Diaconesse
Une diaconesse est une femme qui exerce un ministère réservé aux femmes dans certaines églises protestantes. Ces ministères ont été établis à partir des années 1830 d'abord dans l'église luthérienne allemande puis dans la plupart des églises protestantes d'Europe. Les diaconesses assurent des fonctions sociales, notamment hospitalières ou gériatriques, et spirituelles (enseignement, retraites, prédications…).
Pour l'article se référant aux femmes exerçant un ministère de diacre, voir Diacre (christianisme)
Elles ne sont pas ordonnées, d'autant plus que leurs églises ne pratiquent pas toutes l'ordination, et ne doivent pas être assimilées à des ordres religieux féminins catholiques.
Ce ministère ne doit pas non plus être confondu avec celui des femmes ordonnées ou consacrées diacres dans certaines églises.
Sens ancien
Dans l'Église chrétienne primitive, la fonction de diaconesse existait[1]. Ainsi, Paul de Tarse, dans son Épître aux Romains (16, 1-2) recommande-t-il « Phoebé, notre sœur, qui est diaconesse de l'Église de Cenchrées ».
Leur ministère est mentionné par des pères de l’Église aussi anciens que Clément d'Alexandrie[2] et Origène[3]. Dans une de ses lettres, Pline le Jeune atteste l'existence de ces diaconesses lorsqu'il parle de « deux servantes » comme de diacres qu'il torture au cours d'un interrogatoire. La Didascalie des apôtres est le plus ancien document qui aborde le rôle spécifique de diacres hommes ou femmes. L'auteur incite à nommer des diaconesses pour prendre soin de femmes, lorsqu'il n'est pas approprié d'envoyer un homme[4]. Les pères de l’Église du IVe siècle Épiphane de Salamine[5], Basile de Césarée[6], Jean Chrysostome[7] et Gregoire de Nysse[8] reconnaissent le fait des femmes choisies par l'évêque et ordonnées diacres. Elle est aussi présente chez d'autres auteurs chrétiens de la même époque, comme Thédoret de Cyr[9]. Leur rôle consistait à aider l'évêque, spécialement à trois niveaux : visites pastorales dans les maisons destinées aux femmes, onction des femmes dans la liturgie baptismale où la catéchumène s'y présentait dans un état de nudité complète, et instruction des néophytes femmes[10].
La fonction de diaconesses disparaît ensuite du christianisme occidental.
Histoire
Ce mouvement de vie communautaire de femmes s'est surtout développé au début du XIXe siècle sous l'influence du Réveil. En Allemagne, les Frères moraves avaient rétabli l'ancien ministère des diaconesses en 1745[11]. Elles choisissent le célibat pas par obligation, mais parce que cela leur permet de se consacrer à la mission de leur organisation [12]. Au contact des Frères moraves, le pasteur revivaliste Theodor Fliedner et son épouse Frederike Münster, soucieux d'alléger la misère sociale autour d'eux, fondent en 1836 à Kaiserswerth, petite ville aujourd'hui intégrée à Düsseldorf, une communauté religieuse de femmes gérant un hôpital et un centre de formation[13] . Les diaconesses s'engageaient à servir pour une période de 5 ans renouvelable, et recevaient le gîte et le couvert, l'uniforme, un peu d'argent de poche et les soins à vie. Le modèle de Kaiserswerth inspira de nombreuses autres créations de diaconesses dans toute l'Europe protestante, particulièrement en Europe du Nord et aux Pays-Bas. L'hôpital tenu par les diaconesses de Kaiserswerth impressionna aussi beaucoup la jeune Florence Nightingale.
En France, les « Diaconesses de Reuilly » sont fondées in 1841 à Paris par une laïque, Caroline Malvesin (1806-1889), en collaboration avec le pasteur Antoine Vermeil (1799-1864), avec l'appui d'un comité de femmes fortunées touchées par le réveil et fréquentant la chapelle Taitbout[14]. La plupart du temps, l'activité de ces diaconesses est dans le domaine caritatif ou dans l'enseignement, mais certaines sont aussi théologiennes et/ou pasteures, spécifiquement chez les Diaconesses de Buc qui font partie des Diaconesses de Reuilly. Les Diaconesses de Strasbourg furent à leur tour fondées en 1842 par le pasteur luthérien François-Henri Haerter (1797-1874)[15].
En Suisse, l'« Institution des diaconesses » fut fondée en 1842 à Échallens par le pasteur réformé Louis Germond[16],[17].
