Canal Saint-Martin

Le canal Saint-Martin est un canal de 4,55 km de long situé essentiellement dans les 10e et 11e arrondissements de Paris. Il relie le bassin de la Villette  et au-delà le canal de l'Ourcq  au port de l'Arsenal (le port de plaisance de Paris) qui communique avec la Seine. C'est un canal de petit gabarit destiné, à l'origine, à l'adduction d'eau potable dans la capitale. Inauguré en 1825, il comporte neuf écluses et deux ponts tournants pour une dénivellation totale de 25 m.

Canal Saint-Martin

Pont tournant de la Grange-aux-Belles.

Plan des canaux de Paris et du Bassin parisien.
Géographie
Coordonnées 48° 50′ 50″ N, 2° 22′ 00″ E
Caractéristiques
Longueur 4,55 km
Infrastructures
Écluses 5
  • écluse de La Villette (no 1 et 2)
  • écluse des Morts (n° 3 et 4)
  • écluse des Récollets (n° 5 et 6)
  • écluse du Temple (n° 7 et 8)
  • écluse de l'Arsenal (n° 9)
Histoire
Année début travaux
Inauguration
Commanditaire Louis XVIII - Ville de Paris
Concepteur Pierre-Simon Girard
Administration
Propriétaire Ville de Paris
Protection monument historique depuis le [1]

Avec le canal de l'Ourcq, le bassin de la Villette et le canal Saint-Denis, il constitue le réseau des canaux parisiens, long de 130 km, qui appartient à la Ville de Paris. Le canal Saint-Martin est inscrit monument historique depuis le [1].

Ce site est desservi par les stations de métro Bastille, Bréguet – Sabin, Richard-Lenoir, Oberkampf, République, Goncourt, Jacques Bonsergent, Gare de l'Est, Château-Landon, Colonel Fabien, Louis Blanc et Jaurès.

Tracé

Description

L'entrée du canal est constituée par la double écluse de la Villette située place de la Bataille-de-Stalingrad, près de la rotonde de la Villette.

Dans sa partie à ciel ouvert, il est bordé par les quais de Valmy et de Jemmapes, au bord duquel se trouve l’hôtel du Nord, rendu célèbre par le roman d'Eugène Dabit et du film du même nom de Marcel Carné (1938). Pourtant, le film a été tourné aux studios de Billancourt où le décor du canal a été reconstitué par Alexandre Trauner.

Le bassin Louis-Blanc est supporté par un lit maçonné qui repose sur des pilotis. Quand on décida d'enterrer le canal, il fallut en abaisser le lit, le sous-sol étant gypseux à cet endroit. Il fallut donc couler des piliers de 16 m de profondeur, tous les 10 m environ. Mais l'eau a progressivement dissous le terrain et le canal repose désormais sur un vide[2].

Le canal Saint-Martin est ensuite couvert sur 1 800 m[3],[4] à partir du boulevard Jules-Ferry (voûte du Temple[5] réalisée en 1907). Il passe ensuite sous le boulevard Richard-Lenoir (voûte Richard Lenoir[5] construite entre 1860 et 1862), et enfin sous la place de la Bastille (voûte de la Bastille[5] réalisée en 1862) pour s'ouvrir sur le port de l'Arsenal.

Les voûtes Richard Lenoir et du Temple sont percées d'oculi de ventilation[5]. Ils permettent également l'éclairage naturel du tunnel.

Bassins

Le canal comporte plusieurs bassins :

  • bassin des Morts ;
  • bassin du Combat ;
  • bassin Louis-Blanc ;
  • bassins des Récollets ;
  • bassin des Marais.

Ils sont séparés par cinq écluses dont quatre sont doubles :

  • écluse de La Villette (no 1 et 2) ;
  • écluse des Morts (no 3 et 4) ;
  • écluse des Récollets (no 5 et 6) ;
  • écluse du Temple (no 7 et 8) ;
  • écluse de l'Arsenal (no 9).

Ponts et passerelles

La traversée du canal s'effectue par deux ponts tournants, deux ponts fixes pour les voitures et par des passerelles piétonnes :

Historique

Sous l'Ancien Régime, les Parisiens ne bénéficient que d'un faible approvisionnement en eau potable et souvent de mauvaise qualité (pollution de la Bièvre, de la Seine), malgré l'existence d'aqueducs et de puits.

Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, décide, en 1802, de remédier à cette situation afin d'éviter de nouvelles épidémies dues aux mauvaises conditions d'hygiène (dysenterie, choléra). Gaspard de Chabrol, le préfet de la ville de Paris, propose alors que l'on reprenne un projet de canalisation de l'Ourcq (prenant sa source à une centaine de kilomètres au nord-est de Paris) datant déjà du XVIe siècle.

La création du canal Saint-Martin est décidée par la loi du 29 floréal an X, avec celle des canaux Saint-Denis et de l'Ourcq. Leur construction est retardée par la situation de la France entre 1809 et 1815. Puis Louis XVIII relance le projet en y confirmant l'ingénieur Pierre-Simon Girard. Il faut trouver des financements : le préfet Chabrol propose de recourir à des capitaux privés. En 1818, la Compagnie des Canaux de Paris se crée[6]. Elle remporte l'adjudication ouverte par la Ville de Paris en novembre 1821 pour la construction du canal Saint-Martin en concession privée, pour un montant de 5,4 millions de francs de l'époque. Aussitôt, une nouvelle compagnie, la Compagnie du canal Saint-Martin, est créée pour mener à bien le chantier. Le préfet de la Seine pose la première pierre le . Le nouveau canal est inauguré par Charles X le [7].

Le Canal Saint-Martin
Stanislas Lépine (1835-1892)
Musée André-Malraux, Le Havre.

En 1860, Georges Eugène Haussmann, préfet de la Seine, inclut le canal Saint-Martin à ses projets de modernisation et d’extension de la ville. Le canal à l’air libre étant une coupure qui gêne la circulation terrestre entre le centre de Paris et les nouveaux arrondissements du nord-est. Le canal est alors recouvert en partie par des voûtes notamment boulevard Richard-Lenoir. La couverture permet de faciliter le déplacement des troupes et les charges de cavalerie dans ces quartiers populaires dont le pouvoir se méfiait. Afin de permettre la poursuite de la navigation sous les voûtes, le niveau du canal est abaissé de 5,5 m. Dès 1862, des remorqueurs à vapeur tirent les premières péniches passant sous ces voûtes[8]. En 1908, le recouvrement est prolongé pour créer l'actuel boulevard Jules-Ferry[2].

Entre 1858 et 1865, une forte sécheresse manque de paralyser la navigation sur les canaux. Le décret impérial du autorise la Ville de Paris à puiser dans la Marne le volume d’eau nécessaire pour maintenir le débit du canal de l'Ourcq, qui alimente le canal Saint-Martin. Les usines élévatoires de Villers-lès-Rigault et de Trilbardou sont construites à cet effet. Cette dernière permet de relever l’eau de 12 m pour combler la différence de niveau entre la Marne et le canal[8].

En 1882, le bassin de la Villette était le 4e port français après Marseille, Le Havre et Bordeaux[9].

Le quai de Jemmapes vers 1905-1906, par Eugène Atget : un port actif.

Le canal connaît son âge d'or du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, et la circulation y est intense : le canal Saint-Martin apporte non seulement de l'eau potable à la ville, mais aussi des marchandises, de l'approvisionnement (céréales) et des matériaux de construction jusque dans le cœur de Paris. Les deux principaux ports disponibles sur le tracé du canal intra-muros sont le port de l'Arsenal et le bassin de la Villette.

Jusque dans les années 1920, le halage se fait par traction humaine (plus économique que la traction animale) avant de décliner lors de l'apparition des péniches de grand gabarit[8].

La concurrence des autres modes de transport, routier et ferroviaire, met à mal le transport fluvial dès les années 1960, causant une chute du trafic sur les canaux parisiens et, par conséquent, une disparition des usines, entrepôts et ateliers, ainsi que de la population ouvrière longeant le canal[9].

Dans les années 1960, le canal faillit disparaître lorsque le Conseil de Paris voulut adopter un projet d'autoroute urbaine à quatre voies qui devait emprunter son tracé, dans le cadre du plan autoroutier pour Paris. Il en est d'ailleurs fait mention dans le film L'An 01. Ce projet fut abandonné en 1971 par le Conseil de Paris[4].

