Charles Anderson Dana
Charles Anderson Dana (né le dans le New Hampshire - mort le à Long Island) est avant la guerre de Sécession un journaliste favorable à l'abolitionnisme et à la guerre contre les états esclavagistes - pendant la guerre un inspecteur envoyé par Abraham Lincoln sur les théâtres des opérations (en particulier dans l'Ouest, où il rencontre Ulysses S. Grant) - et après la guerre à nouveau un journaliste, observateur attentif des dirigeants politiques, et un imprécateur contre leur corruption .
Pour les articles homonymes, voir Charles Anderson, Anderson et Dana.
Naissance | |
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Décès |
(à 78 ans) New York |
Sépulture |
Saint Pauls Episcopal Church Cemetery (d) |
Nationalité | |
Formation | |
Activités |
Lexicographe, éditeur, journaliste, linguiste, écrivain |
Enfants |
Parti politique |
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Jeunesse
Descendant de Richard Dana (immigré en 1640 et fondateur d'une grande famille américaine), il entre à Harvard en 1839, mais doit abandonner la faculté à la suite d'une baisse importante de son acuité visuelle[1].
Il continue seul ses études, cependant, et deviendra bachelor puis master [2].
Dana travaille pendant 6 ans dans le phalanstère fouriériste de Brook Farm (Massachusetts) et y occupe une situation pré-éminente jusqu'à la destruction de la ferme par un incendie. Il s'occupe en particulier de la rédaction du journal The Harbinger ("Le Héraut") , voix du mouvement du Transcendantalisme (États-Unis)).
Journalisme
Il s'oriente ensuite vers le journalisme, et entre au New York Tribune, journal progressiste et abolitionniste fondé par Horace Greeley en 1841.
Dana voyage en Europe pendant 2 ans, « couvre » le printemps des peuples de 1848 et rend visite à Ferdinand Freiligrath et à Karl Marx[3].
De retour en Amérique du Nord en 1849, Dana assure par ses articles le succès du New York Tribune, qui augmente grâce à lui son tirage, devient un des journaux les plus lus du Nord[4] et s'oriente vers les tendances progressistes et anti-esclavagistes radicales. Il soutient activement la campagne présidentielle d'Abraham Lincoln.
En 1861, C. A. Dana, partisan de la guerre sans merci contre les États esclavagistes (le N.Y.T. a pour slogan « On to Richmond ! », « Sus à Richmond ! »), s'unit à d'autres hommes de lettres (l'indécis Horace Greeley et les poètes élégiaques Nathaniel Parker Willis et William Cullen Bryant) pour demander solennellement au politicien Edward Everett de lancer un appel afin que les forces du Nord s'unissent[5].
Puis C. A. Dana essaie de pousser Horace Greeley (le fondateur du New York Tribune) vers une prise de position nette et une carrière politique engagée. Mais Greeley échoue à entrer au Sénat des États-Unis, et Dana quitte le New York Tribune.
Pendant la guerre de Sécession
Lincoln, qui recherche « des hommes qui veulent se battre » (il est particulièrement déçu par le manque de combativité du général en chef George B. McClellan) et qui veut aussi lutter contre les profiteurs de guerre, propose à Dana de devenir « les yeux et les oreilles » de son administration. Nommé assistant du Secretary of War (Ministre de la Guerre) Edwin M. Stanton, Dana (que sa mauvaise vue a écarté de l'armée, mais qui est athlétique et excellent cavalier) parcourt les théâtres de la guerre et rapporte à Lincoln et Stanton les anomalies qu'il constate : escroqueries sur les fournitures de guerre, prévarications des quartermasters (officiers fourriers), erreurs ou fautes des généraux [6].
En particulier, Lincoln, alarmé par les rumeurs qui courent sur l'alcoolisme de Ulysses S. Grant [7], envoie Dana sur le moyen-Mississippi inspecter l'armée du Tennessee (Union) : Grant est chargé de la campagne de Vicksburg, dont la réussite est essentielle pour le Nord qui veut encercler et étouffer le Sud selon le plan Anaconda.
Dana rencontre Grant, apprend à le connaître, se lie d'amitié avec lui, et rassure Lincoln et Stanton : Grant n'est pas alcoolique, il est « modeste, honnête, raisonnable... pas un homme original ou brillant, mais sincère, réfléchi, profond, et doté d'un courage à toute épreuve.... calme et difficile à connaître, cependant il aime une histoire amusante et la compagnie de ses amis » [8].
Dana suit la campagne de Vicksburg. En particulier, après la bataille de Milliken's Bend il annonce à Lincoln que les nouvelles recrues Afro-américaines ont très courageusement combattu, et qu'elles constituent sans aucun doute une force à ne pas négliger à l'avenir[9]. Il assiste aussi à la bataille de Chickamauga, et à la 3° bataille de Chattanooga.
