers le Rhin. Une autre armée de 50 000 hommes sous les ordres de Masséna et d'Eugène de Beauharnais, opère à partir de l'Italie. Deux corps expéditionnaires des coalisés sont acheminés vers le Hanovre avec 40 000 Russes, en attendant des renforts suédois et britanniques, et vers le royaume de Naples avec 30 000 Russes et Britanniques. L'Empire d'Autriche déploie une armée sur le Danube qui, une fois rejointe par des renforts russes, doit atteindre 180 000 hommes, et une autre en Italie du Nord avec 142 000 Autrichiens commandés par l'archiduc Charles d'Autriche. Un autre archiduc, Jean d'Autriche, à la tête de 53 000 hommes, reste à la charnière de l'Empire et de l'Italie.
Napoléon envisageait une attaque au centre du dispositif allié, tandis que Masséna et Gouvion Saint-Cyr devaient contenir les coalisés en Italie. Les Autrichiens décident d'attendre Napoléon en Forêt-Noire, mais ce dernier opère un vaste mouvement tournant de manière à couper les Autrichiens de leurs alliés russes. En septembre, la Grande Armée avait franchi le Rhin, puis le Main. Ney remporte une victoire sur Mack à Elchingen et parvient à l'enfermer dans Ulm. Mack capitule le . C'est une victoire éclatante pour Napoléon mais il lui reste à affronter les Russes de Koutouzov et les armées de réserve autrichiennes.
L'annonce de la défaite de Trafalgar et l'entrée imminente de la Prusse aux côtés des coalisés obligent Napoléon à faire vite pour éliminer définitivement l'Autriche. Le , le royaume de Naples déclare la guerre à la France, ce qui rend la position des troupes françaises en Italie inconfortable, puisque menacée au nord et au sud. À la nouvelle de la défaite d'Ulm, l'archiduc Charles est contraint de se replier sur Vienne mais il est retardé par le harcèlement des troupes de Masséna. Après avoir surpris les ponts de Vienne le , la Grande Armée entre en Moravie mais elle ne peut empêcher la jonction des troupes de Koutouzov avec celles d'Alexandre et de Ferdinand d'Autriche-Este. Le , malgré son infériorité numérique, Napoléon inflige une défaite humiliante aux coalisés à Austerlitz, après un chef-d'œuvre tactique. Les Russes se retirent en Pologne tandis que l'Autriche demande la paix. L'armistice est signé le .
La paix de Presbourg
Le est signé le traité de Schönbrunn entre la France et la Prusse. Cette dernière est représentée par un envoyé quelque peu intimidé. La Prusse se voit autorisée à occuper le royaume de Hanovre mais doit céder Ansbach à la Bavière et la principauté de Neuchâtel à Napoléon, ainsi que le duché de Clèves et la principauté de Bayreuth.
Sans attendre la conclusion de la paix avec l'Autriche, Napoléon récompense ses alliés du sud de l'Empire. La France, l'Italie, Bade, le Wurtemberg et la Bavière concluent une alliance perpétuelle et sans condition. La Bavière cède le duché de Berg à la France et Bade cède la forteresse de Kehl sur la rive droite du Rhin.
Le , l'empereur des Français, bien décidé à affaiblir la monarchie danubienne, qu'il considère avec le Royaume-Uni comme l'ennemi résolu de la France, impose à l'Autriche le traité de Presbourg. Celle-ci abandonne la Vénétie orientale au royaume d'Italie mais le traité stipule que les monarchies française et italienne seraient à jamais séparées. L'Autriche conserve Trieste mais abandonne la Dalmatie et les bouches de Cattaro, remises à la protection du royaume d'Italie. Le margraviat de Bade obtient l'Ortenau et le Brisgau. Le Wurtemberg annexe Constance et les multiples possessions habsbourgeoises en Souabe. La Bavière annexe le Vorarlberg, le Tyrol et le Trentin. L'empereur reconnaît l'entière indépendance de ces trois États du Sud de l'Allemagne et le titre de roi pour Maximilien de Bavière et Frédéric de Wurtemberg et celui de grand-duc pour Charles-Frédéric de Bade. L'Autriche doit payer une indemnité de guerre de 40 millions de livres. En compensation, l'Autriche obtient le duché de Salzbourg pris à Ferdinand, l'ancien grand-duc de Toscane, qui obtient en compensation le grand-duché de Wurtzbourg, cédé par la Bavière.
Le Royaume-Uni et la Russie poursuivent la guerre. Le Royaume-Uni perd son Premier ministre, mort peu après l'annonce de la victoire d'Austerlitz (les Britanniques disent : Austerlitz a tué Pitt).
Notes et références
- Bertrand Blanchard, L'Allemagne de 1789 à 1870, Paris, Éditions Ellipses, coll. « Les Essentiels de Civilisation allemande », , 106 p. (ISBN 2729816429), p. 34.
- Entre autres : en Italie (annexion de la république de Gênes et du duché de Parme) et en Allemagne.
- Voir la lettre à Talleyrand [lire en ligne].
- Jacques Chastenet, Manuel Godoy et l'Espagne de Goya, Hachette, 1961.
Bibliographie
- Louis Madelin, Histoire du Consulat et de l'Empire, réédition Tallandier, Paris, 1974.
- Roger Dufraisse et Michel Kerautret, La France napoléonienne. Aspects extérieurs, 1799-1815, Seuil, Paris, 1999 (ISBN 2020239000).
- Benoît Pellistrandi, Les relations internationales de 1800 à 1871, Armand Colin, Paris, 2000 (ISBN 2200252099).
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