Dette : 5000 ans d'histoire

Dette : 5000 ans d'histoire est un livre de l'anthropologue David Graeber publié en 2011 et paru pour la première fois en France en 2013 aux éditions Les liens qui libèrent.

Dette : 5000 ans d'histoire
Auteur David Graeber
Pays États-Unis
Genre essai - anthropologie
Version originale
Langue Anglais
Titre Debt : the first 5000 years
Éditeur Melville House
Lieu de parution New-York
Date de parution
ISBN 978-1-933633-86-2
Version française
Traducteur Françoise et Paul Chemla
Éditeur Les liens qui libèrent
Lieu de parution Paris
Date de parution 2013
Type de média livre papier
Nombre de pages 624
ISBN 979-10-209-0059-3
Chronologie

Il s'agit d'une analyse historique du concept de dette à l'aune de différents faits sociaux comme le troc, le mariage, l'esclavage, la loi, la religion, la guerre et l'État. Il y est fait usage d'un large matériel anthropologique et historique remontant jusqu'à la première mention connue de la dette à Sumer en 3500 avant notre ère.

Argument

En s’appuyant sur un abondant matériel ethnologique accumulé au cours des deux derniers siècles, David Graeber démonte le mythe du troc. On ne réalise le troc qu’avec les étrangers, ce qui a pu induire en erreur nombre d’observateurs. Le premier lieu d’échange est la communauté dans laquelle on vit. Dans les premiers chapitres, il s’efforce de le montrer, au sein de la communauté d’appartenance les échanges sont le plus souvent régis par des promesses tacites. Ce système de promesses peut être conçu comme un système de dette qui lie les hommes entre eux. Sans celles-ci, « chacun de nous deviendrait une planète isolée, peu fiable, même pour rester sur son orbite. »[1]

Chapitre 6

Il apparaît avec principalement l'étude en contexte Tiv, Lele, Nuer, et Iroquois, que « dans les économies humaines, la monnaie est avant tout la reconnaissance de l'existence d'une dette impossible à payer » (p. 168) : La société n'est autre que nos dettes ; qu'une vie soit donnée ou prise, la dette est absolue ; pour rendre quelque chose vendable, dans une économie humaine, il faut d'abord l'arracher à son contexte ; la monnaie n'efface pas la dette ; c'est au mieux un essai de réconciliation par crainte de représailles, un substitut de vie[2] provisoire et insuffisant.

Chapitre 7

La dette d'honneur apparaît liée à la naissance du patriarcat en Mésopotamie vers 1500 avant Jésus-Christ, avec les premières indications de harem et de voile pour dissimuler les femmes de la haute société. L'évolution des monnaies sociales vers les monnaies commerciales serait la source de nombre de dilemmes moraux qui persistent jusqu’à nos jours. Pour Graeber c’est bien là « qu’on peut trouver l’origine de nos conceptions actuelles de l’honneur, mais aussi du patriarcat lui-même »[3].

Chapitre 8

Dans le chapitre 8, David Graeber démarre sa démonstration en avançant l’hypothèse de l’existence de grands cycles historiques existants à l’échelle de l’ensemble de l’Eurasie. Il appuie sa démonstration en rappelant que l’esclavage, largement pratiqué sous l’antiquité, a quasiment disparu en Europe dans les premiers siècles du Moyen Âge. Ce changement se produit de concert avec l’Asie : l’esclavage en pleine propriété disparait en Inde et en Chine vers 600 ap. J.-C. De même, David Graeber pointe un autre tournant historique : l’apparition des pièces de monnaie, d’or et d’argent. Celles-ci naissent de manière quasi simultanée (entre 600 et 500 av. J.-C.) dans trois lieux différents : dans la grande plaine de Chine du Nord, dans la vallée du Gange, et autour de la mer Egée (dans l’ancien royaume de Lydie). L’auteur souligne que les pièces de monnaie ne sont en rien issues d’un progrès technique (la technologie nécessaire et leur fabrication étaient déjà maitrisées), mais constituent un changement social. Elles découlent de la volonté de monarques de financer dans armées en liquidant les systèmes de crédit qui existaient précédemment.