En , une étude sur le canal et ses abords est confié à l'atelier parisien d'urbanisme[4]. Il en résulte le , le classement du canal et de son site par le secrétaire d'État à la Culture, Michel Guy[4]. Dans les années 1970, un plan d'urbanisation est mis en place pour rétablir les quais[4].

Au tournant des années 2000, les quartiers situés au sud-ouest du canal, à proximité de la place de la République connaissent un processus de gentrification accéléré. Entre 1998 et 2012, le prix des loyers y a augmenté plus fortement que dans les arrondissements de l'Ouest parisien. La rue de Marseille voit s'installer des boutiques de luxe prestigieuses. Le processus s'est étendu à l'est du canal dans les années 2010 mais elles ont rapidement transformé leurs boutiques en version « stock », ou fermé.

Loisirs

Bateau promenade sur le canal Saint-Martin.

Le canal Saint-Martin sert essentiellement au transport de passagers pour des croisières touristiques et peu pour le transport de marchandises. Il est ouvert 363 jours par an. Ses berges sont également très prisées des Parisiens pour se promener et même pique-niquer[10]. Dans le cadre de l'opération « Paris respire » organisée par la Mairie de Paris, les berges sont d'ailleurs fermées à la circulation tous les dimanches et jours fériés de 10 h à 20 h du premier dimanche du mois d'avril au dernier dimanche du mois de septembre (heure d'été) et de 10 h à 18 h du premier dimanche du mois d'octobre au dernier dimanche du mois de mars (heure d'hiver)[11], ce qui favorise largement leur réappropriation par les piétons comme par les cyclistes.

Faune et flore des canaux parisiens

On recense 303 espèces végétales sur l’ensemble du territoire des canaux parisiens, soit une diversité assez faible vu l’étendue de ce territoire, dont une douzaine d'espèces rares : le brome faux-seigle, l’épinard sauvage, la chondrille à tige de jonc, la porcelle glabre, la menthe pouliot, la montie des fontaines, l’herbe-aux-chats, le pavot argémone, l’hydrocharis morène, le laiteron des marais, le rubanier émergé, ou encore le potamot noueux[12].

On y observe 90 espèces d’oiseaux en période de nidification, dont le héron cendré. L'espèce la plus répandue est le canard colvert[12].

Parmi les espèces protégées, on trouve des reptiles comme le lézard des murailles ou la couleuvre à collier et des amphibiens, tels que la grenouille verte et la grenouille rousse[12].

Asile et sans abris

Le canal est depuis 2006 le lieu d'installation de nombreux réfugiés arrivés en France depuis l'Afghanistan et d'autres pays d'Asie centrale[13]. Ils seraient environ 200 à y dormir, sous des tentes ou à la belle étoile dans l'attente du traitement de leur demande d'asile. Certains d'entre eux tombent sous le coup du règlement Dublin II, ce qui les empêche de déposer immédiatement une demande d'asile en France. Cette situation a été dénoncée par de nombreuses associations dont le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti)[14] et le « Collectif des exilés du Xe », l'État ayant l'obligation légale de loger les demandeurs d'asile qui n'ont pas le droit de travailler. Une partie des réfugiés étant mineurs, des associations d'aide à l'enfance se sont aussi saisies du problème, qui persiste cependant.

Le au petit matin, les CRS, la mairie de Paris et l'association France terre d'asile[15] mènent une opération conjointe pour détruire les camps situés le long du canal.

À la suite de la crise migratoire en Europe, le quai de Jemmapes continue d'accueillir un nombre important de migrants venus d'Asie centrale et du Moyen-Orient[16],[17].

Entretien et maintenance

Le canal Saint-Martin nécessite périodiquement de lourdes opérations d’entretien, concernant notamment ses écluses. Ces ouvrages comportent en effet des pièces mécaniques, hydrauliques et de vantellerie sollicitées à chaque passage de bateau.

Des périodes de chômage sont organisées régulièrement comme en 1876[18], en 1929[19], en 1977[20], à l'automne 1993 ou durant l'hiver 2001-2002[21]. En 2001-2002, les travaux ont permis de collecter et traiter 40 tonnes de déchets[22].

Chantier 2016

Chômage du canal Saint-Martin le 6 janvier 2016.

