Diadectidae
Les Diadectidae (ou diadectidés en français) forment une famille éteinte de grands reptiliomorphes diadectomorphes qui ont vécu en Amérique du Nord et en Europe (Laurussia) au Carbonifère supérieur et au Permien inférieur. Ils ont été les premiers tétrapodes herbivores, et aussi les premiers animaux uniquement terrestres à atteindre de grandes tailles. Leurs empreintes de pas indiquent que diadectidés marchaient avec une position érigée. Ils ont été les premiers animaux à exploiter le matériel végétal dans la chaîne alimentaire terrestre, faisant ainsi de leur apparition une étape importante tant dans l'évolution des vertébrés que dans les écosystèmes terrestres.
Règne | Animalia |
---|---|
Embranchement | Chordata |
Super-classe | Tetrapoda |
— non-classé — | Reptiliomorpha |
— non-classé — | † Cotylosauria |
Sous-ordre | † Diadectomorpha |
Genres de rang inférieur
- † Ambedus
- † Desmatodon
- † Diadectes
- † Diasparactus
- † Oradectes
- † Orobates
- † Phanerosaurus
- † Silvadectes
- † Stephanospondylus
Le représentant le plus connu et le plus grand de la famille est Diadectes, un animal fortement construit qui atteignait une longueur maximale de plusieurs mètres. On connait plusieurs autres genres et différents restes fragmentaires de fossiles. Bien que les genres bien connus comme Diadectes aient fait leur première apparition à la fin du Pennsylvanien, de possibles restes fragmentaires de diadectidés ont été retrouvés dans de nombreux dépôts antérieurs, y compris un morceau de mâchoire inférieure trouvé dans les strates du Mississippien au Tennessee.
Description
Les diadectidés ont été parmi les premiers tétrapodes -vertébrés à quatre pattes- à atteindre de grandes tailles. On pense qu'ils ont fait leur première apparition à la fin du Carbonifère avec le genre Desmatodon, bien que des os récemment décrits dans des gisements du Tennessee suggèrent qu'ils aient pu apparaître plus tôt encore, au début du Carbonifère[1]. Ils avaient un corps fortement charpenté, avec des membres relativement courts. Leur corps en forme de tonneau pouvait accueillir un important système digestif nécessaire à la digestion de la cellulose dans les plantes. La tête des diadectidés était trapue, large et épaisse, avec un museau émoussé. Les choanes étaient également petits[2]. Le paléontologue E.C. Case les a comparés à des tortues en 1907, mettant en avant leur grande ceinture pectorale, leurs membres courts et forts et leurs crânes robustes. Case les décrit comme de modestes reptiles lents, d'inoffensifs herbivores, recouverts de plaques pour les protéger des pélycosaures, de farouches carnivores[3].
Les diadectidés avaient une dentition hétérodonte, ce qui signifie que leurs dents variaient de forme suivant la position dans leur gueule. Les dents étaient larges et portaient un grand nombre de cuspides ou de pointes, ce qui montre que les diadectidés mangeaient des plantes difficiles à broyer. Certaines dents étaient aplaties transversalement, une autre indication qu'ils étaient en mesure de déchiqueter les végétaux. Les dents de devant de la mâchoire inférieure pointaient en avant. Ils avaient probablement de forts muscles masticateurs pour pouvoir broyer les végétaux; le placement des articulations de la mâchoire au-dessus ou en dessous du niveau de la ligne d'occlusion dentaire aurait été un avantage mécanique. Ces articulations permettaient à leur gueule un ensemble complexe de mouvements appropriés pour consommer des plantes. De grands trous et orifices de leur crâne, devaient permettre d'accueillir de puissants muscles occlusifs[2]. Une crête de l'os dentaire de la mâchoire inférieure pourrait avoir fourni une surface de mastication ou même servi de base à un bec[4].
Histoire
Le premier genre de diadectidé à être décrit a été Diadectes. Le paléontologue américain Edward Drinker Cope a donné ce nom de genre en 1878 en se fondant sur plusieurs vertèbres et dents datant du Permien inférieur découvertes au Texas[5]. Cope a créé la famille des Diadectidae en 1880 pour regrouper Diadectes et Empedocles, un genre qu'il avait nommé deux ans plus tôt[6]. Le genre Nothodon, nommé par le rival de Cope, Othniel Charles Marsh en 1878, a été rapidement placé dans la famille[7].
