Chambre introuvable

La « Chambre introuvable »[2],[3],[4] est le surnom donné à la première législature de la Chambre des députés des départements, assemblée législative de la Seconde Restauration. Elle est issue des élections législatives de 1815, les et , et comportait une majorité de députés royalistes, dits « ultras ».

« Ire législature de la Seconde Restauration » redirige ici. Pour les autres significations, voir Liste des législatures françaises.

Seconde Restauration
Ire législature
dite Chambre introuvable
11 mois et 29 jours
Informations générales
Type
Lieu
Régime politique
Règne
Le roi Louis XVIII (1815–1824)
Élections (détail)
Cause
Abdication de Napoléon Ier
Mode d'élection
Suffrage censitaire selon la Charte
Date des élections
du au (durée : 8 jours)
Composition de la Chambre
Présidents de l'Assemblée
Membres
402 députés (puis 395 après novembre 1815)[1]
Groupes politiques
Gouvernement
Histoire et événements
Abdication de Napoléon Ier (1815)
Retour de Louis XVIII
-
Début du ministère Armand du Plessis de Richelieu (1), un ancien émigré d'esprit modéré
Début de la Ire législature, dominée par les ultra-royalistes
Loi d'amnistie pour les bonapartistes et d'exil contre les régicides
Le roi dissout la chambre
Élection d'une IIe législature, victoire des conservateurs (modérés)
Liste des législatures françaises
IIe législature (1816–1823)

L'expression « chambre introuvable » est attribuée à Louis XVIII, pour exprimer l'idée qu’il n’aurait pu en rêver une aussi favorable à son trône. En fait, le régime va très vite être confronté à cette chambre « plus royaliste que le roi », qui tente d'imposer une orientation contre-révolutionnaire, dont Louis XVIII (qui vient de nommer ministre le régicide Fouché) sait qu'elle est vouée à l'échec.

La chambre introuvable siège à partir du  ; elle est suspendue en et dissoute le , permettant l'établissement d'une assemblée plus libérale.

Historique

Le déroulement du vote

Les élections ont lieu après Waterloo et la chute de Napoléon, durant l’été 1815 où une Terreur blanche se déchaîne contre les bonapartistes et les anciens révolutionnaires dans l’Ouest et encore plus le Midi de la France. La passion religieuse s’ajoute à la passion politique, dressant les catholiques contre les protestants qui avaient trahi le roi en se montrant en grande majorité favorables à la Révolution et à l’Empire. Des bandes royalistes, appelées « verdets » en raison de la cocarde verte que portent leurs membres (le vert est la couleur du comte d’Artois, chef des ultras), s’arment et terrorisent le pays où ils rencontrent de nombreuses sympathies : à Marseille, à la nouvelle de Waterloo, le peuple se soulève et massacre des bonapartistes et d’anciens mamelouks de la garde impériale (25 juin) ; à Toulouse, le général Ramel, qui avait tenté de désarmer les verdets, est assassiné (15 août) ; le maréchal Brune, passant à Avignon, est tué et son cadavre jeté dans le Rhône.

Une chambre dominée par une noblesse jeune

Les députés de la Chambre introuvable.

La chambre n’est pas constituée de vieux émigrés désireux de revenir à l’Ancien Régime. Sur les 381[Information douteuse] députés qui composent la chambre au début de l’été 1816, on trouve 197 bourgeois d’origine et 8 anoblis de l’Empire, contre seulement 176 nobles de l’Ancien Régime ; il y a 90 anciens émigrés[5]. La plupart d’entre eux avaient accepté des fonctions militaires ou civiles sous l’Empire. Parmi les bourgeois, on compte 91 hommes de loi, magistrats et avocats et 25 négociants ou industriels. De plus, les députés sont relativement jeunes par rapport aux autres assemblées. En effet, elle ne compte que 45 sexagénaires, et 130 députés ont moins de 45 ans, ce qui signifie qu’ils avaient moins de 20 ans au déclenchement de la Révolution et ont mal connu les privilèges de la noblesse antérieurs à cette époque. Chose remarquable également, il n’y a pas d'ecclésiastique dans cette chambre si soucieuse des intérêts catholiques. Enfin, ce sont, en grande majorité, des hommes nouveaux dans la politique : seuls 61 ont siégé dans de précédentes assemblées. Ce sont autant de caractéristiques qui expliquent l’impulsivité et la maladresse de cette chambre.