David Graeber introduit ensuite une opposition essentielle entre deux grands systèmes d’échange économique, qui alternent selon de grands cycles historiques. Ainsi, les époques durant lesquelles les échanges reposent sur une monnaie virtuelle basée sur le crédit alternent avec les systèmes basés sur l’échange physique de monnaie métallique.

Dans un système de monnaie virtuelle de crédit, la monnaie est avant tout une unité de compte, un étalon destiné à mesurer la valeur des choses échangées. Dans un tel système, la monnaie est une abstraction. David Graeber revient alors sur la démonstration qu’il avait avancée chapitre au chapitre 1 concernant la Mésopotamie antique (3500-800 Av. J.-C.). L’étalon de mesure était alors le sicle, qui servait à la fois à définir un certain poids d’argent métal et une certaine quantité d’orge. La valeur de chaque marchandise échangeable était évaluée en sicle. Au moment de l’achat, la marchandise était payée par le biais d’une reconnaissance de dette libellée en sicle, et inscrite sur une tablette d’argile. Il n’y avait alors pas d’échange physique de métal précieux, le sicle ne servait que d’unité de mesure de la valeur des choses échangées. Les tablettes constituaient des promesses de remboursement, qui étaient honorées par le paiement d’une autre marchandise ayant la même valeur mesurée en sicle. Les tablettes pouvaient également circuler de main en main en servant de moyen d’achat. Elles jouaient ainsi le rôle de billet au porteur. Le système de monnaie virtuelle de crédit nécessitait l’existence de réseaux de sociabilité resserrés et solidement établis (corporation de marchands, habitants d’un même quartier) et reposait sur la confiance unanimement admise de la capacité de l’émetteur de la tablette à honorer sa créance. La monnaie virtuelle de crédit s’épanouit dans les périodes stables, de relative paix sociale et de confiance mutuelle.

Les systèmes de monnaie métallique, introduits entre 600 et 500 av. J.-C. et qui reposent sur l’échange physique de pièces et lingots de métal précieux, sont au contraire marqués par une dépersonnalisation des transactions. S’il est nécessaire d’être convaincu de l’honnêteté de l’émetteur d’une tablette d’argile établissant une reconnaissance de dette, il n’est aucunement nécessaire d’établir la bonne moralité du détenteur d’une pièce d’or désireux d’acquérir une marchandise. David Graeber souligne ainsi que la monnaie métallique faite de lingot ou de pièce de métal précieux « a joué le même rôle que la valise pleine de billets du dealer d’aujourd’hui : celui d’un objet qui n’a pas d’histoire, précieux parce qu’on l’acceptera à peu près partout et sans poser de questions en échange d’autres biens ». Une pièce d’or est impersonnelle, et son histoire n’est pas traçable. Elle peut être facilement volée. Pour ces raisons, l’échange physique de monnaie métallique se pratique dans les périodes de violence, de guerre et de pillage.

David Graeber avance ensuite que l’Histoire alterne entre périodes dominées par la monnaie virtuelle de crédit et périodes dominées par la monnaie métallique. Il propose un plan chronologique pour la suite de son ouvrage. Les empires agraires (3500 av. J.-C. – 800 av. J.C.) sont dominés par la monnaie virtuelle de crédit, et feront l’objet d’un développement dans le chapitre 8. L’âge axial (800 av. J.-C. - 600 av. J.-C.), qui débute avec l’apparition des premières pièces de monnaie et qui se caractérise par l’essor de la monnaie métallique, sera analysé dans le chapitre 9. Le Moyen Âge, marqué par un retour à la monnaie virtuelle de crédit, sera analysé dans le chapitre 10. Le chapitre 11 sera consacré à l’âge des empires capitalistes, qui commence vers 1450 et qui est marqué par le retour des métaux précieux dans les échanges. Enfin, le chapitre 12 sera consacré au retour de la monnaie virtuelle à partir de 1971.

