Crise des sous-marins australiens

La crise des sous-marins australiens ou affaire des sous-marins australiens est une crise diplomatique, et notamment du droit du commerce international, qui oppose depuis le la France à l'Australie, et dans une moindre mesure les États-Unis et le Royaume-Uni, après l'annulation abrupte d'une commande de douze sous-marins devant être construits en Australie par le groupe industriel français Naval Group et ses partenaires pour la marine australienne. Cette crise a notamment mené au rappel historique des ambassadeurs de France aux États-Unis et de France en Australie.

Crise des sous-marins australiens
Schéma d'un sous-marin de la classe Attack dont l'annulation du contrat de production a été à l'origine de cette crise. Il s'agit ici d'une version conventionnelle d'un sous-marin nucléaire d'attaque du programme Barracuda.
Date
Cause Rupture du contrat franco-australien concernant la commande de 12 sous-marins.
Résultat
  • Création de l'AUKUS
  • Entente stratégique Australie—États-Unis—Royaume-Uni
  • Rappel de l'ambassadeur de France aux États-Unis et de l'ambassadeur de France en Australie.
Chronologie de la crise
Rupture du contrat franco-australien ; création de l'AUKUS et entente stratégique Australie—États-Unis—Royaume-Uni.
À la demande du président de la République, l'ambassadeur de France aux États-Unis et l'ambassadeur de France en Australie sont rappelés.
Retour de l'ambassadeur à Washington
Retour annoncé de l'ambassadeur à Canberra

Historique

Contexte pré-crise

En 2016, le gouvernement australien signe avec Naval Group un contrat de 34,3 milliards d'euros (réévalué plus tard à 56 milliards d'euros), la part française finale s'élevant au maximum à 8 milliards d'euros[1], pour la construction de douze sous-marins à propulsion diesel-électrique anaérobie de classe Attack. Ces sous-marins sont une version non nucléaire dérivée du programme français de sous-marins Barracuda. L'objectif est le remplacement de six sous-marins australiens de classe Collins qui arriveraient en limite d'âge en 2032. Le gouvernement australien fait le choix d'une version à propulsion conventionnelle ― non nucléaire ― pour respecter le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires que l'Australie a ratifié en 1973[2]. La France partage une partie de ses connaissances technologiques pour que l'Australie puisse concevoir en totale souveraineté des sous-marins au-delà des douze sous-marins du programme initial. Il représente un contrat en or pour les deux pays ; d'un côté une importante rentrée d'argent, de l'autre un partage technologique et des sous-marins fiables et puissants. Ce contrat est ainsi parfois surnommé en France « le contrat du siècle », le partenariat stratégique couvrant une période de 50 ans.

Début de la crise

Le , au cours d'une allocution conjointe avec Joe Biden et Boris Johnson, le Premier ministre australien Scott Morrison annonce mettre fin au contrat avec Naval Group au profit de la nouvelle alliance AUKUS[3]. Ce sont les États-Unis qui fourniront d'office à l'Australie huit sous-marins nucléaires d'attaque.

Issue de la crise

L'épilogue de la crise semble être l'annonce du nouveau Premier ministre australien, Anthony Albanese, dans laquelle il déclare le que « l’Australie va verser 555 millions d’euros au groupe industriel français Naval Group pour rupture de contrat »[4].

