Camps de migrants en région parisienne
Depuis 2015, des milliers d'exilés aux profils très divers (familles ou personnes seules, personnes en transit ou demandeurs d’asile, dont une partie est en droit d'obtenir l'asile en France) forment des camps de migrants à Paris et sa proche banlieue.
Historique
En 2015, avec le démantèlement progressif de la « jungle de Calais », Paris voit naître des campements de migrants dans les rues et les terrains vagues de la capitale, principalement autour de la porte de La Chapelle, de la porte de Saint-Ouen, de la porte d'Aubervilliers et de la gare de Paris-Austerlitz[1]. Provenant notamment du Nigeria, d’Érythrée, d'Irak, d'Afghanistan, de Syrie, d'Égypte et de Somalie, des réfugiés s'installent également sous la partie aérienne de la ligne 2 du métro proche des quartiers de Barbès et de la Goutte-d’Or[2]. Régulièrement, les forces de l'ordre évacuent les migrants — parfois plusieurs milliers — de ces campements installés principalement au nord de la capitale.
Pour gérer la crise migratoire, la Ville de Paris ouvre en novembre 2016 un centre provisoire de premier accueil et d'hébergement dédiés aux hommes seuls et majeurs à la porte de la Chapelle[3],[4], tandis qu'un second, consacré exclusivement aux femmes seules ou avec enfants[5], ouvre ensuite à Ivry-sur-Seine[6]. Malheureusement, avec sa capacité de 400 places, le centre de la Chapelle est vite saturé[7] et les campements sauvages rapidement reconstitués sont régulièrement évacués — souvent avec violence[8],[9],[10] — pour se reformer immédiatement[11].
À partir de 2017 sont également créés des CAES (Centres d’accueil et d’examen des situations pour migrants) dont le but est d’héberger les migrants qui sont à la rue. Ceux-ci, envoyés par des maraudes ou des accueils de jour, voient leur situation administrative étudiée et à l’issue de cet examen, sont réorientés vers des centres pour réfugiés, des centres pour demandeurs d’asile ou des hébergements d’urgence.
Mais le dispositif n’est pas parvenu à résoudre la question des campements de rue parisiens car « [...] les CAES étaient au départ conçus essentiellement pour accueillir des primo-arrivants, enregistrer leur demande d’asile, puis les orienter dans des centres dédiés, mais, de plus en plus, ils reçoivent des gens qu’ils n’arrivent pas à orienter car ils relèvent d’autres profils », affirme Gérard Sadik de la Cimade. « Aujourd’hui, deux tiers des personnes qui passent par les CAES d’Île-de-France font la navette et retournent à la rue » déclare Clothilde Hoppe, à la Fédération des acteurs de la solidarité.
En 2020, l'ouverture d'un sixième CAES a lieu boulevard Ney et porte désormais à 900 places la capacité du dispositif francilien, c'est-à -dire deux fois plus que les 400 places du centre provisoire de premier accueil et d'hébergement créé par Anne Hidalgo en 2016 et fermé en 2018[12]. Cependant, bien que depuis le début de la crise divers centres d'accueil et d'hébergement humanitaires aient été créés, ceux-ci n'ont jamais pu résorber l'afflux de migrants dont le nombre est toujours supérieur aux possibilités de logement ou de relocalisation proposés.
Au gré des expulsions successives, ces campements abritant parfois des milliers de personnes se déplacent et se reforment régulièrement après chaque dispersion[13],[14], mais depuis les premiers jours, face à ce que certains exilés appellent « l'incurie de l'État[15] », des associations d'aide aux migrants tentent de pallier un système qu'ils estiment ne pas fonctionner par des distributions alimentaires, des dons de vêtements, des conseils juridiques, un accompagnement dans les démarches de santé ou encore des hébergements citoyens[16].