Le Royaume-Uni fut à son tour atteint par la vague des diaconesses. En 1862, Elizabeth Ferard (en) fut reconnue comme la première diaconesse de l’Église d'Angleterre par l'évêque de Londres. Elle avait fondé sa communauté le 30 novembre 1861 au nord de Londres, communauté qui allait bientôt prendre le nom de communauté Saint-André. Des communautés filles furent bientôt lancées à Melbourne, Lahore, Grahamstown (Afrique du Sud) et en Nouvelle-Zélande[18].
Lady Grisell Baillie (en) (1822–1891) fut la première diaconesse de l’Église d’Écosse, nommée en 1888. L'hôpital des diaconesses ouvert à Édimbourg en 1894 fut d'abord baptisé le « Lady Grisell Baillie Memorial Hospital » et renommé plus tard « hôpital des diaconesses »[19].
La Seconde Guerre mondiale fit subir de lourds dommages aux œuvres de diaconesses en Allemagne. 7 000 d'entre elles durent fuir la zone soviétique et se réfugier à l'ouest.
Situation actuelle
En 1957, il y avait en Allemagne quelque 46 000 diaconesses et 10 000 associés. Dans les autres pays, il y avait quelque 14 000 diaconesses, en majorité luthériennes. Il y en avait 1 550 aux États-Unis et au Canada, dont la moitié étaient méthodistes[20].
Notes et références
- « Étudier le rôle des «diaconesses»: le pape envisage une commission », sur fr.zenit.org (consulté le )
- Commentaire sur 1 Corinthiens 9:5, Stromata 3,6,53.3-4.
- Commentaire sur Romains 10:17; Migne PG XIV col. 1278 A–C.
- Didascalia 16 § 1; G. Homer, The Didascalia Apostolorum, London 1929; http://www.womenpriests.org/minwest/didascalia.asp
- Migne PG 42, cols 744–745 & 824–825
- I. Defarrari (ed.), Saint Basil: the Letters, London 1930, Letter 199.
- Migne PG 62, col. 553.
- Migne PL 46, cols 988–990.
- Thédoret de Cyr (trad. Yvan Azéma), Correspondance, Paris, Éditions du Cerf, , 137 p., p. 118 (lettre 48)
- Paul Henri Lafontaine, Les conditions positives de l'accession aux ordres dans la première législation ecclésiastique (300-492), Éditions de l'Université d'Ottawa, , p. 34
- J. Gordon Melton, Encyclopedia of Protestantism, Infobase Publishing, USA, 2005, p. 179
- Stanley D. Brunn, The Changing World Religion Map: Sacred Places, Identities, Practices and Politics, Springer, USA, 2015, p. 600
- Czolkoss, Michael: „Ich sehe da manches, was dem Erfolg der Diakonissensache in England schaden könnte“ – English Ladies und die Kaiserswerther Mutterhausdiakonie im 19. Jahrhundert. In: Thomas K. Kuhn, Veronika Albrecht-Birkner (eds.): Zwischen Aufklärung und Moderne. Erweckungsbewegungen als historiographische Herausforderung (= Religion - Kultur - Gesellschaft. Studien zur Kultur- und Sozialgeschichte des Christentums in Neuzeit und Moderne, 5). Münster 2017, p. 255-280.
- Gustave Lagny, Le réveil de 1830 à Paris et les origines des diaconesses de Reuilly : une page d'histoire protestante, Éditions Olivetan, 2007, (ISBN 9782915245929), 207 pages, première parution en 1958, préface du pasteur Marc Boegner, pp. 45-55, version consultable en ligne, accès le 7 octobre 2016.
- René Frédéric Voeltzel, Service du Seigneur, la vie et les œuvres du pasteur François Haerter, 1797-1874. Oberlin Strasbourg 1983.
- « Diaconesse » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
- « Bienvenue à Saint-Loup », sur saint-loup.ch (consulté le )
- (en) Henrietta Blackmore, The beginning of women's ministry : the revival of the deaconess in the nineteenth-century Church of England, Boydell Press (lire en ligne), p. 131
- "Scotland's First Deaconess", by D. P. Thompson, A. Walker & Son Ltd, Galashiels 1946.
- Winter, "Deaconess", in Julius Bodensieck, ed. The Encyclopedia of the Lutheran Church p. 662.
Articles connexes
- Diaconesses de Reuilly
- Diaconesses de Strasbourg
- Grand réveil
- Réveil protestant francophone
- Ministères féminins dans le christianisme
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