Cinéma cubain

L'histoire du cinéma cubain commence au début du XXe siècle. Avant la Révolution cubaine de 1959, environ 80 films avaient été produits sur l'île, en majorité des mélodrames. Cette même année, l'Institut cubain des arts et de l'industrie cinématographiques est créé et permet au cinéma d'être considéré comme un art mais aussi de participer à l'effort de propagande révolutionnaire.

Cine Payret à La Havane

Histoire du cinéma cubain

1897-1918

Le , le français Gabriel Veyre organise les premières projections publiques à Cuba. La même année, il tourne les premières prises de vues avec Simulacro de incendio (Simulacre d'incendie), où il filme le travail des pompiers à La Havane.

En 1910, il existe déjà 200 salles sur l'île. Santos et Artigas sont les premiers exploitants, et aussi les premiers producteurs nationaux en lançant neuf films dès 1913, dont Manuel García o el rey de los campos de Cuba réalisé par Enrique Díaz Quesada.

1918-1958

La fin de la Première Guerre mondiale marque le déclin du cinéma national et l'entrée en puissance des films américains. Avec le parlant, le marché de la production locale doit affronter la concurrence du cinéma mexicain. Le premier long métrage sonore cubain ne voit le jour qu'en 1937, La serpiente roja d'Ernesto Caparrós. C'est l'ère des comédies musicales, à de rares exceptions près. Rita Montaner, une des grandes vedettes de la chanson, s'illustre notamment dans La unica (1952) de Ramón Peón. Pour l'essentiel, les 150 longs métrages réalisés à Cuba depuis les origines sont des sous-produits de la colonisation culturelle. Pourtant, le gouvernement de Carlos Prío Socarrás (1948-1952) crée, à titre privé et avec des représentants de la profession, un Office pour le développement de l'industrie du cinéma favorisant la construction des Estudios Nacionales, héritiers des vieux studios de Biltmore, propriété de Manuel Alonso, lui-même directeur de l'Office récemment fondé. Or, ceux-ci passeront, par la suite, sous le contrôle de l'industrie mexicaine. Plus tard, le , à la suite des résultats peu probants obtenus par la Commission exécutive pour l'industrie cinématographique (CEPLIC), le gouvernement du dictateur Fulgencio Batista dissout celle-ci et fonde un Institut national pour le développement de l'industrie cinématographique (INFICC), à nouveau présidé par Manuel Alonso (décret-loi n°2135)[1]. Notons, également, qu'à partir de 1943, l'organisation d'un concours de cinéma amateur entraînera la floraison de nombreux courts métrages dans lesquels apparaissent les noms de réalisateurs comme Tomás Gutiérrez Alea et Néstor Almendros. La censure est néanmoins très présente : El Mégano (1954), axé sur les conditions de vie des mineurs et réalisé par Gutiérrez Alea et Julio García Espinosa, fera l'objet d'une interdiction.

Avant 1959, le marché de la distribution ainsi que l’ensemble des meilleures salles de Cuba étaient contrôlés par des sociétés américaines, qui diffusaient massivement leurs productions : 70 % des films exploités à Cuba provenaient des États-Unis, 20 % d’Espagne, du Mexique ou d’Argentine, un peu moins de 10 % venaient de France, d’Italie et du Royaume-Uni, et le reste, à peine 1%, des autres pays du monde. D'après le journaliste Ignacio Ramonet, « la maigre production locale, à vocation folklorique, était dans l’ensemble d’une consternante pauvreté artistique »[2].

Guillermo Cabrera Infante (1929-2005), proche de la cinémathèque de Cuba, ancêtre de l'Institut cubain des arts et de l'industrie cinématographiques (ICAIC, 1959), dirige quelques années la revue de cinéma Carteles (es).

1959-1990 : Révolution cubaine, cinéma et politique

Le premier acte culturel de la Révolution cubaine est la création, en 1959, de l'Institut cubain des arts et de l'industrie cinématographiques (ICAIC). Ses objectifs idéologiques sont les suivants : en premier lieu, le cinéma doit être considéré comme un art ; en deuxième lieu, il doit contribuer à affermir les conceptions révolutionnaires.