Selon l’Appleton's American Cyclopedia of Biography :
- « Ses fonctions de représentant des autorités civiles sur les théâtres d'opérations lui fournirent l'occasion de fréquenter assidûment M. Stanton et M. Lincoln, qui s'habituèrent à se reposer sur sa perception exacte des hommes et des circonstances pour arriver à la connaissance des événements se déroulant sur le front. À l'époque où la fermeté de Grant et son utilité future n'étaient pas encore des notions évidentes, la confiance qu'eut M. Dana dans les capacités militaires de Grant contribuèrent grandement à annuler les puissants efforts qu'on déployait par ailleurs pour briser l'ascension du général en chef[10]. »
Persuadé que Grant est celui qui saura vaincre le Sud, Dana recommande à Lincoln et à Edwin Stanton de nommer Grant commandant en chef des armées de l'Union, ce qui s'accomplit en mars 1864.
Dana est aussi envoyé par Lincoln en Virginie en 1864 pendant l'Overland Campaign[11].
Après la chute de Richmond (4 avril 1865), Lincoln confie à Dana la mission de réunir les archives sudistes (ou ce qu'il en reste) dans les ruines et les cendres de la capitale du Sud.
En somme, Dana, un des « hommes du président », a été « en selle au front la plupart du temps pendant les campagnes du nord-Mississippi et de Vicksburg, le sauvetage de Chattanooga, et les marches et batailles de Virginie en 1864 et 1865 » [12].
Retour au journalisme
Dana, qui avec les années s'éloigne de plus en plus de ses idéaux de jeunesse et devient conservateur (il collectionne les porcelaines chinoises…), expose et fustige cependant dans les pages de son journal The Sun (de tendance democrat- conservatrice) les gabegies de l'administration Grant, comme plus tard celles des successeurs de Grant à la présidence des États-Unis.
Dana et son journal The Sun sont, sous la présidence de son ex-ami Grant, l'objet d'un harcèlement judiciaire aux péripéties notables : la procédure, après un essai de délocalisation de New York à Washington D.C., finit par être déclarée anticonstitutionnelle (1873). En 1872, Dana suscite un adversaire à Grant qui veut être réélu : il soutient activement son ami Horace Greeley, qui est largement battu, et même meurt avant la publication des résultats. En 1873, The Sun expose au public le Salary grab scandal : Grant veut doubler son salaire, et offre aux députés qui le soutiendront une confortable augmentation assortie d'une « prime » discrète[13].
Dana, democrat, traite Rutherford B. Hayes de fraud president [14] Mais en 1884, le journal de Dana soutient la candidature à la présidence de Benjamin Franklin Butler (homme politique) , un candidat qui avait acquis pendant la guerre la réputation d'être un des plus corrompus des political generals, et était le prototype même de ceux que Dana avait alors mission de démasquer…
Avec Grover Cleveland, Dana a la même attitude qu'avec Grant : après l'avoir ardemment soutenu, il le vilipendera et révélera ses pratiques. C.A. Dana baptisa avec humour mugwumps les rejetons élitistes de grandes familles W.A.S.P. (white anglo-saxon protestants, de tendance habituellement republican) qui préférèrent soutenir Grover Cleveland, candidat du parti democrat lors de l'Élection présidentielle américaine de 1884, car le candidat republican était objectivement trop corrompu[15].
Littérature
Dana, qui avait un style clair et simple, a publié en 1900 la quintessence de son expérience : The Art of Newspaper Making ("L'art du journalisme"). On lui attribue une des recettes lapidaires du journalisme efficace : "Man bites dog" [16].
Il a rédigé plusieurs ouvrages en dehors de ses écrits journalistiques. Il est un des coauteurs de la New American Cyclopedia (1857-1863).
Il a traduit des contes du folklore nord-européen, et a écrit des poèmes . Il a publié aussi un florilège des 50 plus beaux poèmes de la langue anglaise. Il a publié en 1868 A Campaign Life of U. S. Grant (en collaboration avec le général James H. Wilson).
Ses « Reminiscences of the Civil War » et son « Eastern Journeys, Some Notes of Travel in Russia, in the Caucasus, and to Jerusalem » ont été publiées en 1898.
En 1896, Benjamin Tucker, un anarchiste nord-américain, a réuni et publié sous le titre Proudhon and his Bank of the People les articles élogieux que Dana avait écrit en 1849 sur Pierre-Joseph Proudhon et son utopie socio-économique. Quarante-sept ans plus tard, le contraste entre le C.A. Dana jeune homme idéaliste - et le journaliste conservateur (en particulier opposé au bimétallisme du free-silver movement ) et adversaire des reds qu'il était devenu était frappant.