Cope a nommé plusieurs autres diadectidés, comme Helodectes en 1880[8], Chilonyx et Empedias en 1883[9], et Bolbodon en 1896[10]. Le paléontologue CE Case avait nommé quatre autres diadectidés : Desmatodon en 1908[11], Diasparactus en 1910[12], Diadectoides en 1911[13] et Animasaurus avec le paléontologue Samuel Williston Wendell en 1912[14]. Case et Williston considéraient le Nothodon de Marsh et le Bolbodon de Cope comme des synonymes de Diadectes. Marsh avait nommé Nothodon dans l’American Journal of Science cinq jours seulement avant que Cope ne décrive Diadectes dans le Proceedings of the American Philosophical Society. En vertu des règles du Code international de nomenclature zoologique, le nom de Nothodon aurait dû avoir la priorité sur Diadectes, mais comme le nom de Diadectes était en usage depuis que Case et Williston en avaient fait le premier synonyme des genres, Diadectes est resté le nom accepté[2].
En Amérique du Nord, des diadectidés ont été trouvés au Texas, Colorado, Utah, Nouveau-Mexique, Oklahoma, Ohio, Virginie-Occidentale, Pennsylvanie et île-du-Prince-Édouard. Un possible diadectidé a également été trouvé dans le Tennessee. Il est connu à partir d'une fragment de mâchoire inférieure et de plusieurs dents datant du Mississippien trouvés dans des strates qui font probablement partie de la formation de Bangor[1]. Dans une étude détaillée sur les Diadectidae, le paléontologue CE Olson a considéré qu'il y avait trois genres au sein de la famille : Diadectes, Diasparactus et Desmatodon. Chilonyx, Empedias, Diadectoides et Animasaurus ont été classés comme des synonymes de Diadectes et quatre espèces de Diadectes (D. sideropelicus, D. tenuitectes, D. lentus et D. carinatus) ont été reconnues[15]. Un quatrième genre, Ambedus, a été nommé en 2004 datant du Permien inférieur dans l'Ohio.
On a aussi trouvé des diadectidés en Allemagne. Le genre Phanerosaurus a été décrit à partir de plusieurs vertèbres découvertes près de Zwickau en Allemagne par le paléontologue Hermann von Meyer en 1860, mais il n'a été reconnu comme un diadectidé qu'en 1925[16]. Une seconde espèce de Phanerosaurus a été identifié à partir de quelques vertèbres et d'un fragment de crâne en 1882, mais a été classé dans son propre genre, Stephanospondylus, en 1905[17]. En 1998, une nouvelle espèce de Diadectes, D. absitus, a été décrite à partir de la carrière Bromacker de la Formation Tambach dans la forêt de Thuringe du centre de l'Allemagne[18]. Un nouveau genre de diadectidé, appelé Orobatesa également été trouvé dans la même carrière en 2004[19].
Classification
Les diadectidés sont généralement considérés comme de proches parents des amniotes, les tétrapodes qui pondent leurs œufs sur terre. La famille a été placée dans le vaste groupe des Diadectomorpha par le paléontologue David Meredith Seares Watson en 1917. Les diadectidés sont étroitement liés à une autre famille de grands diadectomorphes, les Limnoscelidae, ainsi qu'au monotypique diadectomorphe de la famille des Tseajaiidae,le genre Tseajaia. Dans certaines études phylogénétiques, les Diadectomorpha sont considérés comme le taxon frère des amniotes et, ensemble, les deux groupes forment le clade des Cotylosauria. Bien que la plupart des études placent les diadectidés en dehors des amniotes, certains les considèrent comme de vrais amniotes[20],[21].
La plupart des études phylogénétiques des trois familles de diadectomorphes : Diadectidae, Limnoscelidae et Tseajaiidae, ont trouvé que diadectidés et limnoscelidés sont plus étroitement liés entre eux qu'avec le genre Tseajaia. En d'autres termes, Diadectidae et Limnoscelidae forment un clade dans les Diadectomorpha dont Tseajaia ne fait pas partie. Dans une étude de 2010, les Diadectidae forment un clade caractérisé par de larges molaires avec des cuspides bilatérales mais, contrairement aux études antérieures, ils paraissent plus étroitement apparentés aux Tseajaiidae qu'aux Limnoscelidae. La famille des Diadectidae a été définie comme Diadectes et tous les taxons partageant un dernier ancêtre commun plus proche de Diadectes que de Tseajaia. On trouvera ci-dessous un cladogramme modifié de l'étude de 2010[2] :
Diadectomorpha |
| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Le genre Diadectes est le mieux connu des diadectidés avec six espèces identifiées depuis sa description initiale. Dans une étude phylogénétique de 2005, la plupart des espèces de Diadectes avaient formé un clade avec Diasparactus zénos. Deux espèces, Diadectes absitus et Diadectes sanmiguelensis, sont classées comme les plus primitives. Elles possèdent des caractères primitifs retrouvés chez d'autres genres comme Limnoscelis et Tseajaia. Comme D. absitus et D. sanmiguelensis ont été placés loin d'autres espèces de Diadectes dans cette étude et cette situation a posé problème[22]. Comme les mêmes résultats ont été trouvés dans l'étude de 2010, deux nouveaux genres ont été créés pour y recevoir D. abstus et D. sanmiguelensis. Le second, le plus primitif des deux espèces, a été placée dans le nouveau genre Oradectes. D. abstus D. a été reclassé dans le genre Silvadectes[2].
