Dévaluations du franc français
Les dévaluations du franc français sont l'ensemble des dévaluations décidées par les autorités publiques françaises à l'égard du franc français.
Ces dévaluations ont été nombreuses après la Première Guerre mondiale, ayant pour objectif de restaurer temporairement la compétitivité économique du pays, en rendant les exportations françaises meilleur marché mais en prenant le risque que les importations, plus chères, ne se traduisent par de l'inflation, en particulier en période de choc pétrolier. Certaines dévaluations ont également pour origine l'endettement du pays et la perte de confiance des investisseurs financiers internationaux dans le franc comme monnaie refuge.
Au cours du XXe siècle, le franc français a connu dix-sept dévaluations[1],[2],[3] dont la plupart au cours des années 1950. La dernière a eu lieu en . Les dévaluations des années 1980 ont été effectuées par rapport au mark allemand, considéré comme un modèle de stabilité monétaire.
Concept
À partir de , la dévaluation signifie la baisse de la valeur d'une devise par rapport à une ou plusieurs autres. La livre sterling, puis le dollar américain, étaient souvent pris comme référence. C'est une procédure voulue par la banque centrale de la monnaie en question contrairement à la dépréciation qui est un phénomène spéculatif entre autres. Avant cette date, la dévaluation se faisait par rapport à un équivalent en masse d'or par unité de monnaie (étalon or)[4].
L'objectif est généralement de restaurer la compétitivité économique de la France[5].
Troisième République
Dévaluation de 1928
Le (franc Poincaré)[6], le franc est dévalué. Il s'agit d'une réponse à la difficile situation financière de la France. Depuis , le franc a cours forcé : la convertibilité en or est suspendue. À partir de , l'Angleterre et les États-Unis demandent remboursement de leurs créances, la France étant endettée à hauteur de 20 milliards. Les investisseurs ne souhaitant pas détenir de franc, la devise s'effondre sur le marché des changes. Finalement, le , Raymond Poincaré décide la fin du franc germinal : sa valeur est divisée par cinq par rapport à celle de . La convertibilité en or est rétablie.
Dévaluation de 1936
Le (franc Auriol)[6],[7]. Le , la livre sterling est dévaluée et se met à flotter, le gouvernement britannique suspend sa convertibilité en or. En , le dollar est dévalué. En , le franc est attaqué sur le marché des changes. Le , le Front populaire dévalue le franc de 35 %. Un décret interdit le commerce de l'or et les propriétaires de plus de 200 grammes d'or peuvent les céder à la Banque de France au cours antérieur à la dévaluation ou devront s'acquitter d'une taxe.
Dévaluation de 1937
Le (franc Bonnet)[8],[9], le franc est déprécié à nouveau au départ du gouvernement Blum.
Régime de Vichy
Dévaluation allemande de 1940
En , l'occupant allemand impose un taux prohibitif de 20 francs pour 1 reichsmark (il était de 13 F en ).
Quatrième République
Dévaluation de 1944
Le , Pierre Mendès France dévalue le franc par rapport à l'or, de 13 %. Le cours du dollar s'établit à 43,80 francs[14].
Dévaluation de 1945
(franc Pleven)[6] : la dévaluation est de 60 % par rapport au dernier cours de . Ce même jour, la France ratifie les accords de Bretton Woods et fait sa première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI). Le franc CFA est créé, sur la parité de 1 franc CFA = 1,70 franc français (anciens francs)[15]. Cette dévaluation dope les exportations et l'inflation.
Dévaluation de 1948
(franc Mayer)[6] : la dévaluation se monte à 80 %. Le cours du dollar US passe de 119 à 214 francs[16], obligeant Robert Schuman à réagir.
Dévaluation de 1949
(franc Queuille)[6] : dévaluation de 22,27 % par le gouvernement d'Henri Queuille, le dollar coûte 350 francs[17].
Dévaluation de 1957
(franc Gaillard)[6] : dévaluation « déguisée » de 20 % par le président du Conseil Félix Gaillard, laquelle fut légalisée en .
Cinquième République
Dévaluation de juin 1958
En , Charles de Gaulle valide une dévaluation de 20 %[5]. Elle est considérée comme une réussite[18].
