Chèque en blanc

L'expression Chèque en blanc désigne le soutien total donné par le Reich[alpha 1] à la double monarchie après l'assassinat par un activiste serbe du Kronprinz impérial et royal austro-hongrois, François-Ferdinand.

Contexte

Situation des puissances centrales en 1914

Le Reich ne dispose plus des moyens de maintenir dans son alliance les petits États balkaniques, la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce. Les guerres balkaniques ont épuisé leurs finances, obligeant leur gouvernement à rechercher des financements destinés à intégrer les territoires qu'ils ont annexés. Or, ni l'Empire allemand ni la double monarchie ne disposent des capacités financières pour satisfaire ces demandes : en effet, le roi de Grèce Constantin reçoit de Berlin le bâton de maréchal, et de Londres et de Paris les financements dont son royaume a besoin pour le développement économique du royaume[1].

Les positions allemandes dans l'Empire ottoman sont également menacées. Durant l'automne 1913, le gouvernement ottoman, pourtant favorable au Reich, doit s'adresser aux marchés de Londres et Paris[2]. Le , Karl Helfferich, l'un des représentants de la Deutsche Bank, alerte le chancelier du Reich, Theobald von Bethmann Hollweg, sur la faiblesse financière du Reich, pouvant remettre en cause l'influence allemande dans l'Empire ottoman, les banques allemandes ne pouvant plus satisfaire les demandes de financement ottomanes[3].

La double monarchie reste, au printemps 1914, le seul allié sûr de l'Allemagne. Leopold Berchtold, ministre austro-hongrois des Affaires étrangères, confie alors à un de ses proches collaborateurs, Franz Matscheko, la mission de rédiger un mémoire sur les évolutions de la situation dans les Balkans depuis le déclenchement des guerres balkaniques[4]. Le rapport préliminaire, remis au ministre le , dresse un tableau pessimiste de la situation de la double monarchie ; pour redresser cette situation qui apparaît dégradée, Franz Matscheko suggère de réorienter la politique austro-hongroise contre le royaume de Serbie, en organisant une ligue balkanique avec la Bulgarie et de l'Empire ottoman[5].

L'attentat de Sarajevo

Supplément illustré du Petit Journal du  : l'assassinat de l'archiduc héritier, François-Ferdinand, et de son épouse.

Le , le Kronprinz austro-hongrois, François-Ferdinand d'Autriche est assassiné avec son épouse, Sophie Chotek, par un jeune activiste serbe, Gavrilo Princip ; cet événement survient alors que l'archiduc visite, en compagnie de son épouse, la ville de Sarajevo, chef-lieu des provinces annexées de Bosnie et d'Herzégovine. Fomenté par des Serbes de Bosnie-Herzégovine, sujets austro-hongrois depuis 1909, cet assassinat clôt une décennie d'attentats perpétrés contre les principaux responsables austro-hongrois dans les territoires slaves du sud de la double monarchie[6],[7].

Cet acte entraîne, par-delà le choc moral en Europe, le déclenchement d'une enquête, menée avec zèle, par la police austro-hongroise. Les premières investigations démontrent rapidement l'implication de Serbes ressortissants du royaume de Serbie[8]. Les responsables politiques de la double monarchie se montrent alors tous partisans d'une action rapide contre la Serbie, mais divisés sur les modalités du conflit qu'ils planifient avec leur voisin méridional[9]. Ainsi, dès les premiers jours de juillet, Istvan Tisza affirme à la fois son opposition à toute action militaire rapide contre Belgrade et la nécessité d'obtenir le soutien allemand lors de la réplique austro-hongroise à l'attentat[9].

Un geste politique allemand en plusieurs temps

Un soutien d'abord informel

Dans un premier temps, les hommes d'État allemands multiplient les manifestations informelles de soutien à leur allié. ce soutien se manifeste par des rencontres entre diplomates ou publicistes allemands proches de l'Auswärtiges Amt, d'une part, et ministres austro-hongrois, d'autre part[10].

Les Allemands, en procédant ainsi, poursuivent un double but, à la fois tempérer l'ardeur austro-hongroise et leur assurer un certain soutien[11]. Cependant, cette méthode laisse le gouvernement austro-hongrois dans l'incertitude de l'ampleur du soutien allemand à la réponse austro-hongroise[11].

Un soutien sans faille

Dès le , L'empereur allemand a affirmé soutenir la double monarchie si elle menait une action vigoureuse contre la Serbie. Ce soutien est confirmé le au plénipotentiaire austro-hongrois, Alexander Hoyos, mandaté par Vienne pour s'assurer de la solidité du soutien allemand[12],[13],[14],[15],[16],[17].

