Chamanisme en Sibérie
Le chamanisme en Sibérie a fait l'objet d'observations et d'écrits de la part de nombreux ethnologues. Une forte minorité de personnes du Nord de l'Asie, en particulier en Sibérie, suivent la religion et les pratiques culturelles du chamanisme. Certains chercheurs considèrent la Sibérie comme étant le cœur du chamanisme[1]. Les peuples de Sibérie comprennent une grande variété de groupes ethniques, dont beaucoup continuent à observer des pratiques chamaniques à l'époque moderne. De nombreux ethnographes ont noté les sources de l'idée de chamanisme parmi ces peuples de Sibérie. La région comprend une large variété de cultures, de pratiques et de croyances qui relèvent d'une classification du chamanisme[2].
Vocabulaire lié au chamanisme dans les langues sibériennes
- shaman' : saman (Nedigal, Nanay, Ulcha, Orok), sama (Mandchous). La variante /šaman/ (c'est-à-dire, prononcé "chaman") est Evenk (d'où elle a été empruntée en russe).
- 'shaman' : alman, olman, wolmen[3] (Yukagir)
- 'shaman': [qam] (Tatar, Shor, Oyrat), [xam] (Touva, Tofalar)
- Le mot Bouriate pour chaman est бөө (böö) [bøː], à partir du vieux mongol böge[4]
- 'shamaness': [iduɣan] (Mongol), [udaɣan] (Yakoutsk), udagan (Bouriatie), udugan (Evenki, Lamut), odogan (Nedigal). Les formes trouvées dans diverses langues sibériennes incluent utagan, ubakan, utygan, utügun, iduan, ou duana. Tous ces éléments sont liés au nom mongol de Etügen, dans le foyer de la déesse, et à Etügen Eke, « Mère la Terre ». Maria Czaplicka souligne que les langues sibériennes utilisent des mots issus de diverses origines pour les hommes chamans, mais que les mots pour la chamane féminine sont presque tous issus de la même racine. Elle en tire l'hypothèse que les femmes ont pratiqué le chamanisme plus tôt que les hommes, et que les chamanes étaient à l'origine des femmes[5]. L'écrivain Colin Thubron note que le chaman était souvent un homosexuel « mais que les tabous conventionnels ne s'appliquaient pas à lui »[6].
Voyage spirituel
Les chamans de Sibérie pratiquent le voyage spirituel[7].
Musique et chansons
Dans certaines cultures, la musique ou la chanson liée à la pratique chamanique peut imiter des sons naturels, parfois avec des onomatopées[8]. Les Noaidi font partie des Samis. Bien que les Samis vivent à l'extérieur de la Sibérie, leurs croyances chamanistes et leurs pratiques partagent des caractéristiques importantes avec celles de certaines cultures sibériennes[9]. Les joiks des Samis sont chantés sur des rituels chamaniques[10]. Ces joiks sont chantés dans deux styles différents : l'un l'est uniquement par les jeunes ; l'autre est plus traditionnel, dans un style murmuré, rappelant la magie des sorts[11]. Plusieurs caractéristiques des joiks s'expliquent par la comparaison des idéaux de la musique. Certains joiks tentent d'imiter les sons naturels. Ceci peut être comparé à un bel canto, dont le principe est d'exploiter les organes humains de la parole au plus haut niveau[12].
L'intention d'imiter les sons naturels, par exemple par le chant diphonique, est présente dans certaines cultures sibériennes. Les chansons chamaniques des Soïotes imitent des sons d'oiseaux et de loups pour représenter les esprits qui aident le chaman[13]. Les séances des chamanes Nganassanes sont accompagnées par des chants féminins imitant des sons de jeunes rennes, réputés assurer la fertilité des femmes[14]. En 1931, A. Popov a observé le chaman Nganasane Dyukhade Kosterkin imitant le son d'un ours polaire. Il était censé s'être transformé lui-même en ours polaire[15]. Ce mimétisme sonore n'est pas limité à la culture sibérienne et n'est pas nécessairement lié à des croyances chamaniques, comme le note Jean-Jacques Nattiez[16].
Annexes
Notes et références
- Hoppál 2005, p. 13.
- Hoppál 2005, p. 15.
- http://listserv.linguistlist.org/cgi-bin/wa?
- (en) Ferdinand D Lessing, Mongolian-English Dictionary, Berkeley, University of California Press, , p. 123.
- (en) Maria Czaplicka, « XII. Shamanism and Sex », dans Shamanism in Siberia, Oxford, (lire en ligne).
- Colin Thubron (trad. de l'anglais par K. Holmes), En Sibérie, Paris, Gallimard, , 471 p. (ISBN 978-2-07-044616-2), p. 175
« [...] et l'aspect asexué de la forme et des ornements du costume faisait écho à sa propre ambivalence : le chaman était souvent un homosexuel, mais les tabous conventionnels ne s'appliquaient pas à lui. »
- (en) « Siberian Shamanism ».
- Hoppál 2006, p. 143.
- Voigt 1966, p. 296.
- Szomjas-Schiffert 1996, p. 56 ; 76.
- Szomjas-Schiffert 1996, p. 64.
- Szomjas-Schiffert 1996, p. 74.
- Diószegi 1960, p. 203.
- Hoppál 2005, p. 92.
- (en) Aarno Lintrop, « The Clean Tent Rite », Studies in Siberian shamanism and religions of the Uralic peoples.
- Jean Jacques Nattiez, « Inuit throat-games and siberian throat singing : a comparative, historical and semiological approach » [« Jeux de gorge inuit et chants de gorge sibériens : une approche comparative, historique et sémiologique »], Ethnomusicology, vol. XLIII, no 3, , p. 399-418 (lire en ligne).
Bibliographie
- [Diószegi 1960] (hu) Vilmos Diószegi, Sámánok nyomában Szibéria földjén. Egy néprajzi kutatóút története [« Sur les traces des chamans en Sibérie. L'histoire d'une expédition de recherche ethnographique »], Budapest, Magvető Könyvkiadó, (lire en ligne)
- [Hoppál 2005] (hu) Mihály Hoppál, Sámánok Eurázsiában [« Chamanes en Eurasie »], Budapest, Akadémiai Kiadó, (ISBN 963-05-8295-3, présentation en ligne)
- [Hoppál 2006] (en) Mihály Hoppál, « Music of Shamanic Healing », dans Macht Musik. Musik als Glück und Nutzen für das Leben, Köln, Wienand Verlag, (ISBN 3-87909-865-4, lire en ligne)
- [Hamayon 2016] Roberte Hamayon, La chasse à l'âme, esquisse d'une théorie du chamanisme sibérien, Besançon, éditions La Völva, , 912 p. (ISBN 979-10-95451-14-3)directeur à l'Ecole pratique des hautes études, section sciences religieuses
- [Szomjas-Schiffert 1996] (hu + en) György Szomjas-Schiffert, Lapp sámánok énekes hagyománya • Singing tradition of Lapp shamans, Budapest, Akadémiai Kiadó, , 286 p. (ISBN 963-05-6940-X)
- [Voigt 1966] (hu) Vilmos Voigt, A varázsdob és a látó asszonyok. Lapp népmesék [« Le tambour magique et la femme clairvoyante. Traditions populaires Sami »], Budapest, Európa Könyvkiadó, coll. « Népek meséi »,
Articles connexes
- Chamanisme mongol
- Mythologie mongole
- Chamanisme coréen
- Les Chamans de Sibérie et leur tradition orale
- Conte de la chamane Nisan
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