« Porosité » avec la colline du crack
Les migrants installés porte de la Chapelle pâtissent également de la proximité avec la colline du crack[17],[18],[19]. Certaines associations humanitaires s'inquiètent de son voisinage et constatent « une porosité » entre les deux publics[20], la situation de grande précarité de certains migrants les exposant à une première prise de stupéfiants— parfois offerte par des trafiquants[21],[22] —, créant une dépendance dès les premières prises[23].
Notes et références
- Pour le préfet d’Ile-de-France, « il n’y a pas de lutte des places entre migrants, SDF et expulsés », Isabelle Rey-Lefebvre, 3 octobre 2015, sur Lemonde.fr.
- Migrants à Paris : la carte des 29 camps démantelés en un an et demi, Francesca Fattori, Maryline Baumard et Sylvie Gittus, 4 novembre 2016 sur Lemonde.fr.
- « Sans le centre pour migrants de La Chapelle, 20 000 personnes de plus auraient été dans la rue », Nathalie Birchem, 10 novembre 2017, sur La-Croix.com.
- Paris: le premier camp de réfugiés va ouvrir fin septembre, annonce Hidalgo, M.L., 31 août 2016, sur Bfmtv.com.
- Le centre pour migrants à Paris sera déployé sur deux sites, 26 juillet 2016, Le Monde avec AFP.
- « A Ivry, un centre pour les femmes et les familles migrantes », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Les camps de migrants à Paris et le centre d'accueil porte de la Chapelle », sur LExpress.fr, (consulté le )
- Migrants à Paris : MSF dénonce «harcèlement» et «violences policières», 8 janvier 2017, Libération avec AFP.
- Le point sur l’évacuation du camp de migrants à Paris : coups de matraque et « chasse à l’homme », indignation politique et enquêtes de l’IGPN, 24 novembre 2020, Le Monde avec AFP.
- Démantèlement de camps de migrants: trois préfets accusés de «complicité de violences volontaires», 7 mai 2021, Le Figaro avec AFP.
- « Migrants : l'apocalypse à Paris, dans le quartier de la Chapelle », sur Marianne, (consulté le )
- Centres pour migrants à Paris : malgré les CAES, les campements sont toujours là, Nathalie Birchem, 10 janvier 2020, sur La-Croix.com.
- ASA PNE, « Chaos humanitaire à la porte de la Chapelle », ASA PNE, (lire en ligne, consulté le ).
- Rémi Brancato, « Deux mois après la dernière évacuation, 2 500 migrants toujours sous des tentes au nord de Paris », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
- «Je suis ici à la mémoire de Karim, mort de l’incurie de l’Etat français», Kim Hullot-Guiot, 11 mars 2018, sur Liberation.fr.
- A Paris, les associations d'aide aux migrants en grève symbolique, Kim Hullot-Guiot, 9 avril 2019, sur Liberation.fr.
- "Ils sont les exclus parmi les exclus" : le crack hante les camps de migrants du nord-est de Paris, sur Francetvinfo.fr
- "Ils ont l’air fou", quand les migrants se disent harcelés par les toxicomanes dans le nord de Paris sur Infomigrants.net.
- La gestion des migrants sur la "colline du crack", sur Francebleu.fr.
- « La "colline du crack" à Paris démantelée d'ici un mois », sur parismatch.com, (consulté le ).
- A Paris, les migrants sont les nouvelles proies des dealers de crack, sur Le Parisien.
- Nord de Paris : des dealers proposent des drogues dures aux migrants,sur France-terre-asile.org.
- Le crack, sur Entraidaddict.fr.
Articles connexes
Bibliographie
- « Le provisoire qui dure. Géographie comparée de deux centres humanitaires parisiens — Géoconfluences », sur geoconfluences.ens-lyon.fr (consulté le )
- Chloé Tisserand, « Soigner, Porte de la Chapelle, les exilés à la rue », Hommes & migrations « Persona grata : Expériences migratoires et territoires », no 1323, (lire en ligne)
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