Copyleft

Le copyleft (🄯), parfois traduit comme gauche d'auteur ou copie laissée, est l'autorisation donnée par l'auteur d'un travail soumis au droit d'auteur (œuvre d'art, texte, programme informatique ou autre) d'utiliser, d'étudier, de modifier et de diffuser son œuvre, dans la mesure où cette même autorisation reste préservée.

Ne doit pas être confondu avec Logiciel libre.

Le symbole du copyleft, avec un C réfléchi (ouvert à gauche), est l’« opposé Â» du copyright (C ouvert à droite).

Le concept de copyleft a été introduit au cours des années 1970 pour désigner une forme des licences de propriété intellectuelle[1].

L'auteur refuse donc que l'évolution possible de son travail soit accompagnée d'une restriction du droit à la copie, à l'étude, ou à de nouvelles évolutions. De ce fait, le contributeur apportant une modification (correction, ajout, réutilisation, etc.) est contraint de redistribuer ses propres contributions avec les mêmes libertés que l'original. Autrement dit, les nouvelles créations réalisées à partir d'Å“uvres sous copyleft héritent de fait de ce statut de copyleft : ainsi, ce type de licence permet un partage de la création ou de la connaissance, comme bien commun, qui permet aux Å“uvres culturelles d'être développées librement.

Jeu de mots et traductions

Le terme « copyleft Â» est un jeu de mot construit par opposition au terme « copyright Â». Dans sa structure, il joue sur l'opposition droite/gauche (right/left). Dans sa signification, left ne fait pas référence au prétérit de leave (laisser, abandonner)[2] ; c'est une référence à l'image en miroir de right. Le copyleft est un moyen de se servir du copyright de l’œuvre ; cela ne signifie pas d'abandonner le copyright[2]. En réalité, faire cela rendrait le copyleft impossible.

L'idée suggérée par « copyleft Â» est de « laisser copier Â», en opposition avec « copyright Â» (droit de reproduction/d'auteur). Il est tantôt traduit en français par « gauche d'auteur Â» (par le projet GNU et la FSF) par opposition à droit d'auteur, mais en perdant alors la notion de copie autorisée ; tantôt aussi par « copie laissée Â» dans le sens : « droits de reproduction autorisée Â».

Fondements

« L'idée centrale du copyleft est de donner à quiconque la permission d'exécuter le programme, de le copier, de le modifier, et d'en distribuer des versions modifiées - mais pas la permission d'ajouter des restrictions de son cru. C'est ainsi que les libertés cruciales qui définissent le logiciel libre sont garanties pour quiconque en possède une copie ; elles deviennent des droits inaliénables[3]. Â»

— Richard Stallman

Le copyleft est un terme de Don Hopkins largement popularisé à partir de 1984 par Richard Stallman dans le cadre du projet GNU notamment par la création de la Free Software Foundation en 1985 et de la licence GPL publiée en 1989. Tiré de Le Projet GNU par Richard Stallman[4] :

« En 1984 ou 1985, Don Hopkins (dont l'imagination était sans borne) m'a envoyé une lettre. Il avait écrit sur l'enveloppe plusieurs phrases amusantes, et notamment celle-ci : "Copyleft - all rights reversed" [« couvert par le gauche d'auteur, tous droits renversés Â»]. J'ai utilisé le mot copyleft pour donner un nom au concept de distribution que je développais alors. Â»

Le concept de copyleft symbolise en ce sens l'esprit créatif et moqueur de la culture hacker du MIT, à laquelle adhère Stallman[5].

Le caractère copyleft (🄯) a été ajouté au standard Unicode le au titre de la version 11.0[6]. Il a pour code U+1F12F.

Contexte d'émergence de la pensée du copyleft

Dans le dernier quart du XXe siècle, les idées relatives aux droits des biens immatériels sont remises en question et le terme de propriété intellectuelle apparaît. Ainsi, au début des années 1980, les premiers brevets concernant les logiciels sont acceptés aux États-Unis. Dans un phénomène de coévolution, le mouvement du copyleft émerge et crée la première licence généraliste : GNU GPL[7], avec comme raisonnement « une forme de jujitsu intellectuelle, destinée à retourner le système légal mis en place par ceux-là mêmes qui souhaitaient retenir pour eux seuls les biens logiciels Â» selon les dires de Richard Stallman[8].

