Château de l'Île

Le château de l'Île à Genève (Munitio/Castellum de insula[Note 1]), est un château en grande partie disparu, qui fut en possession des évêques de Genève. L'édifice, élevé vers 1215-1219, a été entièrement reconstruit entre 1288 et 1319 par le comte Amédée V de Savoie. Il en subsiste la grande tour et il ne faut pas le confondre avec le château de Genève, dit aussi du Bourg de Four.

Ne pas confondre avec le Palais de l'île (Annecy).

Château de l'Île
(disparu)

Tour de l'Île
Période ou style Médiéval
Type Château fort
Début construction Vers 1215-1219
Propriétaire initial évêques de Genève
Destination actuelle Forteresse
Coordonnées 46° 12′ 18″ nord, 6° 08′ 35″ est
Pays Suisse
Comté Comté de Genève
Canton Genève
Commune Genève
Géolocalisation sur la carte : Suisse
Géolocalisation sur la carte : Genève

Géographie

Le château de l'Île est un ancien château situé sur l'îlot situé en amont au pont établi sur le Rhône, appelée « grande île »[ReG 2],[2]. Il est l'un des deux îlots qui formeront par la suite l'Île[ReG 2].

Louis Blondel considère l'édifice comme la « clef de Genève »[2].

Histoire

L'évêque Aymon de Grandson dans sa lutte contre l'expansionnisme des Savoie en terre genevoise, fait édifier ou reconstruire plusieurs châteaux[3]. Le château de l'Île est édifié à cette occasion[4], vers 1215-1219[5]. Il est ainsi mentionné dans la décision de Desingy du , opposant Aymon, évêque de Genève, et le noble (nobilis vir) Guillaume de Genève, futur comte[ReG 1]. Dans cet acte, il est désigné sous le nom Munitio (munitionem)[ReG 1]. Le futur comte reconnaît prendre l'édifice militaire sous sa protection[ReG 1].

Le château est commandé par un châtelain épiscopal, que l'on retrouve notamment lors du traité de paix entre l'évêque et le comte de Savoie en 1285[ReG 3].

Un document de 1258 mentionne un portier de l'isle (portarii insule gebennensis)[ReG 4].

En 1285, dans une enquête sur l'évêché, il est indiqué que l'évêque reçoit une somme des bonifications qu'il investit dans la « construction du château de l'Ile depuis ses fondations »[ReG 5].

En 1287, le comte Amédée V de Savoie, profitant de la vacance du siège épiscopal, s'empare de la place, ainsi que des droits sur la ville[6],[7]. Le siège aurait duré « au moins quatorze semaines » jusqu'à la retraite du chanoine qui en avait la garde[ReG 6]. La reddition s'effectue aux environs du [ReG 6]. Le comte profite de cette situation de faiblesse de l'évêque pour se qualifier l'année suivante de vidomne de l'évêque et nomme Girard de Compey[6],[8]. Le comte Amédée s'y installe d'ailleurs et y établit sa Cour[ReG 7].

Dans une lettre du , l'évêque Guillaume de Conflans demande au comte de Savoie le retour du château à l'Église[ReG 8]. Cette demande faite à de nombreuses occasions, est réitérée à l'occasion de monitions (avertissement juridique de la part de l'ordinaire) en date du [ReG 9]. Le comte a un mois pour obtempérer[ReG 9]. Le comte est excommunié le [ReG 10]. La discussion entre les deux princes se poursuit.

Le , à l'occasion du traité signé à Asti, le château de l'Île est restitué à l'évêque, Guillaume de Conflans, contre une somme de 40 000 marcs d'argent[9],[10],[ReG 11]. L'année suivante, l'évêque en appelle à Rome pour la restitution du château et du vidomnat, ainsi que du péage et de la pêche sur le Rhône[10].

En 1311, le comte de Savoie, Amédée V, accorde à l'évêque de Genève, Aymon IV, le château et le vidomnat de Genève[10].