David Graeber expose ensuite le fonctionnement de la monnaie virtuelle de crédit, qui domine à l’époque des grands empires agraires (3500 av. J.-C. - 800 av. J.-C.). Il revient sur l’apparition du prêt à intérêt en Mésopotamie. Puis il souligne que très tôt, les souverains mésopotamiens ont choisi d’instituer le principe de l’effacement périodique des dettes. Ce principe apparait pour la première fois dans la cité de Lagash vers 2350 av. J.-C. La pratique de l’annulation de dette est transmise à travers les siècles puis est formalisée dans le code de Hammourabi, en 1750 av. J.-C. Les rois mésopotamiens avaient eux-mêmes choisi d’instituer l’effacement des dettes afin d’éviter le chaos social, la désertion de paysans débiteurs susceptibles de revenir attaquer les villes et renverser l’ordre économique excisant. David Graeber souligne en effet que la destruction des registres de dette deviendra plus tard le cœur de toutes les révoltes paysannes. En Égypte, les crises de dette de style mésopotamien apparaissent vers le VIIIe siècle av. J.-C. Le Pharaon Bakenranef abolit l’asservissement pour dette et procède à des annulations de dette vers 720-715 av. J.-C. Le principe sera ensuite instituée sous la dynastie ptoléméenne : selon D. Graeber, la Pierre de Rosette, qui a servi à traduire les hiéroglyphes, est un décret évoquant l’effacement de dettes.

Chapitres 8 et 9

Après ces apories sur l'économie, l'échange, la monnaie, la dette, la réflexion se transforme en vaste programme de redéfinition de l'histoire de l'humanité, qui semble indiquer une alternance entre phases de crédit (confiance, dette, marché libre) et phases de monnayage (marché étatique, guerres, armées...).

Le chercheur en vient aux origines historiques de la monnaie. La monnaie conçue comme moyen d’échange fait son apparition dans les empires guerriers égyptiens, mésopotamiens et chinois, à partir du troisième millénaire avant notre ère, en présence d’un État fort qui bat monnaie pour mener des guerres et rétribuer ses guerriers. Sur la route de ces guerriers les pièces de métaux précieux deviennent un objet d’échange qui permet de nourrir les troupes sans plus avoir à réquisitionner et transporter des provisions.

La monnaie est donc un outil de puissance étatique dans un complexe « armée – pièces de monnaie – esclavage »[4] qui s’enracine encore davantage au cours de la période axiale (de l'an 800 AEC à 200 AEC).

Chapitre 10

Est abordée la place paradoxale de l’usure, dont l’histoire au Moyen Âge mêle un éternel retour à une condamnation assez courante. La plupart des religions la condamnent, parce qu'elle leur pose un problème : « l’argent a toujours le potentiel de devenir lui-même un impératif moral. Permettez-lui de s’étendre, et il pourra vite devenir une morale si impérative que toutes les autres paraîtront futiles en comparaison. »[5]. Il faut d’ailleurs attendre 1980 pour que soit abolie la loi américaine qui limitait l’usure au taux de 10%.

Le bouddhisme est favorable à l'usure : le résultat, en Inde, est une généralisation du péonage (indentured servitude, entre engagisme, servage et servitude pour dettes). Le bouddhisme en Chine, religion de marchands, engage une économie de la dette infinie, avec thésaurisations dans les monastères, virtualisation de la monnaie, soulèvements paysans (1,8 par heure (p. 316), répressions antibouddhiques (pour reconstituer la masse monétaire), apparition du papier-monnaie (symbolique, non métallique).

En Proche-Occident, « dans un contexte général de capitalisme marchand, de religion missionnaire universaliste, de rationalisme scientifique, de célébration poétique de l'amour romantique et de vagues périodiques de fascination pour la sagesse mystique venue d'Orient » (p. 332), le judaîsme, le christianisme et l'islam sont « comme trois manifestations différentes de la même grande tradition intellectuelle occidentale » (p. 332). L'Islam interdit l'usure, mais les guerres d'expansion remplissent les caisses du Califat, qui peut produire des dinars d'or et des dirhams d'argent d'une pureté remarquable. Puis la vision positive du commerce permet un tournant avec développement des instruments de crédit, invention du sakk (chèque). Ce qui permet l'image idéaliste de la vie parfaite : Sindbâd, le commerçant aventurier qui a réussi et termine son existence dans son jardin.

