Debaa
Le debaa, deba ou déba est un mélange de danse, de musique et de chant traditionnels pratiqué sur l'île de Mayotte[1] où il est réservé exclusivement aux femmes[2].
Pour les articles homonymes, voir Deba.
Le debaa peut avoir une signification religieuse, être pratiqué en tant que distraction ou s'apparenter à une compétition entre plusieurs groupes de femmes issus de différents villages.
Étymologie
Cette pratique, appelée debaa[3], deba[4] ou déba[2], tirerait son nom d'ibn ad-Dayba (ar), auteur yéménite du XVe siècle, historien et compilateur de hadiths, dont le debaa reprend le répertoire de qasida[5],[6].
Origine
Le debaa est une tradition récente tirée du soufisme[2], lui-même issu de l'islam, qui est la religion majoritaire à Mayotte (en).
Le debaa s'est développé à Mayotte dans les années 1920-1930 sous l'influence d'un foundi[7] (professeur d'école coranique). Lié à la confrérie soufie Rifa'iyya[7] et venu d'Anjouan[Quand ?][7], île voisine dans l'archipel des Comores[réf. nécessaire]
, il était d'abord réservé aux hommes et de nature purement religieuse, avant de s'ouvrir aux femmes, puis de leur être réservé.
Le debaa est identique aux pratiques du soufisme en ce qui concerne les chants et la musique, qui consiste en quelques percussions simples, la seule différence notable étant la danse[réf. souhaitée]
.
Déroulement
Le debaa est effectué par les femmes du village : vêtues de tenues identiques et ornées de leurs plus belles parures, elles s'adonnent à une danse chorégraphiée dans le but de reproduire les mouvements lancinants des vagues de l'océan.
Cette danse est accompagnée de chants principalement[8] en langue arabe[2], tirés de livres sacrés, remémorant le plus souvent la naissance du Prophète[2]. La forme est similaire à un répons : une soliste chante la mélodie, avant d'être imitée par un chœur[9], aux rythmes d'instruments à percussion tels que le tambourin.
Le debaa peut être réalisé en guise de louanges pour les pèlerins qui partent à La Mecque ou en reviennent, lors de la période du ramadan comme rite expiatoire (en), en tant que gratification à Dieu[2], pour Mawlid[10], pendant un mariage[11], ou enfin comme simple compétition entre femmes de différents villages.
Le debaa est aussi un rituel de séduction, une occasion pour les jeunes femmes de se faire remarquer par un spectateur qui pourrait les demander en mariage[12].
Analyse
Bien que le debaa soit issu du soufisme, le profane l'emporte sur le sacré dans cette pratique. Il peut être vu comme une expression de l'identité et de la force des femmes mahoraises, dans un contexte où elles ont largement contribué à ce que Mayotte reste française lors de l'indépendance des Comores[8], avec notamment le phénomène des chatouilleuses.
Notes et références
- Bertuzzi 2015.
- Thierry Mallevës, « Mayotte envoie ses élues aux Orientales », Ouest-France, (consulté le ).
- Ocora 2010, Samson 2011, Degeorges 2019, Ben Saïd 2014, Bertuzzi et Chatrefou 2014, Bertuzzi 2015, d'Hérouville 2015, Godeau 2017.
- Lambek 1987, Barthès 2003, Randrianary 2007.
- d'Hérouville 2015.
- Nora Godeau, « Conférence dansée : Le debaa ouvre la saison culturelle du centre universitaire », sur Le Journal de Mayotte, .
- Samson 2011.
- Lambek 1987.
- Randrianary 2007.
- Degeorges 2019.
- Bertuzzi 2020.
- Carole Barthès, L'État et le monde rural à Mayotte (texte remanié de Changement institutionnel à Mayotte : transition ou métissage ? La recomposition des pratiques agricoles et foncière face à une politique de "développement", thèse de doctorat en sciences économiques à l'École nationale supérieure agronomique de Rennes, 2001, sous la direction de Guy Durand), Karthala et Cirad, coll. « Économie et développement », , 238 p. (ISBN 2-84586-354-3 et 2-87614-533-2), p. 27.
Voir aussi
Articles connexes
- Musique mahoraise
- Madjilisse, danse et musique réservés aux hommes
Bibliographie
- (en) Michael Lambek (en), « The ludic side of Islam and its possible fate in Mayotte », Omaly sy anio : Hier et aujourd'hui, nos 25-26, , p. 120–121 (lire en ligne), repris dans Roman Loimeier (dir.) et Rüdiger Seesemann (dir.), The Global Worlds of the Swahili : Interfaces of Islam, Identity and Space in 19th and 20th-Century East Africa, Berlin et Münster, Lit, coll. « Beiträge zur Afrikaforschung » (no 26), 409 p. (ISBN 3-8258-9769-9), chap. 9, p. 184–185.
- Victor Randrianary, « Patrimoine musical et chorégraphique de Mayotte : Rapport de missions », ministère de la Culture, février et juillet 2007, p. 15.
- Madarassati Nidhoimya de Hamjago (chant), Madarassati Salamia de Bambo-Ouest (chant), Madarassati Madania de Bouéni (chant), Madarassati Toyaria de M'tsangadoua (chant), Madarassati Nouriana de Tsimkoura (chant), Françoise Degeorges (direction artistique), Yann Costa (enregistrement), Philippe Malidin (montage), Abdoule-Karime Ben Saïd (texte), Victor Randrianary (texte et photographie), Charles Le Gargasson (photographie) et Lena Huraux (photographie), France-Mayotte : Debaa, chant des femmes soufies, Ocora Radio France (C 560229), , CD 1 h 2 min 28 s + livret 32 p. (EAN 794881960026 (édité erroné)) [présentation en ligne] [notice sur discogs].
- Guillaume Samson, « France-Mayotte. Debaa. Chant des femmes soufies », Cahiers d'ethnomusicologie, no 24, , p. 291–292 (lire en ligne).
- Françoise Degeorges, « En route pour les chants des femmes soufies de Mayotte ! », Dans la discothèque d'Ocora, France Musique, .
- Abdoul-Karime Ben Saïd, « Le debaa des femmes : Un patrimoine mahorais », Taãrifa, Mamoudzou, Archives départementales de Mayotte, no 4, , p. 29–43.
- Elena Bertuzzi et Laure Chatrefou, « Résumé du projet : « Le debaa, danse chantée de Mayotte » », Aide à la recherche et au patrimoine en danse 2013, Centre national de la danse, .
- Elena Bertuzzi (photogr. Laure Chatrefou), Au cœur du debaa : Un chant soufi dansé par les femmes, Mamoudzou, Direction des affaires culturelles de la préfecture de Mayotte, coll. « Les patrimoines cachés », , 61 p. (BNF 45015100, HAL halshs-01511210, lire en ligne).
- Elena Bertuzzi, « Agressivité et belles manières : Aspects compétitifs dans le debaa des femmes de Mayotte », Cahiers d'ethnomusicologie, no 33, (lire en ligne).
- Pierre d'Hérouville, « Maulidi Ya Homu, dit « Mulidi » : Une goutte dans un océan », , § 3.2 « Le Debaa (Nzuani, Mahore) », p. 20.
Liens externes
- « Le déba... », sur mgems.uniterre.com,
- Le déba dans le webdocumentaire "Les ports, de la Méditerranée à l'océan Indien" (Sisygambis / Institut du monde arabe)
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