Entre le et le début du mois d', des travaux d'entretien et d'amélioration du canal et de ses écluses se sont déroulés en plusieurs étapes comprenant[23] :

  • la mise en place d’un barrage étanche en amont (côté bassin de la Villette) et en aval (côté voûte du Temple) ;
  • la vidange partielle du canal ;
  • une pêche de sauvegarde des poissons qui sont relâchés en amont ou en aval ;
  • la vidange totale du canal ;
  • l'évacuation des déchets récupérés au fond du lit de l'ouvrage ;
  • la réparation des parties abîmées et le nettoyage du canal et des écluses ;
  • enfin, la remise en eau.

Le canal Saint-Martin dans la culture

Dans la peinture

  • Le canal a inspiré Alfred Sisley dans une série de quatre toiles comprenant Le Canal Saint-Martin[24].
  • Le canal figure fréquemment dans l’œuvre d'Alfred Courmes et notamment dans ses tableaux Saint-Sébastien à l'écluse Saint-Martin (1974) et La tentation de Saint-Antoine (1980).

Dans la musique

Au cinéma / à la télévision

Notes et références

  1. Notice no PA00125440, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. Maurice Barrois, La Paris sous Paris, Hachette, 1964, p. 82.
  3. Quelques ouvertures sont pratiquées dans la voûte pour laisser filtrer un peu de lumière.
  4. [vidéo] Ina Paris Vintage, L'histoire du Canal Saint-Martin sur YouTube, (consulté le )
  5. Voûtes du canal Saint-Martin
  6. Béatrice Andia, « Le fil de l'eau au fil des ans », in Les canaux de Paris, textes réunis par Béatrice de Andia et Simon Texier, Collection Paris et son patrimoine, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, 1994, p. 16.
  7. Yves Lefesne et Jean-Pierre Dubreuil, « Création des canaux Saint-Denis et Saint-Martin », in Les canaux de Paris, op. cit., p. 105-107.
  8. « Patrimoine et métiers », paris.fr (consulté le )
  9. « Les usages au fil des canaux », paris.fr (consulté le )
  10. Voir Michèle Jolé, "Le destin festif du Canal Saint-Martin", Pouvoirs, 2006/1 (no 116)
  11. « Canal Saint-Martin - Extension horaire du canal piéton », sur mairie10.paris.fr, consulté le 10 décembre 2011.
  12. « La flore et la faune », paris.fr (consulté le )
  13. « Les exilés s'installent au bord du canal Saint Martin », article du 13 juin 2006, sur exiles10.org, consulté le 10 décembre 2011.
  14. Les exilés du 10e arrondissement de Paris et leurs soutiens, article du 28-10-2003 sur le site du Gisti. Consulté le 4 avril 2011
  15. « Évacuation des berges du canal Saint-Martin », article du 20 juillet 2010, sur france-terre-asile.org, consulté le 10 décembre 2011.
  16. Adrien Pécout, « Dans le nord de Paris, de plus en plus de tentes de fortune abritent des migrants », sur Le Monde, (consulté le ).
  17. « Paris : mais pourquoi les migrants reviennent-ils toujours s'installer à Stalingrad (et pas dans le 16e) ? », sur LCI, (consulté le ).
  18. « Article dans La Presse », sur Gallica, (consulté le ), p. 5e colonne.
  19. « Nettoyage du Canal en 1929 », tousles10e.com, (consulté le )
  20. [PDF] « Le grand nettoyage », sur paris.fr, (consulté le ).
  21. « Le grand nettoyage », paris.fr (consulté le )
  22. « Le canal Saint-Martin refait son lit », paris.fr, (consulté le )
  23. [PDF] « Canal Info – Lettre d'information chantier », sur mairie10.paris.fr, (consulté le ).
  24. 1870, Paris - Musée d'Orsay
  25. « L'Ibis Rouge : fiche du film », sur jpierre-mocky.fr (consulté le ) : « Dernier rôle de Michel Simon. […] (le) film fut tourné à l'endroit exact où Jean Vigo avait filmé, quelque quarante années auparavant, les extérieurs de L'ATALANTE, sur les berges du canal Saint-Martin. », cf. le paragraphe « Autour du film ».
  26. Fiche sur le film Canal, sur le blog parislignes, consulté le 11 novembre 2011.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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