Crise franco-britannique au Levant

La crise franco-britannique au Levant, est une crise militaire et diplomatique survenue en mai 1945 entre la France et le Royaume-Uni peu après la fin Seconde Guerre mondiale en Europe.

Pour les articles homonymes, voir Bombardement de Damas.

Un char britannique dans les rues de Damas.

Les troupes françaises bombardent Damas le 29 mai[1].

Contexte

La défaite des Empires centraux lors de la Première Guerre mondiale entraîne la Partition de l'Empire ottoman lors du traité de Sèvres le 10 août 1920. Les actuels États de Syrie et du Liban se retrouvent sous mandat français par l'autorité de la société des Nations, et l'Irak et la Palestine passent sous mandat britannique. La région contrôlée par la France est désignée par l'État du Levant. Cette partition du Moyen-Orient avait été négociée par les accords secrets Sykes-Picot, signés dès le 16 mai 1916.

Partition de l'Empire Ottoman, mandat sous contrôle français (en bleu) et mandat sous contrôle britannique (en rose)

Cependant, Youssef al-Azmeh, un militaire nationaliste syrien s'oppose au mandat français, se rebelle et monte une armée de volontaires. Il meurt au combat lors de la bataille de Khan Maysaloun face à l'armée du Levant le 24 juillet 1920. Le général Mariano Goybet offre une victoire française décisive, qui permet aux troupes d'entrer à Damas le lendemain. Le roi Fayçal Ier est chassé du pouvoir le 27 juillet, et l'éphémère royaume arabe de Syrie disparaît. Les Britanniques, pour garder une stabilité et maintenir leur influence dans le mandat britannique de Mésopotamie, lui propose le trône d'Irak, et il est couronné le 23 août 1921 et devient premier roi d'Irak[2].

Campagne de Syrie (13 juin 1941)

Le 9 septembre 1936, les accords Viénot sont signés entre la France et la Syrie, à Paris, pour prévoir une indépendance syrienne. Toutefois, la Seconde Guerre mondiale commence en 1939, et la France est envahie 10 mai 1940 par l'Allemagne nazie et signe l'Armistice du 22 juin 1940. Le maréchal Philippe Pétain dirige désormais le régime de Vichy et, par extension, le Levant. Rapidement, les alliés et les Forces françaises libres reprennent toutefois le territoire lors de la campagne de Syrie du 8 juin au 14 juillet 1941, sous le commandement en chef de Henry Maitland Wilson avec une participation importante du Royaume-Uni et de ses anciens Dominions (l'Australie et l'Inde britannique). Le général Henri Dentz, haut-commissaire de France au Levant luttant sans renforts, demande l'armistice, qui est signé le 14 juillet 1941 à Saint-Jean-d'Acre par Henry Maitland Wilson (pour le Royaume-Uni), Georges Catroux (pour les FFL) et Joseph de Verdilhac (pour l'État français). Les Syriens continuent cependant de réclamer le départ des troupes françaises en manifestant. Le général Catroux est nommé délégué général de la France libre au Levant de 1941 à 1943 par Charles de Gaulle et il reconnaît dès lors l'indépendance de la Syrie et du Liban. Jean Helleu lui succède en 1943 lorsque ce dernier part pour l'Algérie, enfin Paul Beynet obtient le poste en 1944.

Crise

La crise commence le 19 mai 1945 quand des manifestations à Damas donnent lieu à des échauffourées près de l'Hôpital français de Damas, avec pour bilan une douzaine de blessés.

Le lendemain, des émeutes se déclenchent à Alep où des soldats français sont blessés. Le général Fernand Olive ordonne à la troupe d'ouvrir le feu. En quelques jours, les troubles gagnent Hama et Homs[3]. A Hama quatre-vingts morts sont dénombrés[4].

Le 29 mai, les troupes françaises de l'Armée du Levant pénètrent dans le parlement Syrien pour en arrêter le président Choukri al-Kouatli et le speaker Saadallah al-Djabiri qui s'enfuient.