Richard Stallman rejette le terme « propriété intellectuelle Â» comme inadéquat, et parle plutôt de « privilèges exclusifs Â» qui ne sont donc pas des droits et doivent être considérés en rapport à leur utilité sociale. Or, il dénonce l'appropriation privative du code comme diminuant grandement l'utilité sociale. En effet, il considère que le public cible des logiciels sont les programmeurs, qui vont eux-mêmes contribuer à la création en modifiant ce qui existe. De plus, les programmeurs travaillant en communauté, la privatisation nuit au partage et à la collaboration[9]. Ceci peut être apparenté aux cas concrets étudiés par Elinor Ostrom, où la propriété privée est un mode de gestion sous-optimal[8]. L'idée du copyleft, comme construction d'une solution alternative au copyright, a aidé James Boyle et Lawrence Lessig à la création des licences Creative Commons[8].

Cette solution alternative au copyright utilise elle-même le copyright en l'amenant vers l'inclusion du public au droit « d’accéder au bien, d’en user, d’en tirer parti et bénéfice, voire de le modifier et de l’enrichir… Â», qui engendre avec lui un domaine public inviolable et crée un cercle vertueux de son contenu. Stallman explique : « Pour rendre un programme copyleft, nous le déclarons copyright, puis nous ajoutons une clause de distribution, ce qui est un outil légal qui donne la possibilité à tout le monde d'utiliser, modifier et redistribuer le code source du programme ou tout programme dérivé de celui-ci, mais seulement si les termes de distributions restent inchangés. Â»[trad 1],[10].

La base juridique

En matière juridique, le fondement du copyleft est le droit des contrats : la licence est un contrat unilatéral qui respecte les exigences légales de la propriété intellectuelle. Cette licence fait alors office de loi entre les parties.

La licence libre la plus connue utilisant le copyleft est la licence publique générale GNU mais il existe aussi d'autres licences, spécifiquement créées pour certains domaines très divers (art, jeu de rôle, revue scientifique, etc.), qui peuvent être considérées comme des « licences copyleft Â».

Toutes les licences de logiciel libre ne sont pas basées sur le principe du copyleft. Certaines permettent d'employer la création de base en appliquant d'autres conditions sur les modifications (qui peuvent être propriétaires). Ces licences sont dites permissives car elles permettent d'éditer le logiciel dérivé sous une autre licence, voire une licence propriétaire. À l'inverse, les critiques des licences libres non-copyleft considèrent que ces licences sont un risque pour la liberté logicielle, dans la mesure où elles permettent à un développeur de ne pas partager le code modifiant le code libre initial. La licence libre non-copyleft la plus connue est la licence BSD et ses dérivées.

Régime juridique

Logo du projet GNU.

En droit du copyright, un auteur peut renoncer à l'ensemble de ses droits et faire entrer ses œuvres dans le domaine public où elles pourront être utilisées librement par tous[11]. En droit d'auteur, l'auteur peut renoncer à ses droits patrimoniaux, mais pas à son droit moral[12]. Il lui est possible d'accepter par avance que son œuvre soit modifiée pour les besoins du libre usage. Il ne peut toutefois renoncer de manière préalable et générale à son droit au respect, et pourra ainsi interdire toute utilisation qui lui causerait un dommage. Juridiquement, cette renonciation s'analyse en un don à public indéterminé[13].

