Dimension homologique

En algèbre, la dimension homologique d'un anneau R diffère en général de sa dimension de Krull et se définit à partir des résolutions projectives ou injectives des R-modules. On définit également la dimension faible à partir des résolutions plates des R-modules. La dimension de Krull (respectivement homologique, faible) de R peut être vue comme une mesure de l'éloignement de cet anneau par rapport à la classe des anneaux artiniens (resp. semi-simples, réguliers au sens de von Neumann (en)), cette dimension étant nulle si, et seulement si R est artinien (resp. semi-simple, régulier au sens de von Neumann). Dans le cas d'un anneau commutatif noethérien R, ces trois dimensions coïncident si R est régulier, en particulier si sa dimension homologique est finie[1],[2].

Résolutions

  • Soit un R-module. La suite exacteest appelée une résolution gauche de . Si pour tout , le module est projectif (respectivement plat, libre), cette résolution est dite projective (resp. plate, libre). Si et pour tout , cette résolution est dite de longueur . S'il n'existe pas de tel entier , cette résolution est dite de longueur infinie.
  • La suite exacteest appelée une résolution droite de . Si pour tout , le module est injectif, cette résolution est dite injective. On définit comme plus haut la longueur d'une résolution injective.
  • Tout R-module admet des résolutions libres, et donc des résolutions projectives et plates. Tout R-module admet également des résolutions injectives[3].

Dimensions d'un module

  • Dans ce qui suit, et l'on prend pour convention que pour tout , , et .
  • Soit un R-module à gauche. Sa dimension projective (resp. injective, plate), notée (resp. [4]) est la borne inférieure dans des longueurs des résolutions projectives (resp. injectives, plates) de .
  • On a .
  • Pour que soit projectif (resp. injectif, plat) il faut et il suffit que (resp. ).

Dimensions d'un anneau

Nous ne revenons pas ici sur la dimension de Krull.

Dimension homologique

  • Soit la catégorie des R-modules à gauche. Les quantités suivantes sont égales[5] :
  • Leur valeur commune est appelée la dimension globale à gauche de R et est notée dans ce qui suit . Cette quantité est la borne supérieure dans des quantités pour lesquelles il existe deux R-modules à gauche et tels que (voir l'article Foncteur dérivé)[6].

On définit de même la dimension globale à droite de R, notée dans ce qui suit .

  • Lorsque = (c'est évidemment le cas lorsque R est commutatif), leur valeur commune est appelée la dimension globale de R et est notée [7].
  • La notion de dimension globale s'étend au cas d'une catégorie abélienne quelconque de sorte que, si (resp. ), cette dimension coïncide avec la quantité (resp. ) définie plus haut[8].

Dimension faible

Les quantités suivantes sont égales[9] :

Leur valeur commune est appelée la dimension globale faible de R, notée dans ce qui suit[10]. Cette quantité est la borne supérieure dans des quantités pour lesquelles il existe un R-module à droite et un module à gauche tels que (voir l'article Foncteur dérivé).

Propriétés

  • On a .
  • On a avec égalité si R est noethérien à gauche.
  • Si R est noethérien, on a .
  • Soit un anneau commutatif ; alors (théorème des syzygies de Hilbert). Par conséquent, si est un corps commutatif (ou, plus généralement, un anneau commutatif semi-simple), [11].
  • Soit R un anneau commutatif, un ensemble multiplicatif ne contenant pas de diviseurs de zéro et le localisé . On a et [12].
  • Un anneau d'Ore R est un anneau de Dedekind qui n'est pas un corps si, et seulement si [5]
  • Un anneau commutatif intègre R est un anneau de Prüfer (en) si, et seulement si [13].
  • Un anneau de Bézout commutatif R qui n'est pas principal est un anneau de Prüfer[14], et vérifie donc . En revanche, il n'est pas noethérien, donc n'est pas un anneau de Dedekind, et par suite .