En effet, le , le comte Alexander Hoyos, porteur d'un mémorandum très hostile à la Serbie et d'une lettre manuscrite de François-Joseph à Guillaume II, se rend officiellement à Berlin pour obtenir le soutien du Reich pour les mesures que compte prendre la double monarchie face à la Serbie. Les diplomates viennois avaient été informés la veille de façon informelle de sa position de principe : le , lors du déjeuner avec le diplomate austro-hongrois, l'empereur Gulliaume II l'informe du soutien du Reich dans la crise en cours[12].

Laisser la libre initiative à Vienne

Dès le , Guillaume II se montre partisan de laisser aux responsables austro-hongrois les modalités de la riposte en direction de Belgrade, tout en les assurant de leur soutien[18].

Envoyé à Berlin pour s'assurer du soutien allemand, Alexander Hoyos définit avec Arthur Zimmermann les modalités du soutien allemand à la réplique austro-hongroise[19].

Une fois le principe du soutien sans faille à la réponse austro-hongroise à l'attentat contre l'héritier austro-hongrois, les responsables allemands défendent l'idée d'une déclaration de guerre rapide à la Serbie[18].

Une décision prise dans un cadre informel

La volonté allemande de soutenir son allié austro-hongrois n'est pas actée conformément à la constitution allemande ; en effet, après avoir pris connaissance des pièces et documents qu'a apportés Hoyos, Guillaume II se rapproche de ses principaux conseillers.

Le souverain ne convoque cependant pas de conseil de la couronne, mais convie les militaires et les civils à s'exprimer sur la crise austro-serbe lors de deux rencontres, la première réunissant les militaires, le chef du cabinet militaire de l'empereur, Moritz von Lyncker et Hans Georg von Plessen, proche conseiller de Guillaume II pour les affaires militaires, la seconde des membres du gouvernement civil, le chancelier impérial Theobald von Bethmann Hollweg le sous-secrétaire d'État, Arthur Zimmermann (les autres responsables civils et militaires sont alors en congé)[20].

Conséquences

Notes et références

Notes

  1. Entre la proclamation de l'Empire allemand, en 1871, et, sa dissolution, en 1945, le nom officiel de l'État allemand est Deutsches Reich, désigné par la suite par le terme légal de Reich.

Références

  1. Fischer 1970, p. 59.
  2. Fischer 1970, p. 60.
  3. Fischer 1970, p. 61.
  4. Seiti 2015, p. 13.
  5. Bled 2014, p. 72.
  6. Renouvin 1934, p. 198.
  7. Krumeich 2014, p. 69.
  8. Clark 2013, p. 382.
  9. Clark 2013, p. 392.
  10. Clark 2013, p. 398.
  11. Clark 2013, p. 399.
  12. Renouvin 1934, p. 203.
  13. Krumeich 2014, p. 75.
  14. Krumeich 2014, p. 59.
  15. Fischer 1970, p. 66.
  16. Fischer 1970, p. 67.
  17. Fischer 1970, p. 69.
  18. Clark 2013, p. 411.
  19. Clark 2013, p. 412.
  20. Krumeich 2014, p. 80.

Annexes

Bibliographie

  • Jean-Paul Bled, L'agonie d'une monarchie : Autriche-Hongrie 1914-1920, Paris, Tallandier, , 464 p. (ISBN 979-10-210-0440-5). 
  • Henry Bogdan, Le Kaiser Guillaume II : Dernier empereur d'Allemagne, Paris, Tallandier, , 304 p. (ISBN 979-1-021-00517-4). 
  • Christopher Clark, Les somnambules : Été 1914 : comment l'Europe a marché vers la guerre, Paris, Flammarion, , 668 p. (ISBN 978-2-0812-1648-8)
  • Fritz Fischer (trad. Geneviève Migeon et Henri Thiès), Les Buts de guerre de l’Allemagne impériale (1914-1918) Griff nach der Weltmacht »], Paris, Éditions de Trévise, , 654 p. (BNF 35255571)
  • Gerd Krumeich, Le feu aux poudres : Qui a déclenché la guerre en 1914, Paris, Belin, coll. « Histoire », , 301 p. (ISBN 978-2-7011-9090-7). 
  • Pierre Renouvin, La Crise européenne et la Première Guerre mondiale, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Peuples et civilisations » (no 19), , 779 p. (BNF 33152114). 
  • François Roth, Six mois qui incendièrent le monde : Juillet-décembre 1914, , 560 p. (ISBN 979-1-0210-0378-1). 
  • Arta Seiti, Des guerres balkaniques à la Grande Guerre : un regard stratégique, Paris, Les Cahiers de la Revue Défense Nationale, (ISSN 2105-7508). 

Articles connexes

Liens externes

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