Château de Fontenay (Saint-Marcouf)
Le château de Fontenay est une ancienne demeure, construite au XVIIIe siècle, sur les plans de l'architecte Robert de Cotte[1], et détruite lors de la Seconde Guerre mondiale, dont les vestiges se dressent sur la commune française de Saint-Marcouf dans le département de la Manche, en région Normandie.
Type | |
---|---|
Fondation |
XVIIIe siècle |
Architecte |
Robert de Cotte |
Démolition | |
État de conservation |
Adresse |
---|
Coordonnées |
49° 28′ 38″ N, 1° 19′ 11″ O |
---|
Localisation
Les ruines du château de Fontenay sont situées à 2,1 kilomètres à l'ouest-nord-ouest de l'église Saint-Marcouf de Saint-Marcouf, dans le département français de la Manche.
Historique
Au décès de Richard Le Berceur, survenu le , son fils aîné, Hervé II Le Berceur (1641-1696)[2], hérite des terres de Fontenay, le cadet, Guillaume Le Berceur, héritant du château de Courcy[3]. Il reçut de Louis XIV des lettres patentes érigeant la terre et seigneurie de Fontenay en marquisat[2].
C'est Henry Le Berseur (1677-1762), fils Hervé II, marquis de Fontenay, capitaine général de la capitainerie de la côte, qui sera grand-bailli d'épée du Cotentin de 1726 à 1753[4], qui à partir de 1711, fait poser la première pierre du château[5]. En 1762, à sa mort, le château est achevé. Ses parterres, ses pièces d'eau, sa riche cour d'honneur, en font le « Versailles du Cotentin ».
Sans descendance, c'est sa nièce, Marie Anne Le Berseur, qui porte le domaine dans la famille de Blangy, à la suite de son mariage, en 1752, avec Pierre Marie Maximilien Le Vicomte, marquis de Blangy (1718-1789}, dernier grand-bailli d'épée du Cotentin. Leur fils, Pierre Henri Marie Le Vicomte de Blangy (1756-1823), reprendra la succession de son père et reconstituera le patrimoine familial[6], dont les descendants continueront les embellissements[7]. Il sera l'un des rares châteaux à être épargnés pendant la Révolution ; cependant, la Seconde Guerre mondiale lui sera fatale.
Seconde Guerre mondiale
Considéré comme le plus beau château du Cotentin, son destin allait basculer avec le débarquement du .
Le château qui se trouve à-proximité immédiate des batteries de Crisbecq et d’Azeville accueille des officiers allemands, et le domaine en abrite une batterie de 4 canons de 105.
Initialement pourtant, en à l'inverse de nombreuses demeures aristocratiques du même type dans la région, le château en lui-même a la chance de n'être pas réquisitionné par l'armée allemande, ses propriétaires étant présents sur place pour y passer l'été au moment de l'invasion.
La situation change du tout au tout au printemps 1941, à la suite d'une attaque en piqué d'un avion sur le château qui blesse un des enfants des propriétaires. Apeurés, ceux-ci prennent la fuite le jour même pour Paris, laissant précipitamment tout sur place.
Le château abandonné de ses habitants est alors investi par des officiers allemands, et voit alors certains de ses riches ornements intérieurs, meubles, tableaux, tapisseries, être pillés par une formation d'artillerie allemande en . Les combats de signent la fin du château ; il est transformé en point d’appui, pris et repris, avant d'être incendié par les troupes américaines qui ne laissent que quelques minutes au gardien de la propriété pour évacuer certains des trésors du château encore en place qui ne seront sauvés que d'extrême justesse comme le bureau de Colbert ou la robe de présentation à la cour de la marquise de Blangy (actuellement au musée Galliera). L'incendie volontaire entraîne la destruction complète de tous les décors de boiserie et de stucs, à l'exception de ceux de la chapelle, les matières inflammables utilisées mettant les murs à nu comme en témoignent les photos prises au lendemain de la guerre par l'Abbé Lelégard.
Ce n’est qu’en six jours d’intenses combats, du au que les GI’s du 22nd Regiment de la 4th Infantry Division venue d’Utah Beach parviennent à enlever la place au terme de plusieurs attaques pour en déloger les soldats allemands des caves.