L'auteur peut également permettre à tous de reproduire, modifier et diffuser librement sa création, sous réserve de conditions stipulées dans un contrat de licence[14]. Dans la mesure où l'auteur n'a pas renoncé à ses droits, les modifications de sa création, qui constituent une Å“uvre dérivée, nécessitent son autorisation. L’auteur détermine ainsi les utilisations permises ou interdites, comme la possibilité d'utiliser l'Å“uvre à des fins commerciales. Si les termes de la licence ne sont pas respectés, celle-ci est résolue et l'usage de l'Å“uvre peut être qualifié de contrefaçon. Certaines licences libres, comme la licence BSD, permettent une appropriation privative des Å“uvres issues des modifications de l'utilisateur. D'autres licences, comme la licence publique générale GNU ou certaines licences Creative Commons exigent que les Å“uvres dérivées héritent des conditions d'utilisation de l'Å“uvre originaire[2]. Alors que la mise en Å“uvre classique du droit d’auteur garantit un monopole d'exploitation au titulaire et à ses ayants droit, les licences de type GPL visent à empêcher toute appropriation individuelle de l’œuvre. Chaque personne qui fait des modifications ne peut rediffuser l'Å“uvre dérivée que si elle est soumise aux mêmes conditions. Dans le cas contraire, la personne commet un acte de contrefaçon en rediffusant l'Å“uvre sans autorisation. Si elle le fait, l'Å“uvre dérivée ne se retrouve cependant pas automatiquement sous licence libre. Son auteur conserve tous ses droits[Note 1] et l’auteur de l’œuvre originale ne peut que demander à la justice de faire cesser la diffusion ou tenter d'obtenir des dommages-intérêts. En droit copyleft, un auteur renonce définitivement à l’ensemble de ses droits patrimoniaux exclusifs en tant qu’auteur (à l’exception des droits de paternité de l’œuvre originale et des Å“uvres dérivées, ainsi que de ses obligations et droits moraux personnels, inappropriables et incessibles en droit français) ; l’hérédité de la licence copyleft empêche théoriquement toute réappropriation privée, y compris pour une Å“uvre dérivée, contrairement par exemple aux marques commerciales qui tombent dans le domaine public ou aux Å“uvres sous licences Creative Commons CC0 ou CC-BY.

Copyleft fort / Copyleft standard

On parle de « copyleft fort Â» lorsque les redistributions du logiciel ou de l'Å“uvre en question, modifiés ou non, ainsi que de tous les composants ajoutés, ne peuvent se faire que sous la licence initiale.

On parle de « copyleft faible/standard Â» lorsque les redistributions du logiciel ou de l'Å“uvre en question, modifiés ou non, se font sous la licence initiale mais que de nouveaux composants peuvent être ajoutés sous d'autres licences voire sous des licences propriétaires.

Licence virale

La licence virale est un terme péjoratif utilisé pour décrire par analogie avec un virus qui se propage en contaminant d'autre cellules pour se reproduire, une licence de logiciel qui autorise des travaux dérivés uniquement lorsque ces derniers sont sous la même licence que l'original, autrement dit une licence « copyleft Â».

Née dans le monde des logiciels libres et opensource, cette expression a d'abord été utilisée dans des discussions en anglais sous la forme viral licence pour qualifier la licence de logiciel libre GNU GPL[15],[16],[17],[18],[19],[20].

Par la suite l'expression a notamment été reprise par Microsoft, par l'intermédiaire de son vice-président de l’époque Craig Mundie qui l’a employée dans des formules comme « This viral aspect of the GPL poses a threat to the intellectual property of any organization making use of it. Â», en français : « Cet aspect viral de la GPL constitue une menace pour la propriété intellectuelle de toute organisation qui en ferait usage Â»[21], en particulier pour qualifier le copyleft qui avait pour but que du code d'un logiciel libre soit utilisable dans un autre logiciel à condition qu'il soit lui aussi diffusé avec la licence GPL ou une licence compatible, pour préserver le caractère libre du logiciel. Dans le monde du logiciel libre, les licences dites libres se divisent entre licences qui ont une clause copyleft et celles qui n'en ont pas, et qui sont parfois qualifiées de permissives[22]. Dans un autre contexte mais avec une idée similaire, Steve Ballmer, qui deviendra PDG de Microsoft, a comparé de manière virulente la licence GPL à un cancer qui s'étend à tous les logiciels qui utilisent du code sous cette licence, en voulant établir que cette licence était incompatible avec le commerce du logiciel, littéralement « a cancer that attaches itself in an intellectual property sense to everything it touches Â»[23].