En Extrême-Occident, la chrétienté entre tardivement dans le Moyen Âge, avec la même disparition des pièces de monnaie, le retour à la virtualité. Le christianisme, farouchement contre l'usure, nuance cette attitude, selon qu'il s'agit de prêt sans intérêt avec les siens, ou avec intérêt avec les autres. Et les princes chrétiens prennent l'habitude « d'exploiter à leurs propres fins la position effectivement un peu extérieure au système qu'occupaient les Juifs » (p. 352), avec les conséquences funestes trop bien connues, dans un contexte de chaos politique généralisé, de commerce agressif, et de progrès économique et technique. Les ordres monastiques militaires et les maisons de banque ont longtemps su profiter de la situation, avec lettres de change. Le marchand aventurier est sublimé en chevalier errant, sans repos, à la quête du Graal de la finance, ce chèque en blanc. L'âge axial est l'âge du matérialisme, le Moyen Âge est l'âge de la transcendance, et pas de la foi : la monnaie est une convention sociale arbitraire (p. 364), un symbole. L'époque médiévale a inventé l'université, mais aussi l'entreprise (société), comme personne fictive, à l'origine de ce qu'on a pu appeler le capitalisme monastique.

Chapitre 11

L'époque moderne apporte l'essor de la science moderne, le capitalisme, l'humanisme, l'État moderne, mais elle est d'abord le retournement dans un cycle historique : retour à l'or et à l'argent contre les monnaies virtuelles et les économies de crédit, avec réagencement généralisé des relations. Parmi les causes, la peste noire, et l'inflation massive : conquête du Nouveau Monde, commerce asiatique, paiement du fisc en métal, monnaie-lingot, révolution des prix, enclosures, soulèvements, répressions, manipulation de la dette.

I : Cupidité, terrorisme, indignation, dette. Après la quatrième croisade et le siège de Constantinople (1203), Corès (1485-1547) et Casimir de Brandebourg-Culmbach (1481-1527) demeurent les meilleurs exemples de la chaîne : avidité de conquête, rapacité des prêteurs, désastre des populations locales. De fait, l'Église catholique a été intransigeante à l'encontre de l'usure par rivalité morale (p. 388). Toute forme de relation humaine devient une question de calcul coûts/avantages, et l'unique impératif moral le profit. En 1524, Martin Luther lance la réhabilitation du prêt à (faible) intérêt. Le terme interesse signifie pénalité pour retard de paiement !

II : Monde du crédit et monde de l'intérêt. Le communisme quotidien (ou l’amour du prochain) tend à maintenir les communautés rurales, par leur expérience quotidienne concrète : l'entretien des communs Martin Luther — champs et forêts —, la coopération de tous les jours, la solidarité ente voisins (p. 396). En face, le « communisme des riches » (aristocrates, marchands, banquiers) s'épanouit. La disjonction croissante des univers moraux (p. 400) fait que toutes les relations morales ont fini par être conçues comme des dettes (p. 401). L'intérêt personnel devient dès 1510 le fondement de la théorie économique. « Comme Augustin l'avait déjà anticipé, des désirs infinis dans un monde infini signifient une rivalité sans fin ; notre unique espoir de paix sociale est donc bien celui que préconisait Hobbes : des accords contractuels que l'appareil d'État fera strictement respecter » (p. 396). Le pouvoir impersonnel de l'État signifie législation, procédure judiciaire : la criminalisation de la dette a été le fondement même de la société humaine (p. 407), guerre de tous contre tous (torture, meurtre, mutilation). La vie humaine est entièrement fondée sur l'échange intéressé et calculé (p. 409).

III Monnaie de crédit impersonnelle. La révolution des prix vient donc plutôt de la dette publique et des systèmes complexes de crédit visant à financer les opérations militaires des gouvernants (et les opérations militaro-commerciales). En 1694, la Banque d'Angleterre est fondée comme organisme non étatique, consortium de marchands. Contre Charles Davenant, proposant que la Grande-Bretagne passe à une pure monnaie de crédit fondée sur la confiance publique, John Locke, matérialiste scientifique, impose une position désastreuse (sauf pour les possesseurs de billets de banque), qui se termine par l'adoption de l'étalon-or en 1717, avec la thèse selon laquelle l'or et l'argent "sont" la monnaie (p. 415).

