Deux glaives
La doctrine des deux glaives est une ancienne thèse de l'Église catholique romaine, à l'époque médiévale, selon laquelle le pouvoir spirituel est déclaré supérieur au pouvoir temporel.
Historique
L'origine de cette doctrine renvoie à une riche tradition exégétique qui remonte au moins aux années 1050 de la réforme grégorienne et de la querelle des investitures[2].
La doctrine est mise en avant par saint Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle, à l'époque des croisades[3] puis mise en place par le pape Boniface VIII, au début du XIVe siècle (1302), dans sa bulle Unam sanctam, publiée à l'occasion du très important désaccord qu'il a avec le roi de France Philippe IV le Bel.
Aussi, selon cette théorie, le pouvoir spirituel possède-t-il un ascendant moral et politique sur le pouvoir temporel exercé par le prince en vertu duquel celui-ci préside aux destinées des hommes dans le respect strict des préceptes religieux. L'ascèse intramondaine de l'âme dans le Royaume des cieux dépend, dans cette lecture, exclusivement du pouvoir spirituel, condition même de l'exercice d'un pouvoir politique temporel terrestre. La révolution luthérienne initiée au début du XVIe siècle, en révisant la doctrine théologique en vigueur dans les monarchies occidentales, aura pour conséquence un renversement paradigmatique du rapport de force entre le religieux et le politique. Dès lors, au rapport de subordination entre les deux pouvoirs se substitue une dichotomie dialectique empruntant à la doctrine des « Deux royaumes », dont l'un, le royaume terrestre, relève de la prérogatives exclusive du prince, et l'autre, le Royaume du ciel, relève de la compétence de l'église, dans un rapport d'exclusivité réciproque empêchant l’empiétement d'un pouvoir sur l'autre. « Progressivement, en effet, la doctrine des « Deux glaives », selon laquelle le pouvoir spirituel est supérieur au pouvoir temporel, qui affirmait la compétence de l'Église dans les affaires séculières, cède le pas à celle des « Deux Royaumes » ou des « Deux règnes », le Royaume du ciel se distingue alors nettement du royaume terrestre, désormais de la compétence totale des Princes. Il reste à l'Église, qu'elle soit luthérienne ou catholique, l'unique responsabilité des âmes des fidèles, qui relève du domaine de la Grâce et de nul autre »[4].
Notes et références
- D'après la Grande ordonnance de Louis IX, c'est l'archevêque de Reims qui ceint au roi l'épée « avec son baudrier, qui la tire ensuite de ce fourreau pour la déposer une deuxième fois sur l'autel et pour la lui redonner ; le roi la place encore sur l'autel et l'évêque la lui remet ; enfin, le nouveau monarque la donne à son sénéchal qui la portera devant lui pendant toute la cérémonie. La signification théocratique de cette tradition du glaive est patente. Selon Jacques Le Goff, elle « fait du roi le bras séculier de l'Église » ». Cf Martin Aurell, « L'épée, l'autel et le perron : théocratie et légende arthurienne (XIIe – XIIIe siècles) », in Armes et jeux militaires (XIIe-XVe siècles), dir. Catalina Girbea, 2016, p. 40
- Joseph Lecler, « L'argument des deux glaives (Luc, XXII, 38) dans les controverses politiques du Moyen Âge : ses origines et son développement », Recherches de Science Religieuse, no 21, , p. 299-339
- « Remets ton épée [ton glaive] au fourreau : qui prend l'épée périra par l'épée » et : « Remets ton épée au fourreau : Ne boirai-je pas le calice que mon Père m'a donné ? », peut-on lire dans les Évangiles de saint Matthieu (XXVI, 52) puis de saint Jean (XVIII, 11), dans un sens à l'origine tout différent : dans la doctrine des deux glaives, il y a l'idée de délégation du pouvoir temporel au pouvoir spirituel, avec la double finalité de donner, avant tout, la prééminence à l'Église (qui souhaite contrôler ou tempérer le pouvoir royal) et aussi de la protéger
- Morana Cyril, Avant-propos, Marx Karl et Engels, F. (trad. de l'allemand), L’Opium du Peuple, Paris, Editions Mille et Une nuits, 2013., 61 p. (ISBN 978-2-7555-0706-5), p. 7.
Voir aussi
Articles connexes
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