Le changement de gouvernement

En septembre 1815, Louis XVIII renvoie du ministère Talleyrand et Fouché et nomme le duc de Richelieu, ancien émigré qui a refusé d'entrer dans le ministère précédent, avec pour ministre de la Police Élie Decazes, préfet de police depuis juillet 1815, élu de la Seine-Inférieure en août : tous deux sont des royalistes modérés.

Les convictions contre-révolutionnaires de la chambre

La majorité ultra de la chambre est l’expression plus ou moins affirmée d’une certaine nostalgie de l’Ancien Régime : une société hiérarchisée fondée sur la religion catholique et la séparation en ordres. Pour réussir la contre-révolution, les ultras veulent effacer l’héritage révolutionnaire, la Charte du 4 juin 1814 évoquant à ce titre les événements de la Révolution par de « funestes écarts » ayant « interrompu la chaîne du temps ». La chambre multiplie alors les actes de rupture symbolique avec le passé révolutionnaire : le divorce est remis en cause, le régicide est interdit, un long calendrier de cérémonies funèbres pour célébrer les malheurs de l’Ancien Régime invite les Français à l’expiation des crimes révolutionnaires, à commencer par la mort de Louis XVI le .

Les premières lois : l’armature légale de la Terreur blanche

La première Restauration avait laissé les structures administratives et militaires de l’Empire, ce qui explique la facilité avec laquelle Napoléon avait pu s’emparer à nouveau du pouvoir. Dès lors, il apparaît primordial pour la chambre de punir les coupables qui s'étaient démasqués lors des Cent-Jours, et d’éliminer impitoyablement les fonctionnaires peu sûrs. Decazes, ancien conseiller de la famille Bonaparte et proclamé royaliste, va prendre une grande part à la préparation comme à l’application de mesures de représailles. Dans cet élan d’épuration furent votées coup sur coup quatre lois qui sont l’expression de la Terreur blanche légale : la loi de sûreté générale (29 octobre 1815), la loi sur les discours et les écrits séditieux (9 novembre 1815), le rétablissement des cours prévôtales (27 décembre 1815), et la loi d’amnistie (12 janvier 1816).

La première, présentée par Decazes, permettait d’emprisonner sans jugement tout individu suspecté de comploter contre la famille royale ou contre la sûreté de l’État. Elle était la transcription contemporaine des lettres de cachet.

La loi du distinguait deux types de délits :

  • d’une part les paroles ou les actions tendant au renversement du gouvernement ou constituant une menace contre la vie du roi ou de la famille royale : ces actes conduiraient leurs auteurs en cours d’assises en attendant la mise en place des cours prévôtales ; ils seraient passibles de déportation ;
  • d’autre part : les actes ou les manifestations séditieuses qui étaient de nature à affaiblir le respect dû à l’autorité royale comme les chansons, les cris de « vive l’empereur » ou encore l’exhibition des insignes tricolores, etc. Tous ces délits relèveraient des tribunaux correctionnels et pourraient être punis d’un emprisonnement d’un mois à 5 ans et d’une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 francs.

Les cours prévôtales, rétablies par la loi du 27 décembre, n’étaient pas une nouveauté. L’Ancien Régime avait eu ses juridictions prévôtales et Napoléon les avait utilisées pour mettre fin à la Chouannerie. Installées dans chaque département, elles étaient constituées de quatre magistrats civils, mais le rôle de juge d’instruction et de procureur était confié à des prévôts militaires. Leurs sentences s’appliquaient aux crimes politiques qui avaient un caractère de violence publique et de flagrant délit, comme les réunions séditieuses ou les rébellions à mains armées. Elles devaient juger sans assistance de jury, sans appel possible et leurs sentences étaient exécutoires dans les vingt-quatre heures.

La discussion de la loi d’amnistie devait donner lieu à la première divergence entre la majorité de la chambre et le gouvernement. Cette majorité pensait que l’ordonnance du 24 juillet n’annulait pas la compétence de la chambre en ce qui concernait la recherche et la punition des coupables des Cent-jours. Par son droit d’initiative indirecte, celle-ci examina en comité secret plusieurs propositions à soumettre au roi. Le bruit de ces discussions répandu dans le public, provoqua une grande crainte d’abord par leur aspect secret, et ensuite à propos des catégories touchées par cette loi. Finalement, le gouvernement réussit à faire repousser les exceptions à l’amnistie demandées par la commission de la chambre, mais il dut accepter l’exil des régicides. Avec cette loi se trouvait complété l’arsenal des répressions.