IV Donc, qu'est-ce que le capitalisme ?. Le capitalisme (de la liberté de marché) est un système qui exige une croissance permanente, sans fin (p. 421). Depuis 1700, « C'est un gigantesque appareil financier de crédit qui opère — à toutes fins utiles — en pompant toujours plus de travail chez tous ceux qui entrent en contact avec lui, et en produisant ainsi un volume de biens matériels en expansion constante » (p. 421). Le papier-monnaie était la monnaie de la dette, donc la monnaie de la guerre (p. 421). Le système de marché mondial s'est établi sur le commerce des épices, des armes, des esclaves, des drogues (café, thé, sucre, tabac, spiritueux, opium), des cotonnades... L’affaire du Putumayo (1907-1913) (voir les rapports de Roger Casement[6],[7]) rappelle que le capitalisme moderne n’a presque jamais été organisé essentiellement autour d’une main d’œuvre libre 426 : esclavage de masse, service sous contrat, servage, péonage, prolétarisation, esclavage salarié et salariat en monnaie de nécessité (en) (paiement en jetons-monnaie ou bons de confiance échangeables uniquement dans les magasins dont l'entreprise émettrice est propriétaire, ou bien de manière encore plus suspecte). Certes, de 1825 à 1975, de réelles améliorations ont été apportées au salariat, mais pas vraiment grâce au capitalisme financier.

Chapitre 12

En 1971, Richard Nixon décrète la fin de l'étalon-or international, et fait du dollar une monnaie flottante. Les gigantesques réserves d'or américaines sont à Fort Knox et à la Federal Reserve Bank of New York (Manhattan). Le marché serait un système autorégulé (p. 444). Les dollars créés par les banques ont remplacé l'or comme monnaie de la réserve mondiale, sont donc l'ultime "instrument à conserver de la valeur", assurant ainsi aux États-Unis d'immenses avantages économiques. Et la dette américaine est depuis 1790 une dette de guerre. L'armée américaine conserve une doctrine de projection mondiale de sa puissance (p. 446). Cette taxe imposée à toute la planète est donc plutôt un tribut, et l'apothéose de l'alliance entre guerriers et financiers (p. 449). L'impérialisme de la dette est comme une pyramide de Ponzi, gérée par le FMI, la Banque Mondiale, l'OMC, etc. Reaganisme et tchatcherisme ont mis fin à l'héritage de Keynes, et ont amené la crise de l'inclusion : il est bon que les gens s'endettent (p. 464) ; il suffit à chacun d'acheter un bout de capitalisme. La financiarisation de la vie quotidienne (p. 460) ou néolibéralisme passe par la généralisation des droits politiques sans signification économique, la carte de crédit, le microcrédit, l'abrogation en 1980 des lois fédérales américaines contre l'usure, qui devient illimitée.

La période de monnaie virtuelle, qui s’est ouverte avec la création massive de dette étatique, inquiète : monétarisation de la dette américaine, dématérialisation du système bancaire, crise des subprimes (2007). Sur ce point, le FMI a raison. Tout indique que nous sommes bel et bien à l'orée d'un changement d'ordre radical (p. 27). Quelles sont les alternatives ? La pauvreté serait due à un manque de crédit, mais les pauvres non industrieux ne seraient pas méritants... : au minimum, ils ne font de mal à personne (p. 476). « L'argent n'est pas sacré, payer ses dettes n'est pas l'essence de la morale, ces choses-là sont des arrangements humains, et, si la démocratie a un sens, c'est de nous permettre de nous mettre d'accord pour réagencer les choses autrement » (p. 477).

Les traces de la dette sont antérieures à celles de la monnaie. Périodes de monnaie physique et virtuelle ont alterné au cours de l’histoire. Nous sommes en train de revenir à une période de dette virtuelle, ce n’est pas une première. Or la dette peut être un puissant outil de servage, aussi il convient d’éclairer notre conception de celle-ci à la lueur de l’histoire. Donc, selon Graeber  Une dette est la perversion d’une promesse. C’est une promesse doublement corrompue par les mathématiques et la violence. »[8]

