Corbicula fluminea

Palourde asiatique

Corbicula fluminea communément nommée corbicule asiatique, corbicule, petite corbeille d'Asie ou palourde asiatique est une palourde d'eau douce et d'eau saumâtre, récemment introduite et devenant envahissante dans une partie croissante de l'hémisphère nord.

Corbicules, dans la Sèvre niortaise en amont du Pont romain d'Azay-le-Brûlé dans un substrat colonisé par des bactéries encroutantes. Ces bactéries colonisent souvent les coquilles de Theodoxus fluviatilis, mais non celles des crépidules
Restes (Coquilles d'individus morts) d'une colonie de corbicules asiatiques qui s'était développée dans les conduites d'eau d'une tour de refroidissement (à Charleroi en Belgique)

Espèce envahissante

D'origine asiatique, cette espèce s'est largement répandue dans le monde en Amérique du Nord[1],[2],[3], en Amérique du Sud[4],[5], dans les eaux fraiches et jusque dans les eaux plus chaudes de l'Amazonie[6] et en Europe[7], et notamment dans les cours d'eau de France et de Belgique depuis son introduction dans les années 1980, où elle a profité des canaux[8] et du Rhône[9],[10] et du Rhin[11] pour se diffuser rapidement, devenant invasive dans la Meuse par exemple[12].

Sa colonisation de nouveaux milieux est facilitée par la capacité qu'ont les larves à se faire emporter par le courant, capacité qui persiste chez les jeunes corbicules capables d'utiliser leur siphon et de sécréter un mucus invisible qui joue le rôle de bouée et de voile les emportant le long du courant[13].

Cet organisme filtreur bioaccumule dans sa chair certains pesticides et les PCB. Elle a d'ailleurs été utilisée pour montrer la contamination de cours d'eau à partir de traitements pesticides de rizières en Camargue[14].

Là où elle pullule, comme d'autres filtreurs invasifs[15] elle peut être source d'une réduction significative du phytoplancton en suspension comme cela a été montré dans le Potomac[2],[16]

Description

La coquille est globalement triangulaire et mesure jusqu'à cm.
Elle est ornée d'une quarantaine d'arêtes concentriques (adulte), lustrée pour la face externe et brun foncé à vert-olive.
La surface interne est blanche avec une marque pourpre plus ou moins nette le long de la marge et des traces musculaires.
Le bord dorsal est épais orné de trois dents cardinales et d'une dent latérale nettement développée.
La durée de vie des individus est estimée être de 2 à 4 ans[17].

Ce bivalve se nourrit principalement en filtrant le phytoplancton de l'eau.
Il résiste bien à la pollution, mais nécessite une eau riche en oxygène pour bien se développer[17].

Reproduction

L'animal, hermaphrodite, est doté d'un testicule situé dans la partie antérieure et d'un ovaire dans la partie postérieure. Il n'y a pas d'autoreproduction selon certains auteurs[17]. Les spermatozoïdes sont libérés en pleine eau puis récupérés par un autre individu (avec autofécondation possible, dans le gonoducte). Les zygotes grandissent dans les chambres d'incubation de la cavité branchiale, au niveau des hémibranchies des adultes[17], jusqu’à une taille d’environ 250 µm[18]. Les larves sont ensuite expulsées (40 000 environ au total, au rythme de 400/jour, voire plus) dans le milieu extérieur après 4-5 jours d'incubation[17]. Pédivéligères, elles rampent plus qu'elles ne nagent[17] et la plupart d'entre elles sont rapidement mangées par des organismes planctonivores.
Corbicula fluminea est sexuellement mature à une taille d'environ 6,6 millimètres.

Stratégie de reproduction : elle combine une haute fécondité (34 500 à 47 500 juvéniles libérés en moyenne par adulte et par saison de reproduction (selon Dubois, 1995[18]) et une mortalité élevée durant la phase planctonique (plus de 99 %, toujours selon Dubois[18]).

Période de reproduction : Corbicula fluminea se reproduit 10 mois par an, avec deux pics dans l'année[19]. Un suivi fait pour deux espèces de Corbicules (C. fluminea et C. fluminalis) dans des canaux dans le centre de la France (de décembre 2001 à mai 2003) a montré que C fluminea présentait dans cette région du monde une longue période de reproduction (mars - septembre/octobre) avec deux pics d'intensité (juin, puis août), avec deux grandes générations par an, et cinq cohortes, pour une la longévité de 2,5 à 3 ans avec alors une coquille pouvant dépasser 36 mm de largeur (contre 24 mm pour C. fluminalis, qui par ailleurs grandit moins vite)[19]. Dans le canal latéral à la Loire une reproduction a aussi été observée les hivers 2002 et 2003, mais avec un nombre de larves incubées systématiquement bas[19].

Population

Elle est désormais présente avec une forte densité dans la plupart des rivières et fleuves français : Seine, Loire, Rhin, Garonne, Meuse, Moselle, Aisne (de 100 à 200 individus au m²).
Certains auteurs dénombrent au moins sept axes différents de diffusion du mollusque, affirmant que la quasi-totalité des bassins hydrographiques français a été colonisée[20].