Dévaluation de décembre 1958
Le (franc Pinay)[6], une nouvelle dévaluation, de 17,55 %, est décidée. Elle s'insère de manière plus large dans le plan Pinay-Rueff. Avec la dévaluation précédente, cette nouvelle dévaluation consolide le commerce extérieur français, et s'accompagne de la création d'un « franc lourd » qui vaut 100 anciens francs. Cette dévaluation a pour objectif de faire entrer du mieux possible la France dans le marché commun[19].
Dévaluation d'août 1969
Georges Pompidou arrive au pouvoir. Il annonce une dévaluation du franc le (franc Giscard)[6], à l'issue d'un Conseil des ministres extraordinaire. Le premier ministre Jacques Chaban-Delmas, qui avait refusé la dévaluation en , accepte une dévaluation de 11,1 % le franc. Il s'agit d'une réussite : la bourse de Paris est fermée ce jour-là, et aucune pression spéculatrice ne s'exerce sur le franc[20]. Les effets sont renforcés par la réévaluation du mark allemand le , contre toutes les autres monnaies[21].
Dévaluation de 1981
[22] : quelques mois après l'entrée en fonctions de François Mitterrand, le gouvernement dévalue le franc de 3 %.
Dévaluation de 1982
Le [23], le président Mitterrand acte une nouvelle dévaluation du franc de 5,75 %. Elle est assortie d'un plan de rigueur et marque à ce titre le début du tournant de la rigueur. La dévaluation est actée dans le cadre d'une négociation européenne : les ministres des Finances des dix pays de la Communauté européenne s'accordent sur une réévaluation de 4,25% du mark et du florin, contre une dévaluation de 2,75 % de la lire et de 5,75 % du franc[24].
Dévaluation de 1983
: le mark allemand et le florin néerlandais sont réévalués de 4,25 % contre toutes les monnaies du Système monétaire européen. La lire italienne est dévaluée de 2,75 % face à toutes les monnaies du Système monétaire européen. Le franc perd 8 % par rapport au mark[25].
Dévaluation de 1986
Le [26], la France dévalue de 3 % le franc. Cette dévaluation est faite dans le cadre du système monétaire européen. En effet, les ministres de l'Economie et des Finances des douze pays de la Communauté européenne, réunis aux Pays-Bas, acceptent, à la demande de la France, un réajustement des parités des monnaies appartenant au SME[27].
Notes et références
- Asselain 2005, p. 65.
- Breton 2005, p. VII.
- Prate 1987, p. 7.
- John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936.
- « Les grandes dates de l'histoire du franc », sur L'Obs, (consulté le ).
- Eck 2009, p. 209.
- Conreur 2005, p. 237.
- Eck 2009, p. 14.
- Conreur 2005, p. 250.
- François Paulhac, Les accords de Munich et les origines de la guerre de 1939, Vrin, (ISBN 978-2-7116-4262-5, lire en ligne)
- BOSC SERGE, COMBES ALAIN et ECHAUDEMAISON CLAUDE-DANIELLE, L'économie aux concours des grandes écoles - 1re et 2e années, NATHAN (ISBN 978-2-09-812364-9, lire en ligne)
- Fernand Braudel et Ernest Labrousse, Histoire économique et sociale de la France (4): L'ère industrielle et la société d'aujourd'hui (1880-1980) : le temps des guerres mondiales et de la grande crise de 1914 à 1950, Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-13-065639-5, lire en ligne)
- Vincent Adoumié, Histoire de France : De la république à l'État français 1918-1944, Hachette Éducation, (ISBN 978-2-01-181885-0, lire en ligne)
- René Courtin, « L'évolution économique et financière depuis la guerre » in Le Monde, 27 décembre 1947.
- Histoire du Franc CFA
- François Caron, « Le plan Mayer : un retour aux réalités : trois personnalités de l'après-guerre face à l'action (1945-1946) », Histoire, économie et société, no 3, , p. 431 (lire en ligne, consulté le ).
- Jean-Guy Mérigot et Paul Coulbois, « Le problème monétaire français depuis la fin du deuxième conflit mondial », Revue économique, vol. 1, no 3, , p. 265 (lire en ligne, consulté le ).