Table des matières

  1. L'expérience de la confusion morale
  2. Le mythe du troc (du troc selon Adam Smith entre individus juxtaposés concernant leur propres possessions, alors que sauf dans les transactions instantanées en liquide, tout échange crée une dette p. 326)
  3. Dettes primordiales (dette (de vie) aux divinités, au cosmos)
  4. Cruauté et rédemption (dette sociale)
  5. Bref traité sur les fondements moraux des relations économiques (dette comme échange (volontairement) inabouti)
  6. Jeux avec le sexe et la mort (dette de sang (mariage, meurtre, mort), dette de vie, prix de la (jeune) femme, dette de chair)
  7. Honneur et avilissement (dette d'honneur, rejet des civilisations urbaines, développement du patriarcat, esclavage officiel)
  8. Crédit contre lingot (fin de l'esclavage antique = généralisation de la monnaie étatique) (Mésopotamie, 3600 AEC - 800 AEC : crédit et confiance)
  9. L'Âge axial (800 AEC - 600 : guerres et intense monnayage en Grèce-Inde-Chine)
  10. Le Moyen Âge (600-1450 : retour du crédit, des réseaux de confiance, du respect ou de la vénération pour le marchand et le marché libre (non créé par l'État)
  11. L'âge des grands empires capitalistes (1450-1971)
  12. Début d'une ère encore indéterminée (depuis 1971)

Suivent 70 pages de bibliographie et 70 pages de notes.

Accueil critique

  • Pour Le Monde : « L'ouvrage de l'anthropologue et économiste David Graeber, professeur à la London University, est déjà un succès retentissant dans sa langue d'origine. On comprend pourquoi à sa lecture, et l'on se dit qu'il est promis à un plus bel avenir encore dans la zone euro : si tant de livres ont déjà été écrits sur la crise financière, celui-ci, en remontant aux origines des idées de dette, d'échange, de monnaie, et à leur évolution dans l'Histoire, montre à quel point ils restaient incomplets. Des Sumériens aux Babyloniens jusqu'à l'époque moderne, sous toutes les coutumes et religions, de tous les continents, le voyage ne s'arrête jamais. Et, à chaque étape, il y a des surprises de taille. »[9]

Bibliographie et sources

  • Peter Hägel, La dette est-elle une institution dangereuse ?, La Vie des idées, 10 février 2014, (ISSN 2105-3030), [lire en ligne].
  • MahiMahi, Les capitalistes ont fait des concessions non par générosité mais par peur des révoltes, Les Inrocks, 16 octobre 2013, [lire en ligne].
  • Adrien de Tricornot, Après cinquante ans de dettes, le "jubilé" est toujours nécessaire, Le Monde, 25 septembre 2013, [lire en ligne].
  • Gilles Anquetil, Mais pourquoi voulez-vous payer vos dettes ?, L'Obs, 16 novembre 2013, [lire en ligne].
  • Robert Jules, Dette : l’histoire d’une morale ou la moralité d’une histoire, La Tribune, 21 octobre 2013, [lire en ligne].
  • Agnès Rousseaux, David Graeber : « La façon la plus simple de désobéir à la finance, c’est de refuser de payer les dettes », Basta !, 16 janvier 2014, [lire en ligne].

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

    Références

    1. David Graeber (trad. de l'anglais), Dette : 5000 ans d'histoire, Arles, Babel, , 667 p. (ISBN 978-2-330-06125-8), p. 155
    2. « La dette de vie » [livre], sur Éditions la découverte (consulté le ).
    3. David Graeber (trad. de l'anglais), Dette : 5000 ans d'histoire, Arles, Babel, , 667 p. (ISBN 978-2-330-06125-8), p. 217
    4. David Graeber (trad. de l'anglais), Dette : 5000 ans d'histoire, Arles, Babel, , 667 p. (ISBN 978-2-330-06125-8), p. 272
    5. David Graeber (trad. de l'anglais), Dette : 5000 ans d'histoire, Arles, Babel, , 667 p. (ISBN 978-2-330-06125-8), p. 388-389
    6. « PÉROU. Le génocide oublié des Indiens du Putumayo », Courrier international, (lire en ligne, consulté le ).
    7. Piel, Jean, « Le caoutchouc, la Winchester et l'Empire », Outre-Mers. Revue d'histoire, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 67, no 248, , p. 227–252 (DOI 10.3406/outre.1980.2260, lire en ligne, consulté le ).
    8. David Graeber (trad. de l'anglais), Dette : 5000 ans d'histoire, Arles, Babel, , 667 p. (ISBN 978-2-330-06125-8), p. 478
    9. Adrien de Tricornot, « Après cinquante ans de dettes, le "jubilé" est toujours nécessaire », Le Monde, 25 septembre 2013, [lire en ligne].
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