Écologie, habitat

On trouve cette espèce de bivalve filtreur et fouisseur dans les eaux douces et saumâtres dans divers types de sédiments : limon, sable, argile, gravier. Ces corbicules tolèrent des salinités supérieures à 13 psu durant de courtes périodes[17]. Ils supportent des températures de 2 à 30 °C, souvent dans des eaux turbulentes car ils apprécient les eaux assez oxygénées.
Cette espèce envahissante voire invasive en Atlantique et Manche occidentale pose des problèmes écologiques (s'il contribue à épurer la colonne d'eau et une partie du sédiment en les filtrant[21], il entre en compétition avec diverses espèces autochtones en occupant leur niche écologique)[17].
Il peut éventuellement aussi poser des problèmes économiques (dysfonctionnement des systèmes de refroidissements d'industries).

L'espèce a encore peu de prédateurs en Europe pour le moment, il semblerait toutefois qu'elle constitue un aliment pour le rat musqué (autre espèce introduite et invasive) qui peut laisser de grandes quantités de coquilles vides le long de certaines zones dites « réfectoire ».

Ce mollusque comestible est consommé en Corée et en Chine (où l'on trouve des sous-populations triploïdes et tétraploïdes correspondant à des formes à corbicules à coquilles jaunes et brunes[22]), mais peut bioaccumuler des polluants dans les cours d'eau ou sédiments pollués (HAP notamment[23])...

Toxicologie

Cette espèce comme tous les coquillages peut, dans certaines conditions, accumuler des toxines d'origine bactérienne ou planctonique et causer des intoxications alimentaires. Elle peut aussi bioaccumuler des métaux lourds (mercure en particulier) [24].

Notes et références

Références taxonomiques

Notes et autres références

  1. Counts III CL (1986) The zoogeography and history of the invasion of the United States by Corbicula fluminea (Bivalvia: Corbiculidae). American Malacological Bulletin, No. Special Edition 2, 7-39.
  2. Cohen RR, Dresler PV, Phillips EJ & Cory RL (1984) The effect of the Asiatic clam, Corbicula fluminea, on phytoplankton of the Potomac River, Maryland. Limnology and Oceanography, 29(1), 170-180 (PDF, 11p)
  3. McMahon RF (1982), The occurrence and spread of the introduced Asiatic freshwater clam, Corbicula fluminea (Müller), in North America: 1924–1982. The Nautilus 96 : 134-141
  4. Ituarte CF (1985) Growth dynamics in a natural population of Corbicula fluminea (Bivalvia Sphaeriacea) at Punta Atalaya, Rio de La Plata, Argentina. Studies on neotropical fauna and environment, 20(4), 217-225 (résumé)
  5. Cazzaniga NJ (1997) Asiatic clam, Corbicula fluminea, reaching Patagonia (Argentina) ; Journal of Freshwater Ecology, Volume 12, no 4 (résumé)
  6. Beasley CR, Tagliaro CH & Figueiredo WB (2003) [The Occurrence of the Asian Clam Corbicula fluminea in the Lowe Amazon Basin]. Acta Amazonica, 33(2), 317-324.
  7. Araujo R, Moreno D, & Ramos MA (1993) The Asiatic clam Corbicula fluminea (Müller, 1774)(Bivalvia : Corbiculidae) in Europe. American Malacological Bulletin, 10(1), 39-49.
  8. Mouthon, J., & Parghentanian, T. (2004). Comparison of the life cycle and population dynamics of two Corbicula species, C. fluminea and C. fluminalis (Bivalvia: Corbiculidae) in two French canals. Archiv für Hydrobiologie, 161(2), 267-287 (résumé).
  9. Mouthon J (2001) Life cycle and population dynamics of the Asian clam Corbicula fluminea (Bivalvia: Corbiculidae) in the Rhône River at Creys-Malville (France). Arch. Hydrobiol., 151, 571-589
  10. Mouthon, J. (2003, March). Longitudinal and temporal variations of density and size structure of Corbicula fluminea (Bivalvia) populations in the Saône and Rhône rivers (France). In Annales de Limnologie-International Journal of Limnology (Vol. 39, No. 01, pp. 15-25). EDP Sciences (résumé).
  11. Rajagopal S, van der Velde G & bij de Vaate A (2000) Reproductive biology of the Asiatic clams Corbicula fluminalis and Corbicula fluminea in the river Rhine. Arch. Hydrobiol., 149, 403-420
  12. Quotidien Le Soir du 8 janvier 2014
  13. Prezant RS & Chalermwat K (1984) « Flotation of the bivalve Corbicula fluminea as a means of dispersal ». Science, 225, 1491-1493. PDF, 3 pp
  14. Roche H, Vollaire Y, Martin E, Rouer C, Coulet E, Grillas P, Banas D. 2009. Rice fields regulate organochlorine pesticides and PCBs in lagoons of the Nature Reserve of Camargue. Chemosphere 75(4), 526-533 (résumé)
  15. Darrigran G (2002) Potential impact of filter-feeding invaders on temperate inland freshwater environments. Biological Invasions 4, 145e156.
  16. Phelps, H. L. (1994). « The Asiatic clam (Corbicula fluminea) invasion and system-level ecological change in the Potomac River estuary near Washington, DC ». Estuaries, 17(3), 614-621 (https://link.springer.com/article/10.2307/1352409 résumé]).
  17. Dewarumez J.-M., Gevaert F., Massé C., Foveau A., Grulois D., 2011. Les espèces marines animales et végétales introduites dans le bassin Artois-Picardie. UMR CNRS 8187 LOG et Agence de l’Eau Artois-Picardie. PDF, 140 pages
  18. Dubois C (1995) Biologie et démoécologie d’une espèce invasive Corbicula fluminea (Mollusca : Bivalvia) originaire d’Asie : étude en milieu naturel (canal latéral à la Garonne, France) et en canal expérimental. PhD Thesis, Université de Paul Sabatier, Toulouse, France, 147 pp
  19. Mouthon J & Parghentanian T (2004) "Comparison of the life cycle and population dynamics of two Corbicula species, C. fluminea and C. fluminalis (Bivalvia: Corbiculidae) in two French canals". Archiv für Hydrobiologie, 161(2), 267-287.résumé)
  20. Pêches sportives - Le corbicule : un-mollusque invasif méconnu
  21. Vaughn CC & Hakenkamp CC (2001). http://faculty-staff.ou.edu/V/Caryn.C.Vaughn-1/Publications_files/review.pdf The functional role of burrowing bivalves in freshwater ecosystems]. Freshwater Biology, 46(11), 1431-1446 (résumé).
  22. Qiu A., Shi A. & Komaru A. 2001. « Yellow and brown shell colourmorphs of Corbicula fluminea (Bivalvia: Corbiculidae) from Sichuan Province, China, are triploids and tetraploids. » J. Shellfish. Res., 20, 323-328.
  23. Narbonne JF, Djomo JE, Ribera D, Ferrier V & Garrigues P (1999) Accumulation kinetics of polycyclic aromatic hydrocarbon adsorbed to sediment by the mollusc Corbicula fluminea. Ecotox. Environ. Safe., 42, 1-8.
  24. Inza B, Ribeyre F, Maury-Brachet R, Boudou A. 1997. « Tissue distribution of inorganic mercury, methylmercury and cadmium in the Asiatic clam (Corbicula fluminea) in relation to the contamination levels of the water column and sediment ». Chemosphere 35, 2817-2836