Licences Copyleft

Icône de la licence Creative Commons Partage dans les Mêmes Conditions.

Davantage de licences libres sur commons.

Notes et références

Note

  1. Articles L 113-2 alinéa 2 et L 113-4 du code de la propriété intellectuelle. Jurisprudence cour de cassation, 1re chambre civile du 22 juin 1959 « L'auteur de l'Å“uvre première et l'auteur de l'Å“uvre composite ont des droits concurrents Â».

Citations originales

  1. (en) « To copyleft a program we first state that it is copyrighted; then we add distribution terms which are a legal instrument that gives every one the rights to use, modify, and redistribute the programs code or any program delivered from it, but only if the distribution terms are unchanged Â»

Références

  1. (en) John D. H. Downing et John Derek Hall Downing, Encyclopedia of Social Movement Media, SAGE, (ISBN 978-0-7619-2688-7, lire en ligne)
  2. Qu'est-ce que le copyleft ?, site GNU (lien).
  3. Richard Stallman dans Le Projet GNU.
  4. Le Projet GNU.
  5. Sébastien Broca, Utopie du logiciel libre : du bricolage informatique à la réinvention sociale, Neuvy-en-Champagne, Éd. le Passager clandestin, , 282 p. (ISBN 978-2-916952-95-6 et 2916952950, OCLC 867598251, lire en ligne)
  6. Unicode v11.0 http://blog.unicode.org/2018/06/announcing-unicode-standard-version-110.html
  7. François Pellegrini ; Sébastien Canevet, Droit des logiciels : logiciels privatifs et logiciels libres, Paris, PUF, , 612 p. (ISBN 978-2-13-062615-2), p. 39-41
  8. Broca Sebastien, Coriat Benjamin, « Le logiciel libre et les communs deux formes de résistance et d’alternative à l’exclusivisme propriétaire. Â», Revue internationale de droit économique,‎ , p. 265 - 284
  9. Mikhail Xifaras, « Le copyleft et la théorie de la propriété, Abstract Â», Multitudes, no 41,‎ , p. 50–64 (ISSN 0292-0107, lire en ligne, consulté le )
  10. Benjamin Coriat, « Qu’est ce qu’un commun ? Quelles perspectives le mouvement des communs ouvre-t-il à l’alternative sociale ? Â», Les Possibles,‎ , p. 19 - 26 (lire en ligne)
  11. (en) § 106A e) de la loi des États-Unis d'Amérique sur le copyright(texte).
  12. article L 121-1 (texte).
  13. Pierre-Yves Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, 2007, no 322 Don sur l'Internet.
  14. Valérie-Laure Benabou et Joëlle Farchy (Dir.) La mise à disposition ouverte des œuvres de l'esprit, CSPLA, 2007.(France)(texte).
  15. Paul Vixie, « Re: Section 5.2 (IPR encumberance) in TAK rollover requirement draft Â», IETF Namedroppers mailing list, (consulté le )
  16. « General Public Virus Â», Jargon File 2.2.1, (consulté le )
  17. Stig Hackvän, « Reverse-engineering the GNU Public Virus — Is copyleft too much of a good thing? Â», Linux Journal,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. Bill Stewart, « Re: propose: `cypherpunks license' (Re: Wanted: Twofish source code) Â», Cypherpunks mailing list, (consulté le )
  19. Joe Buck, « Re: Using of parse tree externally Â», GCC mailing list, (consulté le )
  20. L. Adrian Griffis, « The GNU Public Virus Â», (consulté le )
  21. Craig Mundie, « Speech Transcript - Craig Mundie Â», New York University Stern School of Business, (consulté le )
  22. « liste des licences avec commentaires Â», sur http://www.gnu.org
    classification par la FSF (Fondation pour le Logiciel libre)
  23. (en) Dave Newbart, « Microsoft CEO takes launch break with the Sun-Times Â», Chicago Sun-Times, Chicago Sun-Times,‎ « Microsoft CEO takes launch break with the Sun-Times Â» (version du 15 juin 2001 sur l'Internet Archive)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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