Paléobiologie
Locomotion
On pensait que les diadectidés avaient leurs courtes pattes robustes placées sur le côté de leurs grands corps et étaient donc des animaux qui rampaient. Mais plusieurs éléments de preuve, comme leurs traces de passage et la morphologie de leurs membres suggèrent que les diadectidés se déplaçaient avec une position plus érigée. Alors que les premiers tétrapodes avaient plusieurs os primitifs dans leurs chevilles pour former leur tarse, les diadectidés avaient un seul os plus complexe formé de la fusion des os primitifs : l'astragale. On retrouve cet os chez les amniotes terrestres avec une structure identique à celles de diadectidés. Par conséquent, la structure de la cheville des diadectidés est plus proche de celle de vertébrés terrestres plus évolués comme les mammifères et les reptiles que celle des tétrapodes primitifs. Puisque les diadectidés sont les seuls diadectomorphes à posséder un astragale, ils ont probablement mis au point cette structure indépendamment des amniotes[23].
Bien qu'ils présentent des similitudes avec ceux des amniotes, les os du tarse des diadectidés sont peu ossifiés et lâchement reliés. Leurs phalanges s'articulent uniquement à l’extrémité distale du quatrième os du tarse, offrant un large éventail de circulation dans le pied. Cette flexibilité ce qui leur permettait de tourner leurs pieds dans toutes les positions tout en marchant ou d'avoir plus de force au moment de déguerpir. Les pieds pouvaient également être rapprochés de la ligne médiane du corps pour leur permettre une position debout[23].
Le témoignage de cette position érigée peut être trouvée dans les traces de passage attribuées à des diadectidés. La mieux conservée de ces traces est située dans la Formation Tambach en Allemagne centrale. Une étude de 2007 y a identifié deux ichnotaxons différents, Ichniotherium cottae et I. sphaerodactylum, comme les empreintes de deux diadectidés : Silvadectes absitus et Orobates pabsti, respectivement. Ces empreintes sont la première identification d'espèce par les traces de leurs pas datant de l'ère paléozoïque, ce qui fait de ces traces les plus anciennes associées à une espèce animale bien précise[24]. Le positionnement rapproché de l'axe de déplacement des empreintes suggère que les animaux avaient leurs pieds presque en dessous du corps, leur donnant eux une attitude plus proche de celle des mammifères que des amphibiens et des reptiles[25].
Alimentation
Les diadectidés ont été les premiers tétrapodes uniquement herbivores. Bien que plusieurs autres groupes de tétrapodes primitifs soient devenus herbivores de leur côté, les diadectidés étaient les seuls tétrapodes du Carbonifère qui ont été en mesure de digérer les plantes terrestres riches en fibres. Les diadectidés ont également été le groupe le plus diversifié d'herbivores, ce qui représente la première diversification de tétrapodes herbivores[2]. Cope et Marsh ont reconnu tous les deux que les diadectidés étaient herbivores en 1878 quand ils ont étudié leur larges dents portant des cuspides. Dans sa description de Diadectes, Cope écrit : « les animaux appartenant à ce genre étaient, selon toute vraisemblance, herbivores »[5].
Les diadectidés ont su évoluer, se diversifiant en treize espèces à la fin du Carbonifère et au Permien inférieur, le genre le plus nombreux de tous les diadectomorphes. Cette diversification est probablement le résultat de l'expansion des diadectidés dans une niche écologique inexploitée jusque-là. Alors que la répartition de limnoscelidés est restée limitée à certaines régions de l'Amérique du Nord et celle du genre Tseajaia est limitée au seul sud-ouest des États-Unis, les diadectidés ont été présents en Europe et dans une grande partie de l'Amérique du Nord, occupant une zone géographique beaucoup plus vaste que les autres diadectidés[2].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Diadectidae » (voir la liste des auteurs).