"Le château a subi plusieurs incendie et en 1677, il fut démoli, ne restant que cette tour. Surélevée et restaurée en 1897, elle est devenue l'un des monuments clés du patrimoine de la ville. Sa grande horloge qui donne son caractère à l'édifice est installée depuis le XVIe siècle."[11]

Description

Anciennement, l'ouvrage comprenait une grande enceinte pentagonale commandée par deux tours quadrangulaires encadrant la grande porte placée face au pont du Rhône. La forteresse disposait, vraisemblablement contre son front occidental, face au lac, d'un « plain-château » (basse-cour servant à la défense avancée d'un château et pouvant servir de refuge à la population). L'ouvrage a été rénové et transformé à maintes reprises, dès 1343 et jusqu'en 1844. L'enceinte et la petite tour ont été détruites entre 1530 à 1540[5].

L'édifice a servi de siège et de prisons des vidomnes épiscopaux de Genève de 1293 à 1528. La grande tour est aménagée en beffroi urbain en 1538. Atelier de fabrication de poudre à canon de 1544 à 1548, puis teinturerie, magasin à poudre, grenier aux blés et encore logement de l'horloger de la tour en 1683[5].

Le principal élément actuellement conservé est la grande tour, profondément remaniée en 1898 et classée monument historique en 1921[5].


Siège administratif

Vidomnat de Genève

Le château est le siège de justice du vidomnat de Genève[12]. Le vidomne (vice dominus) était un officier de l'évêque ayant le pouvoir de justice[12].

La première mention de l'office remonte à l'an 1155[12]. Les premiers vidomnes sont très probablement les comtes de Genève[12]. L'office passe entre les mains des comtes de Savoie avec leur main mise sur la cité[12]. L'évêque leur cède, sous réserve d'hommage, le vidomnat par un acte du [10],[12]. Les comtes le gardent jusqu'en 1528[12]. En 1529, les syndics de Genève maintiennent la fonction mais modifie le nom en lieutenant de justice[12].

Châtellenie de Genève

Le château de l'Île est le siège d'une châtellenie, dit aussi mandement (mandamentum), à partir de 1287. Dans le comté de Genève[13], puis le comté de Savoie à partir de 1401, le châtelain est un « [officier], nommé pour une durée définie, révocable et amovible »[14],[15]. Il est chargé de la gestion de la châtellenie ou mandement, il perçoit les revenus fiscaux du domaine, et il s'occupe de l'entretien du château[16].

Durant l'administration savoyarde, le château est le siège de la châtellenie, qui est intégrée au bailliage du Chablais[17].

Liste des vidomnes et châtelains

Notes et références

Notes

  1. Le château est mentionné dans différents document sous la forme Munitio (munitionem)[ReG 1], Munitio de insula prope Gebennas, en 1219, ainsi que Castellum de insula Gebennense, dans un document de 1289[1].

Régeste genevois (1866)

  1. Décision arbitrale, soit traité de Desingy, du (REG 0/0/1/574).
  2. Table alphabétique général, « ILE (château de l') », p. 498 (présentation en ligne).
  3. Enquête entre octobre et décembre 1227 (REG 0/0/1/634).
  4. Vente de mars 1258 (REG 0/0/1/898).
  5. Traité de paix du (REG 0/0/1/1225).
  6. Compte de Guillaume de Septême, châtelain de Chillon et bailli en Chablais et en Genevois, établis entre mai 1287 et mai 1288 (REG 0/0/1/1249).
  7. Acte du (REG 0/0/1/1283).
  8. Lettre du (REG 0/0/1/1255).
  9. Monitions ou sommations du (REG 0/0/1/1302).
  10. Sentence d'excommunication du (REG 0/0/1/1305).
  11. Traité fait à Asti du (REG 0/0/1/1321), et plus spécifiquement le compromis (REG 0/0/1/1322).
  12. Table des Vidomnes de Genève, p. 538-539 (lire en ligne).
  13. Acte no 344, , pp. 95-96 (lire en ligne).
  14. Actes numéros REG 0/0/1/1268, REG 0/0/1/1276, REG 0/0/1/1277, REG 0/0/1/1278,REG 0/0/1/1361.

