Critique de la philosophie
Les critiques de la philosophie existent dès la naissance de cette discipline. Socrate, l'un des fondateurs de la philosophie occidentale, est ainsi accusé de corrompre la jeunesse et d'atteinte aux bonnes mœurs, ce qui lui vaudra une condamnation à mort. Les critiques de la philosophie sont multiples et diffèrent par leurs moyens et leurs buts.
La philosophie étant une discipline créative, la production philosophique implique une reformulation, une réappropriation des concepts formés par les philosophes antérieurs. Ainsi la philosophie comprend une activité de critique de la tradition philosophique.
Critique d'une certaine "image de pensée"
Les philosophies précédentes
"Peut-être le temps est-il très proche où l'on s'avisera que la pierre angulaire des édifices sublimes et inconditionnels que les philosophes dogmatiques se sont plu à élever n'était au fond que superstition populaire venue d'un temps immémorial, (…) quelconque jeu de mots peut-être, suggestion aberrante de la grammaire, ou encore généralisation téméraire de quelques faits limités, très personnels, d'un caractère très humain, trop humain." Nietzsche, Par-delà bien et mal, préface. Collection Folio essais no 70, Gallimard 1987.
La philosophie universitaire
On peut interroger les rapports de la philosophie avec le pouvoir, en particulier depuis la fin du XVIIIe siècle où la philosophie devient universitaire. On note notamment à ce sujet l'ouvrage de Schopenhauer Sur la philosophie dans les universités et plusieurs aphorismes de Nietzsche tel
« D'une Promotion de Doctorat -« Quelle est la mission de toute instruction supérieure ? - Faire de l'homme une machine. - Quel moyen faut-il employer pour cela ? - Il faut apprendre à l'homme à s'ennuyer. - Comment y arrive-t-on ? - Par la notion du devoir. - Qui doit-on lui présenter comme modèle ? - le philologue : il apprend à bûcher. - Quel est l'homme parfait ? - Le fonctionnaire de l'État. - Quelle est la philosophie qui donne la formule supérieure pour le fonctionnaire de l'État ? - Celle de Kant : le fonctionnaire en tant que chose en soi, placé sur le fonctionnaire en tant qu'apparence. » - »[1]
Les attaques contre la philosophie
Les attaques d'autres disciplines
Quelques citations de Céline, extraits du Voyage au bout de la nuit[2], qui témoignent de sa méfiance à l'égard de la philosophie : "Les philosophes, ce sont eux, notez-le encore pendant que nous y sommes, qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple... Lui qui ne connaissait que le catéchisme! Ils se sont mis, proclamèrent-ils, à l'éduquer…" ( p. 69)
La fin de la philosophie
Jean-François Revel, en philosophie, l'essentiel de sa contribution tient dans un essai qui connut un très grand succès en France en 1957, Pourquoi des philosophes. Il y explique comment la philosophie a épuisé son rôle historique qui était de donner naissance à la science. Depuis Kant, la biologie, la physique et plus tard la psychologie se sont détachées de la philosophie qui est devenue un genre littéraire.
Inutilité
Dans un entretien paru dans le quotidien l'Humanité, janvier 2004, Jacques Bouveresse s'interroge sur son choix de se mêler de philosophie : "Quand je me demande si j’ai eu raison ou non de persévérer finalement dans la voie philosophique, ma réaction est mitigée. Il m’arrive, encore aujourd’hui, de regretter de temps à autre de n’avoir pas choisi plutôt, au moment où c’était encore possible, les sciences, et plus précisément les mathématiques. Ce que je veux dire par là est que je continue à trouver terriblement frustrant et parfois désespérant l’univers de la philosophie. Je me dis parfois qu’il serait décidément plus agréable de pratiquer une discipline où l’on peut parvenir, au moins de temps à autre, à des résultats qui, du point de vue humain, sont peut-être d’un intérêt un peu limité, mais ont au moins l’avantage d’être à peu près assurés."[3]
Ce point de vue se retrouve dans le Tiers Livre de Rabelais, où Panurge, devant les avis contradictoires et l'irrésolution du philosophe Trouillogan, lui assène : "Or çà, de par Dieu, j'aimerais, par le fardeau de Saint-Christophe, autant entreprendre tirer un pet d'un âne mort que de vous une résolution."
Exemples de la critique de la philosophie au cinéma
- Dans le film Fahrenheit 451 (film, 1966), de François Truffaut, on y entend une critique assez commune à l'encontre des livres et des idées philosophiques. À la minute 00:57:12, le capitaine dit : "Les livres n'ont rien à dire ! (…) ceux qui lisent deviennent malheureux et se mettent à rêver des vies impossibles. (…) On va se débarrasser de toute cette philosophie. C'est encore pire que les romans. Penseurs ! philosophes ! ils ont toujours raison. Et les autres sont des imbéciles ! Hier, champion du déterminisme… Et aujourd'hui ne jurant que par le libre arbitre. Simple question de mode, comme… la longueur des jupes."
- Dans Ridicule, un film français de Patrice Leconte sorti en 1996, une scène illustre la critique de Nietzsche selon laquelle, les philosophes ne sont que des "prêtres masqués" (Ecce homo (Nietzsche)). l'Abbé de Vilecourt, un prêtre libertin, tient un double langage, fait d'outrances théologiques et d'irrévérence toute philosophique. Croyant finir sur un bon mot en prétendant prouver de la même façon qu'il le fit avec l'existence de Dieu, son contraire, le roi Louis XVI venu l'écouter au salon se cabre contre son impiété. On entend parmi les courtisans la réprobation outrée au son de "philosophe !", "fanfaron !"
Bibliographie
- Rudolf Carnap, * « Überwindung der Metaphysik durch logische Analyse der Sprache », Erkenntnis, 2, p. 219-241, 1932. Trad. Barbara Cassin et al., « Le dépassement de la métaphysique par l'analyse logique du langage », in Soulez, éd., Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, Paris: PUF, 1985 ; Paris: Vrin, 2010, p. 149-171.
- Paul Nizan, Les chiens de garde, 1932
- Lucien de Samosate, Philosophes à vendre, Éditions J.J. Pauvert, 1965
- Jean-François Revel,
- Pourquoi des philosophes ?, Éditions J.J. Pauvert, 1957
- La cabale des dévots, Éditions J.J. Pauvert, 1962
- Pierre Thuillier, Socrate fonctionnaire, Éditions Complexe, 1982
- Jacques Bouveresse, Prodiges et vertiges de l'analogie. De l'abus des belles-lettres dans la pensée, Raisons d'Agir, 1999.
- Roland Quilliot, L'Illusion, "Que sais-je ?", Les Presses universitaires de France (PUF), 1996
Notes et références
- Le Crépuscule des idoles, « Flâneries inactuelles », § 29.
- Louis-ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, folio
- Bouveresse - Entretien L'Humanité 16 janvier 2004
Annexes
Articles connexes
Liens externes
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