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Britton JC, & Morton B (1982) A dissection guide, field and laboratory manual for the introduced bivalve Corbicula fluminea (Vol. 3). Malacological Review.
  • (en) Hakenkamp CC, Ribblett SG, Palmer MA, Swan CM, Reid JW, Goodison MR (2001) The impact of an introduced bivalve (Corbicula fluminea) on the benthos of a sandy stream. Freshwater Biology 46: 491-501, doi:10.1046/j.1365-2427.2001.00700.x
  • (en) McMahon RF (2000) Invasive characteristics of the freshwater bivalve Corbicula fluminea. Pages 315-343 in Nonindigenous Freshwater Organisms: Vectors, Biology and Impacts. Claudi R.& Leach J. (eds). Lewis Publishers, Boca Raton.
  • (en) Park JK & Kim W (2003) Two Corbicula (Corbiculidae: Bivalvia) mitochondrial lineages are widely distributed in Asian freshwater environment. Mol. Phylogenet. Evol., 29, 529-539.
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  • (en) Pigneur LM, Risterucci AM, Dauchot N, Li X & Van Doninck K (2011) Development of novel microsatellite markers to identify the different invasive lineages in the Corbicula complex and to assess androgenesis. Molecular ecology resources, 11(3), 573-577 (résumé).
  • (en) Pfenninger M, Reinhardt F & Streit B (2002) Evidence for cryptic hybridization between different evolutionary lineages of the invasive clam genus Corbicula (Veneroida, Bivalvia). J. Evolution. Biol., 15, 818-829.
  • (en) Sousa R, Freire R, Rufino M, Méndez J, Gaspar M, Antunes C & Guilhermino L (2007) Genetic and shell morphological variability of the invasive bivalve orbicula fluminea (Müller, 1774) in two Portuguese estuaries. Estuarine, Coastal and Shelf Science, 74(1), 166-174 (résumé).
  • (en) Sousa R, Antunes C & Guilhermino L (2008) https://www.researchgate.net/publication/41698742_Ecology_of_the_invasive_Asian_clam_Corbicula_fluminea_(Mller_1774)_in_aquatic_ecosystems_an_overview/file/32bfe51116197b8d55.pdf Ecology of the invasive Asian clam Corbicula fluminea (Müller, 1774) in aquatic ecosystems: an overview]. In Annales de limnologie-International Journal of Limnology, janvier 2008, vol. 44, no 02, p. 85-94). EDP Sciences (résumé), PDF, 10 pages
  • (en) Voelz NJ, McArthur JV, & Rader RB (1998) « Upstream Mobility of the Asiatic Clam Corbicula fluminea: Identifying Potential Dispersal Agentsa. » Journal of Freshwater Ecology, 13(1), 39-45 (résumé).
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