L'armée française coupe l'electricité au bâtiment avant de le bombarder. Le même jour, les troupes françaises ferment la frontière syrienne avec la Jordanie, l'Irak et le Liban. En moins de trois jours huit cents Syriens sont tués[5].

Choukri al-Kouatli, qui s'est échappé, envoie une requète au premier-ministre Winston Churchill pour lui demander d'intervenir en sa faveur. Churchill lui répond qu'il y est disposé mais il souhaite en même temps préserver sa relation avec Charles de Gaulle.

Les force britanniques dans la région sont alors constittuées de la 9e armée (Royaume-Uni) stationnée en Transjordanie sous le commandement du général Bernard Paget.

Le premier-ministre Syrien, Farès al-Khoury, alors à la Conférence de San Francisco, lance un appel au calme.

Le 31 mai, Winston Churchill autorise le général Bernard Paget à pénétrer en territoire sous contrôle français, ce que celui-ci fait le lendemain, avec notamment la 31e division blindée. Le 2 juin, le général de Gaulle ordonne aux troupes françaises de cesser les affrontements avec les manifestants syriens et démet le général Olive.

Le général Paul Beynet, délégué général de la France libre au Levant, compare l'intervention britannique pour rétablir l'ordre à un « coup de poignard dans le dos » tandis que le général de Gaulle y voit la manifestation des intérèts pétroliers britanniques au prix d'une trahison des intérêts français[6].

Le ministre des affaires étrangères Georges Bidault convoque l'ambassadeur du Royaume-Uni en France Duff Cooper pour protester contre l'intervention britannique tandis que la presse française accuse les britanniques d'avoir armé les manifestants syriens.

Le général De Gaulle souhaitait amener la Syrie et le Liban à l'indépendance, tout en garantissant les intérêts économiques, culturels et stratégiques de la France. Les deux pays s'inquiètent de ces relations qui cachent une tutelle française toujours importante et ainsi les tensions montent. Pour préserver ses intérêts, le général Beynet s'entretient à Beyrouth avec le ministre des affaires étrangères libanais Henri Pharaon et le premier ministre syrien Jamil Mardam Bey, au début du mois de mai[7],[8]. Il est chargé de retarder l'accès a l'indépendance des pays et a une vision négative du Proche-Orient qu'il considère comme soumis[9]. Il est concurrencé par son homologue britannique Edward Spears, qui tente de chasser les Français de la zone.

Réactions internationales

Conséquences

En octobre 1945, la communauté internationale reconnaît l'indépendance de la Syrie et du Liban qui rejoignent alors l'Organisation des Nations unies.

Le 19 décembre 1945, un accord franco-britannique est signé et les troupes françaises et britanniques se retirent du Liban au début 1946, les derières troupes partant respectivement en avril et en juillet et le 17 avril 1946, la Syrie devient un état indépendant.

Références

  1. Stéphane Valter, La construction nationale syrienne, (lire en ligne), p. 342.
  2. US Department of State, « Syria » (consulté le )
  3. (en) Thomas, Martin, The French Empire at War, 1940-1945 Studies in Imperialism, Manchester University Press, (ISBN 9780719065194)
  4. James Barr, A Line in the Sand, 2011, Simon & Schuster, p. 302
  5. James Barr, A Line in the Sand, 2011, Simon & Schuster, p. 306
  6. (en) Werth, Alexander, De Gaulle: A Political Biography., Simon and Schuster, (ISBN 9780671194147), p. 186
  7. Jean-Baptiste Duroselle & André Kaspi, Histoire des relations internationales, de 1945 à nos jours, Malakoff, [Armand Colin], , 683 p. (ISBN 978-2-200-60174-4), p. 39-41
  8. « LES RELATIONS DE LA FRANCE AVEC LE LIBAN ET LA SYRIE », sur lemonde.fr, (consulté le )
  9. Henri de Wailly, 1945 l'Empire rompu: Syrie, Algérie, Indochine, [Perrin], , 312 p. (ISBN 978-2-262-04032-1)

Voir aussi

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