Sulfure de diméthyle

Le sulfure de diméthyle ou diméthylsulfure (DMS) est un composé organosulfuré de formule (CH3)2S. C'est un liquide volatil, inflammable, insoluble dans l'eau et dont la caractéristique principale est une odeur très désagréable à haute concentration. Il apparaît notamment lors de la cuisson de certains végétaux comme le maïs, le chou ou la betterave. Il est également le signe d'une infection bactérienne dans le brassage. C'est un produit de la décomposition du diméthylsulfoniopropionate (DMSP). Il est également produit lors du métabolisme bactérien du méthanethiol, notamment dans les flatulences[11].

Pour les articles homonymes, voir DMS.

Sulfure de diméthyle
Identification
Nom UICPA sulfure de diméthyle
Synonymes

DMS
Diméthylsulfure
Diméthyl thioéther
Méthylthiométhane
Sulfure diméthylique

No CAS 75-18-3
No ECHA 100.000.770
No CE 200-846-2
FEMA 2746
SMILES
InChI
Apparence liquide incolore à l'odeur caractéristique[1]
Propriétés chimiques
Formule C2H6S  [Isomères]
Masse molaire[2] 62,134 ± 0,007 g/mol
C 38,66 %, H 9,73 %, S 51,61 %,
Moment dipolaire 1,45 D[3]
Diamètre moléculaire 0,481 nm[3]
Propriétés physiques
fusion −98 °C[1]
ébullition 37,3 °C[1]
Solubilité dans l'eau : nulle[1]
Paramètre de solubilité δ 18,5 J1/2·cm-3/2 (25 °C)[3]
Masse volumique 0,85 g·cm-3[1]
d'auto-inflammation 205 °C[1]
Point d’éclair −49 °C[1]
Limites d’explosivité dans l’air 2,219,7 %vol[1]
Pression de vapeur saturante à 20 °C : 53,2 kPa[1]
Point critique 55,3 bar, 229,85 °C[5]
Thermochimie
Cp
Propriétés électroniques
1re énergie d'ionisation 8,69 ± 0,02 eV (gaz)[7]
Constante diélectrique 6,70[7]
Propriétés optiques
Indice de réfraction 1,432[3]
Précautions
SIMDUT[8]

B2, D2B,
NFPA 704
Transport[9]
   1164   
Écotoxicologie
LogP 0,84[1]
Seuil de l’odorat bas : 0,009 8 ppm
haut : 0,02 ppm[10]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Sources naturelles

Les embruns marins sont une des sources importantes de sulfure de diméthyle dans l'atmosphère.

Le DMS est le plus abondant des composés biologiques contenant du soufre émis dans l'atmosphère[12].

Les émissions océaniques jouent un rôle important dans le cycle du soufre. Elles sont principalement issues du métabolisme et des cadavres du phytoplancton et injectées dans l'atmosphère via les embruns marins.

Sur les continents, du DMS est également produit naturellement par la transformation bactérienne, dont dans les réseaux d'égouts, de déchets contenant du diméthylsulfoxyde (DMSO). Ce phénomène peut conduire à des problèmes environnementaux malodorants[13].

Le sulfure de diméthyle a été détecté sur Mars dans des échantillons prélevés dans le cratère Gale[14] et dont le contenu organique évoque le kérogène terrestre[15].

Devenir dans l'atmosphère

Le DMS est oxydé dans l'atmosphère marine en une grande variété de composés sulfurés comme le dioxyde de soufre, le diméthylsulfoxyde (DMSO), l'acide sulfonique et l'acide sulfurique[16].

Liens avec le climat

Parmi les composés issus du soufre libéré par le DMS, l'acide sulfurique a la capacité de former de nouveaux aérosols qui se comportent comme des noyaux de condensation de nuages[17]. Le DMS est la principale source naturelle de sulfates et de noyaux de condensation nuageux (CCN) dans l'atmosphère, et son oxydation selon Charlson et al. (1987) joue un rôle majeur dans une boucle de rétroaction climatique corrélant la production du DMS par le phytoplancton marin et l'albédo nuageuse[17].

Par cette influence sur la formation des nuages, la présence massive et les variations naturelles ou anthropiques de DMS dans l'atmosphère océanique et subcontinentale pourrait avoir un impact significatif sur le climat global de la Terre[18].

Odeur

Le DMS a une odeur très caractéristique de chou cuit, qui peut être très incommodante à haute concentration. Son seuil de perception olfactive est très bas : il varie entre 0,02 et 0,1 ppm selon les individus. Toutefois, il est disponible en tant qu'additif alimentaire servant, en très faible quantité, à donner du goût (arôme alimentaire). La betterave[19], le chou, le maïs, les asperges[20] et les fruits de mer dégagent du DMS lors de leur cuisson. Le phytoplancton produit lui aussi du DMS. Andrew Johnston (université d'East Anglia) a caractérisé l'odeur du DMS comme l'« odeur de la mer »[21]. Il serait plus précis de dire que le DMS est un composant de l'odeur de la mer, un autre étant les phéromones (dictyoptérènes) de certaines algues. Le DMS est également un composé émis par le procédé kraft de transformation du bois en pâte à papier et par l'oxydation de Swern.