Placée sous la direction d'Alfredo Guevara (1925-2013), la production s'oriente, à l'origine, vers les courts métrages documentaires et pédagogiques. À la suite de la nationalisation des distributeurs américains (1961) et le boycottage de l'exportation par Hollywood, intervient le blocus économique imposé par les États-Unis. L'ICAIC prend alors le contrôle total de la distribution et de l'exploitation, c'est-à-dire 594 salles et un marché de 83 millions de spectateurs (par rapport à la population, l'un des plus importants du continent latino-américain)[3].

Après la tentative infructueuse d'invasion armée américaine à Playa Girón (), la politique cubaine traverse un net raidissement idéologique. L'ICAIC va alors connaître une première crise. En 1961, l'interdiction d'un court documentaire sur la vie nocturne à La Havane, intitulé P.M. et réalisé par Sabá Cabrera Infante et Orlando Jiménez Leal, suscite une polémique interminable dans les milieux intellectuels. Le , Fidel Castro arbitre les débats et conclut avec la célèbre directive : « Tout avec la Révolution, contre la Révolution, rien. »[4]

Dans ce cadre, incontestablement restreint, L'ICAIC et le cinéma cubain fonctionneront pourtant de façon remarquable. En 20 ans, l'ICAIC produit 86 longs métrages dont 55 fictions, 12 moyens métrages, 613 courts métrages et 142 dessins animés. La cinémathèque se développe ainsi que les ciné-clubs. Une revue Cine Cubano est publiée régulièrement[5]. Afin d'accroître l'audience publique, on organise des unités de Cine-móvil, sur camion ou parfois à dos de mulet, vers les campagnes les plus reculées. Un effort d'alphabétisation audiovisuelle est entrepris et les grands films du monde entier sont projetés à Cuba.

Les infrastructures du cinéma cubain sont toutefois sommaires. On a alors recours à des coproductions et à des réalisateurs étrangers (dont Joris Ivens et Chris Marker). Toutefois, ces tentatives ne sont pas suffisamment probantes. Le cinéma cubain doit s'adapter à cette situation. Et c'est surtout l'école documentaire qui atteint un niveau appréciable et reconnu dans les festivals internationaux. Santiago Álvarez en est la figure principale. Les premiers longs métrages cubains sont initialement le reflet des luttes politiques récentes. Citons, notamment : Histoires de la révolution (1960) de Gutiérrez Alea et Le Jeune Rebelle (1961) de García Espinosa. Mais, quelques années plus tard, des œuvres comme La Mort d'un bureaucrate (1966), Les Aventures de Juan Quin Quin (1967), Mémoires du sous-développement (1968), Lucía de Humberto Solás (1968) ou La Première Charge à la machette de Manuel Octavio Gómez (1969) manifestent une originalité et une liberté de ton caractéristiques d'une volonté de s'éloigner des canons du réalisme socialiste.

Au cours des années 1970, le cinéma cubain, après une brève éclipse, semble s'orienter vers des reconstitutions historiques, liées à la période de l'esclavagisme (El otro Francisco de Sergio Giral en 1974 et La Dernière Cène de Gutiérrez Alea en 1976 par exemple) ou celle plus récente des affrontements pré- Mella (1975) d'Enrique Pineda Barnet -, et post-révolutionnaires - El hombre de Maisinicú (1973) de Manuel Pérez qui évoque la Rébellion de l'Escambray. L'actualité est également abordée, mais de façon plus exceptionnelle. Ainsi, le machisme et les problèmes de société sont traités de façon critique dans De cierta manera (1974) de Sara Gómez et Retrato de Teresa (1979) de Pastor Vega. Dans un contexte politique plutôt rigide et malgré les interdictions, l'ICAIC parvient à maintenir le cinéma cubain à un niveau honorable.

À partir de 1979, un grand festival de cinéma latino-américain se tient annuellement à La Havane. Dans le même esprit, avec la naissance de l'École des Amériques, école internationale de cinéma et de télévision des Trois Mondes, on s'est proposé d'en finir avec l'autodidactisme des réalisateurs du tiers monde en les formant aux techniques modernes et artisanales du septième art[6]. Ces initiatives constituent pour le cinéma cubain une source d'ouverture et de projets.

En , lors du Festival de cinéma latino-américain de La Havane, un film de Carlos Lechuga dénonçant la répression de l'homosexualité à Cuba dans les années 1970 a été exclu de la compétition[7].