Dates clés

  •  : l'Australie rompt le contrat avec la France sans préavis ; concomitamment, l'alliance AUKUS est créée et une entente est établie entre l'Australie, les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni, afin de construire les sous-marins dont l'Australie a besoin[5].
  •  : le gala censé célébrer les 240 ans de la bataille de la baie de Chesapeake est annulé par l'ambassade de France à Washington, dans le contexte de défiance qui s'est subitement installé à la suite du dévoilement de l'accord AUKUS[6].
  •  : la France, à la demande du président de la République, rappelle l'ambassadeur de France aux États-Unis, ce qui est une première dans son histoire, ainsi que l'ambassadeur de France en Australie[7]. Le rappel de l'ambassadeur de France au Royaume-Uni est jugé inutile car, selon le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, « la Grande-Bretagne dans cette affaire, c'est quand même un peu la cinquième roue du carrosse »[8].
  •  : Emmanuel Macron s'entretient par téléphone avec Joe Biden au sujet de la crise des sous-marins[9]. À l'issue de cette discussion, le chef de l'État français annonce que l'ambassadeur de France aux États-Unis regagnera son poste la semaine suivante[10]. Effectivement, l'ambassadeur de France est de retour à Washington le [11].
  •  : Scott Morrison assure vouloir joindre le président Macron afin de s'entretenir avec lui de la crise, déclarant : « Nous allons être patients »[12].
  •  : les négociations commerciales concernant l'accord de libre-échange entre l'Australie et l'Union européenne sont interrompues pendant un mois à compter du [13].
  •  : Antony Blinken, étant à Paris ce jour à l'OCDE, s'entretient avec le président Emmanuel Macron « pour renouer diplomatiquement et mettre sur pied la réconciliation officielle entre la France et les États-Unis »[14].
  •  : le ministre français des Affaires étrangères annonce en commission parlementaire le retour de l'ambassadeur de France à Canberra[15].
  •  : l'Élysée communique sur l'« entretien téléphonique avec M. Scott Morrison, Premier ministre du Commonwealth d'Australie »[16]. La presse en retient la déclaration présidentielle : « l'annulation de la commande de douze sous-marins a « rompu la relation de confiance » entre les deux pays »[17].
  •  : à Rome, Joe Biden et Emmanuel Macron ont un échange d'une heure et demie à la villa Bonaparte[18]. Biden reconnaît que « ce que nous avons fait était maladroit ».
  •  : la ministre australienne des Affaires étrangères Marise Payne s'entretient avec l'ambassadeur de France Jean-Pierre Thébault au sortir de sa quarantaine sanitaire[19].
  •  : lors d'un entretien télévisé marquant la fin de son quinquennat, Emmanuel Macron déclare : « Le gouvernement australien et son Premier ministre se sont mal comportés. […] Nous avons répondu de la manière la plus ferme et ce sera dans la durée que ça se consommera »[20].
  •  : à la suite de la défaite de Scott Morrison aux élections fédérales australiennes de 2022, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian indique que ce résultat « [lui] convient très bien », estimant que ses actes « étaient d'une brutalité, d'un cynisme, et […] d'une incompétence notoire »[21].

Réactions politiques en France

Partis politiques

Quelques jours après la rupture du contrat et dans un contexte de pré-campagne présidentielle, des personnalités des différentes oppositions réclament la sortie totale de la France de l'OTAN ou seulement du commandement militaire intégré[22].

Jean-Luc Mélenchon accuse, dans un communiqué du , les États-Unis de torpiller les sous-marins franco-australiens et propose de « refuser la caporalisation, de quitter l'Otan et d’expulser de France le Centre d'excellence Otan pour l'espace[23] que les USA veulent installer à Toulouse »[24].

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, déclare : « La France doit quitter le commandement armé de l'Otan » et invite même le pays à claquer la porte de l'organisation, « résurgence de la Guerre froide, dangereuse et inutile » que le parti communiste considère comme étant à sens unique au profit de Washington[25].

Le parti Europe Écologie Les Verts considère que l'organisation est « une coquille vide » et appelle à la construction d’une défense européenne en remplacement[25].

Xavier Bertrand annonce vouloir « mettre sur la table la participation de la France au commandement intégré »[26] et appelle à un sommet extraordinaire de l'organisation[27].

Cependant, le gouvernement annonce que la France compte rester dans l'OTAN[28].

Sénat

Le , Nathalie Goulet et plusieurs autres sénateurs demandent à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées de créer une commission d'enquête sur les « conditions de la rupture du contrat de vente de douze sous-marins à l'Australie et ses conséquences sur les plans industriel et stratégique »[29]. À défaut de commission d'enquête, des auditions débutent le [30] au Sénat, puis à l'Assemblée nationale le .

La commission sénatoriale présidée par le sénateur Les Républicains Christian Cambon dénonce « l'attitude récurrente de certains de nos alliés, qui se comportent plus comme des adversaires que comme des concurrents loyaux »[31].

Assemblée nationale

Le PDG de Naval Group, Pierre Éric Pommellet, est entendu à huis clos le par la commission des Affaires économiques et celle de la Défense et des Forces armées pour savoir pourquoi le contrat a été rompu si brutalement et si Naval Group a été pris en traître[32]. Les ambassadeurs Philippe Étienne et Jean-Pierre Thébault le sont également respectivement le 28 et 29 septembre[33]. Le , devant les commissions de la Défense nationale et des Forces armées et des Affaires étrangères réunies, Jean-Yves Le Drian répond aux questions des représentants des groupes parlementaires[15].

Gouvernement

La diplomatie française rappelle ses ambassadeurs en Australie et aux États-Unis en réaction. Par ailleurs, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, estime que « l'OTAN a engagé une réflexion, à la demande du président de la République, sur ses fondamentaux. Il y aura au prochain sommet de l'OTAN à Madrid l'aboutissement du nouveau concept stratégique. Bien évidemment, ce qui vient de se passer aura à voir avec cette définition »[34].