Les Américains, installent ensuite un aérodrome dans le parc au nord du château, coupant une des allées du parc, l’A-7 Airfield destiné à la 9th USSAF. Si à la fin des combats, le château est entièrement incendié et quelques murs touchés, le génie américain détruira méthodiquement au bulldozer la moitié occidentale du château, et l'aile des cuisines et des écuries afin de récupérer les pierres pour consolider la piste d'atterrissage. Celle-ci s'étend sur 1 100 mètres d'est en ouest pour accueillir des chasseurs, mais ne pourra pas être étendue à 1 500 mètres pour accueillir des bombardiers. Bien que situé sur la commune de Saint-Marcouf, l'aérodrome prend le nom d'A-7 Azeville. L’aérodrome est opérationnel dès le , et achevé le , et est utilisé jusqu’au . Le front se déplaçant vers l’Est l’aérodrome ne sert plus que de piste de secours jusqu’à la fin de la guerre.
Après-guerre
Laissé en ruines depuis cette époque, l’historien d’art André Rostand, conseiller général de la Manche, déplora « l'un des plus lamentables spectacles qui se puisse concevoir » face à la façade nord privée de toitures, « un pan de la façade méridionale encore debout et la galerie qui dessert la chapelle. L'édifice religieux, quasi intact, conserve sa grande verrière et son statuaire, mais a perdu son toit. Cuisines, écuries et deuxième galerie n'existent plus ».
Le soutien des monuments historiques permit après guerre de conserver une partie du patrimoine historique. Le système français de protection des monuments impliquait la participation du propriétaire. Or du point de vue financier, leurs possibilités étaient souvent très limitées tandis que du point de vue des mentalités, la culture aristocratique des châtelains tendait à rejoindre le modèle commun. Dans bien des cas, leur motivation fut donc insuffisante pour s’engager dans l’aventure de la reconstruction patrimoniale.
Pour Fontenay, des solutions avaient pourtant été étudiées : l’ampleur de la destruction était relative dans la décision de reconstruire. Pour la plupart des architectes en chef, il n’existait aucune limite à la reconstitution des parties détruites et la question de l’authenticité archéologique ne se posait pas. Donnant son avis sur le château de Fontenay, Henri Jullien reconnaissait que « la moitié de la construction est à peu près détruite », toutefois « étant donné la rigoureuse symétrie de l’édifice, la restitution des parties disparues sera facile [et il existe de] nombreux documents de l’état ancien », de plus, « malgré les destructions, cet ensemble de bâtiments, situé dans un cadre admirable, a encore fort grande allure ».
L’administration était réticente devant ce type de reconstitution mais ne savait pas toujours les empêcher. À Fontenay, où le propriétaire voulait une recomposition intérieure : « la demeure des grands baillis offrait un corps trop vaste pour l’hiver, avec bien des parties inutilisables » expliquait-il en 1945 - rien de tout cela ne se produisit.
Redevenue simple terre agricole, le domaine n’avait plus d’autres utilités que foncières. Les ronces et la végétation folle ont depuis longtemps déjà repris leur place.
Description
Originellement, il se composait deux façades à l'architecture distincte. La façade au nord sur la cour était composée d'un corps de bâtiment principal d'un étage, au toit élevé. Au centre, un avant-corps réduit comportait une porte-fenêtre à arc surbaissé surmonté d'un macaron à tête d'animal, ouvrant sur un large balcon meublé d’un garde fou en fer forgé de style Louis XV, encadré par des colonnes carrées à tailloirs également carrés, soutenu par quatre colonnes ioniques non engagées disposées deux à deux et surmonté par un fronton triangulaire aux arrêtes très fines mais sans décorations intérieures. La façade était percée de huit fenêtres par niveau, à arc surbaissés ornées de macarons à tête de femme au rez-de-chaussée, rectangulaires à l'unique étage, et ne comportant qu’une pierre sans sculpture en forme de clef de voûte au milieu de leur sommet. De chaque côté, des pilastres en pierres taillées marquent les refends et montent jusqu’au pied des toitures. Un premier bandeau de chaînage horizontal apparent ceint la façade entre le rez-de-chaussée et le premier étage, et un second juste en dessous de ce que fut la toiture. A ce bâtiment, s'ajoutent deux pavillons plus bas, réservés l’un aux cuisines à l’ouest, et l'autre la chapelle à l’est, achevée en 1739.
Au sud, la façade sur jardin était constituée d'un corps central lui-même composé d'un avant corps à refends large de trois travées orné de deux bustes et de trois travées de part et d'autres de celui-ci. Venaient ensuite s'ajouter de part et d'autre des ailes elle-même prolongées par deux petits pavillons.