- Bertrand Blancheton et Christian Bordes, « Débats monétaires autour de la dévaluation du franc de 1969 », Revue européenne des sciences sociales. European Journal of Social Sciences, no XLV-137, , p. 213–232 (ISSN 0048-8046, DOI 10.4000/ress.236, lire en ligne, consulté le )
- Pierre-Hubert Breton et Armand-Denis Schor, La Dévaluation: Théorie et pratique des dévaluations et des réévaluations, Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-13-067901-1, lire en ligne)
- Alfred Grosser, Affaires extérieures: la politique de la France, 1944-1989, Flammarion, (ISBN 978-2-08-081209-4, lire en ligne)
- « Débats monétaires autour de la dévaluation du franc de 1969 », par Bertrand Blancheton et Christian Bordes, Revue des sciences sociales, pages 213 à 232.
- Feiertag 2013, § 18.
- Feiertag 2013, § 19.
- « 9-28 juin 1982 - France. Dévaluation du franc, blocage des prix et des salaires - Événement », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
- Feiertag 2013, § 20.
- Feiertag 2013, § 29.
- « 5-24 avril 1986 - France. Dévaluation du franc et adoption d'un collectif budgétaire - Événement », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
- Feiertag 2013, § 30.
- « Interview de M. Edouard Balladur, ministre de l'économie des finances et de la privatisation, dans "Die Welt" le 19 janvier 1987, notamment sur la stabilisation des taux de changes entre les monnaies européennes et la politique économique française (texte », sur vie-publique.fr (consulté le )
Voir aussi
Textes officiels
- Loi monétaire du , dans Journal officiel de la République française, vol. 60, no 149, , p. 7085-7086.
- Loi monétaire du , dans Journal officiel de la République française, vol. 68, no 231, , p. 10402-10403.
- Décret du portant modification de la loi monétaire du et approuvant une convention avec la Banque de France, dans Journal officiel de la République française, vol. 69, no 151, , p. 7431.
- Décret du relatif à la réévaluation de l'encaisse de la Banque de France, dans Journal officiel de la République française, vol. 70, no 266, et , p. 12882-12884.
- Décret du approuvant une convention passée entre l'État et la Banque de France, dans Journal officiel de la République française, vol. 72, no 58, , p. 1520.
Bibliographie
- [CHEFF 2005] Comité pour l'histoire économique et financière de la France (préf. Thierry Breton), D'or et d'argent : la monnaie en France du Moyen Âge à nos jours, Paris, coll. « Animation de la recherche », , 1re éd., 140-[8], 22 cm (ISBN 2-11-093702-5, EAN 9782110937025, OCLC 420897461, BNF 40108918, SUDOC 094528551, présentation en ligne) :
- [Breton 2005] Thierry Breton, « Préface », dans op. cit., p. V-VIII (lire en ligne) ;
- [Asselain 2005] Jean-Charles Asselain, « Le siècle des dévaluations : du franc Poincaré au « franc fort » des années », dans op. cit., chap. 5, p. 65-86.
- [Conreur 2005] Gérard Conreur, De l'assignat à l'euro : deux siècles d'histoire du franc, Paris, L'Harmattan, hors coll., , 1re éd., 339 p., 16 × 24 cm (ISBN 2-7475-8350-3, EAN 9782747583503, OCLC 470295071, BNF 39980743, SUDOC 089684389, présentation en ligne).
- [Eck 2009] Jean-François Eck, Histoire de l'économie française : de la crise de à l'euro, Paris, Armand Colin, coll. « U / Histoire », , 1re éd., 366 p., 16 × 24 cm (ISBN 978-2-200-34510-5, EAN 9782200345105, OCLC 470971931, BNF 41479704, SUDOC 133995526, présentation en ligne).
- [Feiertag 2013] Olivier Feiertag, « La France, le dollar et l'Europe (-) : aux origines globales de l'euro », Histoire@Politique, no 19 « La France face au dollar », , p. 128-142 (DOI 10.3917/hp.019.0010, résumé, lire en ligne).
- [Prate 1987] Alain Prate, La France et sa monnaie : essai sur les relations entre la Banque de France et les gouvernements, Paris, Julliard, hors coll., , 1re éd., 298 p., 23 cm (ISBN 2-260-00498-9, EAN 9782260004981, OCLC 416413207, BNF 34965906, SUDOC 001313967, lire en ligne).
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