Références

  1. Francis De Crue de Stoutz, La guerre féodale de Genève et l'establissement de la commune (1285-1320), Kündig, 1907, 89 pages, p.27.
  2. Louis Blondel, Châteaux de l'ancien diocèse de Genève, vol. 7, Société d'histoire et d'archéologie de Genève (réimpr. 1978) (1re éd. 1956), 486 p., p. 29.
  3. Henri Baud (sous la dir.), Le diocèse de Genève-Annecy, t. 1, Éditions Beauchesne, coll. « Histoire des diocèses de France », , 331 p. (ISBN 978-2-7010-1112-7, lire en ligne), p. 45.
  4. La rédaction, « Genève » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du ..
  5. Matthieu de la Corbière (dir.), Isabelle Brunier, Bénédict Frommel, David Ripoll, Nicolas Schätti et Anastazja Winiger-Labuda, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Genève : Genève, ville forte, t. 3, Berne, Société d’histoire de l’art en Suisse, coll. « Les monuments d’art et d’histoire de la Suisse », , 448 p. (ISBN 978-3-906131-92-4), p. 154-155.
  6. Henri Baud (sous la dir.), Le diocèse de Genève-Annecy, t. 1, Éditions Beauchesne, coll. « Histoire des diocèses de France », , 331 p. (ISBN 978-2-7010-1112-7, lire en ligne), p. 50.
  7. Louis Boisset, Un concile provincial au treizième siècle : Vienne 1289 : église locale et société, vol. 21 de Théologie historique, Éditions Beauchesne, , 359 p. (ISBN 978-2-7010-0055-8, lire en ligne), p. 122.
  8. François Bonivard, Chroniques de Genève (1505-1526), t. 1 - Seconde partie, Genève, D. Dunant, , 548 p., p. 51.
  9. François Bonivard, Chroniques de Genève (1505-1526), t. 1 - Seconde partie, Genève, D. Dunant, , 548 p., p. 109.
  10. François Mugnier, « Répertoire des titres et documents divers relatifs à l'ancien comté de Genève et au Genevois », Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, no t. XXX, , p. 1-60 (lire en ligne).
  11. Albin Salamin, « Genève, la Tour-de-l'Ile », sur notrehistoire.ch, (consulté le )
  12. Henry Deonna, « Les armes du vidomnat genevois », Archives héraldiques suisses, no 55, , p. 51-52 (lire en ligne).
  13. Pierre Duparc, Le comté de Genève, IXe-XVe siècle, t. XXXIX, Genève, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, coll. « Mémoires et Documents » (réimpr. 1978) (1re éd. 1955), 616 p. (lire en ligne), p. 413 et suivantes.
  14. Christian Sorrel, Histoire de la Savoie : images, récits, La Fontaine de Siloé, , 461 p. (ISBN 978-2-84206-347-4, lire en ligne), p. 146-147.
  15. Nicolas Carrier, « Une justice pour rétablir la « concorde » : la justice de composition dans la Savoie de la fin du Moyen Âge (fin XIIIe -début XVIe siècle) », dans Dominique Barthélemy, Nicolas Offenstadt, Le règlement des conflits au Moyen Âge. Actes du XXXIe Congrès de la SHMESP (Angers, 2000), Paris, Publications de la Sorbonne, , 391 p. (ISBN 978-2-85944-438-9), p. 237-257.
  16. Alessandro Barbero, « Les châtelains des comtes, puis ducs de Savoie en vallée d'Aoste (XIIIe-XVIe siècle) », dans Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni, « De part et d'autre des Alpes » : les châtelains des princes à la fin du moyen âge : actes de la table ronde de Chambéry, 11 et 12 octobre 2001, , 266 p. (lire en ligne).
  17. (en) Eugene L. Cox, The Green Count of Savoy : Amedeus VI and Transalpine Savoy in the Fourteenth-Century, Princeton University Press, (réimpr. 2015) (1re éd. 1967), 422 p. (ISBN 978-1-4008-7499-6, lire en ligne), p. 354.
  18. Jacques Augustin Galiffe, Notices généalogiques sur les familles genevoises : depuis les premiers temps, jusqu'à nos jours (part. 1), J. Barbezat, (lire en ligne [PDF]), p. 9-21.
  19. [PDF] Albert de Montet, Dictionnaire biographique des Genevois et des Vaudois : qui se sont distingués dans leur pays ou à l'étranger par leurs talents, leurs actions, leurs œuvres littéraires ou artistiques, etc., vol. 1, Lausanne, Georges Bridel, 1877-1878, 220 p. (lire en ligne), p. 185
  20. Amédée de Foras, Armorial et nobiliaire de l'ancien duché de Savoie, vol. 1, Grenoble, Allier Frères, 1863-1966 (lire en ligne), p. 301.

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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