Références

  1. « Sous-marins vendus par DCNS à l’Australie : les coulisses d’un contrat « historique » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  2. Perspectives australiennes sur la dissuasion, la non-prolifération et le désarmement, novembre 2020.
  3. Sous-marins : le traité Aukus va-t-il susciter une nouvelle course aux armements en Indo-Pacifique ?, 23 septembre 2021.
  4. « Crise des sous-marins : l’Australie va verser 555 millions d’euros au groupe industriel français Naval Group pour rupture de contrat », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  5. « Défense : Aukus, une alliance inédite entre l'Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni », sur Les Echos, (consulté le ).
  6. La France rappelle ses ambassadeurs aux États-Unis et en Australie, Le Point, 17 septembre 2021.
  7. « Communiqué de Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères (17.09.21) », sur France Diplomatie - Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, (consulté le ).
  8. « Crise des sous-marins : Londres et Paris de nouveau prêts à travailler "en étroite collaboration" », sur capital.fr, .
  9. « Crise des sous-marins : Emmanuel Macron s'entretiendra avec Joe Biden aujourd'hui, annonce le gouvernement », sur Franceinfo, (consulté le ).
  10. « Crise des sous-marins : l'ambassadeur de France sera de retour à Washington la semaine prochaine, annonce Macron après son entretien avec Biden », sur Franceinfo, (consulté le ).
  11. L'ambassadeur de France, Philippe Étienne, de retour à Washington.
  12. Crise des sous-marins: le Premier ministre australien assure que Macron ne répond pas à ses appels, BFMTV, 23 septembre 2021.
  13. Crise des sous-marins : les négociations commerciales entre l'Australie et l'Union Européenne interrompues, LesEchos.fr, .
  14. Les États-Unis à l'OCDE : leur chef de la diplomatie Antony Blinken prône plus d'égalité, euronews, 6 octobre 2021.
  15. Crise des sous-marins : l'ambassadeur de France de retour en Australie, Biden et Macron vont se revoir mi-octobre, Le Télégramme, 6 octobre 2021.
  16. Entretien téléphonique avec M. Scott Morrison, Premier ministre du Commonwealth d'Australie, elysee.fr, 28 octobre 2021.
  17. Crise des sous-marins : Emmanuel Macron rétablit le dialogue avec l'Australien Scott Morrison, France24, 28 octobre 2021.
  18. Emmanuel Macron et Joe Biden mettent en scène leur réconciliation, lefigaro.fr.
  19. Payne mends fences with French ambassador, The Canberra Times, 1er novembre 2021.
  20. « Crise des sous-marins : "C'est une forfaiture", dénonce Emmanuel Macron », sur rtl.fr, (consulté le ).
  21. « La défaite du Premier ministre australien « convient » à Le Drian », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  22. « Crise des sous-marins: Macron appelé par ses opposants à revoir la position de la France vis-à-vis de l'Otan », sur Le HuffPost, (consulté le ).
  23. Implantation du Centre d'excellence OTAN (CEO) pour l’espace à Toulouse, Ministère des Armées, 5 février 2021.
  24. « Les États-Unis torpillent les sous-marins franco-australiens - La France insoumise » (consulté le )
  25. « Otan. Les partis de gauche veulent (presque) tous claquer la porte », sur L'Humanité, (consulté le )
  26. « L'Otan et la France, éternel objet de polémiques », sur fr.news.yahoo.com (consulté le )
  27. « Crise des sous-marins : Xavier Bertrand plaide pour un sommet extraordinaire de l'Otan », Figaro, (lire en ligne)
  28. , Public Sénat.fr, 29 septembre 2021.
  29. « Proposition de résolution sur les conditions de la rupture du contrat de 12 sous-marins à l'Australie, ses conséquences aux plans industriel et stratégique », sur senat.fr (consulté le ).
  30. « Jean-Yves Le Drian : « Sortir de la crise des sous-marins requerra des actes forts plutôt que des paroles » », sur Public Sénat, (consulté le )
  31. « Annulation par l’Australie du contrat de sous-marins : le Sénat dénonce une décision grave aux conséquences lourdes - Sénat », sur www.senat.fr (consulté le )
  32. Crise des sous-marins : l'Assemblée nationale veut savoir si la "trahison" de l'Australie était détectable, BFM business, 27 septembre 2021.
  33. « Commissions et organes de contrôle », JORF no 0223 du 24 septembre 2021, texte no 63.
  34. « La crise des sous-marins et son impact sur la diplomatie », france culture, (lire en ligne)

Articles connexes

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