Souhaitant un château digne de sa fonction de grand bailli du Cotentin qu'il acquiert en 1726 (et jusqu'en 1753), Henry Le Berseur fait relier à partir de 1731, les deux pavillons par deux galeries plus basses surmontées de balustrades et de balustres au-dessus des ouvertures, servant à la circulation entre ces pavillons et le corps de logis. Les écuries sont logées dans une grande aile occidentale, tandis qu’un petit pavillon complète la symétrie de l’autre côté de la cour.
L'intérieur reprend l'ameublement du bureau de Colbert, alors que la galerie de la chapelle copie la galerie d'Ulysse conçue à Fontainebleau entre 1540 et 1570 et détruite en 1738, avec quatre grandes panneaux dues à l'école du Primatice : Ulysse chez Circée, Ulysse et les Sirènes, Ulysse éveillé par Minerve et Ulysse bandant l'arc en présence des prétendants. Les salons sont ornés de boiseries aux trumeaux peints, des vitrines présentent l'argenterie. Les murs du bâtiment principal portent des tableaux de maîtres du XVIIe et du XVIIIe siècle dont Van des Meulen, Mignard, Rigaud, Desportes et Boucher, ceux de la chapelle des toiles peintes par l'atelier de Claude Vignon, et ceux de la galerie qui les relie un Festin de Balthazar d'un peintre hollandais avec influence vénitienne, et L'Entrée de Henri II à Venise d'Andrea Vicentino selon Pompeo Molmenti, tableau « rapporté » d'un évêché de Bohême lors des guerres napoléoniennes.
Le Grand Bailli du Cotentin acheva la construction de son « œuvre » en 1732 par l’aménagement du parc ; le château est entouré de douves en eaux sur ses parties sud, est et nord. La cour était desservie par un pont dormant fermé par une grille. Elle s'ouvrait sur de grandes avenues arborées et sur un parc dessiné par Le Nôtre[8] irrigué par les douves en eaux et deux canaux dans le même axe, de 130 et 210 mètres de long. Une cascade de plans d'eau ouvrait une perspective de près d’un kilomètre jusqu'au marais. À l’entrée ouest, une pyramide du XIXe siècle intriguait le promeneur par son inscription : « Cette admirable pyramide, parfaite aux yeux des connaisseurs, est ici pour servir de guide à ceux qui cherchent la douceur ». Le domaine de Fontenay, avec château, parcs et jardins, s'étend sur 268 hectares.
Il ne subsiste du château de Fontenay que la porte du logis[9].
Marquisat de Fontenay
Il comprenait les paroisses de Fontenay, Saint-Marcouf, Émondeville, Azeville ainsi que le fief de Courcy[2].
Voir aussi
Articles connexes
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Saint-Marcouf (Manche) » (voir la liste des auteurs).
- François Fossier, « Les dessins du fonds Robert de Cotte de la Bibliothèque nationale de France. Architecture et décor. Bibliothèque des écoles françaises d'Athènes et de Rome. p 442. ».
- René Gautier et al. (préf. Jean-François Le Grand, postface Danièle Polvé-Montmasson), 601 communes et lieux de vie de la Manche : Le dictionnaire incontournable de notre patrimoine, Bayeux, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits & Introuvables », , 704 p. (ISBN 978-2-35458-036-0), p. 208.
- Michel Hébert et André Gervaise, Châteaux et manoirs de la Manche, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 176 p. (ISBN 978-2-84706-143-7), p. 161.
- Gilles Désiré dit Gosset, « Châteaux et fortifications du Cotentin », dans Congrès archéologique de France. 178e session. Manche. 2019 - Société française d'archéologie, Condé-en-Normandie, Éditions Picard, (ISBN 978-2-9018-3793-0), p. 27.
- Norbert Girard et Maurice Lecœur, Trésors du Cotentin : Architecture civile & art religieux, Mayenne, Éditions Isoète, , 296 p. (ISBN 978-2-913920-38-5), p. 21.
- Girard et Lecœur 2005, p. 29.
- Girard et Lecœur 2005, p. 25.
- Michel Hébert et André Gervaise, Châteaux et manoirs de la Manche, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 176 p. (ISBN 978-2-84706-143-7), p. 95.
- Jean Barbaroux, Châteaux de la Manche, t. II, Région nord, Paris, Nouvelles Éditions Latines, , 30 p., p. 11.
- Portail des châteaux de France
- Portail de la Manche