Doctrine Primakov

La doctrine Primakov est une doctrine géopolitique russe élaborée dans les années 1990. Elle tire son nom du ministre des Affaires étrangères russe Ievgueni Primakov de 1996 à 1998. La « doctrine Primakov » s'articule autour de trois idées forces : premièrement, la Russie ne peut être réduite à une puissance européenne moyenne, deuxièmement le monde post-guerre froide sera multipolaire et non pas dominé par les seuls États-Unis, et en troisième lieu la Russie a un droit de regard privilégié sur les anciennes RSS qualifiées d'« étranger proche ».

Contexte

Caractéristiques de la doctrine Primakov

La doctrine Primakov consiste à conduire une diplomatie triangulaire en nouant des liens forts avec Pékin de manière à retrouver des marges de manœuvre dans les relations avec Washington et les Européens, dans une période d'unilatéralisme américain où les Russes manœuvrent moins aisément leur influence économique, politique, énergétique et commerciale[1] et jouent sur les différends entre les États-Unis et l’Union européenne afin de renforcer leurs propres positions[1].

Le « partenariat stratégique » est noué avec la Chine dès avril 1996 par Boris Eltsine. Il s'agit donc de rendre le monde multipolaire en développant les relations avec les pays d’Europe occidentale qui souhaitent être complètement indépendants des États-Unis, mais aussi de se tourner vers la Chine et l'Inde[2]. Malgré tout, aucune vraie politique commune n’a été mise en place pendant cette période entre la Russie et ses voisins asiatiques[1]. Pour Primakov, la Russie devait avoir une politique indépendante à l’égard de l'Irak, de l’Iran et de la Yougoslavie[2].

La doctrine Primakov donne la priorité à l’intérêt national russe[1] et n'accepte pas de voir la Russie être le jouet de la politique des États-Unis et du bloc occidental hérité de la Guerre froide[2], tout en évitant les tensions et la confrontation. Ievgueni Primakov voulait « prendre une position très négative à l’égard d’une extension de l’OTAN aux anciens pays du Pacte de Varsovie et faire de l’Alliance atlantique – qui n’englobe tout de même pas toute l’humanité– l’un des axes, parmi d’autres, du nouveau système mondial[2],[3] ». La doctrine Primakov est un changement de paradigme géopolitique, qui vise avant tout les États-Unis et l'Europe occidentale, et ne se met en place que lentement en raison de la faiblesse persistante de l'économie russe. En France, l'orientation de la politique étrangère menée par Jacques Chirac très favorable au renforcement des liens avec la Russie, maintient les relations franco-russes à un haut niveau de cordialité et même de convergence sur la plupart des dossiers. Ainsi Chirac soutient la réélection de Boris Eltsine en 1996.

Ievgueni Primakov considère que les efforts d'apaisement et de rapprochement avec l'ancien adversaire (les États-Unis) n'ont pas permis de récolter les fruits escomptés. Il privilégie donc les intérêts nationaux de la Russie et se positionne contre l'« unilatéralisme » américain (ce qui lui vaut une grande popularité en Russie). De manière générale, une ligne plus distante s'établit entre Moscou et Washington. Dans ce cadre, l'avancée de l'OTAN dans l'espace d'influence autrefois inféodé à Moscou, comme les pays baltes, est perçue comme une sorte de fer de lance anti-russe.

Enfin, Primakov souhaite intégrer la Russie dans la mondialisation, sortir son pays de l'isolement économique[2].

Résultats

La mise en œuvre de la doctrine Primakov a été limitée : elle a pourtant été le fondement de la politique extérieure russe pendant le second mandat de Boris Eltsine, alors que Primakov était le Premier ministre à partir de septembre 1998[2]. Selon Vyacheslav Nikonov, « C’est dans le domaine de l’intégration qu’elle a obtenu ses meilleurs résultats, même s’ils ont été limités. »[2] Sous le mandat de Primakov, le G7 a intégré la Russie pour devenir le G8, la Russie est entrée dans les clubs de Paris et de Londres. Enfin, le Traité de partenariat et de coopération avec l’Union européenne a été ratifié. Mais la « doctrine Primakov » s'est heurtée à l’élargissement de l’OTAN, à la crise irakienne de 1997-1998, ainsi qu'au conflit contre la Yougoslavie. Pour chacun des ces trois événements géopolitiques, Moscou a du reculer et accepter des compensations symboliques[2]. Ainsi l'Union européenne a proposé de négocier avec la Russie dans le cadre du Conseil consultatif. Le 27 mai 1997, lors du sommet de l'OTAN à Paris, la France, l'OTAN et la Russie ont signé l'acte fondateur sur les relations mutuelles, la coopération et la sécurité[4],[5].

Références

  1. Elena Morenkova Perrier, Les principes fondamentaux de la pensée stratégique russe, Paris, Laboratoire de l'IRSEM n°22, 48 p. (ISBN 9782111385979), p. 20
  2. Vyacheslav Nikonov, « La Russie et l'Occident : des illusions au désenchantement », Critique internationale, 2001/3 (n°12), pages 175 à 191 (lire en ligne)
  3. Evgueni Primakov, Gody v bolchoï politike[Des années dans la haute politique], Moscou, Soverchenno sekretno, , p. 215
  4. NATO, « NATO - Official text: Founding Act on Mutual Relations, Cooperation and Security between NATO and the Russian Federation signed in Paris, France, 27-May.-1997 », sur NATO (consulté le )
  5. NATO chief asks for Russian help in Afghanistan Reuters Retrieved on 9 March 2010
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