- (en) J.X. Corgan, « A high-fiber tetrapod, Diadectes (?) sp., from the Mississippian (Chesterian) of south central Tennessee », Geological Society of America Abstracts with Programs, vol. 37, no 2, , p. 39
- (en) R. Kissel, Morphology, Phylogeny, and Evolution of Diadectidae (Cotylosauria : Diadectomorpha), Toronto, University of Toronto Press, (lire en ligne), p. 185
- (en) E.C. Case, « Restoration of Diadectes », The Journal of Geology, vol. 15, no 6, , p. 556–559 (DOI 10.1086/621427, lire en ligne)
- (en) S.P. Welles, « The mandible of a diadectid cotylosaur », University of California Bulletin of the Department of Geological Sciences, vol. 25, , p. 423–432
- (en) E.D. Cope, « Descriptions of extinct Batrachia and Reptilia from the Permian formation of Texas », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 17, , p. 182–193
- (en) E.D. Cope, « The skull of Empedocles », The American Naturalist, vol. 14, , p. 304 (DOI 10.1086/272549)
- (en) O.C. Marsh, « Notice of new fossil reptiles », American Journal of Science, vol. 15, , p. 409–411
- (en) E.D. Cope, « Second contribution to the history of the Vertebrata of the Permian formation of Texas », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 19, , p. 38–58
- (en) E.D. Cope, « Fourth contribution to the history of the Permian formation of Texas », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 20, , p. 634
- (en) E.D. Cope, « Second contribution to the history of the Cotylosauria », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 35, , p. 122–139
- (en) E.C. Case, « Description of vertebrate fossils from the vicinity of Pittsburgh, Pennsylvania », Annals of the Carnegie Museum, vol. 4, , p. 234–241
- (en) E.C. Case, « New or little known reptiles and amphibians from the Permian (?) of Texas », Bulletin of the American Museum of Natural History, vol. 28, , p. 136–181 (lire en ligne)
- (en) E.C. Case, « A revision of the Cotylosauria of North America », Carnegie Institution of Washington Publication, vol. 145, , p. 1–121 (lire en ligne)
- (en) E.C. Case, « A description of the skulls of Diadectes lentus and Animasaurus carinatus », American Journal of Science, vol. 33, , p. 339–348 (DOI 10.2475/ajs.s4-33.196.339)
- (en) E.C. Olson, « The family Diadectidae and its bearing on the classification of reptiles », Fieldiana: Geology, vol. 11, , p. 1–53 (lire en ligne)
- (en) A.S. Romer, « Permian amphibian and reptilian remains described as Stephanospondylus », Journal of Geology, vol. 33, , p. 447–463 (DOI 10.1086/623210, lire en ligne)
- (en) R. Stappenbeck, « Uber Stephanospondylus n. g. und Phanerosaurus H. v. Meyer », Zeitschrift der Deutschen Geologischen Gesellschaft, vol. 57, , p. 380–437
- (en) D.S. Berman, « Diadectes (Diadectomorpha: Diadectidae) from the Early Permian of central Germany, with description of a new species », Annals of the Carnegie Museum, vol. 67, , p. 53–93
- (en) D.S. Berman, « A new diadectid (Diadectomorpha), Orobates pabsti, from the Early Permian of Central Germany », Bulletin of the Carnegie Museum of Natural History, vol. 35, , p. 1–36 (DOI 10.2992/0145-9058(2004)35[1:ANDDOP]2.0.CO;2)
- (en) D.S. Berman, « Reinterpretation of the temporal and occipital regions in Diadectes and the relationships of diadectomorphs », Journal of Paleontology, vol. 66, no 3, , p. 481–499 (lire en ligne)
- (en) S.P. Modesto, « Did herbivory foster early amniote diversification? », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 12, no Supplement 3, , p. 44A
- (en) R. Kissel, « Revisiting the taxonomy of Diadectidae (Cotylosauria: Diadectomorpha): a phylogenetic approach », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 25, no Supplement 3, , p. 78A
- (en) D.S. Berman, « Homology of the astragalus and structure and function of the tarsus of Diadectidae », Journal of Paleontology, vol. 77, no 1, , p. 172–188 (DOI 10.1666/0022-3360(2003)077<0172:HOTAAS>2.0.CO;2)
- (en) S. Voigt, « First well-established track-trackmaker association of Paleozoic tetrapods based on Ichniotherium trackways and diadectid skeletons from the Lower Permian of Germany », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 27, no 3, , p. 553–570 (DOI 10.1671/0272-4634(2007)27[553:FWTAOP]2.0.CO;2)
- (en) Ker Than, « Oldest Identifiable Footprints Found », LiveScience, (lire en ligne, consulté le )
Lien externe
- [vidéo] Un fossile « ressuscité » pour mieux étudier sa démarche sur YouTube, chaîne Le Monde.
- Portail de la paléontologie
- Portail de l’herpétologie