Anneaux réguliers

  • Un anneau R est dit régulier à gauche si tout R-module à gauche de type fini admet une résolution finie. On définit de même un anneau régulier à droite, et un anneau est dit régulier[15] s'il est régulier à gauche et à droite[16],[17].
  • Si , R est évidemment régulier à gauche, mais Nagata a donné en 1962 l'exemple d'un anneau commutatif régulier noethérien de dimension globale infinie[18].
  • Si R est un anneau commutatif régulier, alors tout localisé de R est régulier. Si R est régulier et noethérien, alors il en va de même de [19].
  • Soit R un anneau de Bézout à gauche. Tout R-module à gauche de type fini est de présentation finie, donc R est régulier à gauche[20].

Notes et références

Notes

  1. McConnell et Robson 2001, 7.1.9 ; Lam 1999, (5.94), (5.95).
  2. La dimension de Goldie, également appelée dimension uniforme, qui a une signification tout à fait différente, n'est pas traitée ici. Voir par exemple McConnell et Robson 2001, §2.2.
  3. Rotman 2009, Prop. 6.2 et 6.4.
  4. Le de peut être la première lettre du mot anglais flat ou du mot français faible.
  5. McConnell et Robson 2001, 7.1.8.
  6. C'est ce que Bourbaki 2007 (§8.3), qui ne considère que des modules à gauche, appelle la dimension homologique de l'anneau R, et note . Il ne définit pas la dimension homologique faible.
  7. McConnell et Robson 2001, 7.1.11. Notation anglaise: pour la dimension globale à gauche, pour la dimension globale à droite, pour la dimension globale.
  8. Mitchell 1965. Il n'est pas nécessaire de supposer que ait « suffisamment de projectifs » ou « suffisamment d'injectifs ».
  9. McConnell et Robson 2001, §7.1.
  10. Notation anglaise : .
  11. Bourbaki 2007, §8, Thm. 1.
  12. McConnell et Robson 2001, §7.4. Résultat semblable dans le cas non commutatif en introduisant la notion d'ensemble dénominateur.
  13. Rotman 2009, Example 8.20.
  14. Rotman 2009, §4.4.
  15. À ne pas confondre avec un anneau de von Neumann régulier.
  16. McConnell et Robson 2001, 7.7.1.
  17. Lam 1999, p. 201, exige, avec d'autres auteurs, que, de plus, R soit noethérien à gauche.
  18. Lam 1999, (5.94) ; Nagata 1962, Appendix.
  19. McConnell et Robson 2001, 7.7.3, 7.7.5. Des extensions au cas non commutatif des propriétés énoncées ici sont données dans ces références.
  20. Ceci n'est bien sûr exact que si l'on n'exige pas la propriété noethérienne dans la définition de la régularité.

Références

  • N. Bourbaki, Algèbre, Chapitre 10 : Algèbre homologique, Springer, , 216 p. (ISBN 978-3-540-34492-6 et 3-540-34492-6)
  • N. Bourbaki, Algèbre commutative, chapitres 1 à 4, Springer, , 356 p. (ISBN 3-540-33937-X)
  • (en) Paul Moritz Cohn, Free Rings and their Relations (2nd ed.), London/Orlando/San Diego etc., Academic Press Press, , 588 p. (ISBN 0-12-179152-1)
  • (en) Tsit Yuen Lam, Lectures on Modules and Rings, New York/Berlin/Heidelberg, Springer, , 557 p. (ISBN 0-387-98428-3)
  • (en) John C. McConnell et James C. Robson, Noncommutative Noetherian Rings, American Mathematical Society, , 636 p. (ISBN 0-8218-2169-5, lire en ligne)
  • (en) Masayoshi Nagata, Local Rings, Interscience, , 234 p. (ISBN 0-470-62865-0)
  • (en) Barry Mitchell, Theory of Categories, New York/London, Academic Press, , 273 p. (ISBN 0-12-499250-1)
  • (en) Joseph J. Rotman, An Introduction to Homological Algebra, Springer, , 2e éd., 710 p. (ISBN 978-0-387-24527-0 et 0-387-24527-8)
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