La fin de la Chambre introuvable en 1816

La Terreur blanche légale fut mise en place par la chambre et ses lois répressives échappèrent à l’influence du roi et du gouvernement. La chambre était devenue « plus royaliste que le roi ». Au-delà de la soif d’ordre, il n’existait pas de projet politique cohérent, et les ultras ne parvinrent pas à reconquérir l’opinion. Leur hargne et leur esprit de vengeance attisaient la haine et la colère, dans les départements désireux d’un retour au calme[non neutre]. L’application des lois répressives, dépendant pour grande part des autorités locales, présenta des variations considérables d’un département à l’autre. Néanmoins une enquête récente portant sur 70 % des tribunaux ordinaires, enregistre 3 746 condamnations politiques pour la période de juillet 1815 à juin 1816 ; le total pourrait donc se situer autour de 5 000 [réf. nécessaire]. En décembre 1816 on dénombre 3 382 arrestations. Cette épuration légale aboutit à l’arrestation de plusieurs généraux de l’Empire : La Bédoyère, les frères Faucher, Mouton-Duvernet ou encore Ney, et au bannissement des anciens conventionnels ayant voté la mort de Louis XVI, dont Joseph Fouché, pourtant ministre au début de la législature.

Deux votes, en 1816, s’accompagnent de tumultueux débats. Le vote du budget, le 7 avril, pose le problème de dettes héritées de l’Empire, aggravées par les coûts de l’occupation étrangère. Le ministre des Finances propose de les résorber par des obligations gagées sur la vente de quatre cent mille hectares de forêts ayant appartenu jadis à l’Église. C’est une idée doublement scandaleuse pour les ultras, puisqu’elle veut faire payer au roi légitime les guerres de celui qu’ils appellent l’usurpateur, et cela avec des biens volés lors de la Révolution au clergé. Le gouvernement doit donc renoncer à la vente des forêts. La loi électorale sur les modalités de renouvellement de la chambre et sur le seuil fiscal qui définit l’électeur est l'autre affrontement vif de la période. La majorité, attachée à l’abaissement de ce seuil, voulait contrebalancer l’influence de la riche bourgeoisie en courtisant des votes populaires.

Le gouvernement du duc de Richelieu se hâta de se débarrasser de cette chambre, devenue ingouvernable, en faisant clore la session le 29 avril. La décision de renvoyer la chambre fut prise au milieu du mois d’août, et l’ordonnance signée le 5 septembre. Cette dernière fit avorter en France l’établissement d’un régime parlementaire : la majorité royaliste se disposait à fonder un régime où la volonté du Parlement s’imposait au ministère et au roi lui-même[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. « Ordonnance du Roi, portant dissolution de la Chambre des députés, convocation des collèges électoraux, et règlement provisoire pour les élections (13 juillet 1815) », dans Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens, avis du Conseil-d'Etat, vol. 20, (lire en ligne), p. 4-6
  2. « Introuvable », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [sens Hist.) [consulté le ].
  3. Définitions lexicographiques et étymologiques de « introuvable » (sens B, Hist.) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le ].
  4. Entrée « Chambre introuvable », expression, dans le Dictionnaire de français, en ligne sur le site des éditions Larousse [consulté le ].
  5. Isabelle Backouche, La Monarchie parlementaire 1815-1848, Pygmalion 2000, p. 31

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean Garrigues, Philippe Lacombrade, La France au XIXe siècle. 1814-1914, Paris, Armand Colin, coll. « U », 2011.
  • Francis Demier, La France du XIXe siècle,1814-1914, Paris, Seuil, coll. « Points-Histoire », 2000, 602 p.
  • François Furet, La Révolution 1770-1880, Histoire de la France, Hachette
  • Guillaume Bertier de Sauvigny, La Restauration, 3e édition, Flammarion, coll. « Histoire », 1974, 506 p
  • Emmanuel de Waresquiel, Benoît Yvert, Histoire de la Restauration 1814-1830, Naissance de la France moderne, Perrin, coll. « Tempus », 2002, 499 p.

Lien interne

Source

  • Cet article comprend des extraits du Dictionnaire Bouillet. Il est possible de supprimer cette indication, si le texte reflète le savoir actuel sur ce thème, si les sources sont citées, s'il satisfait aux exigences linguistiques actuelles et s'il ne contient pas de propos qui vont à l'encontre des règles de neutralité de Wikipédia.
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