Applications industrielles

Il est utilisé en raffinage et en pétrochimie pour contrôler la formation de coke et de monoxyde de carbone. Il est employé dans plusieurs synthèses organiques et est un sous-produit de l'oxydation de Swern. Il est également utilisé dans des arômes alimentaires, pour donner du goût. Il peut aussi être oxydé en diméthylsulfoxyde (DMSO), utilisé notamment pour ses qualités de solvant. Le plus gros producteur de DMS est l'entreprise Gaylord Chemical Corporation (en), un maillon important de l'industrie papetière à Bogalusa en Louisiane.

Sécurité

Le DMS est volatil, inflammable, irritant et a une odeur déplaisante même à faible concentration.

Cycle du soufre

Robert Charlson, James Lovelock, Meinrat Andreae et Stephen Warren font de cette molécule un élément important du cycle du soufre et de la régulation du climat dans l'hypothèse CLAW.

Notes et références

  1. SULFURE DE DIMETHYLE, Fiches internationales de sécurité chimique
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. (en) Yitzhak Marcus, The Properties of Solvents, vol. 4, Angleterre, John Wiley & Sons, , 239 p. (ISBN 0-471-98369-1)
  4. (en) Robert H. Perry et Donald W. Green, Perry's Chemical Engineers' Handbook, États-Unis, McGraw-Hill, , 7e éd., 2400 p. (ISBN 0-07-049841-5), p. 2-50
  5. (en) « Properties of Various Gases », sur flexwareinc.com (consulté le )
  6. (en) Carl L. Yaws, Handbook of Thermodynamic Diagrams : Organic Compounds C8 to C28, vol. 1, Huston, Texas, Gulf Pub. Co., , 396 p. (ISBN 0-88415-857-8)
  7. (en) David R. Lide, Handbook of chemistry and physics, Boca Raton, CRC, , 89e éd., 2736 p. (ISBN 978-1-4200-6679-1), p. 10-205
  8. « Sulfure de diméthyle » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 23 avril 2009
  9. Entrée du numéro CAS « 75-18-3 » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 27 novembre 2008 (JavaScript nécessaire)
  10. (en) « Dimethyl sulfide », sur hazmap.nlm.nih.gov (consulté le )
  11. (en) F.L. Suarez, J. Springfield, M.D. Levitt, « Identification of gases responsible for the odour of human flatus and evaluation of a device purported to reduce this odour », Gut, vol. 43, no 1, , p. 100-104
  12. (en) Simpson, David ; Winiwarter, Wilfried ; Börjesson, Gunnar ; Cinderby, Steve ; Ferreiro, Antonio ; Guenther, Alex ; Hewitt, C. Nicholas ; Janson, Robert ; Khalil, M. Aslam K. ; Owen, Susan ; Pierce, Tom E. ; Puxbaum, Hans ; Shearer, Martha ; Skiba, Ute ; Steinbrecher, Rainer ; Tarrasón, Leonor ; Öquist, Mats G., « Inventorying emissions from nature in Europe », Journal of Geophysical Research, vol. 104, no D7, , p. 8113–8152 (DOI 10.1029/98JD02747)
  13. (en) Glindemann, D., Novak, J., Witherspoon, J., « Dimethyl Sulfoxide (DMSO) Waste Residues and Municipal Waste Water Odor by Dimethyl Sulfide (DMS): the North-East WPCP Plant of Philadelphia », Environmental Science and Technology, vol. 40, no 1, , p. 202–207 (DOI 10.1021/es051312a S0013-936X(05)01312-X)
  14. (en) Jennifer L. Eigenbrode, Roger E. Summons, Andrew Steele, Caroline Freissinet, Maëva Millan, Rafael Navarro-González, Brad Sutter, Amy C. McAdam, Heather B. Franz, Daniel P. Glavin, Paul D. Archer Jr., Paul R. Mahaffy, Pamela G. Conrad, Joel A. Hurowitz, John P. Grotzinger, Sanjeev Gupta, Doug W. Ming, Dawn Y. Sumner, Cyril Szopa, Charles Malespin, Arnaud Buch et Patrice Coll, « Organic matter preserved in 3-billion-year-old mudstones at Gale crater, Mars », Science, vol. 360, no 6393, , p. 1096-1101 (PMID 29880683, DOI 10.1126/science.aas9185, Bibcode 2018Sci...360.1096E, lire en ligne)
  15. (en) Paul Voosen, « NASA rover hits organic pay dirt on Mars », sur http://www.sciencemag.org/, (consulté le ).
  16. (en) Lucas, D.D. ; Prinn, R.G., « Parametric sensitivity and uncertainty analysis of dimethylsulfide oxidation in the clear-sky remote marine boundary layer », Atmospheric Chemistry and Physics, vol. 5, , p. 1505–1525
  17. Suhre, K. (1994), Modélisation couplée du transport et de la chimie du diméthyl de soufre dans la couche limite marine nuageuse. Impact climatique et étude de processus, thèse de doctorat, 220 p., 108 réf. bibl. (résumé)
  18. (en) Malin, G. ; Turner, S.M. ; Liss, P.S., « Sulfur: The plankton/climate connection », Journal of Phycology, vol. 28, no 5, , p. 590–597
  19. (en) Thomas H. Parliment, Michael G. Kolor et Il Y. Maing, « Identification of the major volatile components of cooked beets », J. Food Science, vol. 42, no 6, p. 1592-1593, novembre 1977, DOI:10.1111/j.1365-2621.1977.tb08434.x (résumé)
  20. « http://www.springerlink.com.libproxy.tkk.fi/content/djbrepd4mjpjqgwn/ »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le )
  21. (en) Université d'East Anglia, « Cloning the smell of the seaside » (communiqué de presse), 2 février 2007

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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