1990-2020 : cinéma cubain actuel

Avant la Révolution cubaine, la capitale possédait 135 salles de cinéma dont la plupart ont été fermées : il n’en reste plus qu’une vingtaine dans cette ville de 2,2 millions d’habitants[8].

Films

Avant 1960

Années 1960

Années 1970

Années 1980

Années 1990

Années 2000

Années 2010

  • 2010 : Boleto al paraíso, film réalisé par Gerardo Chijona
  • 2010 : José Martí: el ojo del canario, film réalisé par Fernando Pérez

Personnel

Réalisateurs/réalisatrices

Acteurs/actrices

Institutions

Festivals

Notes et références

  1. Walfredo Piñera in : Le cinéma cubain, Éditions du Centre Georges-Pompidou, Paris, 1990.
  2. Ignacio Ramonet, « Cuba : la révolution et ses images », sur Le Monde diplomatique,
  3. in : Dictionnaire mondial du cinéma, Éditions Larousse, p. 250, 1986 pour la première édition.
  4. Monique Blaquière-Roumette et Bernard Gille : Films des Amériques latines, Éditions du Temps, Paris, 2001.
  5. M. Blaquière-Roumette et B. Gille, op. cité.
  6. Films des Amériques latines, op. cité.
  7. Cuba : un film sur la répression de l'homosexualité dans l'île censuré Le Figaro, décembre 2016
  8. Guillaume Carpentier, Les ruines de la révolution, dans Le Monde du 31-12-2008, mis en ligne le 30-12-2008, [lire en ligne]

Annexes

Bibliographie

  • (es) Arturo Agramonte et Luciano Castillo, Cronología del cine cubano, 2 vol., ICAIC, La Havane, 2011 (ISBN 978-959-304-086-0)
  • (en) Guy Baron, Gender in Cuban cinema: from the modern to the postmodern, P. Lang, Oxford, New York, 2011, 326 p. (ISBN 978-3-0343-0229-6)
  • Nancy Berthier et Julie Amiot, Cuba. Cinéma et Révolution, Grimh, 2006, 280 pages
  • Nancy Berthier, Cinéma et Révolution cubaine. La Révolution cubaine (coauteur : Jean Lamore), Paris, Armand-Colin, 2006
  • (es) Juan Antonio García Borrero, Otras maneras de pensar el cine cubano, Editorial Oriente, Santiago de Cuba, 2009, 183 p. (ISBN 978-959-110649-0)
  • Sandra Hernández (coord.), Tomás Gutiérrez Alea et le cinéma cubain, CRINI (Centre de Recherche sur les Identités Nationales et l’Interculturalité), université de Nantes, 2003.
  • Sandra Hernández (coord.), Le Cinéma cubain : identité et regards de l’intérieur, CRINI (Centre de recherche sur les identités nationales et l’interculturalité), université de Nantes, 2006, 187 p. (ISBN 2-916424-05-9).
  • Magali Kabous, Écriture filmique, écriture littéraire, chemins croisés de l'identité cubaine, Université Toulouse Jean-Jaurès, 2006, 2 vol., 793 p. (thèse)
  • Magali Kabous, « Du monolithe à la diffraction créatrice. Mutations du cinéma cubain au XXIe siècle », Cinémas d’Amérique latine, no 27, , p. 68-81 (lire en ligne)
  • Paulo Paranagua, Le Cinéma cubain, Centre Pompidou
  • Émilie Poirier, Néoréalisme et cinéma cubain : une influence à l'épreuve de la Révolution (1951-1962), Université européenne de Bretagne et Universidad de Guadalajara (Mexique), 2014, 306 p. (thèse)
  • (es) Jorge Luis Sánchez González, Romper la tensión del arco : movimiento cubano de cine documental, Ediciones ICAIC, La Havane, 2010, 447 p. (ISBN 978-959-304-004-4)
  • (es) José Manuel Valdés-Rodríguez (et al.), Ojeada al cine cubano, Ediciones ICAIC, La Havane, 2010, 295 p. (ISBN 978-959-304005-1)
  • (pt) Mariana Villaça, Cinema Cubano : Revolução e Política Cultural, Alameda, São Paulo, 2010, 440 p. (ISBN 978-85-7939-043-2)

Filmographie

Articles connexes

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