Notes
- Le décanat d'Harvard lui fournit cependant un certificat d' honorable discharge (éviction pour raison non infamante). Une photo (voir sur le site "Find A Grave") de 1864 permêt d'évoquer la cause très probable de la si mauvaise vue de Dana : des séquelles du trachome. Sur la fréquence du trachome en Amérique du Nord au XIXe siècle (et même au XXe), voir l'article James Anderson Burns (chapitre III, paragraphe 1) - et celui sur le photographe Claude C. Matlack
- selon le site "Find a grave"
- Selon l'article de Wp en:New York Tribune, Karl Marx, bien qu'il estimât que le N.Y.T. était "un sale torchon", assura les fonctions de correspondant étranger pour le journal de 1852 à 1861. Engels y fut aussi pigiste. Par ailleurs Dana eut certainement de nombreux contacts avec Emerson et Thoreau. (en) Saul Padover, Karl Marx, an intimate biography, New York, New American Library, , 406 p. (ISBN 978-0-451-61897-9), p. 301, 605
- Voir sur New York Tribune les tirages des trois principaux journaux du Nord en 1850. Selon l'article de Wp en:New York Tribune, le New York Sun et le New York Herald visaient surtout le sensationnalisme, alors que le New York Tribune avait la réputation d'être un journal recherchant avant tout l'objectivité et l'impartialité.
- Courtland P. Auser, Nathaniel P. Willis, p. 128–129.
- diverses sources qualifient Dana d' "espion de Lincoln" ou de troubleshooter, mot que le Webster's 3d new international dictionary (tome III, p. 2453) définit ainsi : "en mécanique, c'est un ouvrier spécialisé qui localise et répare les incidents techniques - dans les domaines militaire, politique ou des affaires : c'est un expert qui aplanit les difficultés, trouve des solutions, apporte sa médiation"
- ces rumeurs ont été propagées par John Alexander McClernand (un political general rival de Grant et de Sherman) et ses amis
- "modest, honest, and judicial. . . . not an original or brilliant man, but sincere, thoughtful, deep, and gifted with a courage that never faltered. Although quiet and hard to know, he loved a humorous story and the company of his friends" in (en) John Winters, The Civil War in Louisiana, Baton Rouge, Louisiana State University Press, , 534 p. (ISBN 978-0-8071-0834-5), p. 177. Autre preuve de la sagacité de Grant : au lieu de s'affronter avec l'envoyé de Lincoln, il l'a bien accueilli et s'en est fait un ami, et même un allié contre John Alexander McClernand, le political general qui s'employait à briser la carrière de Grant
- voir Histoire militaire des Afro-américains pendant la guerre de Sécession, chapitre "En 1863"
-
- "His duties as the representative of the civil authority at the scene of military operations brought him into close personal relations with Mr. Stanton and Mr. Lincoln, who were accustomed to depend much upon his accurate perception and just estimates of men and measures for information of the actual state of affairs at the front. At the time when Gen. Grant's character and probable usefulness were unknown quantities, Mr. Dana's confidence in Grant's military ability probably did much to defeat the powerful effort then making to break down the rising commander." in Appletons' Cyclopædia of American Biography
- Une photo (voir sur le site "Find A Grave" ) le montre à Cold Harbor en 1864, assis devant sa tente, barbu, botté et en "habit de chasse". Nul doute qu'après la sanglante défaite unioniste que fut la bataille de Cold Harbor, l'amitié de Dana a été utile à Grant...
- "Mr. Dana was in the saddle at the front much of the time during the campaigns of northern Mississippi and Vicksburg, the rescue of Chattanooga, and the marches and battles of Virginia in 1864 and 1865." in Appletons' Cyclopædia of American Biography
- selon l'article de WP en « Ulysses S. Grant presidential administration scandals »
- Rutherford B. Hayes : il est vrai que ce republican a été nommé à l'issue du Compromis de 1977 : le Nord obtient la nomination de son candidat, moyennant quoi il met fin à la période de reconstruction, se retire, et laisse dorénavant le Sud gérer sa population Afro-américaine.
- in Sperber, Hans. and Travis Trittschuh. American Political Terms: An Historical Dictionary (1962) pages 276–7, cité dans l'article de WP en "mugwump"
- "Si un chien mord un homme, ce n'est pas une nouvelle. Mais si un homme mord un chien, ça c'est une nouvelle" . Voir l'article de WP en "Man bites dog (journalism)" et les noms des autres créateurs éventuels de la formule
Sources
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Charles Anderson Dana » (voir la liste des auteurs).
- « Appleton's Cyclopedia », wikisource [archive]
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